Comptes rendus

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Pneumonie nosocomiale à SARM : le point sur le traitement et la résistance

Le présent compte rendu est fondé sur des données médicales présentées lors d'un congrès de médecine reconnu ou publiées dans une revue avec comité de lecture ou dans un commentaire signé par un professionnel de la santé reconnu. La matière abordée dans ce compte rendu s'adresse uniquement aux professionnels de la santé reconnus du Canada.

PRESSE PRIORITAIRE - La 48e Assemblée annuelle de l’Infectious Diseases Society of America

Vancouver, Colombie-Britannique / 21-24 octobre 2010

Le lien causal entre l’usage d’antimicrobiens et l’émergence de souches résistantes est bien établi. Les changements dans la prévalence des souches résistantes font donc écho aux changements dans l’usage des antimicrobiens. L’objectif premier du bon usage des antibiotiques est d’optimiser les résultats cliniques tout en évitant les conséquences involontaires de l’usage des antimicrobiens (Dellit et al. Clin Infect Dis 2007;44[2]:159-77).

Le bon usage des antimicrobiens suppose une lutte efficace contre les infections de même qu’une bonne gestion des antimicrobiens, l’un des éléments clés étant le repérage des facteurs de risque d’émergence de souches résistantes. Si l’on s’assure de prescrire l’antibiotique le plus approprié à une dose efficace, on réduit au minimum le risque de résistance.

Dans le cas de la pneumonie nosocomiale causée par Staphylococcus aureus résistant à la méthicilline (SARM), l’évolution naturelle changeante du microorganisme nécessite une réévaluation constante des schémas de traitement et la surveillance des souches multi-résistantes émergentes. La vancomycine et le linézolide comptent parmi les principaux antimicrobiens encore efficaces contre le SARM.

Efficacité des antimicrobiens dans le traitement de la pneumonie nosocomiale

Le Pr Jean Chastre, Service de réanimation médicale, Hôpital Pitié-Salpêtrière, Paris, France (résumé LB-49), a présenté les données les plus récentes sur l’efficacité comparative du linézolide et de la vancomycine issues d’une étude du phase IV de non-infériorité qui incluait une hypothèse de supériorité du linézolide.

L’essai multicentrique mené à double insu avec randomisation visait à comparer le linézolide et la vancomycine quant à leur efficacité clinique et à leur innocuité chez des patients souffrant de pneumonie nosocomiale à SARM, culture à l’appui. Parmi les 1225 patients recrutés dans 156 centres participants à l’échelle mondiale, 448 avaient une culture positive pour le SARM. «Ces patients constituaient la population en intention de traiter modifiée (ITm)», note le Pr Chastre. De ces 448 patients, 348 étaient évaluables au terme de l’étude (population per protocol [PP]). Le paramètre principal d’évaluation de l’efficacité était l’issue clinique au sein de la population PP à la fin de l’étude. L’innocuité a quant à elle été évaluée au sein de la population IT (tous les patients ayant reçu au moins une dose du médicament à l’étude, y compris les patients pour qui on avait une culture négative pour le SARM).

Le traitement durait de 7 à 14 jours, et la visite de fin d’étude avait lieu de 7 à 30 jours après la fin du traitement. Le linézolide était administré par voie intraveineuse (i.v.) à raison de 600 mg toutes les 12 heures et la vancomycine, par voie i.v. à raison de 15 mg/kg toutes les 12 heures, et la dose était ajustée selon la fonction rénale et les creux plasmatiques par un pharmacien qui était au fait des traitements administrés. Les patients des deux groupes étaient bien appariés quant à leurs caractéristiques. La majorité des patients étaient sous ventilation mécanique au début de l’étude. «Le score clinique d’infection pulmonaire (CPIS) modifié était au départ assez élevé dans les deux populations, ce qui confirme la sévérité de l’infection à l’origine de la pneumonie. Il s’agit là d’un facteur clé», souligne le Pr Chastre.

Résultats

Au terme de l’étude, le taux de réussite clinique au sein de la population PP était de 57,6 % (n=95) dans le groupe linézolide et de 46,6 % (n=81) dans le groupe vancomycine (p=0,042; IC à 95 % : 0,5 %, 21,6 %) (Tableau 1).


«Ainsi, selon un plan statistique prédéterminé, le linézolide a non seulement fait la preuve de sa non-infériorité par rapport à la vancomycine, mais aussi de sa supériorité», poursuit le Pr Chastre. Des résultats similaires ont été observés au sein de la population ITm (paramètre secondaire) de même qu’en fin de traitement. Par ailleurs, la réponse clinique obtenue dans le groupe vancomycine n’a pas été perturbée par l’élévation des concentrations minimales moyennes (14,1 à 17,4 µg/mL), comme l’ont confirmé d’autres études, précise le Pr Chastre.

L’issue microbiologique – à savoir, l’éradication ou l’éradication présumée – était un autre des paramètres secondaires. Là encore, le linézolide était significativement supérieur à la vancomycine, le taux de succès ayant atteint 81,9 % (n=149) vs 60,6 % (n=114), respectivement (p<0,001; IC à 95 % : 12,3 % – 30,2 %). Le Pr Chastre signale au passage que l’étude n’avait pas la puissance statistique nécessaire pour objectiver des différences quant au taux de mortalité. L’innocuité au sein de la population IT (n=1184) était globalement comparable dans les deux groupes. Les chercheurs ont observé une anémie chez 30 patients (5,2 %) du groupe linézolide et 42 patients (7,2 %) du groupe vancomycine; par contre, le nombre de cas de défaillance rénale/d’azotémie était significativement moins élevé dans le groupe linézolide (n=23, 3,8 %) que dans le groupe vancomycine (n=42, 7,2 %) (Tableau 2).

Chez les patients dont la pneumonie était plus sévère, le linézolide a également donné de bons résultats. Le Pr Chastre rapporte que 70 % des sujets de l’étude présentant une bactériémie initiale traitée ont obtenu une réponse clinique, par comparaison à 55 % des patients sous vancomycine. Dans le cas des patients sous ventilation, le taux de réponse était de 55,5 % et de 44,2 %, respectivement. Le linézolide a permis d’atteindre, sur le plan statistique, un taux de succès significativement plus élevé que la vancomycine, con
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L’émergence de souches de S. aureus résistant à la vancomycine est une source d’inquiétude et soulève en outre la question de la sensibilité continue du SARM au linézolide. Le programme de surveillance des antimicrobiens SENTRY – qui a vu le jour en 1997 – vise à surveiller l’émergence, à l’échelle mondiale, de souches résistantes des agents pathogènes prédominants. En 2004, on a aussi mis sur pied le programme TEST (Tigecycline Evaluation and Surveillance Trial) pour évaluer l’activité in vitro de la tigécycline et d’autres antimicrobiens d’usage courant contre des bactéries pathogènes dans divers établissements des États-Unis, d’Amérique latine, d’Europe et d’Asie.

Dans sa mise à jour de SENTRY, le Dr Ronald N. Jones, JMI Laboratories, North Liberty, Indiana, a présenté les données actuelles sur la résistance au linézolide des souches de S. aureus résistant et sensible à la méthicilline (SARM et SASM) provenant de 12 219 pneumonies nosocomiales – dont 5830 (47,7 %) étaient causées par le SARM – dans plus de 200 hôpitaux sur 5 continents (résumé 262). Plus de 99,9 % de toutes les souches de S. aureus ont été inhibées. Une seule souche de SARM résistante au linézolide a été repérée. L’isolat provenait d’Arizona, et on a découvert que le mécanisme de résistance était lié au gène cfr plasmidique. Le taux de résistance globale des souches de S. aureus se chiffrait à <0,01 %. Les chercheurs ont conclu que la résistance du SARM au linézolide demeurait extrêmement rare et que la couverture du linézolide était comparable à celle de la vancomycine et de la tigécycline.

Le Dr Samuel Bouchillon, IHMA, Inc., Schaumburg, Illinois, a rapporté des résultats semblables du programme TEST : un seul des 8139 isolats de S. aureus recueillis entre 2004 et 2009 s’est montré résistant au linézolide. Les chercheurs ont par ailleurs fait remarquer que la tigécycline et la vancomycine étaient de puissance comparable.

Bien qu’il soit ressorti du programme TEST que la vancomycine demeurait active contre S. aureus, on a repéré une augmentation graduelle de la concentration minimale inhibitrice (CMI) – le «MIC creep» des anglophones – reflétant une perte graduelle de l’activité antimicrobienne, explique le Dr Stephen Hawser, IHMA Europe Sàrl, Épalinges, Suisse. Pour déterminer l’évolution de la CMI du linézolide, l’équipe du Dr Hawser a étudié 8659 isolats de SARM et 12 457 isolats de SASM recueillis entre 2004 et 2009. Les chercheurs n’ont repéré aucune augmentation graduelle de la CMI sur cette période de 6 ans et ont conclu que les isolats résistants étaient très rares.

Résumé

Bien que la vancomycine demeure efficace en première intention, d’importantes données de phase IV ont objectivé non seulement la non-infériorité du linézolide par rapport à la vancomycine, mais aussi sa supériorité statistique dans le traitement des infections à SARM prouvées par culture, tant sur le plan clinique que microbiologique. Le bon usage des antimicrobiens est la clé d’une gestion optimale des antimicrobiens si l’on aspire à obtenir de meilleurs résultats cliniques et à ralentir l’émergence de souches résistantes. SENTRY et TEST comptent parmi les programmes très utiles qui permettent de repérer les souches résistantes dès leur émergence. Il importe ici de souligner que la résistance du SARM au linézolide demeure extrêmement rare.

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