Comptes rendus

Hypertrophie bénigne de la prostate : comment identifier les patients à risque élevé de progression
De nouvelles stratégies antirétrovirales élargissent l’éventail d’options de traitement

Prévenir le cancer de la prostate et la progression de l’hypertrophie bénigne de la prostate

Le présent compte rendu est fondé sur des données médicales présentées lors d'un congrès de médecine reconnu ou publiées dans une revue avec comité de lecture ou dans un commentaire signé par un professionnel de la santé reconnu. La matière abordée dans ce compte rendu s'adresse uniquement aux professionnels de la santé reconnus du Canada.

La 61e Assemblée annuelle de l’Association canadienne d’urologie

Halifax, Nouvelle-Écosse / 25-28 juin 2006

Comme l’explique le Dr John Fitzpatrick, professeur titulaire et chef, département de chirurgie, University College Dublin, Irlande, et rédacteur en chef du British Journal International, les études sur le traitement de l’hypertrophie bénigne de la prostate (HBP) avaient généralement pour objectif de mesurer l’amélioration de variables statiques comme le score des symptômes, le débit urinaire et le volume d’urine résiduelle post-mictionnelle. «Maintenant, surtout en raison de l’étude MTOPS [Medical Therapy of Prostatic Symptoms], nous nous penchons sur un élément qui est beaucoup plus important aux yeux du patient, c’est-à-dire le risque de progression au point d’avoir besoin d’une intervention chirurgicale ou de souffrir d’une rétention urinaire aiguë [RUA]. Ce sont des variables dynamiques», dit-il.

Le Dr Fitzpatrick note que, dans l’étude MTOPS, la progression de l’HBP était imputable en totalité ou presque à un score de symptômes de quatre points ou plus. Le volume prostatique était modéré, la médiane étant de 31 mL, et les patients qui atteignaient l’un des paramètres prédéterminés étaient retirés de l’étude. Dans l’étude ALTESS (Alfuzosin Long-term Safety and Efficacy Study), en revanche, on continuait de suivre les patients après qu’ils avaient atteint un paramètre d’évaluation, et les sujets de cette étude avaient un score de symptômes plus élevé et une prostate plus volumineuse que ceux de l’étude MTOPS. Cela dit, comme la doxazosine dans l’étude MTOPS, l’alfuzosine dans l’étude ALTESS a atténué les symptômes à court terme, mais n’a pas réussi à prévenir la progression des symptômes ni la RUA à long terme (Roehrborn et al. BJU Int 2006; 97[4]:734-41).

Compte tenu de l’état actuel de nos connaissances, quels agents les urologues devraient-ils utiliser pour traiter l’HBP? «Les alpha-bloquants semblent très bons pour soulager les symptômes rapidement», dit le Dr Fitzpatrick pour résumer la question. Cela dit, ils ne semblent pas prévenir la RUA ni le recours obligatoire à la chirurgie; face à une prostate modérément ou très volumineuse, «on doit assurément envisager le recours à un inhibiteur de la 5-alpha réductase». De l’avis du Dr Fitzpatrick, un taux d’antigène spécifique de la prostate (PSA) >1,3 est probablement un bon point de départ pour le traitement d’une prostate de taille appropriée. Le traitement d’association a assurément un rôle à jouer, surtout chez les hommes à risque de progression, ceux dont la prostate est volumineuse, ceux dont le taux de PSA est élevé et ceux dont le débit urinaire est faible.

Retombées de l’étude MTOPS

«Au cours de la dernière décennie, l’étude MTOPS est l’événement qui a eu plus de retombées sur l’HBP», estime le Dr Curtis Nickel, professeur titulaire d’urologie, Queen’s University et Kingston General Hospital, Ontario. Dans le cadre de MTOPS, plus de 3000 patients ont reçu aléatoirement un placebo, la doxazosine, le finastéride ou les deux agents actifs. Le traitement d’association s’est avéré supérieur à chaque agent administré seul pour prévenir la progression des symptômes, la survenue de la RUA et le recours obligatoire à la chirurgie.

Les patients dont la prostate était plus volumineuse étaient exposés à un risque plus élevé de progression de l’HBP. Les prostates ont grossi d’environ 1 mL/année vs 3 mL/année chez les patients du quartile des taux de PSA les plus faibles au départ vs celui des taux les plus élevés au départ. Le taux sérique total de PSA a permis de prédire près de 50 % de la variabilité du volume total de la prostate chez les patients présentant une «HBP réelle» (Roehrborn et al. Congrès 2006 de l’AUA, résumé 1288).

«L’une des données les plus intéressantes de l’étude MTOPS est l’effet de l’inflammation, précise le Dr Nickel. Parmi les patients qui ne montraient aucun signe d’inflammation à la biopsie, aucun n’a manifesté de RUA en cinq ans, par comparaison à 6 % de ceux qui montraient de signes d’inflammation. Si vous prescrivez la doxazosine à un patient dont la prostate ne montre aucun signe d’inflammation, la prévention de la progression des symptômes, de la RUA et du recours obligatoire à la chirurgie est improbable, et il en va de même pour le finastéride. C’est à mon avis l’un des résultats les plus importants. Les lignes directrices et nos habitudes de pratique reposent sur l’étude MTOPS, poursuit-il. Nous prenons maintenant des décisions quant au traitement d’après la sévérité des symptômes, la gêne qu’ils causent et la peur du cancer de la prostate. Nous savons que, chez un patient dont la glande prostatique est petite [<25 cm³] et dont le taux de PSA est faible, il n’y a aucun avantage à ajouter un inhibiteur de la 5-alpha réductase à moins d’importants antécédents familiaux de cancer de la prostate, alors que, chez un patient dont la glande prostatique est volumineuse et dont le taux de PSA est élevé, le finastéride ou le traitement d’association est assurément le traitement le plus efficace.»

L’étude PCPT et la pratique clinique

«L’étude MTOPS ne représente que la moitié de l’histoire sur l’utilisation des inhibiteurs de la 5-alpha réductase dans la prise en charge des patients», indique le Dr Laurence Klotz, professeur titulaire de chirurgie, University of Toronto, et chef de l’urologie, Sunnybrook Health Sciences Centre, Ontario. «L’autre moitié est l’étude PCPT [Prostate Cancer Prevention Trial], qui a peut-être été l’essai le plus important de la dernière génération, à tout le moins dans le cancer de la prostate». Après randomisation, plus de 18 000 hommes de 55 à 70 ans ont reçu le finastéride ou un placebo. Le paramètre d’évaluation était une biopsie au terme des sept années de l’étude ou plus tôt. On a enregistré une diminution de 25 % des diagnostics de cancer de la prostate dans le groupe finastéride par rapport au groupe placebo, mais la proportion de cancers de grade élevé était plus élevée dans le premier groupe. Des données récentes ont montré que la plus forte malignité de ces cancers n’était pas due à un artefact histologique, explique le Dr Klotz, mais plutôt à un taux de PSA plus révélateur grâce au finastéride et à un échantillonnage plus exact de la glande grâce à la diminution du volume de cette dernière.

Selon le Dr Klotz, le message à retenir de l’étude PCPT est que «l’on peut prévenir le cancer de la prostate – et il s’agit là d’une percée. Le grade plus élevé était un artefact de la diminution du volume de la prostate et de la meilleure performance du dosage du PSA. Nous disposons de données concluantes pour étayer cette théorie, mais nous ne disposons d’aucune donnée pour en étayer une autre. En fait, les données à l’appui de la prévention du cancer de la prostate sont plus probantes que les données à l’appui du dépistage et des traitements à visée curative énergiques.»

Le choix du patient est le suivant. Soit qu’il opte pour un dosage du PSA une fois par année et qu’il coure alors un risque de 40 à 50 % d’avoir une biopsie de la prostate et un risque de 18 à 20 % de recevoir un diagnostic de cancer de la prostate, sans oublier que l’on ne sait pas si sa survie sera prolongée. Soit qu’il prenne d’emblée un comprimé qui réduit de 25 % le risque de recevoir un diagnostic de cancer de la prostate et qui, par ailleurs, réduit le risque de rétention urinaire et de résection transurétrale de la prostate, et traite les symptômes de l’HBP. «Je crois que nous avons la responsabilité d’offrir des stratégies de prévention aux patients chez qui le risque de cancer de la prostate suscite des craintes», ajoute-t-il.

Énoncé de consensus sur l’utilisation des inhibiteurs de la 5-alpha réductase

L’énoncé de consensus canadien sur l’utilisation des inhibiteurs de la 5-alpha réductase pour le traitement de l’HBP et la prévention du cancer de la prostate a été le fruit d’une rencontre organisée par le Canadian Urology Research Consortium (CURC) et le Canadian Uro-Oncology Group (CUOG), rapporte le Dr Fred Saad, professeur titulaire de chirurgie, CHUM-Hôpital Notre-Dame, Montréal, Québec. Un groupe d’experts du domaine se sont rencontrés pour discuter des questions cliniques soulevées par les nouvelles données des études MTOPS et PCPT. Ces experts ont conclu que MTOPS avait montré que les inhibiteurs de la 5-alpha réductase sont appropriés et efficaces pour le traitement des symptômes du bas appareil urinaire (SBAU) associés à une hypertrophie avérée de la prostate (>30 cm³) et que, chez les patients ne souffrant pas d’un cancer de la prostate, un taux de PSA >1,5 est un marqueur utile de l’hypertrophie de la prostate.

Voici les points clés de l’énoncé de consensus : «Les résultats globaux des études PCPT et MTOPS revêtent une grande importance. Les lignes directrices du traitement des affections prostatiques doivent être mises à jour de façon à tenir compte des résultats de ces deux études. Chez les hommes qui ont une prostate hypertrophiée et des SBAU, un inhibiteur de la 5-alpha réductase doit être envisagé, tant pour le traitement de l’HBP que pour la réduction du risque de cancer de la prostate. Chez les hommes qui craignent un cancer de la prostate, il est approprié de discuter de chimioprévention par le finastéride. La diminution du risque de cancer de la prostate a été démontrée dans l’étude PCPT avec le finastéride. Un effet de classe – qui engloberait aussi le dutastéride – n’a pas encore été établi. On encourage les urologues à disséminer ces recommandations.»

Résumé

De par leur formation, les urologues sont des interventionalistes qui ont toujours diagnostiqué et traité les maladies plutôt que de les prévenir, mais cela est en train de changer, affirme le Dr Klotz. En réponse à un scénario clinique, la moitié de l’auditoire a voté pour l’utilisation d’un inhibiteur de la 5-alpha réductase à titre préventif chez des patients qui ne présentaient aucune autre indication. «Ça ressemble pas mal à l’histoire des statines. Il est logique d’utiliser ce médicament chez les patients à risque, mais on doit d’abord identifier ces patients. Cela ne veut pas dire que tout le monde devrait le recevoir, mais, en bref, nous avons un médicament qui fonctionne.»

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