Comptes rendus

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Prise en charge de l’asthme : la maîtrise des symptômes d’abord et avant tout

Le présent compte rendu est fondé sur des données médicales présentées lors d'un congrès de médecine reconnu ou publiées dans une revue avec comité de lecture ou dans un commentaire signé par un professionnel de la santé reconnu. La matière abordée dans ce compte rendu s'adresse uniquement aux professionnels de la santé reconnus du Canada.

PRESSE PRIORITAIRE - Forum en médecine familiale 2011

Montréal, Québec / 3-5 novembre 2011

Rédactrice médicale en chef : Dre Léna Coïc, Montréal, Québec

Le traitement a beaucoup évolué au fil des années, mais l’asthme demeure associé à une morbidité considérable de même qu’à un coût économique et social élevé. Même si la mortalité a reculé de façon substantielle, l’asthme demeure responsable d’environ 300 décès par année au Canada et environ 80 % de ces décès sont évitables. Le plus souvent, le décès découle non pas d’un asthme sévère, mais bien de la maîtrise insuffisante d’un asthme plus léger, fait remarquer le Dr Anthony D’Urzo, professeur agrégé, Département de médecine familiale et clinique, University of Toronto, Ontario.

La prise en charge appropriée des maladies respiratoires repose d’abord et avant tout sur un diagnostic approprié, souligne le Dr Alan Kaplan, médecin de famille et chargé d’enseignement clinique, University of Toronto. La spirométrie – dont on néglige souvent l’utilisation – est un outil qui aide à distinguer l’asthme de la maladie pulmonaire obstructive chronique (MPOC), à établir l’existence d’un handicap et à guider la prise en charge. Dans les cas où la spirométrie est associée à des résultats équivoques mais où l’on soupçonne tout de même la présence d’un asthme, le test à la méthacholine peut être utile. Dans l’asthme comme dans la MPOC, une détection plus précoce et l’établissement d’un plan de traitement peuvent prévenir la dégradation de la fonction pulmonaire.

Piètre maîtrise : phénomène répandu

Il existe une «discordance» entre la maîtrise de l’asthme telle que perçue par les patients et la réalité clinique, et c’est une source de difficultés, indique le Dr D’Urzo, «car c’est souvent ce que nous disent les patients qui dicte notre ligne de conduite; [or], ce n’est pas forcément le reflet de la réalité [...] Nous devons nous assurer de sonder les patients afin de déterminer dans quelle mesure ils comprennent ce veut vraiment dire «maîtrise de l’asthme» [...] Ils ne savent pas toujours ce que l’on entend par maîtrise appropriée, acceptable ou raisonnable», poursuit-il.

Dans le cadre du sondage EUCAN AIM mené auprès de 2400 patients canadiens et européens (www.takingaimatasthma.ca), 93 % des répondants considéraient que leur asthme était bien maîtrisé. Cela dit, 39 % avaient eu un épisode sévère au cours des 12 derniers mois. Dans plus de la moitié des cas (52 %), une consultation médicale s’était imposée : 45 % avaient vu un médecin pour une aggravation de leurs symptômes, 28 % avaient dû être traités au Service des urgences ou à l’hôpital, et 5 % avaient passé une nuit à l’hôpital à cause de l’asthme. En outre, un nombre considérable de patients ont rapporté que l’asthme perturbait leur sommeil (42 %) ou leurs activités physiques ou sociales (48 % et 37 %, respectivement); plus de 20 % avaient dû s’absenter du travail ou de l’école. Enfin, autre preuve que la piètre maîtrise est monnaie courante, les répondants utilisaient en traitement de secours une moyenne de six inhalateurs par année. «Cela représente 1200 inhalations au cours de l’année [...], soit environ trois inhalations par jour, ce qui est de loin supérieur à ce qu’ils devraient utiliser», fait valoir le Dr D’Urzo.

La piètre observance du traitement, et surtout du traitement d’entretien, est la principale raison de la maîtrise insuffisante de l’asthme. «Si les patients ne prennent pas leurs médicaments comme il faut et régulièrement, il devient très difficile, voire impossible, d’obtenir le degré de maîtrise auquel nous aspirons», insiste le Dr D’Urzo. Environ un patient sur trois ne fait pas exécuter son ordonnance de corticostéroïdes en inhalation (CSI) et environ un sur cinq ne prend pas son médicament. De nombreux patients ne veulent pas prendre leur médicament d’entretien, surtout quand ils se sentent bien. À tort, ils préfèrent les médicaments qui soulagent leurs symptômes rapidement et considèrent cette façon de faire comme acceptable, même s’ils en ont besoin chaque jour. Certains patients imputent même leur piètre observance au coût d’un médicament supplémentaire. «En définitive, l’abandon du traitement entraîne souvent une détérioration de la maîtrise de l’asthme», affirme le Dr D’Urzo.

Même parmi les patients qui utilisent leurs médicaments régulièrement, on observe très souvent une mauvaise technique d’inhalation, ce qui entraîne non seulement une piètre maîtrise, mais aussi des effets indésirables, telle une candidose causée par le dépôt de médicament sur la face postérieure du pharynx, et une augmentation des coûts en raison du gaspillage de médicaments. Chaque fois qu’on se heurte à un asthme mal maîtrisé, on devrait demander au patient de démontrer comment il utilise son inhalateur, estime le Dr Christopher Fotti, médecin de famille, East St. Paul, Manitoba, qui travaillait auparavant comme inhalothérapeute. En outre, le médecin doit être capable de montrer la technique d’inhalation à ses patients, car un éducateur en asthme n’est pas toujours accessible, ajoute-t-il.

Maîtriser l’asthme aujourd’hui pour éviter les problèmes demain

Les patients ne sont pas conscients de la pathologie qui sous-tend l’asthme, en particulier de l’inflammation continue et de son impact négatif à long terme sur la fonction pulmonaire. Il est à propos de souligner au patient qu’une piètre maîtrise des symptômes et la survenue d’exacerbations augmentent le risque de problèmes futurs, fait remarquer le Dr D’Urzo. En revanche, l’adhésion au traitement peut prévenir la détérioration de la fonction pulmonaire. On doit rappeler au patient que le remodelage pulmonaire résultant de l’inflammation peut survenir même en l’absence de symptômes. «Si les symptômes sont bien maîtrisés, il faut voir le traitement comme un investissement qui réduira le risque d’exacerbation, le besoin futur de soins urgents et de corticostéroïdes oraux, le risque de détérioration permanente de la fonction pulmonaire, et la mortalité [...]. Le médecin peut expliquer au patient que les CSI sont de puissants anti-inflammatoires et l’aider à comprendre que le traitement est au fond une assurance contre les problèmes futurs.»

Options de traitement

Au Canada, à l’heure actuelle, les CSI sont recommandés pour le traitement d’entretien de première intention de l’asthme (Can Respir J 2010;17:15-24). Les patients qui craignent les corticostéroïdes peuvent être rassurés : les doses utilisées dans le traitement de l’asthme sont assez faibles pour être qualifiées d’homéopathiques, affirme le Dr D’Urzo. Le traitement de l’asthme doit être personnalisé, ajoute-t-il. «Si le patient n’est pas convaincu, il ne le suivra pas.»

Chez les adultes et les enfants de plus de 12 ans dont l’asthme n’est pas suffisamment bien maîtrisé par des CSI en monothérapie de première intention, l’ajout d’un bronchodilatateur à longue durée d’action (BALA) peut atténuer davantage les symptômes de l’asthme, améliorer la fonction pulmonaire et réduire les exacerbations. Cette mesure est parfois plus efficace et mieux tolérée qu’une augmentation de la dose de CSI, précise le Dr D’Urzo. De plus, dit-il, «l’association est plus efficace que les deux administrés séquentiellement». Certaines données plaident en faveur d’une association pour le traitement de première intention, par opposition à des CSI seuls, ajoute le Dr Fotti; la décision doit alors mettre en balance la probabilité d’une efficacité accrue, d’une part, et l’augmentation des coûts de même que le risque de traitement excessif et d’effets indésirables accrus, d’autre part.

Il existe maintenant sur le marché plusieurs produits qui réunissent en un seul inhalateur des CSI et un BALA, et ils sont tous d’efficacité similaire, affirme le Dr D’Urzo. Ce sont l’association fluticasone + salmétérol en poudre sèche ou en aérosol pour inhalation ou l’association budésonide + formotérol en poudre sèche pour inhalation. L’association mométasone + formotérol, la plus récente sur le marché canadien dans le traitement de l’asthme, vient compléter l’arsenal thérapeutique. La mométasone est un puissant corticostéroïde qui se caractérise par un pourcentage élevé de liaison aux protéines et une faible biodisponibilité, d’où une exposition systémique moindre, ajoute le Dr D’Urzo.

Résumé

Les congressistes se sont entendus pour dire que la maîtrise de l’asthme est plus pertinente que la sévérité de la maladie. L’absence complète de symptômes n’est peut-être pas un objectif réaliste chez tous les patients asthmatiques, mais une bonne maîtrise l’est chez la majorité, insiste le Dr D’Urzo. L’atteinte de cet objectif nécessite une réévaluation régulière des symptômes et du traitement médicamenteux ainsi qu’une éducation complète et continue du patient sur l’importance et la définition d’une bonne maîtrise de l’asthme, souligne le Dr Fotti.

Dans la prise en charge de l’asthme ou de la MPOC, un plan de traitement écrit aide le patient à surveiller sa maladie, à maîtriser ses symptômes dans divers contextes et à savoir quand consulter un médecin. Il a aussi été démontré qu’un plan de traitement écrit favorisait l’observance du traitement dans son ensemble, indique le Dr Kaplan. Cela dit, seulement 20 % environ des patients reçoivent actuellement un plan écrit de leur médecin. (Les sites suivants proposent des modèles téléchargeables : l’Association pulmonaire et la Société canadienne de thoracologie : http://www.lignesdirectricesrespiratoires.ca/sites/all/files/MPOC-plan-daction_1.pdf).

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