Comptes rendus

Évolution incontestable de nos connaissances sur la suppression du VIH
Enjeux du traitement de l’asthme chez l’enfant

Reprendre le contrôle d’une infection à VIH résistante : stratégies novatrices pour les patients déjà traités

Le présent compte rendu est fondé sur des données médicales présentées lors d'un congrès de médecine reconnu ou publiées dans une revue avec comité de lecture ou dans un commentaire signé par un professionnel de la santé reconnu. La matière abordée dans ce compte rendu s'adresse uniquement aux professionnels de la santé reconnus du Canada.

La 13e Conférence sur les rétrovirus et les infections opportunistes

Denver, Colorado / 5-8 février 2006

Nouveaux traitements nécessaires chez les patients déjà traités

Avec l’avènement de nouveaux traitements prometteurs, il y a maintenant beaucoup d’espoir pour le nombre croissant de patients qui ont reçu tous les antirétroviraux existants et qui sont maintenant porteurs de multiples mutations conférant une résistance au traitement. L’un de ces agents, le tipranavir, un inhibiteur de la protéase (IP), vient d’être homologué aux États-Unis d’après des données tirées d’études de phase III ayant démontré une suppression marquée du VIH chez des patients au lourd passé thérapeutique. D’autres traitements dont l’évaluation clinique n’est pas aussi avancée semblent aussi prometteurs. Au nombre de ces nouveaux agents, citons un inhibiteur non nucléosidique de la transcriptase inverse (INNTI) qui s’est révélé efficace, même chez des patients résistants aux INNTI actuels, ainsi qu’une nouvelle classe d’agents appelés inhibiteurs de l’intégrase.

«[En médecine du VIH], nous avons d’abord et avant tout besoin de traitements plus efficaces chez les patients traités lourdement pour qui nous avons de moins en moins d’options», estime le Dr John Mellors, University of Pittsburgh, Pennsylvanie. «Les données qui nous ont été présentées au congrès laissent entendre que nous faisons beaucoup de progrès en ce sens.»

Option de traitement puissante

Selon les données de deux essais de phase III multinationaux, le tipranavir potentialisé par le ritonavir (TPV/r) a permis de doubler la proportion de patients au lourd passé thérapeutique qui atteignaient une virémie indécelable après 48 semaines de suivi. Lorsqu’elle était combinée avec un schéma de fond optimisé, choisi en fonction des traitements antérieurs et des mutations présentes, l’association à l’étude affichait un avantage systématique par rapport à tous les IP de comparaison potentialisés par le ritonavir (IPC/r). L’avantage était constant, peu importe le nombre initial de cellules CD4+ ou la charge virale initiale.

«Ces études montrent que le TPV/r est une option de traitement puissante pour les patients déjà traités. Il offre un avantage virologique et immunologique à ces patients et leur permet de parvenir à la suppression virologique», explique la Dre Christine Katlama, Hôpital Pitié-Salpétrière, Paris, France.

Essais RESIST

Les essais randomisés RESIST I et II (Randomized Evaluation of Strategic Intervention in Multi-Drug Resistant Patients with Tipranavir) regroupaient 1483 patients. Pour être admissibles, les patients devaient avoir déjà reçu au moins trois classes d’antirétroviraux et au moins deux schémas à base d’un IP et être porteurs d’au moins une mutation majeure typique des IP, mais de moins de trois mutations aux codons 33, 82, 84 et 90. Le schéma de fond optimisé et l’IPC/r étaient sélectionnés avant que les patients ne soient randomisés dans le groupe le TPV/r ou le groupe témoin. Les IPC/r étaient le lopinavir, le saquinavir, l’amprénavir et l’indinavir. Le lopinavir potentialisé par le ritonavir (LPV/r) a été choisi chez environ la moitié des patients tandis que les patients restants ont surtout reçu le saquinavir ou l’amprénavir. L’indinavir potentialisé par le ritonavir a été choisi chez environ 3 % des patients.

L’avantage du TPV/r est ressorti systématiquement de toutes les comparaisons avec les schémas à base d’un IPC/r. Par exemple, le TPV/r a été associé à une charge virale <50 copies/mL chez 23,9 % des patients vs 11,5 % dans le groupe LPV/r; les pourcentages correspondants étaient 22,4 % vs 6,4 % lorsque la comparaison portait sur le saquinavir potentialisé par le ritonavir (SQV/r). L’avantage thérapeutique du TPV/r était encore plus marqué chez les patients qui recevaient un autre agent théoriquement efficace, comme l’enfuvirtide, et chez les patients dont le nombre initial de CD4+ était plutôt élevé et dont la charge virale initiale était plutôt faible. Globalement, le risque d’échec du traitement était 34 % plus faible (p<0,001) chez ceux qui recevaient le traitement d’association à l’étude.

«Fait encore plus important, ces réponses étaient durables. Les résultats à 48 semaines étaient compatibles avec les résultats à 24 semaines et ont mis en évidence un contrôle soutenu de l’infection chez les répondeurs», précise la Dre Katlama.

Concentrations minimales inhibitrices : analyse des données de RESIST

Une analyse des données de RESIST I et II par des instances réglementaires a corroboré les données d’efficacité lorsqu’il a été démontré que les patients ayant des concentrations minimales (Cmin) inhibitrices appropriées affichaient de meilleurs taux de réponse, même s’ils étaient porteurs au départ de trois ou quatre mutations typiques des IP. Bien que les taux de réponse soient restés à environ 30 % sans égard à la Cmin lorsque les patients étaient porteurs au départ d’au moins cinq mutations typiques des IP, le taux de réponse est passé de 39 à 64 % chez les patients porteurs de trois ou quatre mutations typiques des IP si la Cmin était d’au moins 34 µg/mL.

«Essentiellement, lors des essais RESIST, le taux de réponse augmentait parallèlement à l’augmentation des concentrations plasmatiques», affirme Lisa Naeger, PhD, Food and Drug Administration, Silver Spring, Maryland. Cette observation devient encore plus évidente lorsqu’on calcule le quotient inhibiteur génotypique (QIG), ratio qui résulte de la division de la Cmin par le nombre initial de mutations typiques des IP. Notant que le taux de réponse était passé à 62 % chez les patients dont le QIG était d’au moins 7,8 alors qu’il pouvait descendre à 34 % en présence d’un QIG plus faible, elle recommande la tenue d’études pour déterminer l’utilité du QIG en tant qu’outil clinique.

Nouvelles options

Les premières études sur le TMC125 ont révélé que cet INNTI semble également fort prometteur chez les patients déjà traités massivement, y compris ceux qui sont porteurs de mutations majeures typiques des INNTI. Des données recueillies chez 79 patients traités par le TMC125 ont été présentées. La plupart des sujets avaient déjà reçu trois classes d’antirétroviraux; plus précisément, 100 % des sujets avaient reçu un IP, 94 %, un INNTI et 30 %, l’enfuvirtide. Le nombre initial médian de mutations typiques des IP était de quatre et le nombre initial médian de mutations typiques des INNTI, de deux. Plus de 80 % des patients ne montraient aucune sensibilité phénotypique à aucun des IP au départ. Après que les patients ont reçu 800 mg de TMC125 b.i.d., les chercheurs ont observé des réponses virologiques substantielles chez tous les patients stratifiés en fonction du nombre de mutations typiques des INNTI présentes au départ.

«Le message à retenir est que le TMC125 demeure actif en présence de multiples mutations typiques des INNTI, contrairement aux INNTI actuels qui ne seraient probablement pas efficaces», fait remarquer le Dr Johan Vingerhoets, Malines, Belgique. Même si le taux de réponse baissait parallèlement au nombre croissant de mutations typiques des INNTI, les patients porteurs d’au moins trois mutations ont tout de même bénéficié de réductions significatives de la charge virale.

Spécifiquement, après 24 semaines de traitement par le TMC125 plus un schéma de fond optimisé, la réduction de la virémie se chiffrait à 1,82 log10 chez les patients ne présentant aucune mutation typique des INNTI, à 1,65 log10 en présence d’une mutation de ce type, à 1,0 log10 en présence de deux mutations de ce type et à 0,66 log10 en présence de trois mutations de ce type, selon une analyse en intention de traiter. Il a été bien toléré, et aucun abandon n’a été motivé par des effets indésirables. À la lumière de ces données, on prévoit réaliser des essais de phase III sur le TMC125 à raison de 800 mg b.i.d.

Les données présentées au congrès sur le MK-0518 ont révélé que cet inhibiteur de l’intégrase était associé à des résultats encourageants pour une nouvelle classe d’antirétroviraux chez des patients au lourd passé thérapeutique. Lors d’une étude qui regroupait 132 patients, la virémie initiale moyenne était d’environ 4,8 log10. Bien que tous les patients aient déjà été traités, environ 30 % ne recevaient aucun antirétroviral théoriquement efficace lorsqu’on déterminait un schéma de fond optimisé en prévision d’une association avec l’inhibiteur de l’intégrase. L’étude comportait quatre groupes : le nouvel agent à raison de 200 mg, de 400 mg ou de 600 mg b.i.d., ou un placebo.

«Toutes les doses de MK-0518 étaient actives. À 16 semaines, la proportion de patients atteignant une charge virale <50 copies/mL se situait entre 57 % et 72 % vs seulement 19 % dans le groupe placebo», souligne la Dre Beatriz Grinsztejn, Institut de recherche clinique Evandro Chagas, Rio de Janeiro, Brésil. «Ce médicament a été très bien toléré, aucun effet indésirable n’ayant été significativement plus fréquent dans les groupes de traitement que dans le groupe placebo.»

Compte tenu de cette étude, on est en voie d’amorcer une étude de phase III à la dose de 400 mg b.i.d. «Les résultats que l’on a obtenus avec cet inhibiteur de l’intégrase sont à peu près les plus impressionnants que j’aie vus à ce jour», affirme le Dr Mellors. Ces médicaments pourraient contribuer largement à une avirémie soutenue.»

Résumé

Des progrès substantiels ont été accomplis dans la mise au point de traitements qui peuvent rétablir le contrôle de l’infection à VIH chez les patients au lourd passé thérapeutique. Les essais RESIST ont montré que le TPV/r est un IP qui pouvait doubler la proportion de patients traités massivement qui atteignent une virémie indécelable, y compris les patients porteurs de multiples mutations conférant une résistance aux IP. Le TMC125, quoique beaucoup moins avancé dans son développement, est un INNTI qui exerce une grande activité même chez les patients porteurs de deux mutations typiques des INNTI ou plus. De nouvelles classes de médicaments, comme les inhibiteurs de l’intégrase, nous donneront aussi la possibilité de reprendre le contrôle de l’infection à VIH si celles-ci demeurent prometteuses dans les essais cliniques en cours.

Commentaires

Nous vous serions reconnaissants de prendre 30 secondes pour nous aider à mieux comprendre vos besoins de formation.