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Recommandations de la SCC sur le traitement antiplaquettaire : une démarche systématique factuelle voit le jour

Le présent compte rendu est fondé sur des données médicales présentées lors d'un congrès de médecine reconnu ou publiées dans une revue avec comité de lecture ou dans un commentaire signé par un professionnel de la santé reconnu. La matière abordée dans ce compte rendu s'adresse uniquement aux professionnels de la santé reconnus du Canada.

PRESSE PRIORITAIRE - Congrès canadien sur la santé cardiovasculaire 2010

Montréal, Québec / 23-27 octobre 2010

Selon les nouvelles recommandations de la Société canadienne de cardiologie (SCC), divulguées au congrès, le traitement antiplaquettaire de la victime d’un syndrome coronarien aigu (SCA) peut maintenant être individualisé. En effet, un nouvel agent, le prasugrel, vient de s’ajouter au double schéma antiplaquettaire AAS+clopidogrel, traitement de référence actuel tant à court qu’à long terme. L’homologation récente du prasugrel au Canada a d’ailleurs motivé la mise à jour des recommandations de la SCC. Ce nouvel antiplaquettaire permet une importante réorientation de la gestion du risque.

L’individualisation du traitement, maintenant un incontournable

Chez la victime d’un SCA, la prévention secondaire du risque «appelle obligatoirement l’individualisation du traitement», affirme le Pr Jean-Philippe Collet, professeur titulaire de cardiologie, Hôpital Pitié-Salpêtrière, Paris, France. En sa qualité d’expert ayant une grande expérience de la mise en application de stratégies semblables aux nouvelles recommandations de la SCC sur le traitement antiplaquettaire, le Pr Collet a été invité au Congrès canadien sur la santé cardiovasculaire afin d’expliquer comment concilier la puissance antiplaquettaire et les risques. En effet, bien que puissance antiplaquettaire et risque hémorragique aillent généralement de pair, le remplacement du clopidogrel par le prasugrel dans un double schéma antiplaquettaire avec l’AAS peut réduire substantiellement l’incidence des événements cardiaques majeurs à condition que le nouvel agent soit utilisé de façon appropriée.

La décision d’homologuer le prasugrel, maintenant indiqué en association avec l’AAS pour la prévention secondaire du risque lors d’une intervention coronarienne percutanée (ICP) pour cause de SCA, reposait sur un essai comparatif multinational. Lors de cette étude, le nouvel agent a été associée – comparativement au clopidogrel – à une réduction de 19 % du risque relatif (OR de 0,81; IC à 95 % : 0,73-0,90; p<0,001) de survenue de l’un des événements du paramètre mixte, à savoir le décès d’origine cardiovasculaire (CV), l’infarctus du myocarde (IM) non mortel ou l’AVC non mortel (Wiviott et al. N Engl J Med 2007;357:2001-15). Lors de cet essai sur l’ICP intitulé TRITON-TIMI 38 (Trial to assess improvement In Therapeutic Outcomes by optimizing platelet iNhibition with prasugrel - Thrombolysis In Myocardial Infarction 38), qui regroupait 13 608 patients, l’augmentation du risque relatif d’hémorragie majeure se chiffrait à 32 % (p=0,03) dans le groupe prasugrel, mais le rapport bénéfice:risque global, déjà favorable au prasugrel, l’était encore plus si on éliminait les patients à risque élevé facilement repérables, par exemple les patients de faible poids corporel ou d’âge avancé.

«Si l’on fait abstraction des patients vulnérables, le risque relatif (HR) de survenue de l’un des événements du paramètre mixte principal était de 0,75», rapporte le Dr Dominick Angiolillo, directeur de la recherche cardiovasculaire, University of Florida, Jacksonville. Participant à la même séance que le Pr Collet, le Dr Angiolillo était d’accord pour dire que la réduction du risque de 19 à 25 % justifie un changement de cap vers l’individualisation du traitement antiplaquettaire chez les victimes d’un SCA.

Les principes régissant l’utilisation du prasugrel pour diminuer le risque thrombotique à court et à long terme chez les victimes d’un SCA sont simples. Dans ses recommandations, la SCC rappelle que ce nouvel agent est indiqué au Canada chez les patients sur le point de subir une ICP et, en particulier, ceux chez qui l’on implante un tuteur et qui se trouvent ainsi exposés à un risque thrombotique accru. Plusieurs raisons peuvent expliquer le risque accru de thrombose, notamment la résistance au clopidogrel, mais il y a d’autres exemples : IM avec sus-décalage du segment ST, présence de diabète et antécédents de thrombose sur tuteur.

Possibilité d’une autre stratégie posologique

La SCC recommande d’éviter le prasugrel chez les patients qui risquent d’avoir à subir un pontage aortocoronarien dans un délai de 7 jours, qui ont des antécédents d’AVC ou d’ischémie cérébrale transitoire, qui ont 75 ans ou plus, ou qui pèsent moins de 60 kg. Ces deux dernières exclusions découlent d’une analyse post-hoc de l’essai TRITON-TIMI 38 selon laquelle la supériorité du prasugrel sur le clopidogrel en termes de rapport bénéfice:risque a disparu chez les patients âgés ou de faible poids corporel. Le Dr Angiolillo estime que la SCC a fait une interprétation raisonnable des données de l’essai TRITON-TIMI 38, mais il souligne qu’une diminution de la dose de prasugrel chez les patients de faible poids corporel est une option qui mérite d’être explorée plus à fond. L’essai d’une autre posologie est justifié, le prasugrel étant associé non seulement à une inhibition maximale plus marquée de la réactivité plaquettaire, mais également à une plus grande rapidité d’action et à un effet plus constant.

C’est la vitesse de biotransformation qui différencie ces deux inhibiteurs du récepteur P2Y<sub>12</sub> de l’adénosine diphosphate (ADP) à la surface de la plaquette. Bien que les deux soient des précurseurs qui doivent être biotransformés en leurs métabolites actifs, la plus grande dépendance du clopidogrel à l’égard des isoenzymes hépatiques du cytochrome P450 explique qu’il mette plus de temps à agir. Le métabolite actif du prasugrel est généré en partie durant le processus d’absorption. Son activité antiplaquettaire après 1 heure se compare donc à celle du clopidogrel après 6 heures. En outre, il a été démontré que l’efficacité clinique du prasugrel, contrairement à celle du clopidogrel, n’était pas perturbée par le polymorphisme de l’isoenzyme CYP2C19. On estime en effet que ce polymorphisme donne lieu à un effet antiplaquettaire sous-optimal chez près de 30 % des patients sous clopidogrel.

Il existe à tout le moins un lien quelconque entre l’augmentation de la protection contre les événements CV et l’exacerbation du risque hémorragique pour tous les antithrombotiques, y compris ceux qui agissent sur d’autres systèmes influant sur le risque de thrombose, comme la cascade de la coagulation. Les résultats de l’essai TRITON-TIMI 38 ont révélé qu’il était possible d’accentuer l’effet antiplaquettaire tout en maintenant un risque hémorragique acceptable chez les patients à risque élevé.

Élargissement de l’arsenal des antithrombotiques : l’efficacité en regard du risque hémorragique

D’autres antiplaquettaires encore en développement pourraient offrir le même avantage. Ces nouveaux agents sont notamment les inhibiteurs réversibles du récepteur P2Y<sub>12</sub>, comme le ticagrelor, qui a aussi fait l’objet d’un vaste essai multinational. Un antiplaquettaire réversible est théoriquement avantageux du fait qu’on peut en arrêter l’administration pour procéder à un pontage aortocoronarien ou à une autre intervention chirurgicale, mais cet avantage potentiel n’a pas encore été démontré. En outre, les agents irréversibles et réversibles n’ont jamais été comparés sur le plan de l’efficacité.

«Dans les faits, le ticagrelor et les autres agents réversibles évalués à ce jour mettent encore beaucoup de temps à quitter le récepteur, si bien que nous ne pouvons pas savoir avec certitude si la réversibilité fait une différence en pratique», explique le Pr Collet. On ne sait pas encore avec exactitude quelle place reviendra aux agents réversibles dans les recommandations lorsqu’ils seront homologués. Cependant, indique le Pr Collet, de tels agents pourraient faire avancer l’individualisation du traitement.

«Après un SCA, le risque d’événement thrombotique varie substantiellement d’un patient à l’autre, et l’élargissement actuel de l’arsenal thérapeutique nous donne quelques options pour adapter le traitement en fonction de ce risque», note le Pr Collet. Cela dit, l’augmentation du nombre d’options antiplaquettaires pourrait ajouter à la complexité des questions que l’on se pose déjà, notamment quant à l’intensité et à la durée du traitement chez des patients qui se remettent d’une ICP et dont le risque est variable. Là encore, on doit soupeser l’efficacité antithrombotique en regard du risque hémorragique pour chacun des nouveaux agents.

Dans ses nouvelles recommandations, la SCC préconise un traitement par l’AAS de durée indéfinie à raison de 75 à 162 mg/jour chez tous les patients ayant été victimes d’un SCA, alors que l’ajout d’un inhibiteur du récepteur P2Y<sub>12</sub> est recommandé pendant au plus 12 mois en l’absence d’un risque hémorragique trop élevé. La SCC présente l’association prasugrel-AAS comme une option – pendant au plus 12 mois – chez les patients à risque élevé, tels les patients chez qui on a implanté un tuteur après un IM avec sus-décalage du segment ST, mais il faut bien sûr tenir compte de leur risque relatif d’hémorragie.

Résumé

Les nouvelles recommandations de la SCC sur le traitement antiplaquettaire chez les victimes d’un SCA reflètent les données actuelles, à savoir que l’individualisation du traitement pourrait améliorer la prévention secondaire des événements CV. Les recommandations de la SCC comportent des suggestions particulières pour l’utilisation du prasugrel, le dernier-né des antiplaquettaires homologués au Canada pour les patients subissant une ICP motivée par un SCA. Le traitement par l’association AAS+prasugrel, tout comme l’association ASA+clopidogrel, pourrait se poursuivre pendant au plus 12 mois chez les patients appropriés. Bien que cette association ne soit pas recommandée chez les sujets âgés (=75 ans) ou de faible poids corporel (<60 kg), ou chez les patients ayant des antécédents de maladie vasculaire cérébrale, les résultats de phase III semblent indiquer qu’un traitement individualisé en fonction du profil de risque de chaque patient permettrait de diminuer le risque de façon substantielle.

D'après la séance suivante du CCSC : «The Evolution of ACS: A Town Hall Discussion Focusing on Practical Considerations in Antiplatelet Therapy», le mardi 26 octobre 2010

La présente activité est approuvée à titre d'activité de formation collective agréée, en vertu de la section 1 du programme de Maintien du certificat du Collège royal des médecins et chirurgiens du Canada. Elle est approuvée par la Société canadienne de cardiologie et donne droit à 1 crédit de formation. La Société canadienne de cardiologie et le Mednet inc. ont préparé ce compte rendu de conférence conjointement en s’assurant d'y présenter des données probantes fiables, objectives et équilibrées.

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