Comptes rendus

Progrès thérapeutiques dans l’insuffisance cardiaque
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Progrès thérapeutiques dans l’insuffisance cardiaque

Le présent compte rendu est fondé sur des données médicales présentées lors d'un congrès de médecine reconnu ou publiées dans une revue avec comité de lecture ou dans un commentaire signé par un professionnel de la santé reconnu. La matière abordée dans ce compte rendu s'adresse uniquement aux professionnels de la santé reconnus du Canada.

Congrès canadien sur la santé cardiovasculaire 2006

Vancouver, Colombie-Britannique / 21-25 octobre 2006

En 1994 paraissait la première version des lignes directrices de la Société canadienne de cardiologie (SCC) sur le diagnostic et la prise en charge de l’insuffisance cardiaque (IC); il s’agissait des premières lignes directrices d’envergure nationale publiées dans le monde. Depuis lors, la genèse et l’objectif de ces recommandations ont considérablement évolué. La version de cette année et la mise à jour prévue pour janvier 2007 ont pour objet de tenir les spécialistes en cardiologie au fait des observations les plus récentes, mais aussi de transmettre ce savoir à d’autres professionnels de la santé.

Comme le souligne le Dr Malcolm Arnold, professeur titulaire de médecine, University of Western Ontario, et chef de la recherche en cardiologie, Lawson Health Research Institute, London, le diagnostic précoce et exact de l’IC est important en vue d’une prise en charge optimale. «Chez le patient exposé à l’IC, la méfiance est de mise. Certains tableaux cliniques doivent éveiller les soupçons du praticien, qui posera son diagnostic final non pas en fonction d’une seule composante, mais bien d’un ensemble de symptômes et de leur configuration.» Le Dr Arnold a rappelé à l’auditoire qu’un patient pouvait souffrir d’IC même s’il ne présentait aucun antécédent ni signe de surcharge volumique, voire si sa fraction d’éjection ventriculaire gauche était normale. En outre, a-t-il précisé, les personnes âgées présentent souvent des signes et des symptômes atypiques, par exemple des chutes, de la confusion ou du délirium.

Des stratégies éprouvées

Dans l’algorithme de traitement de l’IC chronique le plus récent (Can J Cardiol 2006;22[1]:23-45), fondé sur les conclusions de nombreux essais cliniques phares, on continue de recommander l’amorce d’un traitement d’association par un inhibiteur de l’ECA et un bêta-bloquant chez le patient dont la fraction d’éjection ventriculaire gauche est <40 %. «Nous conseillons fortement de prescrire ces deux médicaments le plus tôt possible, puisqu’ils agissent mieux en duo qu’en solo», indique le Dr Arnold. Si le patient tolère mal l’un des agents, on peut lui substituer un antagoniste des récepteurs de l’angiotensine (ARA); l’ARA pourra également venir s’ajouter aux deux autres médicaments si les symptômes persistent, continuant d’exposer le patient à un risque élevé d’hospitalisation. Le médecin fait observer que les modalités de traitement sont à peu près les mêmes lorsque la fonction systolique est conservée. Enfin, la prise en charge des facteurs étiologiques telles l’hypertension et l’arythmie est indispensable.

«On devrait opter pour les médicaments qui ont fait la preuve de leurs bienfaits dans des essais d’envergure. Cela ne signifie pas que les agents qui n’ont pas fait l’objet de vastes essais cliniques avec randomisation ne sont pas efficaces; [c’est plutôt que] nous savons à quoi nous attendre lorsque nous prescrivons une dose qui a amené des bienfaits quantifiables lors d’un essai clinique», affirme le Dr Arnold.

«Force nous est de reconnaître que les médicaments ont grandement amélioré la prise en charge de l’IC, à tel point que nous pouvons aujourd’hui faire renaître l’espoir chez de nombreux patients qui avaient pour ainsi dire baissé les bras.»

Agents de premier recours, de rechange et d’appoint

L’association inhibiteur de l’ECA et bêta-bloquant devrait constituer le pivot du traitement selon la plupart des arguments cliniques et les nombreuses lignes directrices, mais il reste que l’efficacité des ARA comme traitement de rechange ou d’appoint a été constatée dans de multiples essais cliniques. Lors d’un débat tenu dans le cadre du congrès, les Drs David Fitchett, directeur, unité de soins coronariens, St. Michael’s Hospital, Toronto, Ontario, et Jean-Lucien Rouleau, doyen, faculté de médecine, Université de Montréal, Québec, se sont penchés sur les mérites respectifs de ces agents chez les patients atteints d’IC chronique. Arguant que les inhibiteurs de l’ECA conservent un atout non négligeable, le Dr Fitchett rappelle qu’ils ont été étudiés chez plus de 7000 participants à une trentaine d’essais avec placebo. Ces agents ont réduit la mortalité de 23 % chez des insuffisants cardiaques, proportion qui atteint 26 % lorsque l’IC est consécutive à un infarctus du myocarde (IM). Le Dr Fitchett fait également valoir que les inhibiteurs de l’ECA ralentissent la progression de la maladie et font reculer l’incidence des morts subites d’origine cardiaque et des IM mortels.

Faisant contrepoids à ces arguments, le Dr Rouleau soutient quant à lui qu’à en juger par les résultats d’essais cliniques, les ARA et les inhibiteurs de l’ECA offrent des bienfaits largement comparables. Dans le programme CHARM (Candesartan in Heart Failure: Assessment of Reduction in Mortality and Morbidity), chez les personnes qui ont reçu le candésartan, un ARA, en lieu et place d’un inhibiteur de l’ECA, le risque relatif de mortalité cardiovasculaire (CV)/hospitalisation pour cause d’IC a régressé de 23 %. Chez les personnes qui ont pris à la fois l’ARA et l’inhibiteur de l’ECA, ce risque a diminué encore davantage, soit de 15 % de plus. En outre, fait remarquer le Dr Rouleau, on a observé dans ce groupe une tendance à la baisse de la mortalité toutes causes confondues. Il ajoute que chez les 7000 sujets du programme CHARM, l’ARA a fait reculer les IM de 23 %. Dans l’ensemble, conclut-il, les données recueillies indiquent que les ARA exercent des effets semblables à ceux des inhibiteurs de l’ECA sur la mortalité CV, les hospitalisations motivées par l’IC et les IM. Ils sont également comparables au chapitre de la réduction de l’incidence du diabète.

Comme le signale le Dr Rouleau, l’essai VALIANT (Valsartan in Acute Myocardial Infarction Trial) a révélé que dans l’IC post-IM, la baisse de la fréquence des paramètres regroupant mortalité CV/IM, mortalité CV/hospitalisation pour cause d’IC et mortalité CV/IM/hospitalisation était semblable dans les groupes valsartan et captopril. Il ajoute à cela que les résultats auraient été significativement plus avantageux pour l’ARA si les chercheurs avaient eu recours à l’intervalle de confiance classique, soit 95 %, plutôt qu’à un intervalle à 97,5 %. De même, l’équipe du programme CHARM a constaté les effets favorables du candésartan sur la fréquence des hospitalisations dans l’IC à fonction systolique préservée.

Les données d’une affiche présentée aux congressistes par le Dr Subodh Verma, division de la chirurgie cardiaque, University of Toronto (Dr Rouleau est coauteur), viennent corroborer ces propos sur les effets des ARA, poursuit le Dr Rouleau. Au terme d’une analyse rétrospective ayant porté sur 65 493 Ontariens atteints d’IC, on a constaté que les hospitalisations pour cause de syndrome coronarien aigu (SCA) avaient diminué dans une proportion comparable chez les personnes sous ARA et chez celles qui avaient reçu un inhibiteur de l’ECA. «Par rapport aux inhibiteurs de l’ECA, les ARA ont même été un peu plus avantageux», précise le médecin. Le taux de risque de SCA chez les sujets sous ARA plutôt que sous inhibiteur de l’ECA se situe à 0,84 chez les insuffisants cardiaques, à 0,85 chez les personnes atteintes d’athérosclérose et à 0,79 chez les diabétiques.

«Mis directement en comparaison, les inhibiteurs de l’ECA et les ARA se classent ex æquo», commente le Dr Rouleau, ajoutant que les bienfaits légèrement supérieurs des ARA tiennent sans aucun doute à la plus grande tolérabilité de ces agents. «Devant deux médicaments également efficaces, on optera pour celui que le patient tolère, parce qu’il profitera des bienfaits s’il le prend [le médicament], alors qu’il n’en profitera pas s’il ne le prend pas.»

Prise en charge multidisciplinaire

Il ressort des lignes directrices de 2006 que de nos jours, la prise en charge de l’IC ne saurait être strictement médicamenteuse, la démarche multidisciplinaire étant souhaitable chez de nombreux patients. L’un des volets les plus difficiles de cette prise en charge est d’informer le patient sur les méthodes non médicamenteuses, en particulier les restrictions liquidienne et sodée, de commenter le Dr Andrew Ignaszewski, professeur agrégé de clinique en cardiologie, University of British Columbia, et chef de la cardiologie, St. Paul’s Hospital, Vancouver. «Les cliniques de traitement et les programmes de prise en charge de l’IC constituent à cet égard de précieux alliés», soutient-il. Qui plus est, grâce aux efforts concertés de tous les intervenants, les patients peuvent demeurer à l’affût d’une décompensation, être soumis à un dépistage de la dépression et recevoir de l’aide lorsque vient le temps des soins palliatifs.

Avant le congrès, le Dr Peter Liu, professeur titulaire de la chaire Fondation des maladies du cœur/Polo en cardiologie, University of Toronto, et directeur scientifique, IRSC-Institut des appareils circulatoire et respiratoire, a tenu les propos que voici : «L’IC étant une maladie chronique [ponctuée de] périodes de stabilité et de détérioration, il va de soi que le meilleur moyen de la prendre en charge est de faire appel à une équipe multidisciplinaire. Nous disposons maintenant de données solides montrant que le recours à une équipe multidisciplinaire appropriée se traduit non seulement par un patient plus heureux, mais aussi par de meilleurs résultats : diminution des hospitalisations, utilisation moindre des ressources et emploi plus judicieux des médicaments.» La mise en place de ce modèle de soins est un défi constant pour la SCC et d’autres intervenants canadiens. «La SCC prend les devants [à cet égard]. Elle ne se contente pas de publier des lignes directrices; elle essaie de les diffuser à l’ensemble du corps médical, de façon que tous les professionnels de la santé connaissent les principes de base du traitement de l’IC», d’enchaîner le Dr Liu.

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