Comptes rendus

Stratégies pour une diminution de la morbi-mortalité associée à l’aspergillose invasive et à d’autres infections
Traiter la douleur chronique et les états thymiques

Prise en charge du trouble dépressif majeur : rôle des antipsychotiques atypiques

Le présent compte rendu est fondé sur des données médicales présentées lors d'un congrès de médecine reconnu ou publiées dans une revue avec comité de lecture ou dans un commentaire signé par un professionnel de la santé reconnu. La matière abordée dans ce compte rendu s'adresse uniquement aux professionnels de la santé reconnus du Canada.

PRESSE PRIORITAIRE - Le 23e Congrès du European College of Neuropsychopharmacology

Amsterdam, Pays-Bas / 28 août-1er septembre 2010

«La dépression sévère constitue la composante de premier plan d’un état complexe et hétérogène fait d’anxiété, d’idées suicidaires et de multiples affections concomitantes à traiter de toute urgence.» Tels sont les propos du Dr Michael E. Thase, directeur, Programme Humeur et anxiété, et professeur titulaire de psychiatrie, University of Pennsylvania, Philadelphie. «C’est au cours des première et deuxième tentatives de traitement que les résultats sont les meilleurs. Par la suite, non seulement les chances de rémission diminuent lors de chaque traitement, mais la possibilité ne serait-ce que d’aider les patients à parvenir à la rémission s’évanouit chez 10 à 20 % des patients qui abandonnent après les premières tentatives infructueuses. C’est une minorité, certes, mais une minorité quand même appréciable.»

Ce n’est pas que les antidépresseurs ne sont pas efficaces, précise le médecin, mais bien que leurs effets ne sont marqués que chez une proportion de patients relativement faible, soit ceux dont les symptômes sont les plus sévères. Dans les dépressions très légères, les données qui rendent compte d’un effet supérieur à l’effet placebo sont rares, voire inexistantes. Bref, il apparaît clairement que les antidépresseurs ont des effets de vaste portée chez les patients en proie à des symptômes sévères, et de portée moindre chez ceux dont la dépression est plus légère.

«Aux États-Unis, le recours aux antipsychotiques de deuxième génération en traitement d’appoint est de plus en plus fréquent, parce que ces agents agissent, et agissent vite, précise le Dr Thase. D’ailleurs, il n’y a pas une seule autre stratégie médicamenteuse indiquée dans la dépression réfractaire au sujet de laquelle on peut faire cette affirmation avec autant d’assurance. Jusqu’à maintenant, plusieurs antipsychotiques atypiques ont fait la preuve de leur efficacité avec des antidépresseurs, que ce soit en traitement d’association ou d’appoint, lors d’études cliniques qui réunissaient des sujets n’ayant pas répondu aux antidépresseurs. Ces antipsychotiques sont l’aripiprazole, l’association olanzapine-fluoxétine, la quétiapine à libération prolongée (XR) et la rispéridone.»

Dans ces études, l’écart moyen était favorable à l’antipsychotique d’appoint, et dans plus de la moitié des essais, la différence était statistiquement significative. On a conclu à l’efficacité de chacun des quatre antipsychotiques atypiques, et l’écart entre le plus et le moins efficace n’était probablement pas significatif. À noter cependant que ces agents n’ont pas encore été comparés directement les uns aux autres.

Trouble dépressif majeur

À ce jour, seule la quétiapine a fait la preuve de son efficacité en monothérapie dans le trouble dépressif majeur (TDM). Les études sur l’emploi de la préparation XR dans le TDM réfractaire ont porté sur deux posologies, à savoir 150 et 300 mg/jour, et quatre comparaisons de première importance, explique le Dr Thase. À la sixième semaine, l’écart médicament-placebo était statistiquement significatif, les deux posologies s’étant révélées plus efficaces que le placebo. Parmi ces travaux figure le seul essai avec randomisation ayant opposé un antipsychotique atypique à une autre monothérapie, d’une part, et à un autre traitement d’appoint avec potentialisation par du lithium, d’autre part.

Dans l’étude en question, 688 patients ayant un score MADRS (Montgomery-Åsberg Depression Rating Scale) de =25 et chez lesquels =2 antidépresseurs avaient échoué ont reçu 300 mg/jour de quétiapine XR en traitement d’appoint avec de la venlafaxine ou un inhibiteur sélectif du recaptage de la sérotonine (ISRS), de la quétiapine XR seule ou jusqu’à 1,0 mmol/L de lithium en traitement d’appoint. Si l’on tient compte de la multiplicité, le traitement quétiapine XR-venlafaxine et la monothérapie par la quétiapine XR se sont montrés non inférieurs à l’association lithium-antidépresseur. À 6 semaines, le score MADRS avait varié comme suit par rapport aux valeurs de départ : -13,9, -14,7 et -13,0 pour les groupes quétiapine XR-antidépresseur, quétiapine XR seule et lithium-antidépresseur. Si l’analyse de supériorité n’a pas mis en évidence de différence significative, elle a en revanche confirmé la non-infériorité des résultats.

L’amélioration du score MADRS total par rapport à la valeur de départ était numériquement supérieure dans les deux groupes XR comparativement au groupe lithium-antidépresseur, et ce, lors de toutes les évaluations. À 6 semaines, on a enregistré des taux de rémission de 21,9 %, de 18,4 % et de 22,65 % dans les groupes quétiapine XR-antidépresseur, quétiapine XR seule et lithium-antidépresseur; toujours à 6 semaines et dans ces mêmes groupes, les taux de réponse se situaient à 48,2 %, à 52,6 % et à 42,6 %. Les chercheurs soulignent que l’analyse des paramètres secondaires a confirmé la non-infériorité entre les divers groupes.

«Que la quétiapine XR ait été ajoutée à un traitement antidépresseur en cours ou utilisée seule, souligne le Dr Thase, on a observé des avantages significatifs les 4e et 8e jours dans les deux groupes traités par cet agent. Le 22e jour, le traitement d’appoint procurait encore aux patients un bénéfice significatif par rapport à la potentialisation par le lithium. Ce sont là des données probantes encore toutes récentes qui montrent que les antipsychotiques atypiques peuvent jouer un rôle de premier plan en traitement d’appoint du TDM réfractaire lorsque le premier ou le deuxième antidépresseur prescrit en monothérapie n’ont pas donné les résultats escomptés.»

Dépression bipolaire : résultats de l’essai EMBOLDEN II

Bien qu’on ait somme toute peu de traitements fondés sur des preuves à proposer aux patients souffrant de dépression bipolaire, on a réuni suffisamment de sujets dans cinq vastes essais à double insu sur la quétiapine pour évaluer l’efficacité de cette substance dans cette affection, déclare le Dr Lakshmi Yatham, professeur agrégé de psychiatrie, University of British Columbia, Vancouver.

Dans l’essai EMBOLDEN II (Efficacy of Seroquel in Bipolar Depression), les posologies de 300 et 600 mg/jour ont toutes les deux atténué les symptômes de la dépression bipolaire de manière significativement plus efficace que le placebo et la paroxétine, un ISRS, comme en a témoigné la variation du score MADRS total. Observé dès la 2e semaine, l’effet plus marqué de l’antipsychotique atypique par rapport au placebo s’est maintenu jusqu’au terme de l’étude de 8 semaines. Au cours de la prolongation de cette étude, on a dénombré moins de rechutes chez les patients qui ont continué de prendre de la quétiapine que chez ceux qui sont passés à un placebo. Il semble donc que cet antipsychotique atypique est efficace non seulement pour traiter la dépression bipolaire aiguë, mais également pour prévenir les rechutes.

«La dépression bipolaire a toujours été laissée pour compte dans les études, et elle est passée sous silence dans la plupart des guides de pratique clinique. Cela dit, il en est question dans les recommandations canadiennes et également dans celles, plus récentes, de la World Biological Psychiatry; dans les unes comme dans les autres, on avance que la quétiapine est l’agent pour lequel les preuves d’efficacité dans la dépression bipolaire de type II sont les plus solides, signale le Dr Yatham. L’association de la quétiapine à un agent comme le lithium serait envisageable chez un patient sous lithiothérapie prophylactique qui, par exemple, subirait un épisode bipolaire : en pareil cas, on pourrait ajouter de la quétiapine au traitement. L’association quétiapine-lithium est très sûre et utilisée en pratique. En outre, des données semblent indiquer que ce traitement d’association prévient plus efficacement que l’association lithium-placebo les rechutes tant dépressives que maniaques.»

Comme la quétiapine seule s’est révélée plus efficace que la paroxétine et le placebo, de nouvelles données probantes étayent désormais son utilisation en première intention dans la dépression bipolaire, fait remarquer l’équipe de l’étude EMBOLDEN II. Au vu des résultats de cette étude, il y aurait lieu de s’interroger sur le bien-fondé d’une pratique courante, à savoir le traitement de la dépression bipolaire par des antidépresseurs, souvent prescrits en monothérapie.

«Ce qu’il faut se demander, affirme le Dr Yatham, c’est d’où vient le problème exactement : de l’inefficacité des autres traitements ou de la conception des essais? Ainsi, les échelles qui servent à mesurer l’évolution des symptômes dépressifs sont-elles assez sensibles? L’efficacité réelle des antidépresseurs passerait-elle inaperçue en raison de failles méthodologiques?

Programme d’essais cliniques dans le TDM

Le programme d’essais cliniques sur le traitement de la phase aiguë du TDM par la quétiapine XR 1 fois/jour a permis de démontrer l’efficacité antidépressive de cette monothérapie chez 80 % des sujets, nous apprend le Pr Stuart Montgomery, professeur émérite de médecine (à la retraite), Imperial College School of Medicine, Londres, Royaume-Uni. Or, fait-il observer, les antidépresseurs traditionnels sont efficaces chez moins de 50 % des patients. Le professeur convient qu’il y aurait lieu d’examiner de plus près la méthodologie de certains essais cliniques.

Le programme d’essais cliniques sur la quétiapine XR dans le TDM était de conception robuste et comprenait des éléments considérés comme importants pour déceler les effets antidépresseurs d’une substance et en déterminer la portée, affirme le Pr Montgomery. L’équipe a recruté des patients atteints de dépression modérée ou sévère, elle a accepté les patients qui avaient des symptômes anxieux, mais pas ceux qui souffraient d’affections concomitantes des axes I et II, et elle a mis à l’épreuve diverses stratégies posologiques (y compris la dose fixe) dans de multiples groupes, chacun constitué de nombreux sujets. Qui plus est, on a évalué l’admissibilité et les résultats au moyen de diverses échelles afin, si possible, de contrer un éventuel biais inhérent à l’instrument et d’éviter tout excès de la part de l’évaluateur. Enfin, on a pu juger de la sensibilité des tests grâce à la présence de témoins sous traitement actif. «Il se peut que ces critères moins restrictifs aient permis de réunir une population plus représentative des patients atteints d’un TDM sévère», concède le Pr Montgomery.

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