Comptes rendus

Les anti-lymphocytes B dans le traitement de la polyarthrite rhumatoïde et d’autres maladies auto-immunes
Regard sur de nouvelles options de traitement dans le syndrome hémolytique et urémique atypique

Redéfinition du traitement optimal de l’insuffisance cardiaque

Le présent compte rendu est fondé sur des données médicales présentées lors d'un congrès de médecine reconnu ou publiées dans une revue avec comité de lecture ou dans un commentaire signé par un professionnel de la santé reconnu. La matière abordée dans ce compte rendu s'adresse uniquement aux professionnels de la santé reconnus du Canada.

PRESSE PRIORITAIRE - Les 83es Séances scientifiques de l’American Heart Association

Chicago, Illinois / 13-17 novembre 2010

Lors des séances de dernière heure, on a présenté les résultats de deux études d’envergure sur l’insuffisance cardiaque (IC) qui, croit-on, vont modifier les habitudes de pratique clinique. Dans EMPHASIS-HF (Eplerenone in Mild Patients Hospitalization And SurvIval Study in Heart Failure), l’éplérénone, un inhibiteur de l’aldostérone, a donné lieu à une réduction marquée du risque de survenue de l’un des événements du paramètre principal mixte (mort d’origine cardiovasculaire [CV] ou hospitalisation pour cause d’IC) chez des patients atteints d’IC de classe II selon la New York Heart Association (NYHA). En revanche, dans ASCEND-HF (Acute Study of Clinical Effectiveness of Nesiritide in Decompensated Heart Failure), le nésiritide, un peptide natriurétique de type B recombinant (BNP), n’a pas eu d’effet significatif sur le risque de survenue des événements, y compris la dyspnée telle qu’elle était définie dans le protocole.

Résultats prévus de l’essai EMPHASIS-HF

Le comité d’évaluation des essais a mis fin prématurément à l’étude EMPHASIS-HF en raison de l’importance des bénéfices observés dans le groupe sous traitement actif. Ces résultats «donneront assurément lieu à une modification des recommandations pour le traitement de l’IC légère», déclare le chercheur principal, le Dr Faiez Zannad, directeur, Centre d’investigation clinique, Centre hospitalier universitaire (CHU), Nancy, France, qualifiant d’«impressionnante» la constance des effets bénéfiques sur les divers paramètres.

Dans l’essai EMPHASIS-HF, 2737 patients de 29 pays ont reçu, après randomisation, de l’éplérénone à 25 mg (avec progression posologique jusqu’à 50 mg) ou un placebo, en plus d’autres traitements d’emploi courant. Seuls les patients atteints d’IC de classe II selon la NYHA étaient admissibles; toutefois, on a imposé plusieurs autres critères d’admissibilité afin d’alimenter le risque d’événements, le but étant de mieux évaluer l’effet du composé actif. Plus précisément, les patients devaient avoir une fraction d’éjection ventriculaire gauche (FEVG) <30 % ou de 30 % à 35 % s’ils avaient un complexe QRS >130 msec. En outre, ils devaient avoir été hospitalisés pour cause d’IC dans les 6 mois ayant précédé leur admission à l’étude ou présenter un taux plasmatique élevé de BNP, soit =250 pg/mL (ou de pro-BNP =500 pg/mL chez les hommes et =750 pg/mL chez les femmes). Parmi les principaux motifs d’exclusion, notons un débit de filtration glomérulaire estimé (DFGe) <30 mL/1,73 m2 ou un taux sérique de potassium >50 mmol/L.

L’éplérénone a amené une baisse de 37 % du risque relatif ([HR, pour hazard ratio] : 0,63; IC à 95 % : 0,54-0,74; p<0,001) de survenue de l’un des événements du paramètre principal mixte (mort d’origine CV ou hospitalisation pour cause d’IC) par rapport au placebo après un suivi d’une durée médiane de 21 mois seulement (Tableau 1). Après 3 ans de suivi, les courbes divergeaient encore. De plus, on a enregistré une réduction de 24 % du risque relatif (HR : 0,76; IC à 95 % : 0,62-0,83; p<0,001) de mortalité toutes causes confondues. La mortalité d’origine CV a diminué de 24 % également (p=0,01); s’ajoutent à ces baisses une diminution de 39 % (p<0,001) des hospitalisations pour cause d’IC, de 28 % (p<0,001) des hospitalisations d’origine CV et de 22 % (p<0,001) des hospitalisations toutes causes confondues. Enfin, la réduction de 23 % (p=0,12) des morts subites d’origine cardiaque n’a pas atteint le seuil de la significativité statistique, mais, comme pour la quasi-totalité des paramètres mesurés, la tendance était favorable.

Tableau 1. Baisses enregistrées dans EMPHASIS-HF


Les analyses de sous-groupes ont confirmé la constance des résultats. On a fait des évaluations dans plus de 20 sous-groupes, constitués notamment selon les critères suivants : âge, sexe, région de traitement, tension artérielle de départ, fréquence cardiaque de départ, DFGe, FEVG, antécédents d’affections concomitantes telles que le diabète ou la fibrillation auriculaire et présence ou absence de traitements concomitants, par exemple des bêtabloquants ou des inhibiteurs de l’ECA. Peu importe le critère de regroupement, jamais on n’a constaté une absence de bénéfice. Près de 95 % de l’effectif prenait un inhibiteur de l’ECA ou un antagoniste des récepteurs de l’angiotensine, >85 %, un bêtabloquant et près de 85 %, un diurétique et un antithrombotique. Par ailleurs, plus de 60 % des sujets étaient sous traitement hypolipidémiant.

Le traitement a exercé ses effets salutaires en ne provoquant que peu de manifestations indésirables. Comme on s’y attendait, le taux d’hyperkaliémie a été significativement plus élevé dans le groupe éplérénone que dans le groupe placebo (8 % vs 3,7 %; p<0,001), sans toutefois qu’il n’y ait de différence significative entre les groupes pour ce qui est du taux d’abandons motivés par cet effet indésirable (1,1 % vs 0,9 %; p=0,57). On a enregistré un taux d’insuffisance rénale plus faible sous éplérénone que sous placebo, sans écart statistiquement significatif, cependant (1,9 % vs 2,3 %; p=0,51). Des cas de gynécomastie, effet indésirable pouvant conduire à l’abandon de la spironolactone, un inhibiteur de l’aldostérone non spécifique, ont été signalés chez 0,7 % des sujets sous éplérénone et 1 % des témoins sous placebo (p=0,54). Vu son profil d’innocuité et son efficacité, l’éplérénone pourrait fort bien devenir un agent d’emploi courant dans l’IC.

«On constate que le nombre de patients à traiter est très faible, soit 19, pour éviter un cas de mortalité d’origine CV ou l’hospitalisation pour cause d’IC. C’est impressionnant. Le nombre de patients à traiter pour prévenir un cas de mortalité est de 51, ce qui place ce médicament au premier rang des options de traitement», fait observer le Dr Paul Armstrong, professeur titulaire de médecine, University of Alberta, Edmonton, dans un éditorial paru lors de la publication électronique des résultats d’EMPHASIS-HF, le 14 novembre, dans le New England Journal of Medicine. Le Dr Armstrong y est allé de ce commentaire au sujet non seulement de l’éplérénone, mais des inhibiteurs de l’aldostérone en général : «Le temps est venu d’en finir avec les traitements sous-optimaux; on doit veiller à ce que ces agents soient prescrits systématiquement en cas d’IC.»

Les inhibiteurs de l’aldostérone dans les essais sur l’IC

L’essai EMPHASIS-HF comble un vide dans l’utilisation des inhibiteurs de l’aldostérone dans toutes les classes d’IC, estiment le Dr Armstrong et d’autres experts. Dans l’essai RALES (Randomized Aldosterone Evaluation Study), la spironolactone avait été associée à une diminution importante de la mortalité dans l’IC avancée (Pitts et al. N Engl J Med 1999;341:709-17). Dans EPHESUS (Eplerenone Post–Acute Myocardial Infarction Heart Failure Efficacy and Survival Study), l’éplérénone avait été associée à une diminution importante de la mortalité chez les victimes d’un infarctus du myocarde aigu qui présentaient une dysfonction ventriculaire gauche (Pitt et al. N Engl J Med 2003;348:1309-21). L’essai EMPHASIS-HF vient donc boucler la boucle : l’efficacité des inhibiteurs de l’aldostérone dans l’IC sous toutes ses formes est maintenant confirmée.

Par contre, l’étude ASCEND-HF a déçu, au vu des études prometteuses sur le nésiritide réalisées précédemment. Au total, 7141 patients de 30 pays atteints d’IC aiguë sévère ont reçu, après randomisation, du nésiritide en continu par voie intraveineuse (i.v.) ou un placebo, en plus du traitement habituel. Lors des études antérieures, on avait démontré que ce médicament pouvait soulager la dyspnée si on l’administrait dans un délai de 3 heures après une dégradation de l’IC. L’essai ASCEND-HF visait à vérifier l’hypothèse voulant que le nésiritide puisse prévenir la progression de la maladie, offrir une protection durable contre la dyspnée et réduire le risque de survenue d’événements sur une période de 30 jours.

Or, on n’a obtenu aucun des résultats escomptés. Ainsi, la fonction respiratoire s’est améliorée chez un plus grand nombre de sujets dans le groupe nésiritide que dans le groupe placebo au cours des premières 24 heures de traitement, sans toutefois qu’il n’y ait de différence selon les paramètres prévus au protocole. Le taux d’amélioration significative de la dyspnée à 6 heures n’était, en effet, que légèrement plus élevé sous nésiritide que sous placebo (15 % vs 13,4 %). À 30 jours, le taux de mortalité toutes causes confondues ou de réhospitalisation pour cause d’IC était légèrement moins élevé dans le groupe nésiritide, mais l’écart n’était pas significatif (9,4 % vs 10,1 %). Ces résultats remettent en question la prescription de cet agent dans l’IC avancée.

«Ce qu’il faut retenir ici, je pense, c’est que pour tout médicament indiqué dans les maladies CV, il faut explorer à fond le rapport entre l’innocuité et l’efficacité par des études conçues à cette fin», avance le Dr Adrian F. Hernandez, professeur agrégé de médecine, Duke University School of Medicine, Durham, Caroline du Nord. Le Dr Hernandez, qui a présenté les résultats d’ASCEND-HF, précise que le nésiritide est sûr dans l’IC, «mais que, vu ses effets modestes, son utilisation n’est pas impérative».

Résumé

Lors des séances de dernière heure, on a présenté les résultats de deux études multinationales d’envergure qui, croit-on, vont modifier les habitudes de pratique clinique dans l’IC. Dans l’essai EMPHASIS-HF, on a démontré que l’éplérénone, un inhibiteur de l’aldostérone, pouvait sauver des vies lorsqu’on le prescrivait dans l’IC légère; dans l’essai ASCEND-HF, on a montré que le nésiritide ne modifiait en rien les paramètres et n’offrait qu’une légère protection contre la dyspnée symptomatique dans l’IC avancée. Chacune de ces études contient des éléments d’information en vue d’une redéfinition des traitements de référence fondés sur des preuves.

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