Comptes rendus

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Optimisation du traitement de la colite ulcéreuse par le 5-ASA

Le présent compte rendu est fondé sur des données médicales présentées lors d'un congrès de médecine reconnu ou publiées dans une revue avec comité de lecture ou dans un commentaire signé par un professionnel de la santé reconnu. La matière abordée dans ce compte rendu s'adresse uniquement aux professionnels de la santé reconnus du Canada.

PRESSE PRIORITAIRE - Le 5e Congrès de la European Crohn’s and Colitis Organisation (ECCO)

Prague, République tchèque / 25-27 février 2010

Environ 50 % des patients atteints de colite ulcéreuse (CU) ou de la maladie de Crohn reçoivent de l'acide 5-aminosalicylique (5-ASA). Son efficacité s'explique par ses propriétés anti-inflammatoires, qui tiennent à l'inhibition de la voie NK-?B, de l'activation de la cyclo-oxygénase et de l'expression des prostaglandines ainsi qu'à l'expression/activation du PPAR?. Aux propriétés anti-inflammatoires du 5-ASA s'ajoute un effet antinéoplasique, atout non négligeable, puisque la CU accroît le risque de cancer colorectal. Dernièrement, on a constaté que ce composé était également doté de propriétés analgésiques.

Jadis, le 5-ASA devait souvent être pris quatre fois par jour. On a ensuite amélioré les préparations pour ramener les prises à deux par jour, puis constaté, plus récemment, qu'une posologie uniquotidienne était aussi efficace qu'une posologie biquotidienne.

Importance de l'adhésion au traitement

Lors de l'essai PODIUM (Pentasa Once Daily in Ulcerative Colitis for Maintenance of Remission), on a obtenu un taux de rémission à 12 mois plus élevé au moyen du 5-ASA en sachets de 2 g, 1 fois/jour (libération contrôlée), que du 5-ASA en sachets de 1 g, 2 fois/jour (Clin Gastroenterol Hepatol 2009;7[7]:762-9). Comme l'explique le Dr Axel U. Dignass, Markus-Krankenhaus, Francfort, Allemagne, l'étude était fondée sur une hypothèse de non-infériorité, et pourtant, un écart significatif de 11,9 % (p=0,024) au chapitre du taux de rémission est ressorti en faveur du groupe traité une fois jour.

Qui plus est, l'adhésion au traitement, mesurée au moyen d'une échelle visuelle analogique, a été significativement plus forte dans le groupe traité 1 fois/jour. Un effet pharmacologique est possible, bien sûr, mais les chercheurs sont d'avis que la supériorité du schéma uniquotidien observée dans PODIUM est attribuable au moins en partie à une observance plus serrée.

«L'inobservance, qui peut atteindre un taux de 90 %, est un problème de taille lorsque la CU est quiescente», précise le Dr Dignass. Le problème se pose surtout en période de quiescence, les bienfaits du traitement étant alors moins évidents que pendant une poussée. Il faut essayer d'assurer l'adhésion au traitement, car elle pourrait fort bien conduire à de meilleurs résultats thérapeutiques. C'est du moins ce qui est ressorti d'une étude prospective menée chez 99 patients en rémission de CU répartis en deux groupes selon qu'ils respectaient ou non les consignes de traitement (Am J Med janv. 2003;114[1]:39-43) : à six mois, toutes les récidives étaient survenues chez des patients inobservants.

La clé de l'observance, c'est l'information. Le médecin doit prendre le temps d'expliquer à son patient pourquoi il prend le médicament et comment celui-ci favorise le maintien de la rémission. Les préoccupations et les besoins varient d'un patient à l'autre, et il faut en prendre acte pour assurer cette prise en charge personnalisée et aider ainsi le patient à suivre son traitement d'entretien à la lettre afin de rester en rémission.

Cicatrisation de la muqueuse dans l'essai PODIUM

Bien que la cicatrisation de la muqueuse constitue un critère de plus en plus important en recherche clinique, on ne s'entend pas encore sur sa valeur pronostique, car la définition de ce paramètre varie d'une étude à l'autre. Le Dr Dignass a évalué l'effet des posologies uniquotidienne et biquotidienne sur l'aspect de la muqueuse chez des sujets de PODIUM en rémission.

Au départ, la muqueuse revêtait un aspect normal (score de 0) chez 54,3 % des sujets du groupe 1 fois/jour et 58,6 % des sujets du groupe 2 fois/jour; le score s'établissait à 0 ou 1 chez 99,4 % et 99,5 %, respectivement, des sujets de chaque groupe. À 12 mois, on a observé une muqueuse d'aspect normal (score de 0) chez 49,3 % des patients traités 1 fois/jour et 46,2 % des patients traités 2 fois/jour; par ailleurs, 85,4 % et 81,4 % des sujets de chaque groupe avaient un score de 0 ou 1. L'analyse per protocol réalisée à la fin de l'étude a mis en évidence un écart non significatif entre les scores moyens (0 à 3) de chaque groupe, soit 0,70 dans le groupe 1 fois/jour et 0,75 dans le groupe 2 fois/jour.

Le Dr Dignass conclut que la muqueuse va demeurer cicatrisée chez de nombreux patients, qu'ils soient traités une ou deux fois par jour, et fait remarquer du même souffle que cette cicatrisation «de plus en plus importante en recherche clinique, associée à l'atténuation des symptômes, témoigne de la réussite du traitement».

Colite gauche

Nombreux sont ceux qui croient que le 5-ASA n'agit pas avec une égale efficacité en tous les points des voies digestives. Lors d'une présentation d'affiche, la Pre Séverine Vermeire, Université catholique de Louvain, Belgique, et ses collègues ont révélé les résultats d'une sous-analyse de l'étude PODIUM sur l'efficacité d'un traitement d'entretien uniquotidien par le 5-ASA dans la colite gauche. Ont été inclus dans cette analyse 259 patients, soit 72 % de la cohorte initiale. À un an, on a enregistré un taux de rémission de 69 % chez les sujets traités 1 fois/jour, contre 61 % chez les sujets traités 2 fois/jour. Ce sont là des résultats semblables à ceux de l'ensemble de la cohorte, à cette différence près qu'ici, l'écart n'est pas significatif. Les auteurs ont conclu à une tendance vers une plus grande efficacité du traitement en une prise par jour par rapport au traitement en deux prises par jour dans la colite gauche. Ces résultats confirment, une fois de plus, l'utilité du traitement d'entretien uniquotidien dans la colite gauche et attestent la présence d'une quantité suffisante de médicament dans la portion distale du côlon.

Utilité du 5-ASA chez le patient sous immunomodulateur

L'ECCO recommande la prise de préparations orales à base de 5-ASA à titre de traitement d'entretien de première intention après l'induction d'une rémission au moyen de 5-ASA ou de corticostéroïdes; en deuxième intention, l'association de préparations orale et topique de 5-ASA est possible. «Ces recommandations sont intéressantes», commente le Dr Simon Travis, John Radcliffe Hospital, Oxford, Royaume-Uni. «Si vous envisagez de prescrire un immunomodulateur, le 5-ASA topique pourrait se révéler une solution de rechange avantageuse.»

Doit-on mettre fin à la prise de 5-ASA lorsqu'un traitement d'entretien par l'azathioprine s'impose? Voilà une question que se posent tous les cliniciens. Selon des données présentées par le Dr Travis, «80 % des patients atteints de CU prennent aussi du 5-ASA. C'est essentiellement, précise-t-il, en raison des propriétés antinéoplasiques [du 5-ASA]; cette substance réduit de moitié le risque de cancer colorectal.»

Hausse du taux de réponses précoces

Dans l'essai PINCE, 127 patients atteints de CU active légère ou modérée ont reçu, après randomisation, du 5-ASA par voie orale et un lavement au 5-ASA ou encore, du 5-ASA par voie orale et un lavement placebo. Le critère d'évaluation était la rémission clinique (indice d'activité de la CU [UC-DAI] <2) ou l'amélioration (baisse =2 de l'indice UC-DAI) après deux, quatre et huit semaines de traitement. À huit semaines, «le taux de rémission atteignait 64 % chez les patients sous traitement d'association et 43 % chez les patients soumis à un lavement placebo, ce qui donne un bénéfice thérapeutique d'environ 20 %», affirme le Dr Travis.

Lors d'une analyse post-hoc, on a évalué la réponse précoce, plus précisément après deux semaines de traitement. Selon l'indice UC-DAI, l'amélioration était significativement plus marquée chez les patients ayant reçu le 5-ASA sous forme de lavement et par voie orale que chez les patients ayant reçu le 5-ASA par voie orale et un lavement placebo (p=0,0032).

Une analyse récente des principales données de l'essai PINCE, axée sur la qualité de vie et les considérations pharmacoéconomiques (Digestion 2009;80[4]:241-6), a montré que la qualité de vie liée à la santé était significativement supérieure chez les sujets qui avaient reçu le lavement actif par rapport à ceux qui avaient reçu le lavement placebo. «Il va de soi que sur une période de 60 semaines, le traitement a coûté plus cher, soit environ 500 £ [800 $CA], mais en réalité, si on tient compte de l'amélioration de la qualité de vie et du coût global du traitement, on a réalisé des économies pendant cette période», explique le Dr Travis.

Optimisation du traitement par le 5-ASA

«Il y a grosso modo trois façons d'optimiser le traitement par le 5-ASA : la première consiste à modifier la préparation, la deuxième, à modifier le métabolisme et la troisième, à modifier la structure», déclare le Pr Pierre Desreumaux, Université de Lille, France. Du côté des modifications structurales, le Pr Desreumaux a décrit un composé expérimental appelé GED0507. Celui-ci se distingue du 5-ASA non modifié par son métabolite principal qui est actif. Les essais cliniques de phase I sur le GED0507 débuteront sous peu. Par ailleurs, l'administration concomitante de flavonoïdes pourrait inhiber le métabolisme du 5-ASA, en particulier la conjugaison N-acyl, mais cette possibilité n'a pas encore fait l'objet d'une exploration clinique.

Résumé

Le 5-ASA demeure le pilier de la prise en charge de la CU légère ou modérée, et la posologie uniquotidienne a amélioré l'adhésion à ce traitement et son efficacité. On a démontré, dans l'essai PODIUM, que le 5-ASA était présent en quantité suffisante dans les voies digestives pour procurer de forts taux de rémission dans la colite gauche. Il demeure difficile d'agir sur l'adhésion au traitement, mais grâce à la simplification de la posologie et à des bienfaits thérapeutiques plus rapides, on fait état d'une meilleure observance dans un nombre croissant d'essais cliniques. Ces progrès, alliés à une prise en charge personnalisée, devraient améliorer les résultats dans la CU légère ou modérée.

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