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Innocuité cardiovasculaire de l’inhibition de la cyclo-oxygénase dans les arthropathies : données récentes du programme MEDAL

Le présent compte rendu est fondé sur des données médicales présentées lors d'un congrès de médecine reconnu ou publiées dans une revue avec comité de lecture ou dans un commentaire signé par un professionnel de la santé reconnu. La matière abordée dans ce compte rendu s'adresse uniquement aux professionnels de la santé reconnus du Canada.

La 70e Assemblée annuelle de l’American College of Rheumatology

Washington, DC / 10-15 novembre 2006

Depuis deux ans, les médecins s’inquiètent – avec raison – de l’innocuité cardiovasculaire (CV) des inhibiteurs de la cyclo-oxygénase 2 (COX-2) utilisés pour le traitement de la douleur chronique et de l’inflammation associées aux arthropathies comme l’arthrose et la polyarthrite rhumatoïde (PR). Une étude qui a fait couler beaucoup d’encre – qui avait été présentée au congrès de 2004 de l’American College of Rheumatology (ACR) avant d’être publiée en 2005 – avait établi un lien entre le rofécoxib, inhibiteur de la COX-2, et un risque accru de maladie CV. Peu de temps après la publication des résultats, cet agent a été retiré du marché dans le monde entier, et la résultante a été un effet modérateur sur l’utilisation des autres agents de la même classe.

Résultats du programme MEDAL

Les auteurs du programme MEDAL (Multinational Etoricoxib and Diclofenac Arthritis Long-Term) – dont les résultats viennent d’être présentés simultanément au congrès de 2006 de l’ACR à Washington, DC, et au congrès de 2006 de l’American Heart Association (AHA) à Chicago, Illinois – ont constaté des taux faibles et rassurants d’effets indésirables CV et gastro-intestinaux (GI) lorsqu’ils ont comparé l’étoricoxib au diclofénac, AINS. En parallèle, l’étude a été publiée dans The Lancet (Cannon et al. Lancet 2006;368[9549]:1771-81).

Lors du programme MEDAL, les chercheurs ont analysé les données colligées de trois essais portant au total sur 34 701 patients qui, après randomisation, avaient reçu l’étoricoxib ou le diclofénac. Parmi ces patients, 24 913 souffraient d’arthrose et 9787, de PR. Les patients du groupe inhibiteur de la COX-2 étaient randomisés une seconde fois de façon à recevoir une dose de 60 mg/jour ou de 90 mg/jour, alors que tous les patients du groupe AINS recevaient la dose de 150 mg/jour.

Les chercheurs visaient principalement à évaluer l’incidence des événements CV thrombotiques dans le contexte d’une étude de non-infériorité qui avait été conçue pour déterminer si l’agent à l’étude, l’étoricoxib, était équivalent ou «non inférieur» à l’agent de comparaison, le diclofénac. La limite supérieure avait été fixée à <1,30 pour le taux de risque (HR, pour hazard ratio) d’événements CV thrombotiques dans l’analyse portant sur tous les sujets ayant terminé l’étude. Les patients ont été traités en moyenne pendant 18 mois.

Effets indésirables

Au cours de l’étude, des événements CV thrombotiques sont survenus chez 320 patients du groupe inhibiteur de la COX-2 et chez 323 patients du groupe AINS, ce qui revient à un taux de 1,24 pour 100 années-patients dans le premier groupe et de 1,30 pour 100 années-patients dans le deuxième, et à un HR de 0,95 en faveur de l’étoricoxib. Les manifestations cliniques touchant le haut appareil digestif – comme les perforations, les saignements, les occlusions et les ulcères – sont survenues au taux de 0,67 pour 100 années-patients dans le groupe inhibiteur de la COX-2 et de 0,97 pour 100 années-patients dans le groupe AINS, pour un HR de 0,69. Cela dit, les deux groupes de traitement ont eu des taux similaires d’effets indésirables sur le haut appareil digestif avec complications : 0,30 pour 100 années-patients pour l’étoricoxib vs 0,32 pour le diclofénac.

«Nos résultats ont montré que, dans le traitement des arthropathies, les taux d’événements CV thrombotiques étaient presque identiques dans le groupe étoricoxib, AINS qui inhibe sélectivement la COX-2, et le groupe diclofénac, AINS traditionnel», rapportent les auteurs. Ceux-ci encouragent les rhumatologues à se servir de l’information de façon judicieuse et à tenir compte des antécédents médicaux et familiaux de leurs patients lorsqu’ils prescrivent un anti-arthritique. «Dans la pratique clinique, le choix d’un anti-inflammatoire doit tenir compte du risque d’événement CV thrombotique et GI et de la présence d’une insuffisance cardiaque congestive et d’autres effets rénovasculaires, ainsi que de l’efficacité.» Ils soulignent par ailleurs que certains événements rénovasculaires, comme l’insuffisance cardiaque congestive, et les abandons pour cause d’hypertension étaient plus fréquents dans le groupe étoricoxib.

«Les inhibiteurs de la COX-2 n’augmentent pas le risque CV par comparaison aux AINS traditionnels», souligne le co-auteur, le Dr Loren A. Laine, professeur titulaire de médecine, département de gastro-entérologie, University of Southern California Keck School of Medicine, et chef de la gastro-entérologie, Los Angeles County and University of Southern California Medical Center. «Les résultats montrent l’importance de stratifier les patients en fonction du risque afin de les traiter en toute sécurité et efficacement.» Par exemple, les patients qui ont déjà eu un événement GI clinique sont exposés à un risque élevé d’événement subséquent et les patients souffrant d’une maladie CV avérée sont exposés au risque d’événement CV. S’il tient compte de ces risques chez son patient et individualise le traitement, le médecin sera en meilleure position pour traiter son arthropathie efficacement et réduire au minimum le risque d’effets indésirables, poursuit-il.

Perspective canadienne

«Les résultats devraient être utiles pour les rhumatologues du Canada», fait valoir le Dr Alfred Cividino, professeur agrégé de clinique en médecine, McMaster University, Hamilton, Ontario. «Cette étude comparative sur un inhibiteur de la COX-2 est la plus vaste jamais réalisée pour évaluer l’effet du traitement sur les paramètres CV. L’étude n’a fait ressortir aucune différence entre les deux groupes au chapitre de l’innocuité CV, plus précisément des événements CV thrombotiques, mais elle a objectivé une incidence plus faible d’événements GI que dans le groupe diclofénac.»

Les résultats du programme MEDAL contribuent à dissiper les inquiétudes d’abord soulevées en 2004 par le rofécoxib, ajoute-t-il. «Les médecins du Canada craignaient que les résultats ne s’appliquent à l’ensemble des inhibiteurs de la COX-2. Beaucoup d’entre nous se sont de nouveau tournés vers les AINS traditionnels pour le traitement des arthropathies. Avant le programme MEDAL, nous avions des données limitées pour juger de l’innocuité des inhibiteurs de la COX-2. Dans le cadre du programme MEDAL, nous avons recensé 600 événements CV chez plus de 34 000 patients, et l’étoricoxib était semblable au diclofénac quant au risque.» Le Dr Cividino estime néanmoins qu’il est encore trop tôt pour déterminer si ces résultats s’appliquent à l’ensemble de la classe ou s’ils sont spécifiques de l’étoricoxib.

Présentation simultanée des données au congrès de l’AHA

Les résultats du programme MEDAL ont été présentés simultanément au congrès de l’AHA qui se tenait à Chicago. Dans ce contexte, on se demandait surtout si les résultats du programme MEDAL étaient décisifs. Le Dr Christopher P. Cannon, Brigham and Women’s Hospital, Harvard Medical School, Boston, Massachusetts, estime que les données sont plus que rassurantes. À son avis, cette vaste étude multicentrique a réglé une question critique pour les cardiologues, les rhumatologues et d’autres médecins qui essaient de bien soupeser les risques et les bienfaits des traitements d’usage courant.

«Cette étude visait à répondre à une question fondamentale sur cette classe : La sélectivité accrue d’un inhibiteur de la COX-2 se traduit-elle par une incidence accrue d’événements CV thrombotiques par rapport aux AINS traditionnels? La réponse est non», lance le Dr Cannon. De nombreuses caractéristiques du programme MEDAL étayent cette conclusion. Plus précisément, l’étoricoxib inhibe la COX-2 de manière très sélective, alors que le diclofénac, contrairement à de nombreux autres AINS non sélectifs comme le naproxen, n’exerce pas d’effet soutenu sur les plaquettes. Le diclofénac était un choix logique pour la comparaison, car c’est l’AINS le plus prescrit au monde.

«Nous avons aussi exploré d’autres événements, comme des manifestations angiopathiques et d’autres manifestations courantes, ainsi que la mortalité CV et les AVC, qui sont des paramètres usuels, et les résultats étaient identiques. Les chiffres sont solides : près de 430 événements ont été dénombrés dans les deux groupes, et ce paramètre majeur n’a pas différé d’un groupe à l’autre au fil des trois années de suivi», rapporte le Dr Cannon.

Dans un commentaire qu’il a signé immédiatement après la présentation des données au congrès de l’AHA, le Dr Robert Califf, Duke University Medical Center, Durham, Caroline du Nord, a confirmé que l’étude peut être considérée comme «plutôt décisive quant à la comparaison directe effectuée». Plusieurs caractéristiques du plan de l’étude confèrent une certaine autorité à cette dernière. Fait encore plus important, l’analyse réalisée par un comité indépendant a permis de jeter «un regard neuf» sur les données. En outre, le Dr Califf a été impressionné par le nombre élevé d’événements CV qui a permis de comparer les deux agents. À son avis, le nombre d’événements est une variable de loin plus importante que le nombre de patients ou la durée du suivi lorsqu’on compare l’effet protecteur relatif de deux stratégies. En confirmant la protection au sein d’une population dont le risque élevé d’événement est établi, cette étude fournit des données critiques «qui nous orientent sur la façon d’informer les patients et leur médecin des choix qui s’offrent à eux», observe-t-il.

Les Drs Cannon et Califf préviennent toutefois que plusieurs questions importantes demeurent sur l’innocuité CV relative des AINS, y compris les risques et les bienfaits relatifs d’AINS comme le naproxen qui agissent sur les plaquettes. Cela dit, le Dr Califf est d’accord avec le Dr Cannon pour conclure que le programme MEDAL répond à la question à laquelle il devait répondre. Il a félicité les chercheurs de MEDAL d’avoir démontré non seulement que l’étoricoxib offre une innocuité CV au moins comparable à celle du diclofénac, mais aussi qu’il offre un soulagement comparable de la douleur et qu’il est associé à un taux plus faible d’événements GI.

Référence : Christopher P Cannon, Sean P Curtis, Garret A FitzGerald, Henry Krum, Amarjot Kaur, James A Bolognese, Alise S Reicin, Claire Bombardier, Michael E Weinblatt, Désirée van der Heijde, Erland Erdmann, Loren Laine, for the MEDAL Steering Committee. Cardiovascular outcomes with etoricoxib and diclofenac in patients with osteoarthritis and rheumatoid arthritis in the Multinational Etoricoxib and Diclofenac Arthritis Long-term (MEDAL) programme: a randomised comparison. Lancet 2006;368(9549):1771-81.

Nota : Au moment où le présent article a été mis sous presse, l’étoricoxib n’était pas commercialisé au Canada.

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