Comptes rendus

Résultats et retombées cliniques de l’étude JUPITER : le point de vue du Québec
Nutrition Pédiatrique Info-Ressources

Prise en charge des risques relatifs d’un INTI sans compromis quant au maintien de la maîtrise de l’infection

Le présent compte rendu est fondé sur des données médicales présentées lors d'un congrès de médecine reconnu ou publiées dans une revue avec comité de lecture ou dans un commentaire signé par un professionnel de la santé reconnu. La matière abordée dans ce compte rendu s'adresse uniquement aux professionnels de la santé reconnus du Canada.

PRESSE PRIORITAIRE - La 16e Conférence sur les rétrovirus et les infections opportunistes (CROI)

Montréal, Québec / 8-11 février 2009

Étant donné le vieillissement rapide des patients infectés par le VIH ou atteints du SIDA dans de nombreux pays, dont le Canada, on accorde maintenant plus d’attention aux risques à long terme de la maladie et de ses traitements. Le nombre croissant d’options pour le maintien d’une virémie indécelable (<50 copies de l’ARN du VIH/mL) permet aux cliniciens d’évaluer le risque relatif d’effets indésirables sur une période de plusieurs années, voire la vie durant. Dans le cas particulier des inhibiteurs nucléosidiques de la transcriptase inverse (INTI), les risques relatifs de l’abacavir (ABC) et du ténofovir (TDF) comptent parmi les plus étudiés en raison de l’efficacité de ces agents et de leur inclusion dans divers schémas de première intention en concurrence.

Des données confirment la complexité du lien entre les maladies CV et le VIH/SIDA

Dans sa récapitulation détaillée des données sur le risque cardiovasculaire (CV) de l’ABC, le Dr Peter Reiss, professeur titulaire de médecine interne, Centre médical universitaire, Université d’Amsterdam, Pays-Bas, a rappelé aux congressistes que l’infection à VIH semble en soi majorer le risque CV en favorisant une réponse inflammatoire systémique.

«Les maladies CV [chez les patients infectés par le VIH ou atteints du SIDA] sont complexes et multifactorielles», confirme-t-il. À son avis, la prise en charge du risque CV chez le patient âgé infecté par le VIH devrait logiquement reposer «sur le maintien de la suppression du VIH, sur l’évaluation des facteurs de risque CV et sur la modification du traitement antirétroviral (ART) à la condition expresse que la maîtrise de l’infection à VIH ne soit pas compromise». Chez les patients à faible risque, conclut-il, l’augmentation relative du risque CV associé à l’ABC «s’est révélée très peu marquée» dans les études où un lien a été objectivé. Or, un faible risque est généralement peu susceptible de peser plus lourd dans la balance que les objectifs clés de l’administration d’une association d’ART, notamment la tolérabilité, l’efficacité et la commodité.

L’absence de lien entre l’ABC et le risque d’infarctus du myocarde (IM) confirmée par plusieurs études appelle à la prudence. Deux études discordantes ont d’ailleurs été présentées lors des séances de dernière heure du congrès. D’une part, des chercheurs ont évalué le risque relatif d’IM associé aux INTI, aux inhibiteurs de la protéase (IP) et aux inhibiteurs non nucléosidiques de la transcriptase inverse (INNTI) à partir des données de D:A:D sur 33 308 patients répartis dans 11 cohortes. Tous les INTI, à l’exception de la zidovudine, ont été associés à une légère augmentation du risque d’IM, souvent non significative sur le plan statistique. Dans le cas du TDF, l’intervalle de confiance (IC) à 95 % allait de 0,92 à 1,19, de sorte que le seuil de signification statistique n’a pas été atteint, mais le risque relatif (RR) était de 1,05. Dans le cas de l’ABC, l’IC plus étroit (IC à 95 % : 1,01 à 1,14) a donné lieu à un résultat significatif, mais le RR n’était que légèrement plus élevé (1,07; écart de 0,02).

D’autre part, une autre étude présentée à la séance de dernière heure a révélé que l’exposition cumulative à n’importe lequel des INTI, y compris l’ABC, n’augmentait pas le risque d’IM. Il est ressorti de cette étude que l’exposition récente (moins de un an) à l’ABC était associée à un risque accru d’IM, mais l’absence de risque à long terme va à l’encontre des allégations d’un éventuel risque cumulatif au fil du temps. Par rapport à une étude de cohortes comme D:A:D, une étude cas-témoins pourrait offrir quelques avantages, estime la Pre Dominique Costagliola, INSERM-Université Pierre et Marie Curie, Paris, France.

«Lors d’une étude cas-témoins nichée, les nouveaux cas et les nouveaux témoins sont recrutés à même les cohortes définies antérieurement à l’étude. Il en résulte une diminution du biais de rappel, l’une des faiblesses des études de cohortes qui ne font que comparer des “cas”, c’est-à-dire des victimes de l’événement ciblé, à des “témoins”, c’est-à-dire des sujets qui n’en sont pas victimes», explique la Pre Costagliola. Parmi les analyses rétrospectives, toutes considérées comme inférieures aux analyses prospectives, les études cas-témoins nichées sont généralement considérées comme plus fiables.

D’autres données présentées au congrès ont porté sur l’issue clinique à long terme observée chez 3205 patients ayant reçu un premier traitement ART aléatoirement lors de cinq études de l’ACTG (AIDS Clinical Trials Group). Cette analyse n’a mis au jour aucun lien significatif entre l’utilisation récente de l’ABC et soit un IM, soit une maladie CV grave, mais le risque de l’un ou l’autre était plus élevé chez les patients âgés et les patients hypertendus. «Contrairement aux études de cohortes comme D:A:D, nous n’avons pas noté de lien significatif entre l’utilisation récente de l’ABC et l’IM ou une maladie CV grave chez des patients jamais exposés à un ART qui, après randomisation, recevaient un schéma à base d’ABC», affirme la Dre Constance Benson, University of California, San Diego. «Nos résultats donnent à penser que le lien avec l’utilisation récente de l’ABC observé dans d’autres études pourrait être un marqueur d’autres facteurs que leurs analyses n’ont pas cernés.»

Dans sa récapitulation, le Dr Reiss a repéré six études qui avaient établi un lien entre l’ABC et le risque CV. De ces études, quatre ont associé l’ABC à une légère augmentation du risque, surtout s’il était utilisé depuis peu, contrairement aux deux autres. Si le Dr Reiss recommande aux médecins de prescrire des INTI autres que l’ABC en présence d’un risque CV avéré, il précise néanmoins que l’infection à VIH est en soi un facteur de risque de l’IM, probablement à cause de l’inflammation systémique résultant de la présence du VIH. La suppression de la charge virale serait non seulement une condition sine qua non de la prévention des complications de l’infection à VIH, mais également le facteur le plus important pour la prévention des événements CV chez les patients infectés par le VIH.

Dysfonction rénale

Quelques parallèles se sont dégagés des recommandations au sujet du lien entre le TDF et la dysfonction rénale. En effet, selon l’analyse de régression logistique multivariée des données de l’étude de cohortes menée en Suisse auprès de 1202 patients infectés par le VIH, le risque relatif approché (OR) de tubulopathie rénale proximale a été multiplié par un facteur de plus de trois chez les patients exposés au TDF (OR 3,3; IC à 95 % : 1,6-7,0). L’augmentation du risque était encore plus marquée chez les patients recevant à la fois du TDF et un IP. Fait digne de mention, les chercheurs ont observé un lien mécaniste entre la tubulopathie rénale proximale et l’ostéoporose, laquelle a déjà été liée au TDF.

«Nous avons observé un lien entre l’utilisation du TDF et l’excrétion pathologique des phosphates», rapporte le Dr Christoph Fux, Hôpital universitaire, Berne, Suisse, qui explique que son équipe avait entrepris cette étude en partie pour évaluer le lien entre l’excrétion rénale excessive de phosphates et la résorption osseuse compensatoire menant à l’ostéoporose. «Ce lien plausible sur le plan physiopathologique entre la dysfonction rénale confirmée et l’ostéopénie ou l’ostéoporose devrait faire l’objet de nouvelles études.»

Le risque de dysfonction rénale associée au TDF semble relatif et majoré de façon substantielle en présence d’une dysfonction rénale sous-jacente. Dans son analyse des complications rénales de l’infection à VIH, la Dre Lynda Szczech, directrice de la recherche en néphrologie, Duke Clinical Research Institute, Durham, Caroline du Nord, a discuté de l’augmentation à bas bruit de la créatininémie qui traduit une aggravation lente mais constante de la fonction rénale chez les patients infectés par le VIH. Elle recommande aux médecins de consulter un confrère ou une consœur néphrologue lorsqu’ils ont un patient qui, malgré une charge virale totalement maîtrisée, présente des signes persistants de dysfonction rénale. «Certains antirétroviraux peuvent être en cause, fait-elle remarquer, et le TDF vient en tête de liste.» Une détection et une intervention précoces sont essentielles.

«Lorsqu’un patient présente une insuffisance rénale, on ne peut jamais revenir à la [fonction rénale prémorbide]», prévient la Dre Szczech. Précisant que le risque de dysfonction rénale est influencé par certains traitements de même que par l’âge et l’ancienneté de l’infection à VIH, elle indique que ce risque, comme d’autres risques liés à l’âge, semble exacerbé par l’infection à VIH et qu’il viendra ajouter aux défis que nous lance la population vieillissante de patients infectés par le VIH.

Résumé

«Le [rapport] risque:bénéfice global de chaque ART doit être réévalué et doit tenir compte de tous les risques, donc non seulement du risque de maladie CV, mais aussi du risque de maladie osseuse ou rénale, par exemple, et des retombées sur la charge virale dans des compartiments autres que le plasma, comme le système nerveux central et les tissus», conclut la Pre Costagliola. Les évaluations en cours du lien entre l’infection à VIH et le vieillissement normal semblent indiquer qu’une virémie mal maîtrisée est l’ennemi le plus redoutable du cœur et du rein. De plus en plus de données montrent que des ART généralement efficaces et bien tolérés comme l’ABC et le TDF diffèrent sur le plan du risque de complications dans certains organes. Cela dit, ces risques relatifs sont mineurs et ne doivent pas éclipser l’objectif premier du traitement, qui est la suppression du VIH, en soi la principale source de complications majeures au niveau des organes cibles, quel que soit le traitement. L’ABC et le TDF demeurent des outils importants pour l’atteinte de l’objectif principal qu’est la maîtrise de l’infection à VIH.

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