Comptes rendus

Prise en charge de l’HBP en présence de symptômes sévères : d’autres résultats de l’étude CombAT
Prévention secondaire des mycoses invasives chez les greffés de cellules souches hématopoïétiques

Renforcer la lutte contre les infections nosocomiales par Clostridium difficile dans le contexte de la prévalence croissante de souches hypervirulentes

Le présent compte rendu est fondé sur des données médicales présentées lors d'un congrès de médecine reconnu ou publiées dans une revue avec comité de lecture ou dans un commentaire signé par un professionnel de la santé reconnu. La matière abordée dans ce compte rendu s'adresse uniquement aux professionnels de la santé reconnus du Canada.

PERSPECTIVE PROFESSIONNELLE point de vue sur l’article suivant : Clinical Infectious Diseases Mar 2009;48:568-76.

Mars 2009

Compte rendu de :

Andrew E. Simor, MD, FRCPC

Chef, Service de microbiologie, Division d’infectiologie, Sunnybrook Health Sciences Centre

Professeur titulaire de médecine, University of Toronto, Toronto (Ontario)

Il importe en premier lieu de prendre conscience que C. difficile – micro-organisme pathogène acquis en milieu hospitalier répandu et cause bien reconnue de diarrhées infectieuses1 – devient plus pernicieux2. Selon une étude récente du Programme canadien de surveillance des infections nosocomiales, le taux de létalité de cette infection a quadruplé depuis 1997 (5,7 vs 1,5 %; p<0,001) (Figure 1)3. La cause de cette majoration est probablement l’incidence croissante de l’infection par la souche hypervirulente NAP-1/027 de C. difficile, qui a été à l’origine d’une série majeure d’éclosions au Québec en 20034. Les éclosions du Québec et d’autres éclosions subséquentes ont en commun une augmentation anormalement élevée de la létalité par rapport à l’accroissement du nombre de cas. Par exemple, si on compare les données sur l’infection par C. difficile enregistrées au Québec en 2003 à celles de l’année précédente, on constate que l’incidence des cas a quadruplé alors que le taux de létalité a décuplé5.

Figure 1. Taux de mortalité associée à l’infection par C. difficile acquise en milieu hospitalier au Canada


La menace liée aux souches hypervirulentes de C. difficile a maintenant gagné d’autres provinces canadiennes, les États-Unis et l’Europe. Dans de nombreux hôpitaux de l’Ontario, entre 20 et 50 % des infections par C. difficile sont dues à la souche NAP-1/027, et on recense de plus en plus d’éclosions caractérisées par un taux élevé de létalité – par exemple, l’éclosion récente associée à 62 décès au Joseph Brant Hospital à Burlington, en Ontario. Le taux croissant de mortalité associée à C. difficile est la principale raison de l’inscription de cette infection dans la liste des maladies à déclaration obligatoire au Québec, en Ontario et au Manitoba.

La lutte contre les éclosions repose sur un système approprié de surveillance et la mise en œuvre rapide de mesures préventives et thérapeutiques. Sur le plan des analyses en laboratoire, l’hôpital doit être en mesure de détecter une infection par C. difficile en moins de 24 heures sept jours sur sept. Des délais de confirmation plus longs – un problème particulièrement fréquent dans les hôpitaux faisant affaire avec des laboratoires externes – ne sont plus acceptables. Un programme optimal dicte également de surveiller les taux de référence dans chacun des services et à l’échelle de l’hôpital de manière à pouvoir détecter rapidement tout écart et à le circonscrire dans le temps et dans l’espace.

Nécessité de réviser les recommandations de traitement

La révision des recommandations pour le traitement de la diarrhée associée à C. difficile, y compris celles du ministère de la Santé de l’Ontario et de l’Infectious Diseases Society of America (IDSA), a pour but d’axer le choix de l’antibiotique sur la présentation clinique et les facteurs de risque. Ainsi, pour le premier épisode infectieux, on recommande le métronidazole comme agent de première intention dans les formes légères ou modérées, et la vancomycine orale, dans les formes sévères ou chez les sujets à risque élevé. Une forme sévère est définie comme une colite pseudomembraneuse, et un risque élevé, comme le fait d’être traité dans une unité de soins intensifs ou la présence d’au moins deux des critères suivants : âge >60 ans; albuminémie <2,5 mg/dL; numération leucocytaire du sang périphérique >15 000 cellules/mm3; et créatinine sérique >2,3 mg/dL.

Le choix de l’antibiotique ne dépend pas de la souche pathogène. La posologie prescrite est de 500 mg t.i.d. pour le métronidazole oral et de 125 mg q.i.d. pour la vancomycine orale, pendant 10 à 14 jours. Bien qu’un second traitement par le métronidazole soit acceptable en cas de première récidive d’une infection légère ou modérée par C. difficile, on préconise la vancomycine en capsules si l’infection récidive plus d’une fois, même chez les sujets exempts de facteurs de risque ou atteints d’une forme légère ou modérée. Toutefois, la vancomycine orale ne convient pas aux patients présentant un iléus; dans ces cas, on recommande plutôt le métronidazole par voie intraveineuse, bien qu’on puisse également envisager l’administration de vancomycine par sonde nasogastrique ou rectale.

La stratification des traitements selon la sévérité de la maladie est étayée par des essais randomisés et comparatifs. Bien que le métronidazole et la vancomycine aient déjà été jugés aussi efficaces l’un que l’autre pour le traitement de première intention de la diarrhée associée à C. difficile, plusieurs observations empiriques, notamment lors des éclosions du Québec6, ont fait ressortir une efficacité moindre du métronidazole dans les cas sévères. Deux essais randomisés subséquents comparant le métronidazole à la vancomycine ont confirmé que, malgré une efficacité similaire des deux agents dans les formes légères, la vancomycine était associée à un taux de succès clinique significativement plus élevé dans les formes sévères7,8. Dans l’une de ces études, la vancomycine a donné lieu à un taux de succès presque 30 % plus élevé que le métronidazole chez les patients sévèrement atteints (97 % vs 76 %; p=0,02). Les taux de rechute de l’infection par C. difficile étaient par ailleurs similaires dans les deux groupes de traitement. Ce sont sur ces résultats que s’appuient les nouvelles recommandations.

L’adhésion à ces recommandations de traitement fait partie intégrante d’une stratégie globale de lutte contre l’infection qui vise à prévenir et à endiguer les éclosions. Bien que le métronidazole soit moins coûteux que la vancomycine, l’utilisation judicieuse de traitements puissants dans les infections sévères peut prévenir l’implantation de micro-organismes pathogènes hypervirulents. Les risques connus d’un échec du traitement de l’infection par C. difficile fournissent des raisons sérieuses de choisir la vancomycine si l’on doute de l’efficacité du métronidazole.

Par ailleurs, il est important de se soucier de l’adhésion à l’antibiothérapie après la sortie de l’hôpital chez les patients qui reçoivent leur congé avant de terminer leur traitement. Dans ce cas de figure, le risque de rechute lié à une interruption prématurée du traitement se double d’un risque de dissémination de C. difficile dans la communauté. Outre l’éducation des patients sur l’importance de l’observance du traitement, il pourrait être nécessaire d’assurer l’accès aux médicaments d’ordonnance, en particulier lorsque le patient doit assumer des frais dans le contexte ambulatoire. Dans certaines provinces où les antibiotiques prescrits en ambulatoire sont couverts, les frais pour des médicaments non assurés, comme la vancomycine en capsules, ne peuvent être évités que sur présentation d’une demande expresse d’accès fournie par un clinicien.

Diagnostic rapide et mesures de lutte contre l’infection

Les causes de diarrhées nosocomiales sont nombreuses, mais la fréquence de l’infection par C. difficile dicte une forte suspicion envers cette étiologie. On doit évoquer une infection nosocomiale par C. difficile devant toute diarrhée d’apparition nouvelle ayant débuté au moins 72 heures après l’admission à l’hôpital et ne pouvant de prime abord être expliquée par une autre étiologie. Un examen microbiologique des selles doit être réalisé promptement à l’aide de tests diagnostiques basés sur la recherche des cytotoxines caractéristiques plutôt que sur une culture. L’observation de fausses membranes à la coloscopie autorise un diagnostic provisoire d’infection par C. difficile dans l’attente d’une confirmation par les analyses en laboratoire.

Dans la mesure du possible, on doit cesser le traitement par les antibiotiques les plus fortement associés à un risque accru d’acquisition de C. difficile, telles les fluoroquinolones de nouvelle génération et la clindamycine. Lors des éclosions survenues au Québec, le risque relatif approché (odds ratio) d’exposition à des fluoroquinolones et à des céphalosporines parmi les cas d’infection était environ quatre fois plus élevé que chez les témoins non infectés9.

La survenue d’une éclosion commande une intensification des mesures courantes de lutte contre l’infection10. Les spores de C. difficile, qui sont relativement résistantes à la destruction, se disséminent facilement si les précautions appropriées d’hygiène et de décontamination ne sont pas prises. Dans la mesure du possible, on doit isoler et regrouper les patients en cohortes. Même si les consignes des bonnes pratiques en matière de prévention des infections, comme le lavage des mains et le port approprié de gants, de blouses et de masques, ont été correctement diffusées, un rappel s’impose en situation d’éclosion. Il est impératif de suivre à la lettre les protocoles de nettoyage des objets inertes dans l’environnement du patient, qui constitue un important réservoir de germes. Il convient également d’examiner l’utilisation des antibiotiques à l’échelle de l’hôpital durant une éclosion afin de limiter l’exposition aux agents les plus à risque quant à l’acquisition de C. difficile.

La prévention est fondamentale

Par le passé, le risque de diarrhée associée à C. difficile de même que le risque de complications potentiellement mortelles de cette infection étaient surtout observés chez les patients âgés ou fragiles, mais les infections par des souches hypervirulentes étendent maintenant la menace de conséquences graves à d’autres groupes de patients. Bien que le taux de mortalité due à l’infection par C. difficile demeure plutôt faible chez les sujets jeunes, des cas de colectomie et de décès liés à cette infection ont été décrits dans ce groupe d’âge, dont une série de cas chez des femmes durant la période périnatale11.

Compte tenu du risque de complications menaçant le pronostic vital associé à l’infection initiale et du risque considérable de récidive, la stratégie la plus importante dans la prise en charge des infections nosocomiales par C. difficile est la prévention. La prévention nécessite une adhésion stricte aux bonnes pratiques de lutte anti-infectieuse, y compris la prescription prudente d’antibiotiques. De telles pratiques apportent des bénéfices qui vont bien au-delà de la réduction du risque d’infection par C. difficile, telle la limitation de la progression d’autres formes d’antibiorésistance12. Nous avons concentré une grande part de notre attention sur le fait que la progression de l’antibiorésistance amenuise les options anti-infectieuses à notre disposition, mais de façon plus immédiate, nous devons également nous préoccuper de la forte corrélation entre la résistance et des résultats cliniques défavorables, dont la mort.

Les États-Unis et de nombreux pays d’Europe ont connu une hausse spectaculaire du taux d’infections par C. difficile depuis 10 ans13. Selon l’enquête américaine National Hospital Discharge Survey, le nombre de cas pour 100 000 patients hospitalisés est passé de 31 à 841. Bien qu’on n’ait pas observé une hausse aussi brutale de l’incidence au Canada, d’autres pays ont également vu la sévérité des cas s’accentuer radicalement. Au Royaume-Uni, le taux de mortalité due à C. difficile a été multiplié par plus de sept entre 1999 et 200714. Ces statistiques font crûment ressortir la nécessité d’améliorer les stratégies pour renverser la tendance actuelle. Il est presque certain que le succès de ces stratégies passera par une approche multidimensionnelle dont le credo sera de renforcer les mesures de lutte anti-infectieuse déjà en place.

Résumé

Micro-organisme pathogène responsable des importantes éclosions d’infection par C. difficile survenues au Québec en 2003, la souche NAP-01/027 est maintenant disséminée dans le pays entier, certains centres ayant détecté cette souche dans près de la moitié des cas. En raison du risque accru de mortalité lié à cette souche hypervirulente, la diarrhée associée à C. difficile est maintenant considérée comme une maladie à déclaration obligatoire dans plusieurs provinces, dont le Québec et l’Ontario. Si tous les hôpitaux se doivent de maintenir un programme de surveillance afin de détecter rapidement les éclosions, des stratégies de traitement rationnelles contribuent également à contenir la maladie. Les nouvelles recommandations préconisent, comme traitement de première intention, le métronidazole oral chez les patients atteints d’une forme légère ou modérée et la vancomycine orale chez les patients présentant une forme sévère ou des facteurs de risque, tel qu’un âge supérieur à 60 ans. Bien que la souche hypervirulente de C. difficile puisse majorer la proportion de patients atteints d’une forme sévère, le choix de l’antibiotique n’est pas guidé par la souche bactérienne. La mise en œuvre de mesures optimales de lutte contre l’infection sera cruciale pour juguler la menace croissante que représente C. difficile. Plusieurs antibiotiques sont actuellement évalués dans des essais cliniques sur la prise en charge de l’infection par C. difficile et pourraient élargir l’éventail des options offertes pour le traitement de cette grave infection.

Références

1. McDonald LC, Owings M, Jernigan JB. Clostridium difficile infection in patients discharged from US short-stay hospitals, 1996-2003. Emerg Infect Dis 2006;12:409-15.

2. Kelly CP, LaMont JT. Clostridium difficile – more difficult than ever. N Engl J Med 2008;359:1932-40.

3. Gravel et al. Health care-associated Clostridium difficile infection in adults admitted to acute care hospitals in Canada: A Canadian Nosocomial Infection Surveillance Study Program. Clin Infect Dis 2009;48:568-76.

4. Eggerson L, Sibbald B. Hospitals battling outbreaks of C. difficile. JAMC 2004;171:19-21.

5. Loo et al. A predominantly clonal multi-institutional outbreak of Clostridium difficile-associated diarrhea with high morbidity and mortality. N Engl J Med 2005;353:2442-9.

6. Pépin et al. Increasing risk of relapse after treatment of Clostridium difficile colitis in Quebec, Canada. Clin Infect Dis 2005;40:1591-7.

7. Zar et al. A comparison of vancomycin and metronidazole for the treatment of Clostridium difficile-associated diarrhea, stratified by disease severity. Clin Infect Dis 2007;45:302-7.

8. Louie et al. Results of a phase III trial comparing tolevamer, vancomycin, and metronidazole in patients with Clostridium difficile-associated diarrhea. Résumé K-425a. International Conference on Antimicrobial Agents and Chemotherapy (ICAAC). Chicago, 2007.

9. Pépin et al. Emergence of fluoroquinolones as the predominant risk factor for Clostridium difficile-associated diarrhea: a cohort study during an epidemic in Quebec. Clin Infect Dis 2005;41:1254-60.

10. Simor et al. Clostridium difficile in long-term-care facilities for the elderly. Infect Control Hosp Epidemiol 2002;23(11):696-703.

11. Centers for Disease Control and Prevention. Severe Clostridium difficile-associated disease in populations previously at low risk. MMWR Morb Mortal Wkly Rep 2005;54:1201-5.

12. Mulvey MR, Simor AE. Antimicrobial resistance in hospitals: How concerned should we be. JAMC 2009:180:408-415.

13. Kelly CP. A 76-year-old man with recurrent Clostridium difficile-associated diarrhea. Review of C. difficile infection. JAMA 2009;301:954-62.

14. UK National Statistics. Clostridium difficile: number of deaths increase in 2007. www.statistics.gov.uk/cci/nugget.asp?id=1735.

Commentaires

Nous vous serions reconnaissants de prendre 30 secondes pour nous aider à mieux comprendre vos besoins de formation.