Comptes rendus

Redéfinition du traitement optimal de l’insuffisance cardiaque
Le grand débat sur le traitement antiplaquettaire : les essais, les données et les patients

Regard sur de nouvelles options de traitement dans le syndrome hémolytique et urémique atypique

Le présent compte rendu est fondé sur des données médicales présentées lors d'un congrès de médecine reconnu ou publiées dans une revue avec comité de lecture ou dans un commentaire signé par un professionnel de la santé reconnu. La matière abordée dans ce compte rendu s'adresse uniquement aux professionnels de la santé reconnus du Canada.

PRESSE PRIORITAIRE - Le 43e Assemblée/Exposition scientifique annuelle de l’American Society of Nephrology – Renal Week 2010

Denver, Colorado / 16-21 novembre 2010

Bien que le recours à la plasmathérapie (plasmaphérèse) ait contribué à diminuer la mortalité imputable au syndrome hémolytique et urémique atypique (SHUa), 60 % des patients atteints d’un SHUa développent une insuffisance rénale (IR) terminale ou meurent au cours de l’année suivant le diagnostic. En l’absence de réponse à la plasmathérapie ou aux autres traitements classiques, les patients n’ont d’autres options que la transplantation rénale ou l’hémodialyse chronique. À en juger par les résultats d’une étude clinique qui regroupait des patients souffrant d’une microangiopathie thrombotique (MAT) persistante malgré la plasmathérapie, l’éculizumab, inhibiteur du complément, pourrait être utile dans le traitement du SHUa.

Dans le cadre d’un essai comportant un seul groupe, 17 adultes et adolescents ont reçu de l’éculizumab pendant 26 semaines. La médiane d’âge était de 28 ans, et 12 des sujets étaient de sexe féminin. Par ailleurs, 12 sujets étaient porteurs de mutations de gènes codant pour des inhibiteurs du complément et 7 étaient des transplantés rénaux, explique le Pr Christophe M. Legendre, Hôpital Necker, Paris, France.

Chaque patient a reçu 900 mg d’éculizumab 1 fois/semaine pendant 4 semaines, puis 1200 mg toutes les 2 semaines. Les patients devaient aussi recevoir le vaccin antiméningococcique de même qu’une antibiothérapie prophylactique de 14 jours.

Le paramètre principal de l’essai était la variation du nombre de plaquettes par rapport au nombre initial. Les principaux paramètres secondaires étaient les suivants : absence d’épisodes de MAT (stabilité du nombre de plaquettes, non-recours à la plasmathérapie et aucune nouvelle séance de dialyse); absence d’interventions motivées par la MAT; intervalle précédant la première intervention motivée par la MAT; et proportion de patients dont l’IR chronique avait régressé de =1 stade.

Amélioration immédiate et durable

Chez les 17 patients, le nombre de plaquettes avait augmenté en moyenne de 96 x 109/L après 26 semaines de traitement, et cette variation s’est révélée hautement significative (p<0,0001). «Les patients ont bénéficié d’une élévation immédiate et durable du nombre de plaquettes, explique le Pr Legendre. Nous avons observé une normalisation du nombre de plaquettes chez 13 des 17 patients.» L’analyse des paramètres secondaires a également fait ressortir une amélioration significative des résultats, y compris l’absence d’épisodes de MAT chez 15 des 17 patients. En outre, les chercheurs ont constaté chez la totalité des 17 patients que le nombre de plaquettes s’était stabilisé ou avait augmenté et que le recours à de nouvelles séances de plasmathérapie ou de dialyse n’avait pas été nécessaire pendant au moins 12 semaines.

Au départ, le nombre moyen d’épisodes de MAT se chiffrait à 0,51 par patient, par jour. Après 26 semaines, le nombre était de 0 (p<0,0001).

Le débit de filtration glomérulaire estimé (DFGe) s’est amélioré au point de constituer une régression d’au moins 1 stade dans l’IR chronique chez 11 patients, et l’amélioration a presque atteint le critère de régression de 1 stade chez 4 autres patients, ce qui représente un taux d’amélioration globale de 88 %, précise le Pr Legendre. Fait important à souligner, 5 des 7 patients en dialyse au départ n’avaient plus besoin d’être dialysés au bout de 26 semaines. «Le traitement par l’éculizumab a permis une amélioration continue de la fonction rénale», affirme le Pr Legendre. «Le nombre de plaquettes a augmenté et l’élévation s’est maintenue, tandis que le taux de créatinine sérique a commencé à baisser presque immédiatement et a continué de baisser jusqu’à la fin du suivi.» Le questionnaire d’évaluation de la qualité de vie EQ-5D du groupe EuroQol a en outre objectivé une amélioration significative de la qualité de vie (p<0,0001) au sein de la cohorte. L’amélioration était cliniquement importante chez 15 des 17 patients.

Les chercheurs se sont livrés à plusieurs analyses exploratoires qui ont donné d’autres résultats positifs. Les trois quarts des patients ont obtenu une réponse hémique complète, celle-ci ayant été définie comme un taux normal de lactate déshydrogénase (LDH) et un nombre normal de plaquettes. Les deux tiers des patients ont obtenu une réponse microthrombotique complète, définie comme une réponse hémique complète en plus d’une diminution d’au moins 25 % du taux de créatinine sérique. Le DFGe s’est amélioré d’au moins 15 mL/min/1,73 m2 chez 9 des 17 patients, et les deux tiers des patients ont vu leur taux d’hémoglobine s’améliorer d’au moins 20 g/dL (200 g/L).

L’agent a été bien toléré. Les manifestations indésirables les plus fréquentes étaient l’anémie, la diarrhée, les céphalées, les nausées et les vomissements (24 à 41 %), d’intensité légère ou modérée dans la plupart des cas. «Ces résultats partiels indiquent qu’en présence d’un SHUa, l’éculizumab permet d’obtenir rapidement une amélioration durable du nombre de plaquettes, de couper court rapidement à la MAT et de rétablir la fonction rénale sans recours à la plasmathérapie», conclut le Pr Legendre.

Patients sous plasmathérapie chronique

Les résultats d’une deuxième étude regroupant des patients sous plasmathérapie chronique pour un SHUa ont fait l’objet d’une autre présentation. Les 20 sujets de cette étude avaient tous besoin d’un échange plasmatique au moins 1 fois toutes les 2 semaines et au plus 3 fois/semaine. Les patients avaient un nombre de plaquettes stable, un taux de LDH égal ou supérieur à la limite supérieure de la normale (LSN) et un taux de créatinine sérique égal ou supérieur à la LSN pour l’âge (minimum de 12 ans).

La médiane d’âge était de 28 ans, et la recherche de mutations a révélé que 10 patients étaient porteurs de 1 mutation, que 4 patients étaient porteurs de multiples mutations et que 6 patients n’étaient porteurs d’aucune mutation. Deux patients avaient besoin d’être dialysés et 8 étaient des transplantés rénaux, explique le Dr Christoph Licht, Hospital for Sick Children, Toronto, Ontario, qui a présenté les résultats sous forme de communication par affiche.

Le protocole d’administration de l’éculizumab était le même que celui de l’étude présentée par le Pr Legendre. Les patients recevaient aussi le vaccin antiméningococcique 14 jours avant d’amorcer le traitement par l’éculizumab. Le paramètre principal était l’absence d’épisodes de MAT, que l’on avait définie comme une période d’au moins 12 semaines consécutives sans diminution du nombre de plaquettes de =25 % par rapport au nombre initial, sans plasmathérapie et sans nouvelle séance de dialyse. Les paramètres secondaires étaient la variation du nombre d’épisodes de MAT, la variation du nombre de plaquettes par rapport au nombre initial, la qualité de vie et la fonction rénale.

Parmi les 15 patients évaluables, 13 (87 %) répondaient au critère d’absence d’épisodes de MAT à 26 semaines. En outre, aucun patient n’a eu besoin d’intervention motivée par la MAT, et le nombre d’interventions est passé de 0,16 par patient, par jour au départ à 0 (p<0,0001).

«L’éculizumab a stabilisé ou amélioré la fonction rénale, fait remarquer le Dr Licht. Au départ, plus de la moitié des patients avaient un DFGe <30, et la valeur médiane était de 27, malgré la plasmathérapie. Après 26 semaines de traitement par l’éculizumab, le DFGe médian était passé à 31. Tous les patients ont bien toléré l’éculizumab et tous sont encore en vie», ajoute-t-il. Les effets indésirables, peu fréquents, étaient d’intensité légère ou modérée. Les plus fréquents étaient la diarrhée (n=4), les céphalées (n=3), les nausées (n=2) et l’hypertension (n=2).

Cas clinique

Le Dr Christian Hanna, State University of New York, Upstate Medical Center, Syracuse, et ses collaborateurs ont pour leur part résumé le cas d’un nourrisson ayant répondu au traitement par l’éculizumab. Une fillette de 10 mois était hospitalisée pour un SHUa récidivant sévère. Des perfusions de plasma ont donné lieu à une amélioration de son état les 2 premiers mois, mais la patiente est ensuite devenue réfractaire au traitement.

Son état s’est détérioré rapidement. L’hémodialyse est devenue nécessaire et les perfusions de plasma ont dû faire place aux échanges plasmatiques. Dès la mise en route du traitement par l’éculizumab, on a observé une amélioration rapide des paramètres cliniques et sérologiques. Après 2 mois de traitement continu, les médecins ont observé une réponse durable, notamment la normalisation des paramètres rénaux et hématologiques, sans compter que les échanges plasmatiques et la dialyse n’étaient plus nécessaires.

Le SHUa résistant à la plasmathérapie été complètement maîtrisé en quelques semaines, et la maîtrise s’est maintenue après le début du traitement d’entretien par l’éculizumab, soulignent les chercheurs. Ils en ont conclu que le traitement par l’éculizumab semblait une option de traitement plus efficace et plus simple pour le SHUa que les traitements à base de plasma, l’insuffisance rénale ayant même récupéré.

Résumé

Malgré les progrès thérapeutiques et cliniques, le SHUa demeure souvent réfractaire au traitement, et il évolue vers l’IR terminale ou la mort au cours de l’année suivant le diagnostic chez 60 % des patients. En tant qu’anticorps monoclonal humanisé qui se fixe à la fraction C5 pour inhiber l’activation du complément, l’éculizumab a fait la preuve de son potentiel thérapeutique à en juger par l’évaluation clinique préliminaire des patients atteints d’un SHUa. Des études récentes ont objectivé une amélioration rapide et durable du nombre de plaquettes, de longues périodes sans intervention motivée par la MAT, l’arrêt de la dialyse et une amélioration de la qualité de vie.

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