Comptes rendus

Progrès thérapeutiques dans l’insuffisance cardiaque
Prise en charge des patients atteints du syndrome métabolique et d’un diabète de type 2 : au-delà des statines

Soutien comportemental et pharmacothérapie : association efficace pour l’abandon du tabac

Le présent compte rendu est fondé sur des données médicales présentées lors d'un congrès de médecine reconnu ou publiées dans une revue avec comité de lecture ou dans un commentaire signé par un professionnel de la santé reconnu. La matière abordée dans ce compte rendu s'adresse uniquement aux professionnels de la santé reconnus du Canada.

La 13e Conférence mondiale sur le tabac ou la santé

Washington, DC / 12-15 juillet 2006

Selon de nouvelles données, les différents modes d’action des traitements pharmacologiques homologués pour l’abandon du tabac influent considérablement sur le taux d’abandon initial et sur la proportion de patients qui n’ont pas recommencé à fumer un an et plus après le traitement. Si, en fin de compte, la réussite de ces traitements dépend du contrôle simultané de l’ensemble des éléments qui poussent les patients à recommencer à fumer après la disparition des signaux biologiques, les progrès quant à l’identification des signaux régissant la dépendance tabagique et la mise au point de traitements pharmacologiques plus efficaces annoncent une nouvelle ère en matière de sevrage durable.

Pharmacothérapie et soutien comportemental

Selon le Dr Robert West, département d’épidémiologie et de santé publique, University College, Londres, Royaume-Uni, «l’abandon permanent du tabac repose sur une démarche exhaustive selon laquelle la motivation de ne plus fumer demeure plus forte que celle de fumer. L’objectif final consiste non seulement à cesser de fumer mais également à ne jamais recommencer. Et c’est à ce moment que l’on constate des retombées positives pour la santé.» Se fondant sur des données issues d’études cliniques, le Dr West décrit l’envie de fumer comme le résultat d’une série de signaux biologiques et psychologiques. Les signaux biologiques sont le plus marqués au début du sevrage. Ils entraînent une envie de fumer que le Dr West compare au besoin de manger quand on a faim. Les données sont probantes : il est possible d’agir sur ces signaux au moyen d’un agent pharmacologique qui cible les récepteurs responsables. Cela dit, même si l’on arrive à contrôler les mécanismes biologiques de la dépendance tabagique, on doit également agir sur les signaux comportementaux qui peuvent aussi inciter fortement le sujet à recommencer à fumer, même s’il s’est écoulé des mois, voire des années, depuis la dernière cigarette. Voilà pourquoi les traitements d’association sont essentiels pour échapper aux puissants signaux qui incitent les patients à recommencer à fumer. «Les personnes qui veulent cesser de fumer ressentent une multitude de symptômes physiques et psychologiques désagréables qui sapent leurs efforts et minent leur volonté», d’expliquer le Dr West. Si le traitement pharmacologique peut soulager les symptômes physiques, les patients même très motivés ont habituellement besoin d’une forme quelconque de soutien psychologique pour ne pas recommencer à fumer une fois disparus les signaux biologiques.

Cibler les médiateurs centraux de la dépendance nicotinique

L’administration d’un médicament agissant sur les signaux biologiques du tabagisme peut être essentielle pour aider le futur ex-fumeur à persévérer au-delà de la période initiale du sevrage, lorsque l’envie de fumer est la plus impérieuse. On a récemment démontré que la varenicline – nouvel agoniste partiel des récepteurs nicotiniques acétylcholinergiques (nAChR) – avait une efficacité supérieure à celle du bupropion à libération prolongée, le seul autre agent, outre les traitements nicotiniques de substitution, qui soit homologué à titre de traitement antitabagique. La diminution de l’envie de fumer sous l’effet du bupropion, qui avait d’abord été développé pour le traitement de la dépression, tiendrait à sa capacité à inhiber le recaptage de la dopamine dans le système mésolimbique. Développé en tant que traitement pour l’abandon du tabac, la varenicline cible le sous-type a4b2 des nAChR dans l’aire tegmentale ventrale du cerveau. Les récepteurs a4b2 joueraient un rôle de première importance dans la médiation des effets de la nicotine et la dépendance envers cette dernière. Puisqu’il s’agit d’un agoniste partiel, la varenicline soulagerait les symptômes du sevrage nicotinique et atténuerait l’envie de fumer tout en empêchant la nicotine de se lier aux récepteurs et de produire ses effets biologiques.

Résultats d’études

«L’efficacité de la varenicline, comparativement à celle du bupropion, confirme la spécificité de son mode d’action, ce qui accroît considérablement l’ensemble des données selon lesquelles il est possible de contrôler les dépendances en agissant sur les médiateurs centraux», fait valoir le Dr Mitchell Nides, Los Angeles Clinical Trials Group, Californie. Lors de sa présentation des données combinées issues de deux études récemment publiées sur les deux agents antitabagiques (Gonzalez et al. JAMA 2006;296:47-55; Jorenby et al. JAMA 2006;296:55-63), il précise que «la probabilité de cesser définitivement de fumer était presque deux fois plus élevée que sous l’effet du bupropion». Les deux études ont randomisé quelque 1000 patients (2052 patients au total) qui ont reçu l’un ou l’autre agent ou un placebo. Tous les patients devaient vouloir cesser de fumer et fumaient en moyenne ³10 cigarettes/jour. Environ 80 % des patients étaient caucasiens. Les femmes comptaient pour un peu moins de la moitié de la population. Les patients étaient âgés en moyenne de 43 ans, avaient commencé à fumer 25 ans plus tôt et fumaient 21 cigarettes/jour. La plupart des patients avaient déjà tenté de mettre fin à leur dépendance. Tous les groupes ont bénéficié du même soutien psychologique. À 12 semaines, le bupropion avait fait preuve d’une grande efficacité, le taux d’abandon étant presque le double de celui du placebo (29,7 % vs 17,7 %; p<0,0001), tandis que le taux d’abandon sous l’effet de la varenicline était de 44,2 %. Comparativement au bupropion, la probabilité relative (OR, pour odds ratio) d’abandon réussi du tabac dans le groupe varenicline étaient presque doublée (OR : 1,87; IC de 95 % : 1,50-2,34; p<0,0001) et presque quadruplée comparativement au placebo (OR : 3,69; IC de 95 % : 2,88-4,72; p<0,0001). Le taux d’abandon du traitement en raison d’effets indésirables était de 8,2 % dans le groupe placebo, de 9,5 % dans le groupe varenicline et de 13,9 % dans le groupe bupropion. Bien que la plupart des cas aient été bénins, la nausée était l’effet indésirable le plus fréquent de la varenicline et est apparue plus souvent que dans le groupe bupropion (28,8 % vs 9,9 %), d’où des taux d’abandon du traitement de 2,5 % et de 1,0 %, respectivement. Traitement prolongé pour obtenir un sevrage durable

L’effet des deux agents consiste à atténuer l’envie insistante de fumer pendant la période initiale du sevrage, lorsque les composantes physiques de la dépendance sont le plus prononcées. Si la durée typique des traitements antitabagiques est de 12 semaines, une autre étude publiée dans le même numéro de JAMA (Tonstad et al. JAMA 2006;296:64-71) a révélé qu’un traitement de plus longue durée accroît davantage le taux d’abandon et protège mieux les patients contre les rechutes sur une période de un an. Lors de cette étude sur le traitement d’entretien, 1927 fumeurs ont reçu la varenicline pendant 12 semaines en mode ouvert. Parmi les sujets qui n’avaient pas fumé ni reçu de traitements nicotiniques de substitution pendant la dernière semaine de traitement, 1210 ont été à nouveau randomisés en deux groupes pour un traitement de 12 semaines supplémentaires : varenicline à 1 mg b.i.d. ou placebo. L’abstinence tabagique a été confirmée par la mesure du monoxyde de carbone pendant la phase active de l’étude et de la semaine 12 à la semaine 52. À la fin de la phase comparative avec placebo de 12 semaines (semaines 13-24), le taux d’abandon du tabac était de 70,5 % dans le groupe de traitement actif et de 49,6 % dans le groupe placebo, d’où une OR >2,48 comparativement au placebo (IC de 95 % : 1,95-3,16; p<0,001). Pendant les semaines 13 à 52, le taux d’abandon s’établissait à 43,6 % vs 36,9 %, d’où une OR >1,34 comparativement au placebo (IC de 95 % : 1,06-1,69; p=0,02). Au dire de la Dre Serena Tonstad, département de cardiologie préventive, Hôpital universitaire Ullevål, et professeure titulaire, Institut de recherche sur la nutrition, Université d’Oslo, Norvège, «cette étude ne vise pas à comparer l’efficacité d’un traitement de 12 semaines à celle d’un traitement de 24 semaines. Elle vise plutôt à déterminer si l’ajout d’un traitement supplémentaire de 12 semaines à la suite d’un sevrage réussi à 12 semaines améliore à long terme les chances de ne pas recommencer à fumer. Les résultats sont positifs.» Au même titre que les premières études comparatives sur le bupropion, les effets bénéfiques de la varenicline par rapport aux effets de l’agent témoin étaient semblables une fois les patients stratifiés en fonction du sexe, de l’âge ou de la consommation initiale de cigarettes. La nausée a de nouveau été l’effet indésirable le plus fréquent pendant la phase sans insu, mais elle a été peu fréquente pendant la phase avec placebo (seulement 1,2 % des patients).

Résumé

Une vaste proportion de fumeurs aimeraient mettre fin à leur dépendance. Au Canada, la moitié d’entre eux tentent de cesser de fumer chaque année. Même avec un soutien psychologique, seule une faible proportion y parvient. On peut augmenter considérablement le taux d’abandon du tabac grâce au traitement pharmacologique axé sur le contrôle des signaux biologiques aigus de la dépendance nicotinique, traitement que l’on doit associer à un soutien psychologique. L’efficacité relative de la varenicline et du bupropion est la preuve qu’il est possible de venir à bout de cette dépendance au moyen d’un agent pharmacologique. Ces agents doivent être administrés pour réduire l’envie de fumer pendant que le patient s’adapte à sa nouvelle vie de non-fumeur et doit comprendre l’évitement des facteurs qui l’incitaient à fumer. L’objectif final est l’abandon définitif du tabac.

Nota : Au moment où le présent article a été mis sous presse, la varenicline n’était pas commercialisée au Canada.

Commentaires

Nous vous serions reconnaissants de prendre 30 secondes pour nous aider à mieux comprendre vos besoins de formation.