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Optimisation du traitement anti-VEGF dans la forme néovasculaire de dégénérescence maculaire liée à l’âge

Le présent compte rendu est fondé sur des données médicales présentées lors d'un congrès de médecine reconnu ou publiées dans une revue avec comité de lecture ou dans un commentaire signé par un professionnel de la santé reconnu. La matière abordée dans ce compte rendu s'adresse uniquement aux professionnels de la santé reconnus du Canada.

PRESSE PRIORITAIRE - Assemblée annuelle de l’American Academy of Ophthalmology (AAO)

La Nouvelle-Orléans, Louisiane / 16-19 novembre 2013

La Nouvelle-Orléans - Le facteur de croissance de l’endothélium vasculaire (VEGF) stimule la croissance et la prolifération des cellules endothéliales vasculaires de même que l’hyperperméabilité vasculaire. Les inhibiteurs du VEGF permettent de préserver et d’améliorer l’acuité visuelle en stoppant la croissance des néovaisseaux choroïdiens et en atténuant la perméabilité vasculaire. À l’heure actuelle, le marché canadien compte deux anti-VEGF homologués pour le traitement de la forme néovasculaire (humide) de dégénérescence maculaire liée à l’âge (DMLA) et un troisième anti-VEGF utilisé hors indication. Diverses études sur la DMLA humide et le décollement de l’épithélium pigmentaire présentées au congrès ont permis de mieux définir les patients chez qui certains anti-VEGF et certains schémas posologiques seraient particulièrement utiles.

Rédactrice médicale en chef : Dre Léna Coïc, Montréal, Québec

Au Canada, les ophtalmologistes peuvent maintenant choisir entre deux inhibiteurs du facteur de croissance de l’endothélium vasculaire (VEGF) pour injection intravitréenne homologués pour le traitement de la forme néovasculaire (humide) de dégénérescence maculaire liée à l’âge (DMLA), notamment le ranibizumab et, depuis peu, l’aflibercept. Le bevacizumab est également prescrit, mais comme il n’est pas homologué pour le traitement de la DMLA humide, on considère qu’il est utilisé hors indication.

                Analyse de la prolongation de VIEW 1 et 2        

Les résultats de deux essais pivots de phase III, VIEW 1 et VIEW 2, ont montré que l’aflibercept – administré à raison de 0,5 mg toutes les 4 semaines, de 2 mg toutes les 4 semaines ou de 2 mg tous les 2 mois, après trois doses d’attaque – était non inférieur au ranibizumab administré à raison de 0,5 mg toutes les 4 semaines (Ophthalmology 2014:121[1]:193-201). Diverses communications présentées au congrès (parution à venir) ont porté sur l’analyse des résultats de la prolongation de ces essais. Dans une étude visant à comparer l’aflibercept et le ranibizumab quant à leur effet sur le soulèvement de l’épithélium pigmentaire de la rétine/décollement de l’épithélium pigmentaire (SEPR/DEP), le Dr Chirag Shah, ophtalmologie rétinienne et générale, Calgary, Alberta, a constaté que l’aflibercept à 2 mg était supérieur au ranibizumab pour aplatir le SEPR/DEP – que le SEPR ou le DEP soient survenus une seule fois ou qu’ils aient été persistants (résumé PA088). «Lorsque nous avons examiné la qualité de la réduction, nous avons de nouveau constaté que l’aflibercept, à 2 mg par mois, était plus efficace pour diminuer le SEPR/DEP d’au moins 50 % comparativement au ranibizumab ou à la dose de 2 mg d’aflibercept tous les 2 mois», ajoute le Dr Shah.

Le Dr Peter Kaiser, Cole Eye Institute, Cleveland Clinic, Ohio, a aussi comparé l’effet des schémas posologiques de l’aflibercept à celui du schéma mensuel de ranibizumab sur la présence persistante d’exsudats sous la macula à un stade précoce de la maladie et sur l’acuité visuelle (résumé PA087). «La vaste majorité des sujets de VIEW, qu’ils aient reçu l’un ou l’autre agent ou n’importe lequel des schémas posologiques, ne présentaient pas des exsudats persistants à 4 mois», souligne le Dr Kaiser.

Dans le cadre d’une étude comparative sur l’incidence cumulative d’absence durable d’exsudats, la probabilité d’absence durable d’exsudats à 52 semaines était plus élevée chez les patients présentant des exsudats persistants qui recevaient 2 mg d’aflibercept toutes les 4 ou 8 semaines que chez ceux qui recevaient du ranibizumab (risque relatif de 1,52, 1,10 et 1,00, respectivement). Cependant, la différence entre l’aflibercept et le ranibizumab était statistiquement significative (p<0,01) seulement dans le groupe traité à une fréquence moindre, précise le Dr Kaiser. Dans le même groupe de traitement présentant des exsudats persistants, l’acuité visuelle était significativement meilleure (p<0,05) dans le groupe recevant de l’aflibercept toutes les 4 semaines que dans les deux autres groupes de traitement. C’est donc dire que les patients présentant une accumulation persistante de liquide après les trois doses d’attaque mensuelles d’aflibercept pourraient avoir intérêt à recevoir le schéma à une fréquence plus élevée, conclut le Dr Kaiser.

Gains précoces vs tardifs

Dans l’essai pivot HARBOR, on a observé dans les deux groupes ranibizumab (dose mensuelle fixe de 0,5 mg et schéma au besoin) des améliorations visuelles cliniquement significatives de 8 à 10 lettres après 12 mois de même qu’une amélioration des résultats anatomiques (Ophthalmology 2013:120:1046-56). Dans une présentation au congrès, le chercheur de l’essai HARBOR, le Dr Greg Kokame, Retinal Consultants of Hawaii, a examiné au fil du temps les réponses visuelles et anatomiques au ranibizumab administré à 0,5 ou 2 mg 1 fois/mois ou au besoin après 3 doses d’attaque afin d’en déceler des tendances (résumé PA084). Il a qualifié le gain à 3 mois de «précoce» si le patient avait obtenu un gain d’acuité visuelle de ≥10 lettres et de «tardif» si le gain d’acuité visuelle n’était pas significatif. «Nous nous demandions néanmoins si les gains précoces allaient se maintenir avec le temps», affirme le Dr Kokame.

À 12 mois, les chercheurs ont eu la réponse : l’amélioration de l’acuité visuelle a été plus rapide chez les patients ayant eu un gain précoce de ≥10 lettres que chez ceux dont le gain avait été tardif, mais l’acuité visuelle est restée inchangée entre le 3e et le 12e mois. Chez les patients dont le gain avait été tardif, en revanche, l’acuité visuelle avait continué de s’améliorer graduellement entre le 3e et le 12e mois, si bien qu’à 12 mois, l’amélioration de l’acuité visuelle avoisinait celle des patients dont le gain avait été précoce. Le schéma au besoin s’est révélé efficace pour maintenir à 12 mois l’amélioration de l’acuité visuelle chez 82 % des patients dont le gain de ≥10 lettres avait été précoce, précise le Dr Kokame.

Kystes intrarétiniens

Explorant divers paramètres cliniquement pertinents à l’aide de la tomographie par cohérence optique (TCO) dans des yeux atteints de DMLA humide traités par l’un ou l’autre des deux anti-VEGF durant 96 semaines (résumé PA086), la Dre Ursula Schmidt-Erfurth, professeure titulaire et directrice, Service d’ophtalmologie, Hôpital ophtalmologique universitaire, Vienne, Autriche, a constaté que la présence au départ de kystes intrarétiniens avait une «forte influence négative» sur l’acuité visuelle, quel qu’ait été l’anti-VEGF utilisé.

Elle a aussi constaté que les kystes exsudatifs avaient bien répondu au traitement anti-VEGF; en revanche, l’acuité visuelle s’était détériorée chez les patients porteurs de kystes dégénératifs. Le risque de récidive était aussi élevé dans le cas des kystes dégénératifs. La présence d’un DEP a eu un effet négatif similaire sur les gains d’acuité visuelle pendant les 96 semaines de traitement, poursuit-elle. À 96 semaines, les chercheurs ont aussi noté que les meilleurs gains d’acuité visuelle (≥12 lettres) avaient été enregistrés en présence uniquement d’exsudats sous-rétiniens au départ. En revanche, les gains d’acuité visuelle les plus faibles (≥6 lettres) ont été enregistrés en présence de kystes intrarétiniens et de DEP au départ.

«Les kystes intrarétiniens constituent le prédicteur le plus important d’une perte de vision chez les patients présentant une DMLA humide – surtout s’ils reçoivent un schéma au besoin – et pourraient témoigner d’une dégénérescence irréversible de la rétine», conclut la Dre Schmidt-Erfurth.

Innocuité et efficacité des anti-VEGF à long terme

Le profil d’innocuité à long terme des anti-VEGF a également fait l’objet de plusieurs présentations. Dans le cadre d’une vaste méta-analyse sur des données individuelles, le Dr Baruch Kuppermann, professeur titulaire d’ophtalmologie et de génie biomédical, et chef du Département de la rétine, University of California, Irvin, et ses collaborateurs ont effectué une méta-analyse de 14 essais cliniques de phase II and IIIb sur le ranibizumab qui regroupaient 6504 patients suivis pendant un total de 7544 années-patients (résumé P0214). Les chercheurs ont fait des comparaisons par paire pour les doses de ranibizumab de 0,5 mg ou de 0,3 mg par rapport aux doses témoins ainsi que pour la dose de 0,5 mg par rapport à celle de 0,3 mg.

Les résultats n’ont révélé aucun déséquilibre entre les deux comparaisons par paire chez les patients qui présentaient soit une DMLA humide, soit une occlusion des veines rétiniennes. En présence d’un œdème maculaire diabétique, les chercheurs ont toutefois relevé de légers déséquilibres non significatifs quant aux complications de la cicatrisation des plaies de même qu’aux AVC et à la mort au cours de la deuxième année chez les patients traités mensuellement, par rapport aux témoins. Cela dit, conclut le Dr Kuppermann, le taux d’événements était faible dans tous les groupes, et les résultats sont «compatibles» avec le profil d’innocuité établi du ranibizumab.

Lors d’une analyse distincte des données à 192 semaines chez les sujets de VIEW 1 qui ont participé à la prolongation (résumé P0435), le Dr Lloyd Clark, professeur adjoint de clinique en ophtalmologie, University of South Carolina School of Medicine, West Columbia, et ses collaborateurs ont constaté que l’acuité visuelle s’était «bien maintenue» pendant 4 ans dans tous les groupes de traitement. À 192 semaines, le pourcentage de patients ayant subi une perte d’acuité visuelle de ≥10 lettres était très similaire d’un groupe à l’autre (13 %). Aucun autre problème d’innocuité n’a été signalé entre la deuxième et la quatrième année.

Données sur le changement de traitement

Les données sur le changement de traitement semblent corroborer cette observation. Selon une communication affichée du Dr Clement Chan, professeur agrégé de clinique en ophtalmologie, Loma Linda University, San Diego, Californie (résumé P0445), 161 patients ayant eu une réponse partielle ou sous-optimale au bevacizumab, au ranibizumab ou au deux sont passés à l’aflibercept, administré à la dose d’attaque standard pendant 3 mois, puis au besoin. Le nombre moyen d’injections a atteint 5 au cours du suivi de 6 mois (y compris les 3 doses d’attaque). «À 6 mois, la vision s’était maintenue ou s’était améliorée de 4,1 lettres, explique le Dr Chan, et la variation en pourcentage de tous les paramètres mesurés à la TCO dénotait une amélioration significative.»

Le Dr James Mason, professeur agrégé d’ophtalmologie, University of Alabama, a fait état de résultats favorables similaires dans une population d’yeux atteints de DMLA humide avec DEP déjà traités. Selon une revue rétrospective de 65 yeux (résumé P0190) présentant un DEP persistant malgré un nombre moyen de 24 injections antérieures d’anti-VEGF, la hauteur moyenne du DEP avait diminué de 22 % à 12 mois alors que l’acuité visuelle moyenne mesurée en logMAR était demeurée stable après le passage à 2 mg d’aflibercept. L’aflibercept était administré tous les 2 mois ou selon un protocole de traitement avec intervalles croissants (treat and extend) déterminés par le chercheur. «L’amélioration du DEP – évidente 1 mois après le passage à l’aflibercept – s’est maintenue jusqu’à 1 an, ajoute le Dr Mason, et comme les DEP contribuent à la perte de vision et à la formation de tissu cicatriciel dans la DMLA néovasculaire, une résolution plus rapide et plus complète du DEP devrait atténuer la pathologie résiduelle.»

Résumé

La DMLA est la cause principale de cécité irréversible chez les patients âgés des pays industrialisés. Les anti-VEGF pour injection intravitréenne ont révolutionné le traitement de la forme néovasculaire de la maladie. Aujourd’hui, grâce aux anti-VEGF nouvellement homologués offrant différents schémas posologiques, il est prévisible que la maladie peut être maîtrisée de façon sûre, efficace et pratique pendant une période assez longue.  

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