Comptes rendus

Le potentiel du traitement martial par voie i.v. en présence d’une MII et d’une anémie ferriprive
Centre hospitalier universitaire de Québec

Nouvelles recommandations du CCNI pour la prévention des infections à pneumocoque chez les adultes à risque élevé

Le présent compte rendu est fondé sur des données médicales présentées lors d'un congrès de médecine reconnu ou publiées dans une revue avec comité de lecture ou dans un commentaire signé par un professionnel de la santé reconnu. La matière abordée dans ce compte rendu s'adresse uniquement aux professionnels de la santé reconnus du Canada.

PRESSE PRIORITAIRE - Conférence annuelle de l’AMMI Canada et de la CACMID

Québec, Québec / 4-6 avril 2013

Québec - Il est difficile de prévenir les infections à pneumocoque et d’autres maladies évitables par la vaccination chez un sujet immunocompromis, les vaccins étant moins immunogènes dans cette population. Nombreux sont les patients qui ne reçoivent pas les vaccins recommandés. Les nouvelles recommandations quant à l’utilisation du vaccin antipneumococcique conjugué 13-valent découlent d’études ayant montré que les vaccins conjugués étaient plus immunogènes que les vaccins polysaccharidiques. En vertu d’un protocole unique élaboré par un établissement de l’Ontario, certains patients à risque élevé – ceux qui commencent un traitement biologique ou un autre traitement de fond – reçoivent tous les vaccins pendant la période critique, avant que le système immunitaire ne se détériore.

Streptococcus pneumoniae est à l’origine d’infections invasives – septicémies, méningites et pneumonies – qui peuvent évoluer vers la mort. Les enfants, les sujets âgés de même que les personnes dont le système immunitaire est affaibli par une maladie ou un traitement sont les plus vulnérables. Il existe maintenant plusieurs vaccins qui peuvent aider à prévenir les infections invasives à pneumocoque (IIP).

Âge avancé et immunosuppression

De nombreuses études ont confirmé l’incidence élevée des IIP chez les patients aux prises avec une maladie compromettant la fonction immunitaire, indique la Dre Deepali Kumar, professeure agrégée, University of Alberta, Edmonton, et membre du Comité consultatif national sur l’immunisation (CCNI). L’immunodéficience est plus répandue qu’on ne le croit généralement, précise-t-elle. Au-delà de causes évidentes comme l’infection par le virus de l’immunodéficience humaine (VIH), la greffe d’organes solides et de cellules souches hématopoïétiques (CSH), les cancers et la chimiothérapie de même que les agents biologiques pour les maladies inflammatoires, l’immunodéficience est la conséquence naturelle du vieillissement, du diabète ainsi que de maladies pulmonaires, rénales ou hépatiques.

Les vaccins antipneumococciques et d’autres vaccins sont moins immunogènes chez ces patients à risque élevé que chez des sujets en bonne santé, explique la Dre Kumar. Avec l’âge, le thymus involue, de sorte qu’il produit moins de lymphocytes T naïfs. Des anomalies dans la commutation isotypique des lymphocytes B entraînent la formation d’anticorps [de piètre qualité] [...] Le répertoire des lymphocytes T, qui est généralement diversifié et capable de répondre à un vaste éventail d’antigènes, se restreint. L’immunosuppression donne lieu à des phénomènes semblables. C’est comme si l’on assistait à un vieillissement accéléré ou presque; [et] si l’on donne un traitement immunosuppresseur aux patients, il en résulte une prolifération moindre des lymphocytes T en réponse aux antigènes [et] une production moindre d’anticorps par les lymphocytes B.»

Réponse immunitaire au vaccin conjugué

Selon les nouvelles recommandations du CCNI, l’utilisation du vaccin antipneumococcique conjugué 13-valent (Pneu-C-13) pourrait mieux protéger les patients de ≥18 ans à risque élevé contre les IIP. Bien qu’il y ait peu de données sur l’efficacité théorique et l’efficacité réelle du vaccin à cet égard, les données sur la réponse immunitaire aux divers schémas sont prometteuses, affirme la Dre Caroline Quach, professeure agrégée de pédiatrie, codirectrice du Centre d’étude de vaccins du Centre universitaire de santé McGill (CUSM), Montréal, Québec, et membre du CCNI.

Les vaccins conjugués pourraient donner lieu à une meilleure réponse du fait qu’ils font intervenir l’activation des lymphocytes T, contrairement aux vaccins polysaccharidiques, poursuit la Dre Kumar. Avec un vaccin conjugué, «les lymphocytes T activés stimulent la production d’anticorps par les lymphocytes B […]. Les lymphocytes B produisent des anticorps en réponse aux deux types de vaccin, mais les anticorps découlant de la réponse au vaccin conjugué sont de meilleure qualité; ce sont des anticorps que l’on qualifie «de haute affinité» ou «de haute avidité». La production de lymphocytes B mémoires est un autre phénomène que l’on observe et qui revêt d’ailleurs une grande importance, car nous en avons besoin pour stimuler la production d’anticorps si besoin est.»

Patients transplantés

Le risque de survenue d’une IIP est environ 30 fois plus élevé chez les greffés de CSH que dans la population générale. Le risque est maximal au cours de la première année après la greffe. Le vaccin polysaccharidique n’est pas très immunogène dans ce groupe. Le CCNI recommande maintenant le Pneu-C-13. À en juger par les données disponibles, notamment une étude où l’on a comparé une vaccination précoce et une vaccination tardive, «nous recommandons que les trois doses de primovaccination commencent à être administrées de 3 à 9 mois [après la greffe]. Les doses doivent être administrées à au moins 4 semaines d’intervalle, et la dernière dose de vaccin conjugué doit être suivie 6 à 12 mois plus tard d’une dose de rappel de vaccin polysaccharidique», explique la Dre Quach.

Le risque d’IIP est également beaucoup plus élevé (risque relatif de 25) chez les patients qui bénéficient d’une greffe d’organe solide (poumon et foie, en particulier). Bien que les données sur le Pneu-C-13 soient moins concluantes dans ce groupe, une étude réalisée chez 60 transplantés rénaux a révélé qu’à 8 semaines, la réponse des titres d’anticorps contre S. pneumoniae était meilleure avec le Pneu-C-13 qu’avec le Pneu-P-23. «Les titres étaient significativement plus élevés pour deux sérotypes [alors qu’il n’y avait qu’une tendance pour les autres]. Les patients qui ont répondu à 6 ou 7 sérotypes avaient tous reçu le vaccin conjugué», explique la Dre Kumar. Ces bénéfices ne s’étaient pas maintenus à 3 ans, reconnaît-elle. Les titres avaient alors tous baissé, quel qu’ait été le vaccin administré. La stratégie primovaccination-rappel reposant sur le Pneu-C-13, puis sur le Pneu-P-23 pourrait être utile du fait que «le vaccin conjugué est associé au départ à des titres plus élevés et que le vaccin polysaccharidique [...] élargit la couverture en ciblant d’autres sérotypes». Des recherches plus poussées sur cette stratégie – avec différents intervalles entre les vaccins, par exemple – pourraient être appropriées, dit-elle.

Patients VIH-positifs et autres patients à risque élevé

Chez les patients VIH-positifs qui ont déjà reçu le Pneu-P-23, le CCNI recommande d’administrer une dose de Pneu-C-13 au moins 1 an plus tard. Les patients jamais vaccinés doivent d’abord recevoir une dose de Pneu-C-13, puis une dose de Pneu-P-23 8 semaines plus tard. Le CCNI recommande à vie une dose de rappel de Pneu-P-23, laquelle doit être administrée au moins 8 semaines après le Pneu-C-13 et au moins 5 ans après la dernière dose de Pneu-P-23. Ces recommandations sont fondées sur des études ayant objectivé une meilleure réponse immunitaire initiale avec le vaccin conjugué et une meilleure réponse secondaire avec le vaccin polysaccharidique, explique la Dre Quach. Il n’y a à l’heure actuelle aucune donnée permettant de conclure qu’une dose de rappel de Pneu-C-13 confère un avantage supplémentaire.

Tableau 1. Nouvelles recommandations du CCNI pour le Pneu-C-13

 

Pour les personnes âgées généralement en bonne santé, «nous continuons de recommander le vaccin 23-valent», affirme la Dre Quach. Les résultats de l’étude CAPITA – qui permettra de déterminer l’incidence des pneumonies communautaires chez les patients ayant reçu le Pneu-C-13 ou un placebo – pourraient amener le CCNI à réévaluer ses recommandations pour cette population.

Le Pneu-C-13 peut être administré aux adultes souffrant d’une autre maladie qui compromet le système immunitaire ou recevant un traitement immunosuppresseur (Tableau 1). Chez les patients qui ont déjà reçu le Pneu-P-23, on recommande une dose de vaccin conjugué au moins 1 an après le Pneu-P-23, comme on le fait pour les patients VIH-positifs. Chez les patients jamais vaccinés, la vaccination antipneumococcique doit commencer par une dose de Pneu-C-13 et être suivie d’une dose de Pneu-P-23 8 semaines plus tard. Là encore, on recommande à vie une dose de rappel de Pneu-P-23 devant être administrée au moins 8 semaines après le Pneu-C-13 et au plus tôt 5 ans après la dernière dose de Pneu-P-23, le cas échéant.

Moment de la vaccination

Pour mieux protéger ses patients à risque contre les IIP et d’autres infections, le médecin doit s’assurer de les vacciner avant que leur fonction immunitaire ne soit compromise. Dans le cas des candidats à la transplantation d’un organe solide, «c’est avant la transplantation qu’il faut vacciner, parce que tous les vaccins sont alors beaucoup plus efficaces», fait valoir la Dre Kumar. De même, lorsqu’un patient prend des corticostéroïdes à forte dose, qu’il est sur le point de subir une chimiothérapie ou qu’il est aux prises avec une maladie inflammatoire qui pourrait ultérieurement nécessiter un agent biologique, il est logique de se pencher le plus tôt possible sur ses besoins de vaccination, affirme Carolyn Whiskin, pharmacienne conseil, Charlton Centre for Specialized Treatments, Hamilton, Ontario. À sa connaissance, peu d’établissements de santé ou de médecins appliquent un protocole de vaccination chez les sujets immunocompromis. La majorité des patients qui se présentent au centre où elle travaille ne sont pas à jour dans leurs vaccinations. Il importe ici de souligner que si une infection survient pendant un traitement de fond, les conséquences ne se limitent pas à l’infection en tant que telle. L’interruption ou le report du traitement qui en résulte peut avoir d’importantes répercussions sur les symptômes du patient, l’évolution de sa maladie et sa qualité de vie.

Pour corriger cette lacune, Mme Whiskin et ses collègues ont élaboré pour leur établissement un protocole de vaccination unique qui vise à résumer les recommandations et à faciliter la communication entre les médecins de l’équipe soignante, l’objectif ultime étant que l’un d’eux demande et/ou administre tous les vaccins requis au moment opportun, c’est-à-dire avant le début du traitement immunosuppresseur. «À mon avis, la clé de ces recommandations sur la [vaccination], c’est leur mise en application. Nous devons prévoir plus de points de contrôle dans le processus», conclut Mme Whiskin. Les médecins qui y envoient des patients ont à ce jour très bien accueilli ces conseils.



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