Comptes rendus

Atteinte de cibles lipidiques ambitieuses en présence d’un risque cardiovasculaire élevé
Le traitement anticoagulant optimal en présence d’un syndrome coronarien aigu en pleine mutation

Nouvelles perspectives sur l’inhibition de mTOR dans l’adénocarcinome rénal avancé

Le présent compte rendu est fondé sur des données médicales présentées lors d'un congrès de médecine reconnu ou publiées dans une revue avec comité de lecture ou dans un commentaire signé par un professionnel de la santé reconnu. La matière abordée dans ce compte rendu s'adresse uniquement aux professionnels de la santé reconnus du Canada.

PRESSE PRIORITAIRE - La 15e Conférence européenne sur le cancer et le 34e Congrès multidisciplinaire de l’ESMO

Berlin, Allemagne / 20-24 septembre 2009

Les principaux facteurs de croissance intervenant dans la pathogenèse de l’adénocarcinome rénal (ACR) sont le facteur de croissance de l’endothélium (VEGF) et le facteur de croissance d’origine plaquettaire (PDGF). Comme l’explique le Dr Bernard Escudier, chef de l’Immunologie, Institut Gustave-Roussy, Villejuif, France, plusieurs agents antiangiogéniques, dont les inhibiteurs des tyrosine kinases (ITK), ciblent les récepteurs VEGF et le récepteur PDGF, lesquels, croit-on, sont importants pour le maintien et la survie des vaisseaux sanguins néoformés. En aval du VEGF se trouve une enzyme, mTOR, relais essentiel du message angiogénique. «Les inhibiteurs de mTOR, soit le temsirolimus et l’everolimus, se lient à mTOR dans la cellule et en inhibent l’activité, freinant du coup la croissance, la prolifération, le métabolisme et la survie cellulaires. C’est donc une cible de choix dans l’ACR», affirme le Dr Escudier.

Lors de l’essai pivot de phase III dans lequel on a comparé le temsirolimus à l’interféron alpha (IFNa) chez des patients atteints d’un ACR avec métastases, la médiane de la survie sans progression (SSP) a été de 5,5 mois sous inhibiteur de mTOR contre 3,1 mois sous IFNa (p<0,001). Quant à la médiane de la survie globale (SG), elle s’est chiffrée à 10,9 mois contre 7,3 mois dans chacun de ces groupes (p=0,008), ce qui correspond à une prolongation de 49 % de la SG en faveur du groupe traité par l’inhibiteur de mTOR (Hudes et al. N Engl J Med 2007;356:2271-81). Dès lors, le temsirolimus est aujourd’hui recommandé, au Canada, en traitement de première intention de l’ACR métastatique de mauvais pronostic. Aux États-Unis, l’emploi de l’everolimus, autre inhibiteur de mTOR, est indiqué dans l’ACR avancé ayant progressé pendant ou après un traitement dirigé contre le VEGF.

Prise en charge des effets indésirables

L’arsenal thérapeutique à déployer en cas d’ACR métastatique s’est considérablement élargi depuis une dizaine d’années, mais les médecins cherchent encore à maximiser la réponse tout en réduisant au minimum les effets toxiques des médicaments. Les principales manifestations indésirables observées lors des essais cliniques sur le temsirolimus ont été l’asthénie, la fatigue, la dyspnée, les éruptions cutanées, l’œdème de la face et l’œdème périphérique, la mucosite et les troubles unguéaux. En outre, des anomalies métaboliques, dont la plus remarquable est l’hyperglycémie, peuvent se développer au cours d’un traitement par un inhibiteur de mTOR. En revanche, ces agents sont assez rarement à l’origine d’une hématotoxicité prononcée. Comme le souligne le Dr Escudier, il s’agit là, essentiellement, d’effets de classe auxquels on doit s’attendre et remédier sans délai s’ils se manifestent.

Si on envisage le recours à un inhibiteur de mTOR, prévient Mme Clementine Molin, infirmière en oncologie, hôpital universitaire Karolinska, Stockholm, Suède, il faut s’assurer que le patient peut recevoir un traitement intraveineux (i.v.) par voie périphérique; en effet, l’installation d’un cathéter i.v. central s’impose dans bien des cas. On recommande l’utilisation d’un filtre intégré et d’une pompe à perfusion. «Parmi les effets indésirables importants [pouvant survenir pendant la perfusion], notons une réaction d’hypersensibilité, habituellement de grade 1 ou 2», souligne Mme Molin. On doit donc prévenir le patient que les effets ci-après peuvent se produire en cours de perfusion : bouffée vasomotrice ou sensation de chaleur, céphalée, douleur thoracique, toux, dyspnée ou éruption cutanée. On doit préparer le matériel nécessaire à la prise en charge urgente d’une réaction sévère et administrer au patient un antihistaminique (de 25 à 50 mg de diphenhydramine) à titre prophylactique 30 minutes avant la perfusion de temsirolimus.

Mme Molin rappelle aussi que l’asthénie et la fatigue peuvent être causées tant par la maladie que par le traitement. Afin d’atténuer ces manifestations, le patient doit se reposer, boire beaucoup et manger suffisamment, quitte à suppléer à un apport calorique déficient par une alimentation entérale. En cas de nausées ou de dysgueusie, il peut être préférable de manger peu, mais plus souvent. Enfin, on doit surveiller le taux d’hémoglobine (Hb) tout au long du traitement et remédier à une éventuelle anémie.

Comme en conviennent les congressistes, les inhibiteurs de mTOR ne provoquent d’ordinaire que des éruptions cutanées plutôt légères, généralement au niveau du thorax ou du cou. Néanmoins, elles peuvent incommoder les patients; pour tenter de les prévenir ou pour les atténuer, ils peuvent appliquer quotidiennement, dès la première perfusion, un hydratant sans parfum. «Il faut aussi leur parler de la possibilité d’œdème facial ou périphérique», fait-elle remarquer. Cette manifestation pourrait nécessiter une brève corticothérapie.

Les traitements ciblés peuvent également entraîner une mucosite; ici encore, on parle d’un effet de faible grade. Pour la prévenir ou la soulager, le patient pourra éviter les aliments épicés, utiliser un rince-bouche antiseptique (mais non astringent), ou encore un agent topique tel que la lidocaïne ou la xylocaïne. Chez nous, ajoute Mme Molin, nous conseillons aux patients de se rincer la bouche avec une solution contenant du bicarbonate de soude, et certains patients disent ressentir un soulagement lorsqu’ils gardent du lait ou de la crème froide dans la bouche pendant un court moment.

Dans l’essai Global ARCC, 11 % des patients traités par le temsirolimus ont développé une hyperglycémie de grade 3 ou 4. On doit donc surveiller la glycémie tout au long du traitement et prescrire un hypoglycémiant si elle s’élève trop.

La prise d’un inhibiteur de mTOR peut également provoquer une augmentation des taux lipidiques. Même si, en théorie, l’hypercholestérolémie n’est pas une priorité en présence d’un cancer métastatique, il reste que les taux subissent une hausse vertigineuse chez certains patients sous inhibiteur de mTOR et qu’un traitement est incontournable en pareil cas. «En règle générale, on arrive à maîtriser les effets indésirables du temsirolimus soit par un traitement médicamenteux, soit par des mesures d’appoint», fait observer Mme Molin. Comme le temsirolimus est administré une fois par semaine, conclut-elle, l’infirmière en oncologie devient la principale personne-ressource du patient pendant son traitement.

Évaluation de la qualité de vie

Selon une analyse de la qualité de vie (QDV), les effets indésirables de l’IFNa sont plus difficiles à tolérer que ceux des inhibiteurs de mTOR. C’est ce qu’affirme le Dr Joseph Purvis, chercheur clinicien, Collegeville, Pennsylvanie, indiquant que 270 patients sur les 416 sujets randomisés lors de l’essai comparatif temsirolimus-IFNa ont pu être soumis à une évaluation de la QDV selon l’échelle EQ5D. Le score EQ5D rend compte tant des manifestations provoquées par le traitement que des symptômes causés par la maladie, car les uns et les autres influent sur la QDV. Pour être inclus dans l’analyse, les patients devaient avoir été l’objet d’une évaluation EQ5D en début d’étude, à 12 semaines puis à la toute dernière visite, passé la 12e semaine. On a recensé au moins trois facteurs pronostiques défavorables chez environ 95 % des sujets, et le score EQ5D moyen de départ se situait à 0,62.

Après la prise en compte des covariables de départ, l’analyse a révélé une moyenne par moindres carrés de 0,492 dans le groupe IFNa vs 0,590 dans le groupe inhibiteur de mTOR pour le score EQ5D calculé pendant le traitement; cet écart est jugé significatif sur le plan tant clinique que statistique (p=0,0022).

«Nous savions que le temsirolimus prolongeait la survie et la SSP par rapport à l’IFNa dans cette population. Ce que nous ne savions pas, c’est si cet avantage était obtenu au prix d’une toxicité accrue», précise le Dr Purvis. Or, selon le score EQ5D, les sujets traités par l’inhibiteur de mTOR ont eu une QDV nettement supérieure à celle des sujets traités par la cytokine.

De leur côté, Rajagopalan et ses collaborateurs se sont livrés à une analyse connexe, restreinte aux sujets de l’essai Global ARCC qui ont dû être hospitalisés pour cause d’effet indésirable. On a enregistré 144 hospitalisations de cette nature pendant l’essai : 80 dans le groupe IFNa et 64 dans le groupe inhibiteur de mTOR. Le risque d’hospitalisation pour cause d’effet indésirable a donc été 44 % moins élevé chez les patients traités par l’inhibiteur de mTOR (p=0,0005). En outre, l’intervalle moyen avant la première hospitalisation a été nettement plus long dans le groupe inhibiteur de mTOR que dans le groupe IFNa (97,6 jours vs 48,4 jours). On n’a pas pu calculer l’intervalle médian avant la première hospitalisation dans le groupe sous inhibiteur de mTOR, font observer les chercheurs, puisque plus de 50 % des sujets n’ont pas été hospitalisés pendant la période considérée. Dans le groupe sous cytokine, par contre, l’intervalle médian avant la première hospitalisation a été de 266 jours.

Résumé

Les agents ciblés, tels que les ITK et les inhibiteurs de mTOR, ont complètement changé la donne pour les patients atteints d’un ACR métastatique, tant au chapitre du taux de réponse global que de la SSP et de la SG. Néanmoins, il est du devoir du médecin de bien comprendre les effets délétères possibles de ces agents et de s’employer à les réduire au minimum. Mieux on connaîtra ces nouveaux agents, mieux on sera en mesure non seulement de prolonger la vie des patients atteints d’un ACR métastatique, mais également de leur assurer une QDV supérieure à celle qu’ils pouvaient espérer pendant un traitement à base de cytokine. Voilà deux avantages qui valent leur pesant d’or pour un patient atteint d’un cancer métastatique.

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