Comptes rendus

Mise à jour sur les lymphomes : survol du traitement d’entretien et du traitement d’induction
Regard sur l´adénocarcinome rénal et le carcinome hépatocellulaire

Progrès de la prise en charge du risque cardiovasculaire : cibler de multiples facteurs de risque

Le présent compte rendu est fondé sur des données médicales présentées lors d'un congrès de médecine reconnu ou publiées dans une revue avec comité de lecture ou dans un commentaire signé par un professionnel de la santé reconnu. La matière abordée dans ce compte rendu s'adresse uniquement aux professionnels de la santé reconnus du Canada.

Les 55es Séances scientifiques annuelles de de l'American College of Cardiology (ACC)

Atlanta, Géorgie / 11-14 mars 2006

De nouvelles données présentées au congrès plaident en faveur des nouvelles démarches proposées pour optimiser simultanément la maîtrise des dyslipidémies et de l'hypertension. Chez les patients à risque élevé, il ne fait plus vraiment de doute que la réduction du C-LDL en deçà de 2,0 mmol/L permet une réduction supplémentaire du risque d'événement cardiovasculaire (CV). On évalue actuellement le bénéfice supplémentaire de taux encore plus faibles. Au chapitre de l'hypertension, des données probantes montrent que, même à baisse égale de la tension artérielle (TA), les classes d'antihypertenseurs ne sont pas toujours interchangeables pour ce qui est de réduire le risque CV. Comme beaucoup de patients à risque élevé présentent les deux facteurs de risque, le défi est de mettre à profit les nouvelles données pour traiter ces facteurs de risque simultanément de façon à atteindre les cibles recommandées.

Données supplémentaires à l'appui de taux cibles de C-LDL plus faibles

Un nombre incalculable de données ont montré que le taux de C-LDL devrait être le plus faible possible lorsque la maladie coronarienne est confirmée. Une série d'études récentes comme PROVE-IT/TIMI-22 (New Engl J Med 2004;350[15]:1495-1504) et TNT (Treating to New Targets) (New Engl J Med 2005;352[14]:1425-35) - qui visaient toutes deux à comparer des taux cibles de C-LDL de <2,5 mmol/L et de <2,0 mmol/L - ont confirmé que le risque d'événement CV est significativement moindre lorsque le taux de C-LDL est au minimum. Les preuves mécanistes à l'appui de ces données cliniques proviennent de REVERSAL (Reversal of Atherosclerosis with Aggressive Lipid Lowering), étude ayant démontré à l'échographie endovasculaire qu'un traitement par l'atorvastatine à 80 mg visant un taux cible de C-LDL de <2,0 mmol/L protège contre la progression de l'athérosclérose (JAMA 2004;291[9]:1071-80).

Une série d'études satellites de TNT - dont les résultats ont été publiés récemment et dont l'objectif était de comparer 80 mg et 10 mg d'atorvastatine chez des patients souffrant d'une coronaropathie stable - ont confirmé à la fois les bienfaits relatifs de la dose plus forte et l'absence de problèmes d'innocuité majeurs. Dans TNT, la dose de 80 mg a abaissé le taux moyen de C-LDL à environ 2,0 mmol/L et celle de 10 mg, à environ 2,6 mmol/L. La réduction plus marquée du C-LDL a permis de réduire de 22 % le risque relatif d'événement CV majeur (p=0,002). Lorsque les chercheurs ont évalué séparément divers groupes de patients à risque, ils ont observé un risque relatif d'événement CV à la baisse chez tous les patients qui recevaient le traitement hypolipidémiant plus énergique. Les bienfaits étaient encore plus marqués dans certains groupes de patients qu'au sein de la population générale de TNT. Chez les diabétiques, le traitement hypolipidémiant énergique a permis de réduire de 25 % (p=0,006) le risque relatif d'événement CV majeur vs le traitement moins énergique. Chez les patients porteurs du syndrome métabolique, la réduction du risque relatif d'événement CV a atteint 29 % (p<0,0001).

En quête d'innocuité et de taux lipidiques plus faibles

Les données d'innocuité globales de TNT n'ont pas objectivé d'augmentation significative des effets indésirables chez les patients qui avaient reçu le traitement énergique. Lorsqu'on a procédé à une analyse encore plus détaillée pour évaluer l'innocuité du traitement aux taux très faibles de C-LDL, lesquels avaient été subdivisés en quintiles, on ne pouvait toujours pas déceler d'augmentation significative du risque. En fait, sur le plan du risque d'effets indésirables, aucune tendance ne s'est dégagée d'un quintile à l'autre, même si l'on observait une réduction graduelle du risque d'événement CV majeur chaque fois que l'on passait au palier inférieur de C-LDL.

Les résultats des essais récents sur les lipides s'inscrivent dans un cheminement vers un traitement hypolipidémiant plus énergique qu'il y a plus de 10 ans, lorsque les résultats de l'étude 4S (Scandinavian Simvastatin Survival Study) ont été publiés (Lancet 1994:344[8934]:1383-9). Chaque réduction supplémentaire du taux de C-LDL évaluée à ce jour s'est traduite par une réduction plus marquée du risque CV. Bien que l'on n'ait pas encore démontré le bénéfice clinique d'une baisse du taux de C-LDL en deçà de 2,0 mmol/L chez les patients qui ne souffrent pas encore de la maladie coronarienne ou d'une maladie équivalente, on envisage d'évaluer chez les patients à risque élevé des taux encore plus faibles que les taux ciblés dans les études PROVE-IT et TNT. Si les taux lipidiques des chasseurs-cueilleurs primitifs sont représentatifs des taux physiologiques de C-LDL, le taux cible optimal pourrait n'être que de 1,0 mmol/L.

En quête de stratégies optimales pour maîtriser l'hypertension

Les résultats d'études récentes sur l'hypertension nous guident aussi quant à la méthode optimale pour maîtriser ce facteur de risque CV. Jusqu'à tout récemment, de nombreuses lignes directrices recommandaient un ß-bloquant ou un diurétique en première intention chez tous les patients hypertendus. Bien que les lignes directrices soient maintenant nombreuses à préconiser d'autres classes d'antihypertenseurs chez certains patients, une deuxième étude a montré que, à baisse comparable de la TA, une classe d'antihypertenseurs permet une réduction plus marquée du risque CV qu'une autre. La première étude - dont les résultats ont été publiés il y a plus de trois ans - était LIFE (Lancet 2002;359[9311]:995-1003). Cette étude - qui visait à comparer un antagoniste des récepteurs de l'angiotensine (ARA), le losartan, avec un ß-bloquant, l'aténolol - a révélé que l'ARA avait réduit significativement de 13 % (p=0,02) l'incidence du paramètre regroupant divers événements CV.

La plus récente de ces études est le volet traitement antihypertensif de l'étude ASCOT (ASCOT-BPLA, pour Anglo-Scandinavian Cardiac Outcomes Trial - Blood Pressure Lowering Arm) (Lancet 2005;366[9489]:895-906), dont l'objectif était de comparer un traitement à base d'amlodipine avec un traitement à base d'aténolol. Bien que la maîtrise de l'hypertension ait été légèrement supérieure dans le groupe inhibiteur calcique (IC), elle ne semble pas expliquer la réduction plus marquée du risque CV. En fait, on a dû mettre fin prématurément à ASCOT-BPLA sur la recommandation du comité de surveillance de l'innocuité, celui-ci ayant repéré une baisse de la mortalité totale dans le groupe IC.

Lors d'ASCOT-BPLA, 19 257 patients hypertendus ont reçu aléatoirement l'IC ou le ß-bloquant. Au besoin, en deuxième intention, on ajoutait un inhibiteur de l'ECA, le perindopril, dans le groupe IC et un diurétique, le bendrofluméthiazide, dans le groupe ß-bloquant afin que les patients atteignent les cibles tensionnelles. La réduction de 10 % du paramètre principal prédéterminé - à savoir, les infarctus du myocarde (IM) non mortels et les événements coronariens mortels - dans le cadre d'ASCOT-BPLA n'a pas atteint le seuil de signification statistique, le nombre escompté d'événements cliniques n'ayant pas été atteint en raison de la fin prématurée de l'étude. Cela dit, on a observé une diminution statistiquement significative de 11 % de la mortalité toutes causes confondues de même qu'une diminution de 24 % de la mortalité CV et de 16 % de l'incidence du paramètre regroupant la mortalité CV, les IM et les AVC chez les patients du groupe IC, par rapport à ceux du groupe ß-bloquant.

L'énigme d'ASCOT-LLA

La possibilité d'une interaction entre les stratégies de réduction du risque est l'un des enjeux soulevés par les divers volets d'ASCOT, dont le volet traitement hypolipidémiant appelé ASCOT-LLA (Lipid Lowering Arm) (Lancet 2003;361[9364]:1149-58). Lors du volet ASCOT-LLA, 10 305 des sujets hypertendus qui participaient au volet ASCOT-BPLA ont été randomisés de façon à recevoir 10 mg d'atorvastatine ou un placebo. Le comité de surveillance de l'innocuité a aussi mis fin à ce volet prématurément en raison d'une diminution très marquée de la mortalité dans le groupe statine qui rendait contraire à l'éthique toute analyse à l'insu supplémentaire. Lorsqu'on a procédé à une analyse prédéterminée pour évaluer la possibilité d'une interaction entre les deux traitements, les données ont semblé indiquer que le bienfait de la statine était plus marqué chez les sujets du groupe amlodipine que chez ceux du groupe ß-bloquant. Globalement, on a rapporté que la réduction du risque de maladie coronarienne et d'AVC excédait 50 % lorsque les patients hypertendus recevaient à la fois l'amlodipine et l'atorvastatine.

L'observance, la clé de l'atteinte des cibles du traitement

D'importants progrès ont été accomplis pour ce qui est de mieux définir les cibles du traitement des dyslipidémies et de l'hypertension et les démarches optimales pour atteindre ces cibles. Cela dit, à défaut d'une bonne observance du traitement, cette protection est inexistante. La proportion de patients hypertendus ou hypercholestérolémiques qui reçoivent un traitement et qui atteignent les cibles demeure faible au Canada et ailleurs. Elle est encore plus faible au sein de la population souffrant à la fois d'hypertension et d'hypercholestérolémie. Bien que ce phénomène puisse tenir au fait que les traitements prescrits ne sont pas assez énergiques, l'inobservance est aussi en cause. Ce problème pourrait être exacerbé en présence de deux facteurs de risque ou plus nécessitant de multiples médicaments. Selon certaines données, des stratégies comme la simplification du traitement par des comprimés à une prise par jour ou une association en un seul comprimé, pourraient être efficaces pour améliorer l'observance.

Déterminer l'importance d'augmenter le taux de C-HDL

Tout porte à croire que l'on aura bientôt vidé la question du C-LDL. Si le taux cible de C-LDL en deçà duquel la baisse n'apporte aucun bénéfice supplémentaire n'a pas encore été défini, il est clair qu'il vaut mieux viser un taux toujours plus faible compte tenu de la puissance des traitements actuels. Cela dit, le risque CV ne se limite pas aux taux lipidiques élevés et à l'hypertension. L'élévation du taux de C-HDL deviendra probablement un objectif de plus en plus important. Bien que le C-HDL soit reconnu depuis longtemps comme un facteur de risque indépendant, de nouveaux agents qui en sont aux dernières phases de développement pourraient mieux définir l'importance du C-HDL, essentiellement à la manière dont les statines ont permis de définir l'importance du C-LDL. Plus précisément, des essais portant sur des agents expérimentaux comme les inhibiteurs de la CETP pourraient permettre de souligner l'importance du C-HDL tout en validant l'efficacité clinique de ces traitements.

Résumé

Bien que nos connaissances sur l'optimisation du traitement des facteurs de risque modifiables continuent d'évoluer, il importe de reconnaître les immenses possibilités de réduction du risque CV qu'offre l'utilisation des agents qui se sont déjà révélés bénéfiques à cet égard. Chez les patients à risque élevé, un traitement hypolipidémiant énergique devrait être la norme si l'on part du principe qu'il vaut mieux toujours viser plus bas. Chez les patients hypertendus, nous avons maintenant des données concluantes montrant que les classes d'antihypertenseurs ne sont pas interchangeables. Lorsque des dyslipidémies et l'hypertension sont présentes simultanément, les statines et les antihypertenseurs de nouvelle génération ont l'avantage de conférer à tout le moins une protection additive tout en offrant une excellente tolérabilité. Ces deux attributs devraient augmenter les probabilités d'atteindre les cibles du traitement. -

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