Comptes rendus

Colite ulcéreuse modérément active : le moment est venu de repenser le traitement de première intention
L’apport de la baisse des LDL au bénéfice clinique à la lumière des résultats de l’étude ENHANCE

Épidémiologie changeante des infections à gram positif

Le présent compte rendu est fondé sur des données médicales présentées lors d'un congrès de médecine reconnu ou publiées dans une revue avec comité de lecture ou dans un commentaire signé par un professionnel de la santé reconnu. La matière abordée dans ce compte rendu s'adresse uniquement aux professionnels de la santé reconnus du Canada.

18e Congrès européen sur la microbiologie clinique et les maladies infectieuses (ECCMID)

Barcelone, Espagne / 19-22 avril 2008

Commentaire éditorial :

Andrew E. Simor, MD, FRCPC

Chef, service de microbiologie Sunnybrook Health Sciences Centre

Professeur titulaire de médecine Division des maladies infectieuses University of Toronto Toronto (Ontario)

Les premières traces de Staphylococcus aureus résistant à la méthicilline associé aux établissements de santé (SARM-H) remontent à la fin des années 1970. À ce jour, on a répertorié cinq clones résistants capables de causer une pandémie. Les clones sont classés en fonction des résultats d’analyses génétiques, que celles-ci soient faites par électrophorèse sur gel en champ pulsé (PFGE), par génotypage multilocus (MLST) ou par séquençage de la protéine A (SPA). Le gène qui confère la résistance est véhiculé par un élément génétique mobile connu sous le nom de SCCmec, et c’est cette mobilité qui aide S. aureus à devenir résistant.

Jusqu’ici, on s’inquiétait moins de SARM d’origine communautaire (SARM-C) que de SARM-H du fait qu’il était généralement plus sensible aux antibiotiques. L’émergence de souches virulentes de SARM-C est toutefois en train de changer la donne. Ces infections se répandent particulièrement vite dans certaines populations, comme les participants aux sports de contact, les détenus, les militaires, les enfants en garderie, les hommes ayant des relations homosexuelles et les utilisateurs de drogues injectables. Dans la plupart des cas, la promiscuité, la mise en commun d’équipement ou d’articles personnels et une hygiène généralement trop sommaire contribuent à la transmission. La distinction entre SARM-C et SARM-H est de plus en plus floue, comme l’a montré une étude réalisée par Moran et al. (N Engl J Med 2006;355:666-74). Cette étude portait sur des adultes souffrant d’une infection aiguë et purulente de la peau et des tissus mous qui s’étaient présentés à 11 services des urgences d’un hôpital universitaire en août 2004. S. aureus a été isolé chez 320 des 422 patients et 59 % de ces isolats étaient des souches de SARM (limites de 15 % et de 74 %). De plus, dans un pourcentage très élevé de cas, les isolats de SARM étaient de la souche USA300, nouvelle souche de SARM-C qui s’est répandue rapidement dans la collectivité, et portaient le gène codant pour la leucocidine de Panton-Valentine (gène pvl), toxine qui, semble-t-il, rendrait la souche plus pathogène. Cette étude regroupait des établissements de partout aux États-Unis. Au Canada, les éclosions d’infections à SARM de souche USA300 ont été plus circonscrites et moins fréquentes, mais les infections causées par ces souches de SARM-C sont néanmoins de plus en plus courantes.

La souche USA300 semble différente, car on observe maintenant un phénomène de multirésistance. Il est ressorti d’une étude sur SARM-C réalisée chez des hommes qui avaient des relations homosexuelles que, sur 130 patients infectés par SARM, 126 (97 %) avaient contracté la souche USA300 et 60 (46 % de tous les cas de SARM) étaient porteurs de souches multirésistantes (Diep et al. Ann Intern Med 2008;148:249-57).

L’épidémiologie changeante des infections à Gram positif, et des infections à SARM en particulier, lance un défi au clinicien. Ces infections sont souvent mortelles, comme l’a révélé l’analyse en 2006 de 3254 décès de patients ayant subi une intervention chirurgicale, toutes spécialités confondues, en Écosse (www.sasm.org.uk/Reports/Summary_Report_2006_data.pdf). Les infections contractées dans un établissement de santé ont causé 13 % des décès (422/3254), et 4 % de tous les patients étaient porteurs d’une infection à SARM-H (129/3254). C’est donc dire que nous avons encore besoin d’autres options de traitement. Bien qu’il soit important d’avoir les options appropriées sous la main, il est aussi primordial de faire le bon choix, car le traitement initial inapproprié d’une infection grave est l’un des principaux éléments contributifs du taux élevé de mortalité (Figure 1).

Figure 1. Mortalité consécutive à une antibiothérapie initiale inappropriée


Considérations thérapeutiques

Si un vaste éventail d’options de traitement s’offre actuellement au clinicien, celui-ci doit néanmoins tenir compte de facteurs propres au patient comme la comorbidité. En présence de neutropénie, par exemple, l’antibiotique devra être plus efficace pour venir à bout de l’infection. En présence d’insuffisance rénale, il faudra porter une attention particulière à la néphrotoxicité des glycopeptides et au risque de concentrations élevées cumulatives dans le cortex rénal qui découle de l’utilisation des aminosides. Il va de soi que le choix du clinicien doit aussi être fonction de la gravité de l’infection et de la localisation du foyer infectieux; ainsi, en présence d’une infection vasculaire, d’une endocardite, d’une pneumonie ou d’une méningite, un antibiotique bactéricide serait préférable à un antibiotique bactériostatique.

Une bactériémie prolongée par S. aureus peut entraîner un certain nombre de complications comme un syndrome de réponse inflammatoire systémique, une contamination osseuse ou articulaire et une myosite avec ou sans fasciite nécrosante. L’élimination rapide de l’infection dans la circulation sanguine contribuera alors à atténuer la morbidité, si bien qu’un traitement bactéricide serait préférable à un traitement bactériostatique. La mise en route précoce du traitement devrait aussi contribuer à assurer l’élimination rapide de l’infection. En effet, dans une étude où l’on comparait la mortalité d’origine infectieuse selon que le traitement avait été précoce ou différé, l’administration différée du traitement a été associée à un taux de mortalité significativement plus élevé (33 % vs 19 %; p=0,05) (Lodise et al. Clin Infect Dis 2003;36[11]:1418-23). Dans le cas de l’endocardite à SARM, la vancomycine est le traitement de référence, mais le délai d’élimination de l’infection dans la circulation sanguine est assez long; selon Levine et al. (Ann Intern Med 1991;115:674-80), il serait de neuf jours.

On doit par ailleurs tenir compte du fait que certains agents, comme les glycosides, ne pénètrent pas le tissu pulmonaire facilement. À toutes ces considérations s’ajoutent les facteurs liés à l’agent pathogène en cause, en particulier sa sensibilité aux antibiotiques selon les rapports générés par les laboratoires de microbiologie.

Résistance croissante à la vancomycine

Si une ß-lactamine demeure le meilleur choix dans le traitement des infections par S. aureus sensible à la méthicilline (SASM), la vancomycine demeure la référence dans les infections à SARM même si elle se caractérise par une pénétration tissulaire relativement faible et une action bactéricide lente. On observe par ailleurs un glissement des concentrations minimales inhibitrices (CMI) de vancomycine à l’égard de souches de S. aureus de sensibilité intermédiaire et à résistance hétérogène (hVISA) ou simplement de sensibilité intermédiaire (VISA). Cette diminution de la sensibilité est imputable à une production excessive de peptidoglycane, qui peut à la fois séquestrer les molécules de vancomycine, les empêchant ainsi d’atteindre leur cible bactérienne, et empêcher d’autres molécules de vancomycine de traverser la paroi cellulaire. On observe aussi un autre phénomène, celui du bond des CMI, en vertu duquel une souche de S. aureus fait l’acquisition du gène vanA qui confère la résistance à la vancomycine, et devient ainsi résistante à la vancomycine (VRSA). À l’heure actuelle, si les souches de VRSA demeurent peu fréquentes (sept cas à ce jour), le nombre de souches de S. aureus de sensibilité réduite à la vancomycine est en hausse).

De plus en plus de données laissent entendre qu’il s’agit là d’un développement préoccupant. Lors d’une étude réalisée par Fridkin et al. (Clin Infect Dis 2003;15[36]:429-39), tous les cas d’infection à VRSA (que les CMI de vancomycine à l’égard des isolats aient été de 4 ou 8 µg/mL) ont été associés à un taux de mortalité de 63 % vs 12 % pour les infections à SARM. Howden et al. (Clin Infect Dis 2004;38:521-8) ont constaté que 19 des 25 patients atteints d’une grave infection à hVISA (CMI de vancomycine variant entre 2 et 4 µg/mL) n’avaient pas répondu à un traitement par la vancomycine. Des études subséquentes ont confirmé ces résultats, ce qui a donné lieu en 2006 à une révision des critères d’interprétation des seuils de S. aureus par le Clinical and Laboratory Standards Institute. Auparavant, une CMI <u><</u>4 µg/mL dénotait une bonne sensibilité, alors que le seuil actuel est <u><</u>2 µg/mL. De même, une souche était considérée comme résistante en présence d’une CMI <u>></u>32 µg/mL alors que le seuil actuel est <u>></u>16 µg/mL. Au Canada, on n’a toujours pas signalé de souches de VRSA ou de VISA. Cependant, on a découvert des souches de hVISA à l’égard desquelles la CMI de vancomycine est de 2 µg/mL. Les détails du programme canadien de surveillance des infections nosocomiales seront présentés au prochain congrès annuel conjoint ICAAC/IDSA, qui aura lieu en octobre 2008, à Washington, DC.

Autres possibilités dans le traitement des infections à SARM

Dans le traitement des infections à Gram positif, et plus précisément des infections à SARM, nous avons à notre disposition un certain nombre de solutions de rechange à la vancomycine, dont le linézolide, la daptomycine et la tigécycline. Le linézolide est un agent bactériostatique qui bloque la formation du complexe d’initiation 70S en se liant à la sous-unité 50S du ribosome. Il est indiqué pour le traitement de la pneumonie nosocomiale et des infections de la peau et des annexes cutanées compliquées (IPACc). La daptomycine, lipopeptide cyclique, est un antibiotique rapidement bactéricide. Dotée d’un mode d’action unique, elle réduit au minimum la lyse cellulaire et, par conséquent, la libération de cytokines pro-inflammatoires. La tigécycline – premier représentant d’une nouvelle classe d’antimicrobiens connus sous le nom de glycylcyclines – a été conçue expressément pour contourner les mécanismes de résistance actuels.

La tigécycline et la daptomycine exercent toutes les deux une bonne activité in vitro contre les entérocoques résistants à la vancomycine et SARM (CMI <u><</u>0,25 µg/mL pour la tigécycline et <u><</u>4 µg/mL pour la daptomycine à l’égard des entérocoques et <u><</u>0,5 µg/mL pour la tigécycline et <u><</u>1 µg/mL pour la daptomycine à l’égard de SARM (Tsiringa et al. ECCMID 2008, affiche 534). Lors de cette même étude, les isolats d’entérocoques et de SARM étaient également sensibles au linézolide (selon la monographie : CMI <u><</u>8 µg/mL à l’égard des espèces du genre Enterococcus et <u><</u>4 µg/mL à l’égard de celles du genre Staphylococcus).

Une étude de surveillance allemande a permis de découvrir que les CMI de daptomycine étaient plus faibles que les CMI de vancomycine à l’égard des bactéries à Gram positif comme SARM, Staphylococcus epidermidis résistant à la méthicilline ainsi que Streptococcus pyrogens et agalactiae résistants à la méthicilline. Elle a été homologuée aux États-Unis pour le traitement des IPACc à raison de 4 mg/jour en 2003 et pour le traitement de la bactériémie à S. aureus, y compris l’endocardite droite, à raison de 6 mg/jour en 2006. Elle a été homologuée au Canada à la fin de 2007 dans ces deux indications. Elle n’est cependant pas indiquée pour le traitement de la pneumonie, car elle est inactivée par les surfactants pulmonaires. Elle s’administre par perfusion sur une période de 30 minutes et ne nécessite pas de cathéter central. L’indication de la bactériémie à S. aureus – incluant l’endocardite droite – a été accordée sur la foi des données probantes d’une étude de phase III dans laquelle on comparait la daptomycine avec le traitement standard (gentamicine à faible dose et soit une pénicilline antistaphylococcique, soit la vancomycine) chez des patients présentant une bactériémie à S. aureus (Fowler et al. N Engl J Med 2006;355:653-65). Les auteurs ont rapporté qu’un résultat favorable avait été enregistré chez 53 des 120 patients du groupe daptomycine (44,2 %) vs 48 des 115 patients qui recevaient le traitement de référence (41,7 %). Dans le sous-groupe de patients présentant une endocardite droite, la daptomycine s’est révélée sûre et bien tolérée, et son taux de réussite était semblable à celui du traitement de référence (42,1 % et 43,3 %, respectivement).

CORE

Afin de mieux comprendre l’utilisation de cet antimicrobien dans la pratique quotidienne, on a entrepris l’étude par observation CORE (Cubicin Outcomes Registry and Experience). Dans le cadre de cette étude sur la daptomycine, on prend note du profil des patients traités, des infections traitées, des agents pathogènes en cause et des effets indésirables signalés. Il va de soi qu’une étude rétrospective a ses limites, mais elle fournit néanmoins de précieux renseignements sur l’utilisation du produit en conditions réelles. De plus, comme il s’agit d’un projet en cours, il est possible de cerner l’évolution des tendances de prescription de la daptomycine.

Les critères de jugement sont les mêmes pour toutes les indications. Si la réussite clinique correspond à la guérison (résolution des symptômes sans qu’une autre antibiothérapie ne soit nécessaire) ou à l’amélioration (résolution partielle des symptômes ou utilisation d’une antibiothérapie supplémentaire après la réponse initiale), l’échec équivaut quant à lui à une détérioration clinique, à une réponse insuffisante nécessitant un changement d’antibiothérapie et à une culture positive au terme du traitement.

Chez les patients qui présentaient une bactériémie, la réussite (guérison ou amélioration) a été possible chez 89 % des 126 patients après une médiane de 12,5 jours de traitement par la daptomycine, peu importe que l’infection ait été liée au cathéter ou non (Sakoulas et al. Am J Med 2007;120:S21-S27). L’issue semblait aussi relativement indépendante de l’agent pathogène en cause (p. ex., Enterococcus, y compris les souches résistantes à la vancomycine, et SARM). Chez 334 patients présentant une IPACc, les taux de guérison et d’amélioration étaient respectivement de 66 % et de 32 % (Owens et al. Am J Med 2007;120:S6-S12). Chez les patients qui présentaient une endocardite infectieuse droite, le taux de réussite clinique a atteint 83 % lorsque SARM était en cause. La base de données a aussi permis de constater que le produit était souvent utilisé hors indications, en particulier pour des maladies comme l’ostéomyélite, sa posologie commode en faisant un choix populaire.

Le pronostic est généralement sombre chez les insuffisants rénaux qui souffrent d’une infection à S. aureus, non seulement à cause de l’insuffisance rénale sous-jacente, mais aussi en raison d’un déficit qualitatif des polynucléaires neutrophiles qui fait obstacle à la clairance. L’analyse par sous-groupe des données de CORE en fonction de la clairance de la créatinine (supérieure ou inférieure à 30 mL/min) n’a objectivé aucun effet sur le nombre de réussites. Chez ces patients, la daptomycine était administrée toutes les 48 heures.

En bref, les données de CORE semblent indiquer que la daptomycine est un agent fort utile pour le traitement de divers foyers infectieux dans un certain nombre de situations cliniques, comme l’insuffisance rénale.

Résumé

Le profil changeant des infections à Gram positif, et des infections à S. aureus en particulier, amène obligatoirement un remaniement de la prise en charge. L’incidence croissante des souches de SARM se traduit par des infections plus graves et un taux de mortalité plus élevé. En outre, la possibilité que certaines souches de SARM puissent rapidement devenir résistantes à d’autres antibiotiques est un problème de taille. On observe une diminution graduelle de la sensibilité de certaines souches de SARM à la vancomycine et, chose plus dérangeante encore, l’émergence de souches totalement résistantes à la vancomycine. En raison du mode d’action de la daptomycine, l’apparition rapide de souches résistantes semble peu probable. Cet antibiotique – qui exerce une action bactéricide rapide et dépendante des concentrations – s’est révélé sûr et efficace lors des essais comparatifs avec randomisation et des études par observation. Si la daptomycine doit être évitée dans le traitement de la pneumonie ou des infections causées par des souches de sensibilité réduite à la vancomycine, elle demeure une solution de rechange fort utile à la vancomycine chez les patients qui présentent une infection staphylococcique comme les IPACc et les bactériémies staphylococciques, avec ou sans endocardite droite.

Commentaires

Nous vous serions reconnaissants de prendre 30 secondes pour nous aider à mieux comprendre vos besoins de formation.