Comptes rendus

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Atteinte de cibles lipidiques ambitieuses en présence d’un risque cardiovasculaire élevé

Le présent compte rendu est fondé sur des données médicales présentées lors d'un congrès de médecine reconnu ou publiées dans une revue avec comité de lecture ou dans un commentaire signé par un professionnel de la santé reconnu. La matière abordée dans ce compte rendu s'adresse uniquement aux professionnels de la santé reconnus du Canada.

FRONTIÈRES MÉDICALES - 31e Congrès annuel de la Société européenne de cardiologie

Barcelone, Espagne / 29 août-2 septembre 2009

Des chercheurs réunis au congrès affirment qu’on a dénombré près de 350 000 décès d’origine coronarienne de moins aux États-Unis en 2000 qu’en 1980. Selon une étude, 44 % de cette baisse serait attribuable à la modification des facteurs de risque, la diminution des taux de cholestérol et de la tension artérielle (TA) figurant ici en tête de liste (Ford et al. N Engl J Med 2007;356[23]:2388-98) (Tableau 1). Dans un ensemble d’études européennes, soit les études EUROASPIRE I, II et III, on a recueilli des données sur la prévalence des facteurs de risque de 1995 à 2006. «Il y a une bonne et une mauvaise nouvelle : l’obésité et le diabète sont à la hausse, mais les dyslipidémies – qui suscitent une vive inquiétude – sont à la baisse. Cela dit, nous pouvons encore faire mieux», conclut le Dr José Luis Zamorano, Hospital Clínico San Carlos, Madrid, Espagne.

Traitement hypolipidémiant

À l’heure actuelle, la prise en charge des dyslipidémies repose essentiellement sur les statines, grâce auxquelles la baisse des taux lipidiques est beaucoup plus marquée qu’auparavant. Une panoplie d’études de prévention secondaire ont attesté les bénéfices de la diminution des taux de cholestérol, en particulier du C-LDL. En ce qui concerne la prévention primaire, les auteurs d’une vaste méta-analyse portant sur 14 essais avec randomisation et plus de 90 000 patients à risque élevé ont conclu que le bénéfice obtenu découlait, du moins en partie, de la réduction absolue du C-LDL (Baigent et al. Lancet 2005; 366[9493]:1267-78). Bref, bien que la statine puisse en elle-même procurer un bénéfice, il semble clairement avantageux d’abaisser le plus possible le C-LDL. «Plus le taux est bas, mieux c’est», confirme le Dr Zamorano.

«Ces essais ont fait en sorte qu’aujourd’hui, la diminution du taux de C-LDL à l’aide d’une statine en prévention primaire est entériné par des groupes bien en vue et fait partie intégrante de nombreuses lignes directrices», fait observer le Dr Anselm K. Gitt, Herzzentrum, Ludwigshafen, Allemagne. Au Canada, on recommande non seulement l’atteinte d’un taux de C-LDL <2,0 mmol/L, mais également d’un ratio cholestérol total:C-HDL <4,0 mmol/L.

Tableau 1. Diminution de la mortalité CV grâce à la modification des facteurs de risque et au traitement


Recommandations de traitement et pratique clinique

Une fois formulées, les recommandations fondées sur des données probantes doivent être diffusées et enseignées pour qu’elles influent concrètement sur la pratique clinique. Qui plus est, il faut évaluer l’efficacité des lignes directrices dans des conditions réelles. En effet, la population des essais cliniques, triée sur le volet, n’est pas forcément représentative de la clientèle des médecins, sans compter que l’adhésion aux recommandations ou au traitement n’est pas toujours optimale.

«Les registres sont d’une grande utilité pour la collecte de données sur la pratique réelle», estime le Dr Gitt. C’est d’ailleurs grâce à un registre, le Lipid Lowering (2L) Registry, qu’on a évalué, en Allemagne, l’adhésion aux recommandations chez des patients atteints de la maladie coronarienne (MC) ou de la maladie artérielle périphérique (MAP)/du diabète et traités au long cours par une statine. Dans l’ensemble des patients traités en ambulatoire, seulement 27 % des sujets atteints de la MAP/du diabète et 38 % des sujets atteints de la MC sont parvenus aux valeurs cibles. Voilà qui montre, souligne le Dr Gitt, à quel point il est difficile de parvenir aux objectifs de traitement en présence du diabète ou de la MAP. «Il faut en faire davantage pour ces patients, c’est indéniable», conclut-il.

On a constaté, non sans satisfaction, que de nombreux médecins connaissaient les valeurs cibles recommandées; en revanche, une déception pointait à l’horizon, car bon nombre d’entre eux n’étaient pas conscients qu’ils devaient modifier le traitement lorsque leurs patients n’atteignaient pas les objectifs.

Résultats de l’étude GUIDE

On a présenté aux congressistes les résultats de l’étude GUIDE (Guidelines Based on Undertaking for Improvement in Dyslipidemia Related Events) (Teoh et al. Am J Cardiol 2009; 104[6]:798-804). Dans une étude d’observation qui portait sur une cohorte multicentrique constituée de 2577 Canadiens présentant une hypercholestérolémie persistante, on a observé une adhésion supérieure à 90 % aux recommandations pour l’atteinte du taux cible de C-LDL à l’aide de statines. Au dire des auteurs, c’est là un taux «exceptionnel» et «notablement supérieur» au taux d’adhésion aux statines signalé dans de nombreux autres comptes rendus.

Or, le C-LDL est descendu en deçà de 2,0 mmol/L chez 41 % seulement des sujets de cette cohorte, et ce, malgré un traitement en bonne et due forme par des statines et de l’ézétimibe. Qualifiant ces résultats de «déconcertants», l’équipe GUIDE y va de quelques tentatives d’explication : l’adhésion des patients à leur traitement laissait à désirer; certains médecins ne connaissaient pas les cibles préconisées dans les recommandations les plus récentes; les doses de statines n’étaient pas assez élevées; ou encore, on n’a pas tiré pleinement parti des associations médicamenteuses et de la modification des habitudes de vie, faisant éventuellement preuve d’un certain laxisme à cet égard.

Autre hypothèse intéressante : il se pourrait que certains patients ne répondent pas bien aux statines, même fortement dosées. C’est une possibilité à ne pas négliger, note le Dr Michel Farnier, Point Médical, Dijon, France, car les patients qui n’atteignent pas leurs objectifs de traitement sont souvent les personnes exposées à un risque élevé, par exemple les diabétiques. Des facteurs extrinsèques, tels qu’une piètre observance et des traitements concomitants, pourraient être en cause, précise le Dr Farnier.

Des facteurs intrinsèques de nature génétique pourraient également être en cause, poursuit le Dr Farnier, un des plus importants étant l’absorption intestinale du cholestérol. En effet, des études ont montré que l’inhibition de la synthèse du cholestérol par les statines pouvait donner lieu à une hausse compensatoire de l’absorption du cholestérol (van Himbergen et al. J Lipid Res 2009;50[4]:730-9). «D’où l’hypothèse selon laquelle les patients qui répondent mal aux statines en monothérapie pourraient y répondre mieux si on leur associait un inhibiteur de l’absorption du cholestérol», ajoute-t-il.

Résultats d’essais cliniques

On a réalisé plusieurs études sur l’efficacité et l’innocuité de l’ajout d’ézétimibe, inhibiteur de l’absorption du cholestérol, à une statine. L’une d’elles, VYMET, porte sur 1128 patients atteints d’hypercholestérolémie et du syndrome métabolique. Après randomisation, les sujets ont reçu de l’ézétimibe à 10 mg et de la simvastatine à 20 mg, de l’ézétimibe à 10 mg et de la simvastatine à 40 mg ou de l’atorvastatine à 10, 20 ou 40 mg, et les chercheurs ont mesuré la variation, en pourcentage, du taux de C-LDL par rapport à la valeur de départ. Les patients qui recevaient les deux agents étaient plus susceptibles d’atteindre le taux de C-LDL cible. En outre, le traitement d’association a été bien toléré. Dans une autre étude, on a comparé l’efficacité de deux stratégies, à savoir le passage de 40 à 80 mg de la dose d’atorvastatine, ou l’ajout d’ézétimibe à 10 mg à l’atorvastatine à 40 mg, pour l’atteinte des objectifs de traitement chez des sujets à risque élevé de MC. L’analyse principale a révélé une baisse significativement plus marquée du C-LDL par rapport à la valeur de départ chez les sujets sous traitement d’association. Par ailleurs, le Dr Lawrence Leiter, University of Toronto, Ontario, a présenté une sous-analyse qui fait état elle aussi de réductions significatives, cette fois d’autres marqueurs du risque, tels que l’apolipoprotéine B et la protéine C-réactive.

Lors de l’essai IN-PRACTICE, 786 patients atteints d’une maladie cardiovasculaire (MCV), à risque élevé de MCV ou souffrant de diabète, ont reçu aléatoirement l’un des traitements suivants : association ézétimibe-simvastatine à 10-40 mg, atorvastatine à 40 mg ou rosuvastatine à 5-10 mg (conformément à la monographie). Les sujets ont été traités pendant six semaines après un rodage de six semaines par la simvastatine. Dans le groupe sous traitement d’association, 67,5 % des patients ont satisfait au critère d’efficacité principal, soit l’atteinte d’un taux de C-LDL <2,0 mmol/L, contre 36,3 % des sujets sous atorvastatine et 17,4 % des sujets sous rosuvastatine (p<0,001).

Un rodage de six semaines était également prévu dans l’essai IN-CROSS, période pendant laquelle des sujets à risque élevé ont continué de prendre la statine qu’ils utilisaient avant leur recrutement. Les patients n’ayant pas atteint leur objectif au terme du rodage ont été randomisés de façon à recevoir, pendant six semaines, une association ézétimibe-simvastatine à 10-20 mg ou de la rosuvastatine à 10 mg. Le critère principal était ici le pourcentage moyen de variation du C-LDL. Si l’on considère l’ensemble de la population (n=618), la baisse s’est chiffrée à -27,7 % dans le groupe traité par l’association, comparativement à -16,9 % dans le groupe traité par la rosuvastatine (p<u><</u>0,001). Les chercheurs ont également analysé un sous-groupe de sujets atteints d’un diabète de type 2, car «les cibles sont généralement difficiles à atteindre chez ces patients», précise le Dr Farnier. Ils ont fait une constatation intéressante : la différence entre les groupes était plus prononcée lorsque les sujets étaient atteints d’un diabète de type 2 (-30,3 % vs -11,5 %) que lorsqu’ils ne l’étaient pas (-26,5 % vs -18,0 %) (p=0,015 pour l’interaction entre l’effet du traitement et le sous-groupe). «Les patients qui répondent mal aux statines en monothérapie sont les meilleurs candidats au traitement d’association ézétimibe-statine, car c’est en inhibant tant l’absorption que la synthèse du cholestérol qu’on abaisse le plus le C-LDL», conclut le Dr Farnier.

Cibles lipidiques ambitieuses en présence de diabète

Lors du XVe Symposium international sur l’athérosclérose tenu cet été à Boston, Massachusetts, on a discuté d’une autre étude pertinente. L’atteinte difficile des objectifs de traitement chez les diabétiques a motivé la réalisation de l’étude SANDS (Stop Atherosclerosis in Native Diabetics Study), dans laquelle on a comparé une prise en charge énergique vs habituelle de l’hyperlipidémie et de l’hypertension. L’hypothèse de départ était la suivante : la baisse du C-LDL et de la TA en deçà des cibles préconisées dans diverses recommandations, dont celles qui s’appliquent aux États-Unis, pourrait retarder la progression de l’athérosclérose. L’étude a porté sur 499 hommes et femmes autochtones des États-Unis âgés de 40 ans ou plus, atteints d’un diabète de type 2 et n’ayant jamais subi d’événements CV, qui ont été affectés aléatoirement à une prise en charge habituelle ou énergique. Les objectifs de la prise en charge énergique se situaient à 1,8 mmol/L pour le C-LDL, à 2,6 mmol/L pour le C-non HDL et à 115/75 mmHg pour la TA. Pour abaisser les valeurs lipidiques, on a d’abord misé sur la modification des habitudes de vie puis, en cas d’échec, sur une statine. Lorsque la monothérapie par une statine se révélait insuffisante, on lui adjoignait de l’ézétimibe. Une fois la cible atteinte grâce à la statine administrée en monothérapie ou en association avec l’ézétimibe, les chercheurs tentaient d’atteindre la cible fixée pour le C-non HDL en ajoutant du fénofibrate, des acides gras oméga-3 ou de la niacine.

Le critère principal était la variation, par rapport à la valeur de départ, de l’épaisseur intima-média de l’artère carotide commune (EIMC) à 18 et 36 mois. «Bien que la plaque carotidienne ait sans doute une meilleure valeur prédictive, les changements qu’elle subit lors d’une intervention à court terme ne sont pas vraiment visibles à l’échographie externe; c’est pourquoi nous avons retenu l’EIMC comme paramètre», explique le Dr William James Howard, vice-président, Relations universitaires et directeur, Clinique des lipides, Washington Hospital Center, Washington, DC.

Dans le cas du critère principal, l’EIMC a régressé sous l’effet d’une prise en charge énergique et progressé sous l’effet d’une prise en charge habituelle (-0,012 mm vs 0,038 mm). Selon un modèle de régression logistique, la variation du C-LDL et du C-non HDL était prédictive, dans un cas comme dans l’autre, de la diminution de l’EIMC. Les chercheurs se sont également interrogés sur l’influence du traitement ayant permis d’atteindre le taux de C-LDL ambitieux fixé, soit la statine seule ou l’association statine-ézétimibe. On a dû prescrire de l’ézétimibe au tiers environ des patients soumis à une prise en charge énergique; cependant, c’est le traitement énergique jusqu’à l’atteinte des taux cibles qui a fait régresser l’EIMC, celle-ci ayant progressé chez les patients soumis à la prise en charge habituelle.

«L’une des recommandations les plus fermes à retenir de l’étude SANDS est qu’il faut, à tout le moins, amener les patients vers les cibles actuellement admises, et sur ce plan, nous échouons lamentablement chez la plupart des diabétiques», déplore le Dr Howard. Il estime qu’en matière d’essais cliniques, on devrait se concentrer davantage sur l’atteinte des cibles lipidiques et tensionnelles, et moins sur des schémas thérapeutiques particuliers. Retentissement sur les événements majeurs

Les bénéfices au chapitre de l’EIMC et du taux de C-LDL chez les patients à risque élevé tels les diabétiques auront-ils un retentissement sur les événements CV? Voilà une excellente question, qui fait actuellement l’objet de deux vastes essais cliniques.

IMPROVE-IT (Improved Reduction of Outcomes: Vytorin Efficacy International Trial) est un essai à double insu, avec randomisation et traitement de comparaison actif, mené chez des patients ayant subi un syndrome coronarien aigu à risque élevé, mais stabilisé. Son objectif principal est l’évaluation du bénéfice clinique d’une association ézétimibe-simvastatine à 10-40 mg, comparativement à celui de la simvastatine à 40 mg employée seule (dans ce groupe, on peut porter la dose à 80 mg en cas de réponse insuffisante). Le critère principal est le bénéfice clinique, à savoir la réduction du risque de survenue d’un décès d’origine CV, d’événements coronariens majeurs et d’un accident vasculaire cérébral (AVC) (paramètre mixte). Bien que la date de fin d’étude soit fonction de l’efficacité du recrutement, on estime que les résultats devraient sortir d’ici à 2012.

Quant à l’étude de phase III SHARP (Study of Heart and Renal Protection), elle vise à déterminer si la réduction de la cholestérolémie par l’association ézétimibe-simvastatine peut prévenir la maladie cardiaque et l’AVC chez les insuffisants rénaux. Les chercheurs verront également si la baisse du taux de cholestérol peut repousser la dialyse. Les résultats de l’étude SHARP sont attendus en juillet 2010.

Baisse du C-LDL en présence d’un rétrécissement aortique

Nous savons que la baisse du C-LDL est associée à une diminution du risque de MC et d’événement CV majeur. L’équipe de l’étude SEAS (Simvastatin and Ezetimibe in Aortic Stenosis) s’est livrée à une analyse rétrospective du lien entre la réduction du risque d’événement cardiaque ischémique (ECI) et la variation des diverses lipoprotéines dans le tertile des sujets affligés du rétrécissement aortique (RA) le plus sévère.

On a regroupé les sujets selon le degré du RA, mesuré par la vitesse de départ du jet aortique. Dans l’ensemble de la cohorte, l’association simvastatine-ézétimibe à 40-10 mg a abaissé le C-LDL de 50 % et le risque d’ECI, de 22 %, par rapport au placebo. Vu la baisse lipidique enregistrée, on se serait attendu à un recul plus net du risque d’ECI. Cependant, dans les deux tertiles de patients les moins sévèrement atteints, la réduction du risque concordait avec les données de la méta-analyse que la Cholesterol Treatment Trialists’ Collaboration a faite des essais sur les statines.

En revanche, chez les porteurs du RA le plus sévère, le traitement n’a exercé aucun effet observable par rapport au placebo. «Il y a donc lieu de penser que le cholestérol joue un rôle plus important aux premiers stades de la maladie que plus tard», conclut le Dr Alberico L. Catapano, Département des sciences pharmacologiques, Università degli Studi di Milano, Italie.

Résumé

Le Dr Ernest J. Schaefer, professeur titulaire de médecine, Tufts University School of Medicine, Boston, et chercheur dans le domaine des lipides, estime que l’association d’une statine et d’un inhibiteur de l’absorption du cholestérol peut apporter des bénéfices cliniques tant aux patients qui répondent aux statines – soit la majorité – qu’à ceux qui n’y répondent pas en raison de facteurs extrinsèques (piètre observance, alimentation, heure de prise de la statine, traitement concomitant, etc.) ou de facteurs génétiques. Le Dr Schaefer y va d’une prédiction : «À mon avis, l’ajout d’ézétimibe aux statines réduira davantage le risque de MC que la statine employée seule chez les sujets très vulnérables. Maintenant, je pense qu’il faut réaliser un essai assez vaste pour confirmer cette hypothèse. IMPROVE-IT a sans contredit la puissance qu’il faut pour tirer l’affaire au clair.»

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