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Psoriasis et comorbidité à la clinique de dermatologie : de nouvelles considérations

Le présent compte rendu est fondé sur des données médicales présentées lors d'un congrès de médecine reconnu ou publiées dans une revue avec comité de lecture ou dans un commentaire signé par un professionnel de la santé reconnu. La matière abordée dans ce compte rendu s'adresse uniquement aux professionnels de la santé reconnus du Canada.

PRESSE PRIORITAIRE - 25e Congrès de la European Academy of Dermatology and Venerology (EADV)

Vienne, Autriche / 28 septembre – 2 octobre 2016

Vienne – Depuis une dizaine d’années, le psoriasis n’est plus perçu comme une maladie de peau isolée. Le chevauchement du psoriasis et d’autres maladies fort différentes sur les plans génétique et physiopathologique a été un thème récurrent du congrès. Des liens avaient déjà été établis avec certaines maladies, dont l’arthrite psoriasique (APs) et les troubles dépressifs, mais de nouveaux liens ont aussi été établis, notamment avec des maladies cardiovasculaires, des affections métaboliques, le diabète, l’obésité et des troubles digestifs. Bien que la maladie de Crohn (MC) et la colite ulcéreuse (CU), deux maladies intestinales auto-immunes, soient cliniquement très différentes du psoriasis, le lien semble de plus en plus probable. Ces nouvelles associations compliquent la prise en charge du psoriasis, et les dermatologues présents au congrès ont été encouragés à envisager la présence d’autres affections lorsqu’un patient atteint de psoriasis les consulte.

Rédactrice médicale en chef : Dre Léna Coïc, Montréal, Québec

La présence simultanée du psoriasis et de plusieurs affections concomitantes a été un thème récurrent du congrès. «La plupart des patients psoriasiques présentent deux ou trois affections concomitantes, lesquelles ont d’importantes répercussions sur la qualité de vie et la morbidité», a affirmé le Dr Brian Kirby, St Vincent’s University Hospital, Dublin, Irlande, lorsqu’il a fait le point sur le lien entre les affections métaboliques et le psoriasis. Il a discuté des liens entre le psoriasis et l’obésité, laquelle peut à son tour être associée à d’autres maladies, dont le diabète, les infections et la stéatose hépatique non alcoolique.

«Sur le plan physiopathologique, la graisse est un organe pro-inflammatoire : elle produit des substances comme le TNF [tumor necrosis factor], l’interféron, l’interleukine 2, lesquels sont tous surreprésentés dans la peau du patient atteint de psoriasis», poursuit le Dr Kirby.

Prévalence et détection précoce des affections concomitantes

Plusieurs groupes ont évoqué la prévalence de la comorbidité chez les patients atteints de psoriasis. Des Américains ont évalué le Corrona Psoriasis Registry (lancé aux États-Unis en avril 2015), qui regroupait 1014 patients psoriasiques de 140 centres (Strober B et al. P2040). À l’inscription, 46 % (n=456) étaient atteints d’obésité (indice de masse corporelle ≥ 30), 15 % (n=151) de diabète, 39 % (n=392) d’hypertension et 44 % (n=447) d’APs.

«Les dermatologues jouent un rôle clé dans la détection précoce et le traitement des affections concomitantes», peut-on lire dans l’affiche d’un groupe allemand sur la détection précoce de la comorbidité en présence de psoriasis : Recommendations of the National Conference on Healthcare in Psoriasis (Radtke MA et al., P1097). Ces chercheurs ont créé des algorithmes interdisciplinaires devant permettre aux médecins de dépister les affections concomitantes tôt. Après avoir évalué plus de 2000 publications couvrant 15 affections concomitantes, le groupe a créé des algorithmes tenant compte de divers facteurs, notamment : dépistages à faire; critères de poursuite de l’exploration en cas de suspicion de comorbidité; fréquence recommandée des suivis; et paramètres à évaluer en cas de maladie réfractaire.

«La découverte et le traitement précoce des affections concomitantes sont aussi essentiels à l'instauration d'un traitement systémique approprié contre le psoriasis», estime le Dr Radtke. Au nombre des affections concomitantes envisagées figuraient diverses maladies cardiovasculaires, l’obésité, le diabète, l’abus d’alcool, la dépression, l’APs, les lymphomes malins et les maladies inflammatoires de l’intestin (MII).

Manifestations digestives

Le lien entre les manifestations digestives et le psoriasis ne date pas d’hier. Ce lien s’est dégagé chez des patients qui, en raison de l’anti-TNF qu’ils recevaient pour leur MII, présentaient un psoriasis paradoxal1,2. Dans la version la plus récente (2009) des lignes directrices canadiennes sur le traitement du psoriasis en plaques, les MII figurent parmi les affections concomitantes auxquelles le médecin doit songer quand il traite un patient atteint de psoriasis2. Les auteurs des lignes directrices font état d’un lien épidémiologique bien établi entre le psoriasis et les MII : le psoriasis est jusqu’à 7 fois plus fréquent chez les patients atteints de MC qu’au sein de la population générale2. Et, inversement, la probabilité de MC est jusqu’à 3 fois plus élevée chez les patients atteints de psoriasis2.

Au Royaume-Uni, dans une vaste étude prospective préliminaire (2013) regroupant 4400 participantes de la Nurses’ Health Study (1991- 2008), des chercheurs se sont penchés sur le lien entre le psoriasis, l’APs et les MII3. Ils ont constaté que 188 participantes (4 %) avaient développé une MC et 240 (5 %), une CU. Leurs résultats montrent aussi que le risque d'apparition d’une MC était significativement plus élevé chez les femmes atteintes de psoriasis et d’APs.

Liens génétiques

Le lien entre troubles auto-immuns - MII et psoriasis - a amené les chercheurs à soupçonner l'atteinte d'une même voie inflammatoire dépendante des cytokines dans la peau et l’intestin2. Des études génétiques ont objectivé l’existence d'un chevauchement entre les loci de susceptibilité de dermatoses comme l’eczéma et le psoriasis et ceux d’autres maladies auto-immunes comme les MII et la spondylarthrite ankylosante4,5.

«Sur le plan génétique, le psoriasis et de nombreux autres troubles auto-immuns se chevauchent», explique le Dr James Elder, University of Michigan, États-Unis. Les cellules qui présentent le plus de chevauchement entre la chromatine ouverte et les loci de susceptibilité pour le psoriasis sont généralement les cellules T, telles les Th17, Th0 et Th1, toutes impliquées dans la pathogenèse des troubles auto-immuns, enchaîne le Dr Elder. «Lorsqu’on se penche sur les gènes impliqués dans les maladies de l’intestin et de la peau, on constate que beaucoup interviennent dans la régulation de la fonction barrière de la peau et la capacité à composer avec de très nombreuses bactéries. À notre avis, une action au niveau d’interfaces clés avec le microbiome serait en partie responsable du chevauchement entre le psoriasis et plusieurs maladies inflammatoires ou auto-immunes.»

Dans leur allocution sur l’étude qui ciblait des patientes de la Nurses Health Study, le Dr Li et son équipe ont dit que le lien entre le psoriasis, l’APs et la MC évoquait une éventuelle connexion biologique. «Le psoriasis et la MC sont des maladies auto-immunes connues, et l’on sait que les cellules Th17 contribuent très étroitement à la persistance de l’inflammation chronique. L’IL-23, pour sa part, stimule la survie et la prolifération des cellules Th17 et entraîne la sécrétion d’un ensemble de cytokines spécifiques, ce qui en fait l’un des principaux régulateurs de cytokines dans les maladies inflammatoires auto-immunes. Les gènes impliqués dans la voie de l’IL-23 sont souvent associés avec le psoriasis et la MC. Au nombre des autres régions génétiques communes, on compte le locus 6P21, qui englobe la région IBD3, associé à la MC, et le PSORS1, associé au psoriasis3

Prise en charge et poursuite de la recherche

Dans les lignes directrices canadiennes, on recommande aux médecins qui traitent des patients atteints de psoriasis de faire un bilan de santé à la recherche de signes d’une MII2. En présence d’une MII et de psoriasis, on conseille d’envisager des traitements ciblant les deux maladies2.

Discutant de la génétique du psoriasis, plus précisément des liens entre la génétique et les manifestations cliniques, le Pr Jonathan Barker, King’s College, Londres, a expliqué que «la révolution des biologiques» avait contribué étroitement au mieux-être des patients, mais qu’il faudrait tout de même essayer de mettre la génétique au service des soins cliniques.

«Lors d’un audit, nous avons examiné notre pratique à Londres avant et après l’avènement des biologiques.» L’arrivée des biologiques a donné lieu à une diminution de 85 % des épisodes de psoriasis chez les patients hospitalisés. Les biologiques ont donc eu d’énormes retombées sur la pratique, mais ce n’est pas la réponse à tout», affirme le Pr Barker, qui souligne l’importance de poursuivre la recherche sur la structure génétique de la maladie afin que les dermatologues puissent offrir une médecine personnalisée et caractériser le psoriasis chez chaque patient.

«Peut-être parviendrons-nous à prévoir l’âge où s’installe le psoriasis, sa sévérité, son phénotype clinique, le risque de progression vers une APs et le risque d’apparition d’affections concomitantes», poursuit le Pr Barker.

Dans une allocution sur le lien entre le psoriasis et le syndrome métabolique, la Pre Jo Lambert, Université de Gand, Belgique, a prié les dermatologues de ne plus voir le psoriasis comme une simple maladie de peau et a qualifié l’algorithme d’évaluation des maladies présentes simultanément (Radtke MA et al., P1097) d’excellent outil. «Le clinicien doit connaître les facteurs de risque de son patient. Ne vous contentez pas de traiter des maladies de peau. Oubliez les soins fragmentés, et faites place à une dermatologie personnalisée et complète sous le signe de la prévention des maladies et de la promotion de la santé!»

Résumé

Selon des études récentes, la liste des affections associées au psoriasis s’allonge et les cas de psoriasis deviennent plus complexes. Les dermatologues ont été invités à aller au-delà de la peau alors que l’établissement de liens génétiques entre le psoriasis et d’autres maladies alimente l’espoir d’offrir de nouvelles options de prise en charge aux patients.

Références :

1. Pugliese D, Guidi L, Ferraro PM, et al. Paradoxical psoriasis in a large cohort of patients with inflammatory bowel disease receiving treatment with anti-TNF alpha: 5-year follow-up study. Aliment Pharmacol Ther 2015; 42: 880-888.

2. Canadian guidelines for the management of plaque psoriasis. 2009 Adresse : http://www.dermatology.ca/wp-content/uploads/2012/01/cdnpsoriasisguidelines.pdf

3. Li WQ, Han JL, Chan AT, et al. Psoriasis, psoriatic arthritis and increased risk of incident Crohn’s disease in US women. Ann Rheum Dis 2013; 72:1200-1205.

4. Jostins L, Ripke S, Weersma RK, et al. Host-microbe interactions have shaped the genetic architecture of inflammatory bowel disease. Nature 2012; 491: 119-124.

5. Paternoster L, Standl M, Waage J, et al. Multi-ancestry genome-wide association study of 21,000 cases and 95,000 controls identifies new risk loci for atopic dermatitis. Nat Genet 2015; 47: 1449-1456.

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