Comptes rendus

Progrès dans la prise en charge des infections associées aux allogreffes de cellules souches
Prévention des infections à méningocoques

Progrès dans le traitement des GIST : le rôle des inhibiteurs des tyrosine kinases évolue

Le présent compte rendu est fondé sur des données médicales présentées lors d'un congrès de médecine reconnu ou publiées dans une revue avec comité de lecture ou dans un commentaire signé par un professionnel de la santé reconnu. La matière abordée dans ce compte rendu s'adresse uniquement aux professionnels de la santé reconnus du Canada.

FRONTIÈRES MÉDICALES - Conférence de l’ESMO sur les sarcomes et les GIST

Milan, Italie / 9-10 mars 2010

L’efficacité de l’imatinib, premier inhibiteur des tyrosine kinases (ITK) homologué dans le traitement des GIST, témoigne avec brio de l’utilité des traitements ciblant des étapes moléculaires bien définies de la croissance tumorale. Récemment, on a fait des pas de géant dans la compréhension de l’interaction entre la constitution génétique des GIST et leur réponse aux ITK. Quatre-vingt-cinq pour cent des GIST portent une mutation du gène Kit : 13 % dans l’exon 9 et 66 % dans l’exon 11. L’analyse d’études sur l’efficacité de l’imatinib révèle que la réponse est nettement plus favorable en présence de mutations touchant l’exon 11 que de mutations dans l’exon 9 ou de la forme dite «sauvage» de Kit et que la progression de la maladie est moins fréquente en présence de mutations intéressant l’exon 11 (Tableau 1). L’existence de la mutation D842V dans l’exon 18 de PDGFRA constitue un autre marqueur génétique de piètre réponse. Les patients à risque modéré porteurs d’une telle mutation sont dès lors peu susceptibles de tirer parti d’un traitement adjuvant.

La résistance primaire à l’imatinib semble en grande partie fonction du génotype. L’apparition d’une résistance secondaire peut également contrecarrer l’imatinib : au début, le patient répond bien au traitement ou son cancer se stabilise, puis la progression reprend, habituellement après 12 à 36 mois de traitement. La résistance procède généralement de mutations qui rendent la tumeur moins dépendante de Kit ou l’imatinib moins apte à inhiber l’enzyme. «En pareil cas, la grande majorité des praticiens porteraient la dose d’imatinib à 800 mg par jour», affirme le Dr Jonathan Trent, M. D. Anderson Cancer Center, Houston, Texas.

Bien qu’une augmentation de la dose vienne effectivement à bout de la résistance chez de nombreux patients, le recours à d’autres ITK en deuxième intention suscite un intérêt grandissant. Ce sont le nilotinib et le sunitinib qui sont assortis des dossiers les plus étoffés. Les deux ont fait montre d’une activité appréciable contre les GIST, ce qui a motivé la conduite d’une série d’études visant à définir une démarche rationnelle de substitution de ces agents. Il ne semble pas y avoir de résistance croisée à ces agents, mais il existe entre eux des différences de tolérabilité. Ainsi, le Dr George Demetri, directeur, Center for Sarcoma and Bone Oncology, Dana-Farber Cancer Institute, Boston, Massachusetts, avance que le sunitinib pourrait se révéler plus puissant que l’imatinib. Cependant, prévient-il, «il a aussi plus d’effets indésirables. Il est plus petit, alors il s’ajuste à diverses cibles. C’est du moins ce que nous avons constaté en clinique».

Tableau 1. Lien entre la résistance primaire et le statut mutationnel


Schéma de résistance aux ITK selon l’exposition

L’exposition au médicament influe-t-elle sur l’apparition d’une résistance? Voilà une question importante, particulièrement lorsqu’on doit décider de la poursuite ou de l’arrêt du traitement adjuvant par l’imatinib. Le groupe Sarcome français a obtenu une réponse grâce à l’essai BFR14. Après randomisation, des porteurs d’une GIST avancée ou métastatique qui avaient répondu à l’imatinib au moins par une stabilisation du cancer ont soit interrompu leur traitement par l’imatinib pour le reprendre en cas de progression, soit poursuivi leur traitement par l’imatinib (Figure
lan de l’étude BRF14

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«Après un an, le cancer avait progressé chez la majorité des patients qui avaient interrompu leur traitement. À deux ans, c’est plus de 85 % des tumeurs qui avaient progressé, ce qui n’était pas le cas chez les patients qui avaient poursuivi le traitement», souligne la Dre Suzanne George, chef de clinique, Center for Sarcoma and Bone Oncology, Dana-Farber Cancer Institute. «Mais ce qui retient notre attention ici, c’est l’absence d’écart significatif entre les deux cohortes quant au délai d’apparition d’une résistance secondaire», ajoute-t-elle. Voilà qui prouve, une fois de plus, qu’il faut poursuivre le traitement par l’imatinib pour rester maître de la maladie. Par ailleurs, précise-t-elle, l’interruption du traitement par l’imatinib ne favorise pas la résistance secondaire. «[L’arrêt du traitement par l’imatinib, fût-il de courte durée,] préoccupe au plus haut point les patients», commente la Dre George.

L’arrivée des ITK tel l’imatinib a ouvert la voie au traitement néoadjuvant des GIST. Comme l’explique le Dr Peter Hohenberger, chef, Division de chirurgie oncologique et thoracique, Klinikum Mannheim, Université de Heidelberg, Allemagne, «si nous pouvons réduire la taille de la tumeur avant l’opération, ça simplifie les choses, c’est indéniable».

Auparavant, on qualifiait les tumeurs de bénignes ou de malignes. Aujourd’hui, c’est une autre approche qui a cours : on évalue le risque de comportement agressif en fonction de la taille macroscopique de la tumeur, de son siège et de son index mitotique. Ainsi, le risque qu’une tumeur =2 cm localisée dans l'estomac et assortie d'un faible index mitotique adopte un comportement agressif est à peu près nul. Lorsque le cancer est localisé, le traitement de référence est la résection de toutes les tumeurs >2 cm avec marges saines de 1 à 2 cm.

Traitement néoadjuvant par l’imatinib

On a réalisé trois essais importants sur l’emploi de l’imatinib en néoadjuvant. Le Dr Hohenberger a présenté les résultats chirurgicaux préliminaires de l’étude Apollon. «Chez 21 des 25 patients, on a pu pratiquer une intervention moins étendue que l’acte chirurgical qu’aurait imposé la taille initiale de la tumeur», affirme-t-il, précisant toutefois du même souffle qu’il faut prendre garde de ne pas rater le coche en laissant passer le moment le plus favorable à la résection, puisque «l’imatinib ne fonctionne pas indéfiniment». Il a donné l’exemple d’un patient qui, devant la régression de sa tumeur, a refusé la chirurgie. Or, la croissance tumorale ayant repris, on a dû intervenir de manière plus agressive que si la résection avait eu lieu au moment où la tumeur avait régressé à sa taille minimale.

Il n’est pas rare qu’une GIST récidive après la chirurgie, surtout chez les patients à risque élevé, pour lesquels la médiane de l’intervalle sans récidive est de deux ans. La taille, le siège et l’index mitotique sont autant de facteurs qui déterminent le risque de récidive (DeMatteo et al. Cancer 2008;112[3]:608-15). Ainsi, les tumeurs de l’intestin grêle et la rupture de la tumeur pendant la résection sont associées à un risque de récidive élevé. Le statut mutationnel peut aussi avoir son importance, les mutations de Kit dans l’exon 11 laissant entrevoir une issue clinique plus favorable. Au vu du risque de récidive, le traitement adjuvant par un ITK a sa raison d’être, ce que viennent d’ailleurs étayer les résultats des essais cliniques.

La faisabilité et l’innocuité du traitement adjuvant par l’imatinib ont été démontrées lors de l’essai de phase II Z9000, mené chez des porteurs d’une GIST primitive à risque élevé (tumeur =10 cm, rupture pendant la résection, tumeur multifocale). Puis, l'an dernier, on a publié les résultats de l'essai avec placebo ACOSOG Z9001 (DeMatteo et al. Lancet 2009;373[9669]:1097-104). Les sujets, porteurs d’une GIST primitive (=3 cm), ont subi une résection complète pour ensuite être randomisés en deux groupes, l'un ayant reçu un placebo (n=354) et l'autre, de l'imatinib à raison de 400 mg par jour (n=359) pendant un an. En cas de récidive, les patients sous placebo pouvaient passer au groupe sous traitement actif. Le taux de récidive ou de mortalité après un suivi d'une durée médiane de 19,7 mois était significativement moins élevé dans le groupe imatinib que dans le groupe placebo (8 % vs 20 %). Un examen plus précis des données en fonction de la taille initiale de la tumeur révèle que le bénéfice au chapitre de la survie a été maximal chez les porteurs d'une tumeur >10 cm (Figure 2, Graphique C), et moindre, quoique encore significatif, chez les porteurs d'une tumeur de 3 à 6 cm (Graphique A). Trois autres essais sur le traitement adjuvant par l'imatinib sont en cours.

Sélection des candidats au traitement néoadjuvant

Les résultats de l’essai Z9001 sont favorables, certes, mais «l’une des difficultés du traitement adjuvant est la sélection des patients qui ont intérêt à le recevoir», déclare le Dr Peter Reichardt, Helios Klinikum Bad Saarow, Allemagne. On a constaté, au terme d’une analyse rétrospective des récidives avec stratification du risque selon la méthode de Fletcher (Fletcher et al. Hum Pathol 2002;33[5]:459-65), que la différence entre le placebo et le traitement actif était nulle dans le groupe à faible risque, frappante dans le groupe à risque élevé et affichait une tendance non significative dans le groupe à risque modéré. L’analyse des données suivant la classification de Miettinen donne des résultats semblables : un effet thérapeutique saisissant dans le groupe à risque élevé, nul dans le groupe à faible risque et presque significatif (p=0,0509) dans le groupe à risque modéré. Nous pourrions en conclure, avance le Dr Reichardt, que nous ne devrions pas traiter les patients à risque modéré, puisque le traitement n’a pas d’effet significatif. «En réalité, déclare-t-il, ce groupe de patients à risque modéré mérite un examen plus attentif.»

On estime qu’une tumeur volumineuse (=10 cm) de siège gastrique assortie d'un index mitotique peu élevé expose le patient à un risque modéré. Assez fréquentes, ces tumeurs ont tendance à évoluer lentement et sont peu susceptibles de provoquer des métastases. Il faudrait donc traiter les patients à risque élevé, mais non les patients à faible risque. Chez les autres patients, d'autres facteurs guideront le praticien, notamment l'analyse mutationnelle.

Dose et durée du traitement adjuvant

Les essais d’envergure sur l’imatinib en adjuvant ont été menés à l’aide d’une dose de 400 mg. Toutefois, on pense qu’une dose plus forte pourrait se révéler bénéfique dans certains cas, particulièrement en présence d’une mutation dans l’exon 9. On a publié récemment les conclusions de Meta-GIST, analyse groupée des données de deux études dans lesquelles deux posologies, soit 400 mg une fois par jour et 800 mg par jour, ont été comparées chez des porteurs d’une GIST avancée. Il en est ressorti un bénéfice modeste au chapitre de la survie sans progression (SSP), notamment en présence d’une mutation de Kit dans l’exon 9. Cette observation permet de penser qu’une augmentation de la dose pourrait être bénéfique chez ces patients; reste maintenant à déterminer s’il vaut mieux prescrire cette dose plus forte d’emblée ou attendre que le cancer progresse avant d’y
gure 2. Survie sans récidive selon la taille de la tumeur réséquée

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La fixation de la durée du traitement adjuvant est plus complexe. La courbe de survie du groupe de l’essai Z9001 sous traitement actif est demeurée essentiellement plane pendant les 12 mois de traitement, puis a commencé à fléchir après 18 mois environ (soit six mois après l’arrêt du traitement), pour s’aplanir de nouveau après une trentaine de mois, bien qu’à ce moment, les sujets étaient trop peu nombreux pour qu’on en tire des indications fiables. Dès lors, conclut le Dr Reichardt, «on a été bien avisé d’amorcer le traitement, probablement mal avisé d’y mettre fin, et on ne dispose pas de données à long terme pour l’instant». Actuellement, nous n’avons pas de données fiables auxquelles nous reporter pour déterminer la durée du traitement adjuvant. Nous espérons qu’au terme des essais SSG (Scandinavian Sarcoma Group) XVIII et EORTC 62024, les avantages d’un traitement de longue durée apparaîtront clairement. L’équipe de l’essai SSG XVIII a randomisé 400 porteurs d’une GIST à risque élevé afin de comparer la survie sans récidive dans le cadre d’un traitement de 12 vs 36 mois par l’imatinib. «Comme le critère d’évaluation est la survenue d’un événement donné, on ne sait pas exactement quand l’étude prendra fin, mais elle devrait se terminer au cours des mois qui viennent», précise le Dr Reichardt.

De nouvelles avenues

L’imatinib et, dans une moindre mesure, le sunitinib, ont considérablement prolongé la SSP chez les patients à risque élevé, mais la guérison demeure peu probable. Il est très difficile d’éliminer toutes les cellules cancéreuses, et la résistance est quasi inéluctable. Dès lors, nous devons trouver de nouveaux traitements. Dans un tour d’horizon des molécules en voie d’élaboration, le Dr Demetri a laissé entrevoir l’arrivée de nouveaux ITK.

Résumé

L’avènement des ITK tel l’imatinib a redéfini le traitement de référence des GIST. L’emploi de l’imatinib est indiqué chez de nombreux patients, que ce soit en traitement néoadjuvant chez le porteur d’une GIST primitive en attente d’une résection, ou en traitement adjuvant. Cependant, pour que les patients tirent pleinement parti de ce traitement, on doit les sélectionner avec minutie. Par ailleurs, grâce à une meilleure compréhension des diverses mutations que portent les GIST, le praticien est mieux outillé pour déterminer dans quelles circonstances prescrire l’imatinib, et à quelle dose. Le recours à d’autres ITK, le nilotinib et le sunitinib, en deuxième intention peut également représenter une solution en cas de résistance à l’imatinib.

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