Comptes rendus

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Prise en charge de l’hémophilie : Évaluation de la méthode RICE et du traitement substitutif par des facteurs dotés d’une demi-vie plus longue

Le présent compte rendu est fondé sur des données médicales présentées lors d'un congrès de médecine reconnu ou publiées dans une revue avec comité de lecture ou dans un commentaire signé par un professionnel de la santé reconnu. La matière abordée dans ce compte rendu s'adresse uniquement aux professionnels de la santé reconnus du Canada.

PRESSE PRIORITAIRE - 64e Assemblée annuelle de la National Hemophilia Foundation

Orlando, Floride / 8-10 novembre 2012

Orlando - Chez le patient hémophile, la prise en charge d’une hémarthrose ou d’une hémorragie musculaire repose classiquement sur une série de mesures appelées collectivement «RICE» (rest, ice, compression, elevation). Il ressort toutefois d’un examen critique de la littérature que très peu de données objectives étayent certaines composantes de la méthode RICE. Si la substitution du facteur déficitaire est la pierre angulaire du traitement des hémophilies A et B, les agents que l’on trouve sur le marché sont limités par leur courte demi-vie et doivent être injectés plusieurs fois par semaine pour assurer le maintien de taux protecteurs du facteur de coagulation déficitaire. L’évolution de la technologie des protéines de fusion a pavé la voie au développement d’agents dont l’action est plus durable. L’expérience clinique avec la protéine de fusion Fc-facteur VIII recombinante et la protéine de fusion Fc-facteur IX recombinante a confirmé l’activité coagulante prolongée des produits, offrant ainsi aux patients la perspective d’une meilleure qualité de vie sans que l’efficacité clinique en soit compromise.

Les hémarthroses et les hémorragies musculaires sont monnaie courante chez les patients atteints d’hémophilie A sévère, affirme le Dr Leonard Valentino, Rush University Medical Center, Chicago.

Le traitement vise principalement à prévenir les synovites et les arthropathies découlant d’épisodes hémorragiques et à favoriser la cicatrisation. Secondairement, le traitement vise à enrayer la douleur, à rétablir l’amplitude de mouvement, à augmenter la force, à prévenir la récurrence et à promouvoir la santé articulaire globale.

«Nous savons que la substitution du facteur déficitaire est efficace, mais nous ne savons pas si chacune des composantes de la méthode RICE – le repos, l’application de glace, la compression et l’élévation – contribue à l’atteinte des objectifs du traitement», ajoute le Dr Valentino.

Comme le souligne James Munn, inf., University of Michigan, Ann Arbor, le repos permet une accumulation moindre de sang au siège de la lésion, diminue le stress et l’effort pour le tissu lésé et perturbe moins le processus de cicatrisation. Par contre, il peut aussi nuire à la cicatrisation en permettant aux déchets de s’accumuler au siège de la lésion. À long terme, l’inactivité peut entraîner une atrophie et une fonte musculaires, lesquelles peuvent conduire à une instabilité des articulations et à une vulnérabilité aux nouvelles lésions. D’ailleurs, on ne trouve dans la littérature aucune donnée objectivant les avantages du repos dans l’hémophilie.

De même, les données à l’appui des avantages de l’application de glace chez les patients hémophiles sont rares, et les données que l’on trouve concernent plutôt certains domaines bien particuliers comme la traumatologie et la médecine sportive, souligne Mme Angela Forsyth, Rush University Medical Center.

Certaines études ont montré que l’application de glace pouvait en fait prolonger le saignement, allonger le temps de formation du caillot, diminuer l’activité du facteur et diminuer l’agrégation et l’adhésion plaquettaires. On ne sait pas vraiment s’il en va de même chez le patient hémophile.

La compression aide à contenir l’hémorragie et à atténuer l’œdème en réduisant les fuites capillaires dans les tissus interstitiels et les espaces intra-articulaires, explique M. Munn. Cela dit, la compression expose aussi le patient hémophile au risque d’effets contre-productifs.

Enfin, l’élévation abaisse la tension artérielle au siège de la lésion et facilite le drainage lymphatique des cytokines
pro-inflammatoires, deux effets qui, croit-on, contribueraient au processus de cicatrisation. Cependant, les données objectives à l’appui de l’élévation sont quasi inexistantes, enchaîne M. Munn.

Augmentation de la demi-vie

Dans les hémophilies A et B, les facteurs de substitution sont la base du traitement, mais leur courte demi-vie impose des contraintes. Les patients ont ainsi besoin chaque semaine de multiples injections qui assurent le maintien de taux protecteurs du facteur de coagulation déficitaire. Plusieurs agents à action prolongée sont à l’étude, mais seulement deux ont fait l’objet de communications au congrès.

On a réussi à prolonger la demi-vie des facteurs de substitution grâce à la technologie des protéines de fusion. L’expérience clinique avec la protéine de fusion Fc-facteur VIII recombinante (rFVIIIFc) et la protéine de fusion Fc-facteur IX recombinante (rFIXFc) a confirmé que l’activité coagulante durait plus longtemps sans perte d’efficacité clinique et que la qualité de vie s’en trouvait améliorée.

Évaluation du rFVIIIFc

Ces résultats ont motivé la tenue d’une étude de phase III multicentrique menée en mode ouvert – A-LONG – chez des patients atteints d’hémophilie A sévère qui étaient déjà traités. Le plan de cette étude a fait l’objet d’une communication par affiche présentée au congrès.

L’étude comportait trois groupes recevant le rFVIIIFc : prophylaxie individualisée (n=118), prophylaxie hebdomadaire (n=24) et traitement épisodique, à la demande (n=23). Chaque groupe comportait un sous-groupe de patients ayant besoin d’une intervention chirurgicale majeure, et le rFVIIIFc a été évalué pour la prise en charge périopératoire de ces patients. Les paramètres principaux étaient l’innocuité, la tolérabilité et l’efficacité du rFVIIIFc.

Les résultats préliminaires dont il est question ici avaient été dévoilés avant la tenue du congrès. Comme l’avaient montré les premières études cliniques, le rFVIIIFc a été bien toléré, et aucun patient n’a eu de réaction anaphylactique ou n’a développé d’inhibiteurs anti-rFVIIIFc. Si l’on fait abstraction des patients opérés, les effets indésirables (EI) les plus fréquents (≥5 %) ont été la rhinopharyngite, les arthralgies, les céphalées et les infections des voies respiratoires supérieures.

La médiane du taux annualisé d’hémorragies (TAH) se chiffrait à 1,6 et à 3,6 dans les groupes prophylaxie individualisée et prophylaxie hebdomadaire, vs 33,6 dans le groupe de traitement épisodique. Dans 98 % des cas, il a suffi de 1 ou 2 injections de rFVIIIFc pour juguler l’épisode hémorragique. Parmi les patients ayant reçu une prophylaxie individualisée, l’intervalle entre les doses était de 3,5 jours (médiane) et, au cours des 3 derniers mois de l’étude, de 5 jours (moyenne) chez 30 % des sujets.

Comme l’expliquent le Dr Pasi et ses collaborateurs, il a été démontré que la technologie de la fusion Fc-facteur était efficace et qu’elle prolongeait l’activité des agents thérapeutiques par l’intermédiaire du processus naturel de recyclage du FcRn protégeant les protéines contre le catabolisme. La demi-vie prolongée du rFVIIIFc peut améliorer l’issue globale et la qualité de vie du patient du fait que la fréquence d’administration s’en trouve réduite et le fardeau du traitement, allégé.

Le rFIXFc dans l’hémophilie B

Dans une autre communication par affiche, Luk et al. ont décrit le plan d’une étude de phase I/IIa menée chez des patients atteints d’hémophilie B sévère qui étaient déjà traités. L’étude visait à évaluer six doses de rFIXFc variant entre 1 et 100 UI/kg.

Dans ce cas-ci également, les résultats préliminaires avaient été divulgués avant le congrès. Comparativement au FIX standard, la protéine de fusion a été associée à une demi-vie et à un temps de séjour moyen 3 fois plus longs et à une clairance 2,5 fois moins rapide. Le nouvel agent n’a été jugé responsable d’aucun EI grave; un seul cas de dysgueusie et un seul cas de céphalées ont été signalés. Aucun signe de développement d’inhibiteurs – anticorps anti-FIXFc ou réaction anaphylactique – n’a été signalé.

Dans l’étude de phase III qui visait à évaluer la protéine de fusion, 123 patients de ≥12 ans atteints d’hémophilie B sévère ont été inscrits. L’essai comportait quatre groupes de traitement : prophylaxie hebdomadaire (n=63), prophylaxie individualisée (n=29), traitement épisodique (n=27) et prise en charge périopératoire (n=12, 14 interventions).

Les paramètres principaux étaient l’innocuité et la tolérabilité du rFIXFc de même que le TAH (patients opérés exclus). Les EI les plus fréquents ont été la rhinopharyngite, la grippe, les arthralgies, les infections des voies respiratoires supérieures, l’hypertension et les céphalées. Les auteurs ont signalé un seul EI grave, possiblement lié au médicament : une uropathie obstructive associée à une hématurie, qui a disparu sans que le traitement doive être arrêté.

Le TAH se chiffrait à 2,95 et à 1,38 dans les groupes prophylaxie hebdomadaire et prophylaxie individualisée, vs 17,69 dans le groupe de traitement épisodique. Chez les patients qui recevaient une prophylaxie individualisée, l’intervalle entre les doses au cours des 6 derniers mois de l’étude était de 14 jours (médiane). Une seule injection de rFIXFc a suffi à maîtriser plus de 90 % des épisodes hémorragiques.

Dans le sous-groupe des patients opérés, l’efficacité hémostatique du rFIXFc a été qualifiée de bonne ou excellente dans tous les cas.

La demi-vie prolongée du rFIXFc pourrait réduire la fréquence d’administration requise, offrir une protection plus durable et réduire le TAH chez les patients atteints d’hémophilie B sévère, concluent les chercheurs. De tels progrès pourraient alléger le fardeau du traitement et peut-être améliorer l’observance et les résultats cliniques.

Fardeau et difficultés

À en juger par une étude de pharmacocinétique, la détermination de la dose en fonction du poids corporel idéal plutôt que du poids réel a permis de diminuer la dose de facteur administrée sans pour autant augmenter le risque hémorragique du patient. Chez tous les patients qui ont terminé l’étude et dont la dose avait été calculée en fonction du poids idéal plutôt que du poids réel, la concentration maximale et la demi-vie du facteur se trouvaient dans les limites usuelles, explique Mme Kristen Jaworski, Hemophilia Center of Western Pennsylvania, Pittsburgh.

Cette étude témoigne d’une prise de conscience de l’épidémie d’obésité et de ses éventuelles implications dans la prise en charge de l’hémophilie. La dose de facteur est généralement déterminée en fonction du poids corporel réel, mais il reste que l’on comprend mal l’influence de l’obésité sur la distribution du médicament, poursuit Mme Jaworski. La détermination de la dose en fonction du poids corporel idéal ou de la masse maigre pourrait améliorer l’innocuité du traitement et en réduire les coûts.

On utilise les formules suivantes pour le calcul du poids idéal : 50 kg +2,3 kg par pouce au-delà de 5 pieds chez l’homme et 45,5 kg +2,3 kg par pouce au-delà de 5 pieds chez la femme. Six patients atteints d’hémophilie A ont reçu une dose de facteur substitutif calculée avec cette formule. Les patients avaient le profil suivant : âge compris entre 25 et 47 ans, poids corporel compris entre 200 et 333 lb, taille comprise entre 67 et 75 pouces, et indice de masse corporelle compris entre 30 et 48. La concentration maximale de facteur VIII était normale chez les six patients.

Pour illustrer la différence entre poids réel et poids idéal dans le calcul de la dose, Mme Jaworski a décrit le cas d’un patient atteint d’hémophilie B dont le poids réel était de 400 lb et dont le poids idéal aurait été de 176 lb. La concentration de FIX a atteint un maximum de 78 % 30 minutes après l’administration de la dose calculée avec le poids réel vs 107 % pour la dose avec le poids idéal + 25 %.

«À la lumière de ces résultats, notre établissement recommande aux patients obèses de se soumettre à une étude de pharmacocinétique de la dose calculée avec le poids idéal, concluent les chercheurs. La concentration du facteur rFVIII semble appropriée lorsqu’on calcule la dose en tenant compte du poids corporel idéal. Dans les cas où l’écart entre le poids réel et le poids idéal dépasse 100 %, un ajustement de la dose peut être nécessaire.» Ce principe devra être validé dans le cadre d’une vaste étude multicentrique afin que l’on puisse en généraliser l’efficacité et peut-être l’appliquer à la pratique clinique.



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