Comptes rendus

Polyarthrite rhumatoïde : prise en charge des cas à évolution rapide
Prévenir le cancer de la prostate et la progression de l’hypertrophie bénigne de la prostate

Hypertrophie bénigne de la prostate : comment identifier les patients à risque élevé de progression

Le présent compte rendu est fondé sur des données médicales présentées lors d'un congrès de médecine reconnu ou publiées dans une revue avec comité de lecture ou dans un commentaire signé par un professionnel de la santé reconnu. La matière abordée dans ce compte rendu s'adresse uniquement aux professionnels de la santé reconnus du Canada.

La 61e Assemblée annuelle de l’Association canadienne d’urologie

Halifax, Nouvelle-Écosse / 25-28 juin 2006

Prédire la progression de l’HBP

Dans une interview, le Dr Gerald Andriole, directeur, Prostate Study Center, Barnes-Jewish Hospital, professeur titulaire et chef de la chirurgie urologique, Washington School of Medicine, St. Louis, Missouri, États-Unis, indiquait que «la dihydrotestostérone [DHT] est l’androgène responsable de la croissance de la prostate dans l’hypertrophie bénigne de la prostate [HBP] et peut-être même dans le cancer de la prostate. Les inhibiteurs de la 5 alpha-réductase [5AR], qui peuvent bloquer la synthèse de la DHT de façon sélective, devraient pouvoir modifier ces deux affections de manière fondamentale.»

La définition du patient à risque élevé demeure controversée. De l’avis du Dr Andriole, «les patients à risque élevé de progression de l’HBP sont les hommes qui ont des troubles mictionnels et ceux dont le taux d’antigène spécifique de la prostate [PSA] est >1,4 ng/mL. Chez ces patients, la probabilité de conséquences négatives importantes de l’HBP à quatre ans atteint 30 à 40 %, de sorte qu’ils sont les candidats idéals pour un traitement par un inhibiteur de la 5AR. L’étude REDUCE (Reduction by Dutasteride of Prostate Cancer Events) en cours porte précisément sur un groupe de patients à risque élevé dont le taux de PSA est élevé (2,4 ng/mL), ce que la plupart des urologues interpréteraient comme un signe de tumeur prostatique importante.»

À mesure que progresse l’HBP, ses symptômes peuvent s’aggraver et elle peut dégénérer en rétention urinaire aiguë (RUA), voire nécessiter une intervention chirurgicale. La prévention de la maladie, par opposition au traitement de celle-ci, est un nouveau concept pour la plupart des urologues. Pour certaines maladies, les médecins doivent parfois traiter jusqu’à 100 patients pour prévenir un seul événement. Or, l’étude MTOPS (Medical Therapy of Prostatic Symptoms) a révélé qu’il suffisait de traiter de 30 à 40 patients porteurs d’une HBP à risque élevé de progression pour prévenir un cas de RUA ou une intervention chirurgicale.

Le président de la séance, le Dr Neil Fleshner, chef de l’urologie, département de chirurgie, University Health Network, et professeur agrégé, University of Toronto, a demandé à l’auditoire de choisir le facteur prédictif le plus important de la progression de l’HBP. Les réponses étaient divisées : volume de la prostate (37 %), taux de PSA (27 %), degré de gêne (15 %), score des symptômes (12 %) et débit urinaire (9 %).

«J’estime que tout le monde a raison et que tous ces facteurs sont importants, affirme le Dr Andriole, mais le volume et le taux de PSA sont probablement les deux facteurs les plus importants de la progression de l’HBP.» Lors de l’étude MTOPS, on a observé des différences significatives au chapitre de la vitesse de progression de l’HBP selon le tertile des taux initiaux de PSA où se situait le patient (<1,4, 1,4 à 3,9, ou ³4 ng/mL) (McConnell et al. N Engl J Med 2003;349:2387-98). Il a été démontré que l’augmentation du volume de la prostate avait été trois fois plus marquée chez les patients du tertile de taux élevés de PSA que chez ceux du tertile de taux faibles (3,3 vs 0,7 mL/année; Roehrborn et al. J Urol 2000:163:13-20). «À mon avis, ces données nous guident vers un seuil de 1,4», conclut le Dr Andriole.

Les inhibiteurs de la 5AR ne sont pas tous identiques

Il y a plusieurs différences entre les deux inhibiteurs de la 5AR. Si le finastéride inhibe le type 2 de la 5AR, le dutastéride inhibe à la fois le type 1 et le type 2. Ce dernier abaisse le taux sérique de DHT de 90 %, vs 70 % pour le finastéride, et sa demi-vie est considérablement plus longue (cinq semaines vs huit heures). En outre, on observe une plus grande variabilité de la réponse aux deux inhibiteurs de la 5AR chez un patient donné. Le finastéride n’inhibe pas un certain nombre de variations génétiques de l’enzyme 5AR de type 2, facteur qui revêt une grande importance chez les Noirs.

Le Dr Andriole a présenté des données montrant une réduction de 70 % du taux sérique de DHT chez 50 % des hommes du groupe finastéride vs une réduction d’au moins 70 % chez 100 % des hommes du groupe dutastéride. Les résultats ont aussi mis en évidence une baisse du taux de DHT intraprostatique >90 % chez les hommes du groupe dutastéride.

Il n’y a jamais eu d’essai comparatif parfait dans lequel on comparait le finastéride et le dutastéride à long terme, mais les critères d’inclusion et les évaluations du traitement des études pertinentes étaient très similaires. La réduction du volume de la prostate sous l’effet du finastéride à quatre et à six ans est d’environ 25 %, résultat que l’on obtient après deux ans de traitement par le dutastéride. «Ces études n’étaient pas comparatives, mais elles soulignent tout de même l’importance probable d’une suppression plus marquée de la DHT», de poursuivre le Dr Andriole.

La chimioprévention en 2006

Le Dr Luc Valiquette, urologue, Hôpital Saint-Luc du CHUM, et professeur titulaire, département de chirurgie, Université de Montréal, a présenté le cas suivant afin d’amener l’auditoire à se pencher sur la chimioprévention. Un homme de 40 ans de race noire – très inquiet de son risque de cancer de la prostate parce que son père en est mort à l’âge de 72 ans – présente un taux de PSA de 1,6; le toucher rectal ne révèle rien d’anormal et le volume de la prostate est de 30 mL. Le Dr Valiquette a demandé aux membres de l’auditoire quelle serait leur stratégie de traitement. La plupart des congressistes ont répondu qu’ils surveilleraient le patient (61 %), mais certains ont affirmé qu’ils feraient une biopsie (25 %) et quelques-uns ont dit qu’ils amorceraient un traitement par un inhibiteur de la 5AR sans faire de biopsie (14 %). Les Drs Valiquette, Fleshner et Andriole s’entendaient pour dire que ce patient présente de multiples facteurs de risque justifiant une biopsie.

Dans le cadre du suivi, le même patient a subi une biopsie à 10 carottes, et les résultats se sont révélés négatifs. La plupart des membres de l’auditoire (60 %) ont répondu qu’ils surveilleraient tout de même ce patient de près, mais 5 % ont dit qu’ils répéteraient la biopsie et 35 %, qu’ils amorceraient un traitement par un inhibiteur de la 5AR. Le Dr Valiquette a indiqué qu’il ne ferait que surveiller ce patient. De l’avis du Dr Fleshner, compte tenu du fait qu’il est très inquiet, ce patient représente probablement le candidat idéal pour un traitement préventif. Le Dr Andriole abondait dans le même sens. L’essai REDUCE se penche précisément sur ce type de patient à risque élevé dont la biopsie est négative, ajoute-t-il. «À mon avis, ce patient est exposé à un risque suffisamment élevé, et je suis prêt à donner le bénéfice du doute au dutastéride. Comme c’est un médicament sûr, je le prescrirais.»

«J’ai beau préféré le dosage du PSA comme outil de dépistage et la prostatectomie radicale comme solution, il reste que l’on ignore l’utilité d’un diagnostic précoce et d’un traitement énergique, fait valoir le Dr Andriole. Nous savons que ces pratiques exposent nos patients à un risque élevé de traitement excessif et qu’elles sont extrêmement coûteuses. Encore heureux que le cancer de la prostate se caractérise par une évolution naturelle très lente et qu’il y ait plusieurs points précis dans la biogenèse où nous pourrons peut-être intervenir.»

Résumé

De l’avis du Dr Andriole, «le taux limite de PSA >1,4 est peut-être le meilleur facteur prédictif de la progression de l’HBP. Le dutastéride et le finastéride diffèrent sur plusieurs plans, dont celui de la suppression de la DHT; et le dutastéride réduit le volume de la prostate et d’autres marqueurs du cancer de façon évidente»

Les patients aptes à recevoir un traitement sont les hommes à risque élevé de cancer ou de progression de l’HBP. «Nous devons identifier les patients qui peuvent bénéficier de ce traitement. Dans le cadre de l’étude REDUCE qui porte sur des patients à risque élevé, les biopsies à deux ans devraient être terminées d’ici le début de la prochaine année», de conclure le Dr Andriole.

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