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Le présent compte rendu est fondé sur des données médicales présentées lors d'un congrès de médecine reconnu ou publiées dans une revue avec comité de lecture ou dans un commentaire signé par un professionnel de la santé reconnu. La matière abordée dans ce compte rendu s'adresse uniquement aux professionnels de la santé reconnus du Canada.

PRESSE PRIORITAIRE - Séances scientifiques 2011 de l’American Heart Association (AHA)

Orlando, Floride / 12-16 novembre 2011

Rédactrice médicale en chef : Dre Léna Coïc, Montréal, Québec

Notre recherche du schéma le plus efficace pour prévenir les événements cardiovasculaires (CV) a donné lieu à de nombreux essais cliniques visant à comparer les différentes options. Le risque d’événement CV étant très élevé à la suite d’un infarctus du myocarde avec ou sans sus-décalage du segment ST (IM ST+ ou IM ST-), surtout lorsqu’une intervention coronarienne percutanée (ICP) s’impose, de légères différences sur le plan de l’efficacité antithrombotique peuvent avoir un impact majeur sur la survie. L’héparine non fractionnée (HNF) demeure très utilisée après un syndrome coronarien aigu (SCA), mais les nouvelles données présentées au congrès ont ajouté du poids aux données toujours plus nombreuses montrant que cet agent a été relégué au rôle d’agent de deuxième intention.

«Nous avons beaucoup de données sur les solutions de rechange à l’HNF chez les patients qui subissent une ICP; l’ennui, c’est que peu d’études où l’on compare l’HNF aux agents de rechange ont la puissance statistique nécessaire pour que l’on puisse évaluer l’effet du traitement sur les paramètres cliniques majeurs, surtout la mortalité», souligne le Dr Johanne Silvain, Hôpital Pitié-Salpétrière, Paris, France. Bien que nous ayons des données prouvant que les héparines de bas poids moléculaire (HBPM) offrent un meilleur ratio bénéfice:risque que l’HNF, explique-t-il, la pratique n’a pas changé de façon systématique en raison du manque d’études concluantes.

Méta-analyse d’envergure

Pour pallier cette lacune, le Dr Silvain et ses collègues ont entrepris de faire une méta-analyse d’envergure regroupant tous les essais comparatifs portant sur l’énoxaparine, la plus étudiée des HBPM dans le contexte de l’ICP. Les chercheurs ont eu recours à deux projets indépendants pour recueillir, puis extraire les données afin de réduire les biais au minimum. L’objectif était de comparer l’énoxaparine et l’HNF quant au ratio bénéfice:risque selon les paramètres majeurs, notamment la mortalité globale et les événements hémorragiques.

Deux évaluateurs ont recensé 229 études après avoir fait une recherche indépendante dans Medline, fouillé la base de données de la Collaboration Cochrane sur les essais comparatifs et épluché les résumés d’importantes conférences. De ces études, 34 étaient de qualité suffisante pour être évaluées en détail et 22 répondaient aux critères et aux normes de qualité prédéfinis. Les 22 essais regroupaient 29 633 patients, 13 604 ayant reçu de l’énoxaparine et 16 029, de l’HNF. Les résultats ont été exprimés en risque relatif (RR).

Chez les patients ayant subi une ICP pour un SCA, rapporte le Dr Silvain, «l’énoxaparine a été associée à une réduction de 34 % des décès [RR 0,66; IC à 95 % : 0,57-0,76; p<0,001], à une réduction de 32 % des décès ou des IM [RR 0,68; IC à 95 % : 0,57-0,81; p<0,001] et à une réduction de 20 % du risque d’hémorragie majeure [RR 0,80; IC à 95 % : 0,56-0,93; p=0,009]».

Chez les patients qui ont subi une ICP primaire pour un IM ST+, les avantages relatifs étaient encore plus marqués. Les données présentées par le Dr Silvain ont en effet révélé une diminution de 48 % des décès (RR 0,52; IC à 95 % : 0,42-0,64; p<0,001) et une diminution de 44 % des décès ou des IM (RR 0,56; IC à 95 % : 0,42-0,76). L’énoxaparine a été associée non seulement à une forte diminution du risque d’événement, mais aussi à une diminution de 28 % des hémorragies majeures (RR 0,72; IC à 95 % : 0,56-0,93; p=0,01).

«Dans 6 études de cette méta-analyse, les sujets avaient été victimes d’un IM ST+ et avaient subi une ICP, et l’énoxaparine a été associée à une baisse de la mortalité et du risque hémorragique dans chacune d’elles», précise le Dr Silvain. Bien que la diminution des risques relatifs associée à l’HNF n’ait atteint le seuil de signification statistique que dans quelques-unes de ces études, la tendance était constante d’une étude à l’autre, et l’analyse des données groupées a finalement objectivé une différence robuste.

Résultats d’autres études

Dans le cadre d’un essai multicentrique avec randomisation présenté au congrès, l’association HNF+abciximab, inhibiteur de la glycoprotéine IIb/IIIa, a été comparée à la bivalirudine, inhibiteur de la thrombine, chez 1721 patients qui avaient subi une ICP pour un IM ST- aigu. Le paramètre principal mixte regroupait les décès, les IM récidivants, les interventions urgentes de revascularisation des vaisseaux cibles et les hémorragies majeures survenant au cours des 30 premiers jours. Le paramètre secondaire, mixte également, regroupait la mortalité toutes causes confondues en plus des événements du paramètre principal.

On n’a observé aucune différence significative quant à la proportion de patients ayant atteint le paramètre principal (10,9 % dans le groupe HNF+antiplaquettaire vs 11,0 % dans le groupe bivalirudine; p=0,94), mais les schémas n’ont pas été considérés comme équivalents en raison d’une augmentation de 84 % du risque hémorragique (4,7 % vs 2,6 %) chez les patients qui avaient reçu l’association (RR 1,84; IC à 95 % : 1,10-3,07; p=0,02).

«Comparativement à la bivalirudine, l’association HNF+abciximab n’a pas abaissé le taux d’événements inclus dans le paramètre, mais elle a augmenté significativement le risque hémorragique», affirme le Pr Adnan Kastrati, Deutsches Herz-Zentrum, Munich, Allemagne. Compte tenu du fait que «les résultats de l’ICP dépendent largement de l’efficacité et de l’innocuité des anticoagulants utilisés durant l’intervention», il est essentiel de déterminer lequel des schémas est le plus efficace, insiste le Pr Kastrati.

Les résultats d’un autre essai – une étude de phase III sur un nouvel antagoniste oral du PAR-1 (protease-activated-receptor 1) – ont été moins encourageants. Dans le cadre de cet essai intitulé TRA-CER (Thrombin Receptor Antagonist for Clinical Event Reduction in Acute Coronary Syndrome), 12 944 patients ayant été victimes d’un IM ST- et ayant subi une ICP pour la plupart ont été randomisés de façon à recevoir du vorapaxar, antagoniste oral du PAR-1, ou un placebo en plus d’un schéma antiplaquettaire standard à base d’AAS et de clopidogrel. Le paramètre principal regroupait les décès d’origine CV, les IM, les AVC, les hospitalisations pour une ischémie récidivante et les interventions de revascularisation urgentes. Les résultats de l’essai TRA-CER ont été dévoilés simultanément dans la version en ligne du New England Journal of Medicine et au congrès.

Lorsqu’on a mis fin prématurément à cette étude après 2 ans de suivi, l’un des événements inclus dans le paramètre était survenu chez 18,5 % des patients ayant reçu du vorapaxar et 19,9 % des témoins ayant reçu un placebo (écart non significatif). L’évaluation du paramètre secondaire – qui regroupait les décès d’origine CV, les IM et les AVC – a révélé que le vorapaxar conférait un avantage significatif (14,7 % vs 16,4 %; RR 0,89; IC à 95 % : 0,81-0,98; p=0,02), mais les taux d’hémorragies modérées et sévères étaient plus élevés dans le groupe de traitement actif (7,2 % vs 5,2 %; RR 1,35; IC à 95%, 1,16-1,58; p<0,001). En outre, le taux d’hémorragies intracrâniennes – quoique faible – était beaucoup plus élevé dans le groupe vorapaxar (1,1 % vs 0,2 %; RR 3,39; IC à 95 % : 1,78-6,45; p<0,001).

«Compte tenu de notre expérience avec les études de phase II, nous avons été à la fois étonnés et déçus de constater que l’évaluation du paramètre principal ne faisait pas ressortir d’avantage significatif», affirme le Dr Robert Harrington, Duke Clinical Research Institute, Durham, Caroline du Nord. En sa qualité de président du comité directeur de l’essai TRA-CER, il expliquait qu’à la lumière des études de phase II, les chercheurs s’attendaient en fait à une plus grande protection contre les événements CV et ne prévoyaient pas d’augmentation du risque hémorragique par rapport au placebo.

Les Drs Pierluigi Tricoci et Kenneth Mahaffey, investigateurs principaux de l’essai et confrères du Dr Harrington affiliés à la Duke University, abondaient dans le même sens. De l’avis du Dr Mahaffey, ces résultats ne signifient pas forcément que l’on mettra fin au développement du vorapaxar. Les chercheurs vont plutôt tenter d’évaluer à fond les différences entre les groupes quant à certains événements et aux causes des hémorragies. Les deux chercheurs estiment que le faible taux de décès CV, d’IM et d’AVC (paramètre secondaire) est «prometteur» et qu’il justifie une évaluation plus poussée.

Résumé

L’une des mesures les plus importantes que l’on puisse prendre pour réduire le risque d’événement CV chez les patients ayant été victimes d’un SCA est d’amorcer un traitement antithrombotique optimal le plus vite possible après que le diagnostic a été établi. En général, le schéma optimal est celui qui offre la réduction maximale du taux d’événements pour autant qu’il soit associé à un risque hémorragique acceptable. La méta-analyse sur l’énoxaparine et l’HNF a toutefois généré de solides données montrant qu’une protection accrue contre les événements n’a pas forcément pour corollaire un risque hémorragique accru. Ces résultats – que l’on attribue aux effets plus prévisibles des HBPM – et d’autres données semblent indiquer que les solutions de rechange à l’HNF sont avantageuses pour les patients ayant été victimes d’un SCA aigu.

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