Comptes rendus

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Retombées durables de l’étude PCPT

Le présent compte rendu est fondé sur des données médicales présentées lors d'un congrès de médecine reconnu ou publiées dans une revue avec comité de lecture ou dans un commentaire signé par un professionnel de la santé reconnu. La matière abordée dans ce compte rendu s'adresse uniquement aux professionnels de la santé reconnus du Canada.

Le 2e Congrès nord-américain de la CSSAM / ISSAM sur l’homme vieillissant

Montréal, Québec / 8-10 février 2007

Le cancer de la prostate vient au premier rang des cancers histologiques chez l’homme et au troisième rang de la mortalité par cancer en Amérique du Nord. Comme il est très répandu, mais d’évolution généralement lente, on considère qu’il se prête bien à la chimioprévention. L’étude PCPT (Prostate Cancer Prevention Trial) a confirmé l’efficacité du finastéride, inhibiteur de la 5-alpha réductase, à titre de traitement préventif chez les hommes à risque (Thompson et al. N Engl J Med 2003;349[3]:215-24). Lors de cette étude, le traitement actif administré pendant sept ans, vs un placebo, a été associé à une réduction de 24,8 % de l’incidence des tumeurs prostatiques. L’essai REDUCE (Reduction by Dutasteride in Prostate Cancer Events), évaluation similaire d’un autre inhibiteur de la 5-alpha réductase, le dutastéride, est en cours. Les effets anticancérigènes de la vitamine E et du sélénium font aussi l’objet d’une évaluation chez 32 000 patients dans le cadre de l’étude SELECT (Selenium and Vitamin E Cancer Prevention Trial) dont les résultats sont attendus d’ici 2013. Selon certaines données, les AINS pourraient aussi contribuer à la protection contre le cancer de la prostate, mais il est improbable que l’on vérifie cette hypothèse dans un essai prospectif, fait remarquer le Dr Armen Aprikian, chef, division d’urologie, Centre universitaire de santé McGill, Montréal, Québec.

Retombées épidémiologiques de l’étude PCPT

L’évaluation continue des données de l’étude PCPT est une source de renseignements supplémentaires fort pertinents sur l’épidémiologie, le diagnostic et la surveillance du cancer de la prostate à l’aide du dosage de l’antigène spécifique de la prostate (PSA).

Les chercheurs ne s’attendaient aucunement au résultat qu’ils ont obtenu, à savoir une incidence du cancer de la prostate de 24,8 % dans le groupe placebo sur une période de sept ans, affirme le Dr Aprikian. Ces tumeurs ont été décelées lors de biopsies obligatoires et n’auraient peut-être eu aucune importance clinique, note-t-il, mais il reste que «ces chiffres sont plutôt alarmants [...] À mon avis, l’étude PCPT a légèrement modifié notre perception des études préalables qui visaient à évaluer le risque de cancer de la prostate. Le dénominateur est maintenant assez différent. Nous devrons peut-être repenser à l’épidémiologie en tenant compte du fait que l’incidence du cancer de la prostate était somme toute très élevée dans le groupe témoin.» Par exemple, poursuit-il, ce fait pourrait avoir des retombées sur l’interprétation des études cas-témoins, dans lesquelles on suppose que les témoins sont exempts de cancer.

L’étude PCPT et le taux de PSA

L’incidence du cancer enregistrée dans le groupe placebo de l’étude PCPT a soulevé des doutes sur l’utilité du dosage du PSA. En fait, à la lumière des résultats, nous devrions peut-être revoir notre interprétation des taux de PSA, indique le Dr Aprikian. «On doit rajuster le taux auquel on estime qu’il y a un risque de cancer de la prostate. À mon avis, on ne doit plus interpréter le résultat du dosage en fonction d’une valeur seuil – autrement dit, on ne doit plus décider de faire une biopsie si le taux de PSA est de 4 et observer le patient si ce taux est inférieur à 4. Cette façon de faire n’a plus sa raison d’être.» L’évaluation du risque d’un patient doit tenir compte de facteurs comme l’âge, la race, les antécédents familiaux, le volume de la prostate et le résultat de l’examen par toucher rectal.

On a eu recours aux données de l’étude PCPT pour concevoir un outil qui permet non seulement de prédire le risque global du patient, mais aussi la probabilité d’une tumeur de grade élevé, fait valoir le Dr Aprikian (Thompson et al. J Natl Cancer Inst 2006;98[8]:529-34). «Si [le risque] est de 50 %, la biopsie est probablement justifiée. Si le risque est vraiment faible, disons de moins de 10 %, la biopsie est évitable. Il faut toutefois garder à l’esprit que le risque n’est jamais nul», souligne-t-il.

Fait intéressant à noter, l’étude PCPT a révélé que le dosage du PSA était plus exact chez les hommes qui prenaient du finastéride que chez ceux qui recevaient un placebo, parce que cet agent aplanit les fluctuations du taux de PSA, explique le Dr Aprikian. Le suivi et la détermination de la nécessité d’une biopsie peuvent donc être plus justes. En général, dit-il, le taux de PSA diminue de moitié environ dans un délai de un an après le début du traitement. Toute élévation subséquente du taux de PSA doit être prise au sérieux. «Un taux croissant de PSA sous finastéride ou un autre inhibiteur de la 5-alpha réductase est un facteur prédictif du cancer plus puissant qu’un taux de PSA croissant en l’absence de traitement», ajoute-t-il.

Il n’est pas clair encore si le dépistage par dosage du PSA ou le traitement par le finastéride réduisent la mortalité par cancer de la prostate, note le Dr Aprikian. «On a observé une baisse de la mortalité dans plusieurs régions du monde où le dosage du PSA est monnaie courante. C’est bien sûr une preuve indirecte, mais néanmoins solide.» Le suivi continu des sujets de l’étude PCPT établira si le traitement, par rapport au placebo, se traduit par une baisse de la mortalité.

Le traitement par un alpha-bloquant et un inhibiteur de la 5-alpha réductase pourrait atténuer les symptômes chez les hommes présentant une hypertrophie bénigne de la prostate ou des symptômes touchant le bas appareil urinaire. Le fait qu’un inhibiteur de la 5-alpha réductase puisse aussi réduire le risque de cancer de la prostate ou en retarder l’apparition répandra probablement l’utilisation de ce type d’agent, estime le Dr Aprikian. De plus, la chimioprévention par un inhibiteur de la 5-alpha réductase pourrait être envisagée chez les hommes sans symptôme qui sont à risque de cancer de la prostate, par exemple les hommes qui ont des antécédents familiaux marqués de la maladie, ceux dont la biopsie a mis en évidence des lésions précancéreuses ou ceux dont la biopsie est négative mais dont le taux de PSA est élevé.

Les androgènes et l’appareil cardiovasculaire

Les bienfaits éventuels des suppléments de testostérone chez l’homme vieillissant ont aussi été amplement discutés au congrès.

Par le passé, on croyait que les androgènes étaient néfastes pour l’appareil cardiovasculaire (CV), en partie à cause de l’apparition plus précoce des maladies CV chez les hommes que chez les femmes. Cependant, «les effets endogènes de la testostérone ne peuvent pas à eux seuls expliquer les différences de morbi-mortalité CV entre les sexes», fait remarquer le Dr Juan Carlos Monge, division de cardiologie, St. Michael’s Hospital, et professeur agrégé de médecine, University of Toronto, Ontario. La différence tient probablement davantage à la protection que confèrent les hormones sexuelles chez la femme qu’à l’augmentation du risque découlant des androgènes. Depuis longtemps déjà, une autre fausse croyance répandue veut que l’appareil CV ne comporte aucun récepteur androgène. Or, on a repéré ces récepteurs dans les cellules musculaires lisses et les cellules endothéliales ainsi que dans les myocytes auriculaires et ventriculaires. Du fait de son activité sur ces récepteurs, de sa conversion en œstradiol par aromatisation et de mécanismes non génomiques directs, la testostérone exerce plusieurs effets bénéfiques sur l’appareil CV, notamment des effets vasodilatateurs, antiplaquettaires, antiathérogènes et antiprolifératifs. En outre, sous physiologie normale, la testostérone exerce un effet favorable sur certains lipides et lipoprotéines, sur la masse maigre vs grasse, sur la résistance à l’insuline et d’autres caractéristiques du syndrome métabolique, explique le Dr Monge.

Certaines études épidémiologiques et cliniques ont mis au jour un lien entre la baisse du taux de testostérone et l’incidence croissante de maladies CV ou de facteurs de risque comme les dyslipidémies. Lors de l’étude Massachusetts Male Aging Study, par exemple, les patients dont le taux d’androgènes se situait dans le quartile des taux les plus élevés étaient ceux chez qui l’incidence de la maladie cardiaque ischémique était la plus faible, et vice versa. «Ces données tenaient compte de l’âge, de sorte que le phénomène ne tenait pas seulement au vieillissement; il y avait bel et bien une corrélation avec les taux d’androgènes», note le Dr Monge. Une étude récente a aussi révélé l’existence d’une corrélation entre, d’une part, les déficits androgéniques et, d’autre part, la sévérité de l’insuffisance cardiaque et la mortalité par insuffisance cardiaque, précise-t-il.

Rôle thérapeutique éventuel

Au cours des dernières années, de nombreuses expériences et études cliniques ont amené les chercheurs à envisager la possibilité que l’administration de testostérone à des taux physiologiques ait des bienfaits CV chez l’homme vieillissant. Selon des études menées chez des hommes dont la maladie coronarienne est confirmée, l’administration de testostérone à court terme augmente le temps de marche sur tapis roulant de façon comparable aux agents anti-ischémiques comme les bêta-bloquants et les inhibiteurs calciques. Une autre étude a montré une diminution significative de l’incidence des ischémies symptomatiques et silencieuses et une diminution de la consommation de nitroglycérine chez des hommes qui recevaient de l’undécanoate de testostérone.

À ce jour, la plupart des études sur les retombées CV de la thérapie de remplacement de la testostérone ont été de petite envergure et n’étaient axées que sur des paramètres d’évaluation à court et à moyen terme, comme les effets hémodynamiques et la tolérance à l’exercice, insiste le Dr Monge. On n’a pas encore fait d’études à plus long terme axées sur des paramètres cliniques établis, de sorte qu’il est difficile de prédire le rôle éventuel de la testostérone chez les patients souffrant d’une maladie CV. Selon les données actuelles, cependant, des taux physiologiques de testostérone auraient, selon le pire scénario, un effet neutre et, selon le meilleur scénario, un effet bénéfique en présence de maladie CV ou de facteurs de risque, conclut-il.

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