Comptes rendus

Le point sur les schémas de préparation colique : le rôle de l’efficacité, de la tolérabilité et de l’innocuité de divers agents dans l’optimisation de l’observance
Risque cardiovasculaire associé à l’hormonothérapie dans le cancer de la prostate avancé

Nouvelles stratégies pour le traitement prophylactique de l’hémophilie sévère : de la recherche à la pratique clinique

Le présent compte rendu est fondé sur des données médicales présentées lors d'un congrès de médecine reconnu ou publiées dans une revue avec comité de lecture ou dans un commentaire signé par un professionnel de la santé reconnu. La matière abordée dans ce compte rendu s'adresse uniquement aux professionnels de la santé reconnus du Canada.

PRESSE PRIORITAIRE - 7e Congrès annuel de la European Association for Haemophilia and Allied Disorders (EAHAD)

Bruxelles, Belgique / 26-28 février 2014

Bruxelles - Dans l’hémophilie A et B, le traitement – jadis axé sur la prise en charge des épisodes hémorragiques aigus (traitement à la demande) – en est venu à reposer davantage sur la prévention de tels épisodes et des complications de la maladie. À l’heure actuelle, les patients atteints d’hémophilie A reçoivent du rFVIII 3 ou 4 fois par semaine alors que les patients atteints d’hémophilie B reçoivent du rFIX 2 ou 3 fois par semaine, l’objectif étant le maintien d’un taux circulant de FVIII ou de FIX supérieur à 1 % de la normale (1 UI/dL), taux qui suffit à protéger le patient contre la plupart des épisodes hémorragiques spontanés. Cela dit, en raison de leur courte demi-vie (8 à 12 h pour le rFVIII et 18 à 24 h pour le rFIX), les traitements actuels demeurent lacunaires à bien des égards. De nouvelles stratégies ont été élaborées pour prolonger la demi-vie plasmatique de ces facteurs de coagulation; plusieurs nouveaux produits ainsi conçus sont parvenus à un stade avancé de la recherche, et nous avons bon espoir qu’ils soient commercialisés en 2014. De nouvelles données sur l’innocuité et l’efficacité de certains de ces produits ont été présentées au congrès, et il a été question entre autres des répercussions de ces nouveaux traitements sur la pratique clinique.

Rédactrice médicale en chef : Dre Léna Coïc, Montréal, Québec

Plusieurs sujets ont été abordés au congrès, notamment l’innocuité des facteurs de coagulation actuels, les répercussions de l’utilisation de facteurs de coagulation à plus longue durée d’action attendus sous peu et la possibilité de personnalisation du traitement plutôt qu’une prophylaxie en fonction du poids. De l’avis des présentateurs, de nouveaux traitements d’effet plus durable pourraient accroître la fréquence du recours à la prophylaxie, améliorer l’adhésion au traitement et les résultats cliniques, mais ils nécessitent une excellente compréhension de la pharmacocinétique et des nouvelles modalités d’administration.

Prolongation de la demi-vie

Pour améliorer le traitement de l’hémophilie A et B, les chercheurs tentent principalement de prolonger la demi-vie du rFVIII et du rFIX, respectivement. L’un des principaux moyens envisagés est la fusion avec une autre protéine dotée d’une demi-vie beaucoup plus longue, à savoir le fragment cristallisable (Fc) d’une immunoglobuline G. L’efficacité et l’innocuité du rFVIIIFc et du rFIXFc ont été démontrées dans deux essais cliniques de phase III menés chez des patients atteints d’hémophilie A et B déjà traités : A-LONG (Mahlangu J et al.Blood 2014;123:317-25) et B-LONG (Powell JS et al. N Engl J Med 2013;369:2313-23). Dans A-LONG, le rFVIIIFc était administré 1 ou 2 fois par semaine et dans B-LONG, le rFIXFc était administré 1 fois par semaine ou toutes les 2 semaines. Aucun des sujets de l’un ou l’autre essai n’a développé d’inhibiteurs, et le taux annualisé d’hémorragies (TAH) était faible dans les deux essais. De nouvelles données des essais A-LONG et B-LONG présentées au congrès ont apporté des éléments d’information sur les schémas prophylactiques, notamment lors du passage d’une préparation actuelle de FVIII ou de FIX aux nouvelles préparations ainsi que sur l’innocuité des nouvelles préparations et le maintien efficace de l’hémostase chez des patients subissant une chirurgie.

Seuil thérapeutique minimum

Deux analyses post hoc des données des essais A-LONG et B-LONG, respectivement, ont confirmé l’importance d’un seuil thérapeutique minimum de 1 % (1 UI/dL) pour une prophylaxie par le rFVIIIFc et par le FIX. Lors de l’essai A-LONG, les sujets qui recevaient un traitement prophylactique par le rFVIIIFc ont passé moins de temps sous le seuil minimum de 1 UI/dL comparativement aux patients traités à la demande, souligne le Pr A. John Pasi, Barts and the London School of Medicine and Dentistry, Queen Mary University of London (QMUL), Royaume-Uni. Les chercheurs ont observé un lien significatif entre, d’une part, une augmentation du temps passé sous le seuil thérapeutique de l’activité du FVIII (1, 3 ou 5 UI/dL) et, d’autre part, une augmentation de l’incidence des hémorragies tous types confondus, des hémorragies spontanées et des hémorragies traumatiques et une tendance accrue aux hémarthroses (p≤0,0003). Dans l’essai B-LONG, le seuil de 1 UI/L a été respecté chez la majorité des sujets recevant un traitement prophylactique (résumé PO113). Chaque jour supplémentaire passé sous le seuil cible de 1, 3 et 5 UI/dL (p<0,05) a été associé à une augmentation du TAH total de 0,5 %, de 0,3 % et de 0,2 %, respectivement. Ces résultats ont été les premiers à faire ressortir un lien entre la tendance aux hémorragies et le temps que passaient des sujets atteints d’hémophilie A ou B sous trois seuils d’activité, notent les chercheurs.

Changement de schéma posologique

Le passage à un schéma prophylactique par le rFVIIIFc ou le rFIXFc peut diminuer le taux d’hémorragies et à la fois améliorer et prolonger la protection entre les doses, soulignent les chercheurs. En outre, le clinicien peut calculer la nouvelle dose de rFVIIIFc empiriquement en se servant de données générées à partir des schémas en cours plutôt que de faire de longues analyses pharmacocinétiques (PK) pour chaque patient, explique le Pr Johnannes Oldenburg, Institut für Experimentelle Hämatologie und Transfusionsmedizin, Universitätsklinikum Bonn, Allemagne (résumé PO076). Dans l’essai A-LONG, grâce à une prophylaxie personnalisée, la fréquence d’administration a pu être réduite chez 79 des 80 sujets recevant déjà un traitement prophylactique par le rFVIII à raison de 3 perfusions/semaine. Parmi les 37 sujets qui recevaient 50 UI/kg, 51 % ont pu passer à un intervalle de 5 jours entre les doses et 43 %, à un intervalle de 3 jours. Chez les sujets de l’essai A-LONG passés d’un traitement prophylactique à une prophylaxie individualisée, le nombre médian d’épisodes hémorragiques est passé 6 au cours des 12 mois précédant l’étude à 0 au cours des 3 derniers mois de l’étude (p<0,0001). Le TAH plus faible observé durant l’étude s’est maintenu lorsque les sujets ont été stratifiés en fonction de la durée finale de l’intervalle inter-doses pendant l’étude, ce qui indique que «comparativement aux schémas actuels, la conversion empirique au rFVIIIFc à une dose comparable permet de maintenir un faible TAH malgré un intervalle prolongé», précisent les chercheurs.

Divers modèles de PK de population et des simulations reposant sur les données d’A-LONG et celles d’essais de phase I/II ont confirmé qu’une dose de 50 UI/kg tous les 3 à 5 jours constituait une «prophylaxie rationnelle et efficace pour les patients atteints d’hémophilie A sévère». Dans l’essai B-LONG, chez les sujets qui sont passés à un schéma prophylactique par le rFIXFc, l’intervalle entre les doses est passé à 1-2 semaines, et les chercheurs ont constaté une consommation globale moindre de FIX sans perte de protection contre les hémorragies et sans risque accru d’hémorragie ou de développement d’inhibiteurs. De plus, le Pr Claude Négrier (Hôpital Édouard Herriot, Lyon, France) et ses collaborateurs ont observé chez la quasi-totalité des sujets sous traitement prophylactique hebdomadaire avant l’étude que la fréquence des doses avait diminué et que la consommation hebdomadaire totale de FIX avait baissé de 50 % comparativement au schéma prophylactique antérieur. Chez les patients recevant une prophylaxie à intervalles personnalisés, la consommation hebdomadaire totale de FIX a diminué d’environ 30 %, et l’intervalle entre les doses a été prolongé comparativement au schéma antérieur à l’étude. Des simulations réalisées à partir des modèles de PK de population – lesquels découlaient de données d’essais de phase I et de phase III – ont montré que le pourcentage de sujets ayant un taux de FIX de 1 % était systématiquement plus élevé durant le traitement par le rFIXFc, comparativement au traitement par le rFIX.

Maintien de l’hémostase durant une intervention chirurgicale

Le Dr Robert Klamroth, Vivantes–Klinikum im Friedrichshain, Berlin, Allemagne, a présenté des données à l’appui de l’innocuité et de l’efficacité du rFVIIIFc et du rFIXFc pour le maintien de l’hémostase durant une intervention chirurgicale chez des patients atteints d’hémophilie sévère (résumé PO101). Au total, 23 interventions chirurgicales, la plupart orthopédiques (17), ont été réalisées chez 9 sujets de l’essai A-LONG et 12 sujets de l’essai B-LONG, et les résultats ont été qualifiés d’excellents (21) ou de bons (1 dans chaque étude). La consommation des facteurs était plus faible que la consommation observée antérieurement avec d’autres facteurs de remplacement, atteignant 184,4 à 1067,8 UI/kg (A-LONG) et 174,8 à 1349,2 UI/kg (B-LONG) durant les jours 0 à 14 suivant la chirurgie/la rééducation. La perte de sang per- et post-opératoire était comparable à celle que l’on observerait chez des patients non hémophiles, soit 0 à 1600 mL (A-LONG) et 0 à 800 mL (B-LONG). Le Dr Klamroth a cité le cas d’un patient, un homme de 29 ans inscrit à l’essai A-LONG dont la hernie inguinale droite a été corrigée par laparoscopie. La dose d’attaque préopératoire a été de 50,0 UI/kg, et la perte de sang per- et post-opératoire a été respectivement de ~2 et de 0 mL. La consommation totale durant les jours 0 à 14 suivant la chirurgie/la rééducation a été de 184,4 UI/kg et l’hémostase a été qualifiée d’excellente. «En temps normal, nous devons opter pour une perfusion continue ou pour 3 injections/jour pendant les 2 premiers jours. Dans ce cas-ci, il y a eu 2 injections le jour même de l’intervention, puis 1 injection par jour pour assurer un taux suffisant de FVIII, précise-t-il. «La demi-vie prolongée du rFVIIIFc a grandement facilité l’intervention chirurgicale chez ce patient.»

Options et obstacles futurs

«Les nouveaux produits nous permettent d’aspirer à la personnalisation du traitement, mais ils nous amènent à repenser à la démarche thérapeutique. Nous devons garder à l’esprit quelques répercussions importantes des nouvelles préparations de FVIII et FIX à longue durée d’action, souligne le Dr Pasi. Nous verrons non seulement des taux plus élevés durant des intervalles plus longs, mais aussi des taux plus faibles durant des intervalles plus longs, en raison de la morphologie des courbes de décroissance, et le maintien des taux au-delà des seuils minimums ciblés sera plus durable. Il y aura des conséquences, surtout chez les sujets très actifs; étant donné qu’ils reçoivent moins de perfusions, les pics post-perfusion seront beaucoup moins fréquents, dit-il. Nous devrions commencer à penser aux pics et aux creux pertinents chez chaque patient plutôt que de penser uniquement aux creux comme par le passé.»

 «Dans l’essai A-LONG, 81,4 % des patients recevant une prophylaxie personnalisée ont eu besoin de 0 ou 1 ajustement de la dose, ce qui veut dire qu’environ un patient sur cinq a eu besoin d’au moins deux ajustements posologiques. C’est peut-être un changement de culture pour les établissements et les patients qui n’ont pas l’habitude de travailler avec des modèles PK ou d’optimiser la dose», note le Dr Dan Hart, Barts and The London School of Medicine, QMUL, Royaume-Uni. En réponse aux préoccupations soulevées concernant l’utilisation des ressources et le temps requis pour les analyses de la PK, il a suggéré de simplifier les approches populationnelles. «Ces données peuvent contribuer à un changement de traitement empirique, sans recours à des analyses de PK chez chaque patient, affirme-t-il. Nous devons cesser d’aspirer à un résultat universel et chercher plutôt à personnaliser le traitement.» Les médecins, les infirmières et les équipes de garde doivent se familiariser avec les résultats de la recherche et conseiller les patients quant aux choix de traitement. Nous devons éduquer ou rééduquer les patients quant aux options de traitement, tout en gardant à l’esprit que les patients déjà traités risquent davantage d’être réticents à un changement de traitement ou de posologie, conclut-il.   

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