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Réinitialisation de l’horloge centrale interne : une nouvelle approche dans le traitement de la dépression

Le présent compte rendu est fondé sur des données médicales présentées lors d'un congrès de médecine reconnu ou publiées dans une revue avec comité de lecture ou dans un commentaire signé par un professionnel de la santé reconnu. La matière abordée dans ce compte rendu s'adresse uniquement aux professionnels de la santé reconnus du Canada.

PRESSE PRIORITAIRE - 28e Congrès mondial de neuropsychopharmacologie du CINP

Stockholm, Suède / 3-7 juin 2012

Stockholm - On avance depuis longtemps que la santé humaine et le bien-être sont liés à la synchronisation des rythmes circadiens, à plus forte raison chez les patients déprimés dont les rythmes circadiens sont souvent profondément perturbés. À preuve, les troubles du cycle veille-sommeil sont au nombre des principaux symptômes de la dépression. Il a en outre été démontré que les couche-tard/lève-tard étaient plus à risque de dépression que les personnes dont les rythmes circadiens étaient usuels. Des données ayant montré que les récepteurs mélatoninergiques MT1/MT2 et le récepteur sérotoninergique 5-HT2c sont concentrés dans la région du cerveau qui participe à la régulation des rythmes circadiens, on a récemment songé à cibler cette région dans le traitement de la dépression. La resynchronisation des rythmes circadiens découlant d’actions synergiques sur les systèmes de neurotransmetteurs mélatoninergiques et sérotoninergiques offre de nouvelles possibilités thérapeutiques viables et séduisantes.

La quasi-totalité des tissus de l’organisme sont dotés d’une horloge biologique qui suit les rythmes circadiens générés par une série de «gènes-horloge». La physiologie humaine est donc organisée en rythmes circadiens qui émanent de l’alternance jour/nuit, affirme le Pr Göran Hajak, Universität Regensburg, Allemagne. «Il peut même y avoir rythmicité dans l’expression des gènes codant pour une seule cellule», ajoute-t-il. La majeure partie des fonctions humaines dépendent en grande partie de la capacité fonctionnelle des gènes à maintenir les rythmes circadiens. C’est pour cette raison que le corps humain a une horloge centrale située dans les noyaux suprachiasmatiques (NSC) de l’hypothalamus antérieur et que le rythme inné des NSC s’ajuste constamment aux stimuli environnementaux quotidiens, la lumière du jour étant le plus puissant.

Perturbation des rythmes circadiens et dépression

De l’avis du Pr Hajak, la santé humaine en général et la santé mentale en particulier sont intimement liées à cette capacité de synchronisation que possède l’être humain. «Nous possédons peut-être différents biorythmes, mais ils doivent tous être bien synchronisés pour que la physiologie et la psychologie soient normales», affirme-t-il. En présence de dépression, il devient vite apparent que les rythmes circadiens sont profondément perturbés, car de nombreux symptômes dépressifs ont une expression temporelle parallèle aux dysfonctionnements circadiens.

Parmi les troubles du rythme circadien figurent les troubles du sommeil souvent associés à la dépression, notamment les difficultés d’endormissement et de maintien du sommeil de même que les réveils précoces. Le cycle sommeil-veille – principale expression circadienne du comportement humain – influe sur les fonctions circadiennes et l’homéostasie, lesquelles sont aussi régulées par les gènes-horloge (Medicographia 2010;32:146-51). En outre, chez de nombreux patients déprimés, on observe une perturbation de l’activité diurne, une perte d’appétit et des variations diurnes de l’humeur, laquelle est souvent plus déprimée le matin.

«Tous ces symptômes sont au cœur de la dépression, et il est très facile d’imaginer qu’ils font partie d’un trouble du rythme circadien, affirme le Pr Hajak. Lorsque l’horloge centrale fonctionne bien, la température corporelle interne – reflet direct du fonctionnement des rythmes circadiens – baisse en soirée; elle est faible durant la nuit pour permettre la récupération physiologique, puis elle augmente durant la journée lorsque les gens doivent être actifs», explique-t-il.

L’élévation de la température corporelle interne accompagnée de variations de plus faible amplitude est l’anomalie circadienne que l’on rencontre le plus souvent dans la dépression, selon le Pr Hajak. La sécrétion de mélatonine par la glande pinéale, qui dépend aussi de la régulation centrale, est réduite chez les patients déprimés. La sévérité de la dépression telle que mesurée sur l’échelle de Hamilton (HAM-D) est également corrélée avec l’anomalie circadienne : plus la période de sommeil est décalée par les cellules régulatrices, plus la dépression est sévère.

Certains individus sont plus à risque de dépression que d’autres. Près de 10 % des gens sont des «oiseaux de nuit» et préfèrent accomplir leurs activités importantes le soir, alors qu’environ 50 % sont des «gens du matin»; les autres se trouvent «entre les deux». «Plusieurs chercheurs ont récemment objectivé une corrélation positive entre la propension à faire des choses en soirée et le risque croissant de dépression.» La tendance à être un «oiseau de nuit» plutôt qu’à se lever au chant du coq pourrait être déterminée génétiquement.

Le lien génétique

La comparaison de patients déprimés et de témoins quant aux aberrations des gènes-horloge a révélé que les patients déprimés porteurs de mutations étaient généralement beaucoup plus actifs en soirée. Leur système circadien ne s’éteignait pas le soir comme chez les non-porteurs de cette mutation et ne récupérait donc pas totalement durant la nuit. Les porteurs de cette même mutation ne répondaient pas aux stimuli négatifs de la même façon que les non-porteurs, ce qui donne à penser que la réactivité émotionnelle des patients porteurs de cette mutation des gènes-horloge diffère de celle des non-porteurs, explique le Pr Hajak.

La question de savoir si les troubles du rythme circadien déclenchent la dépression ou s’ils découlent de la dépression demeure controversée. «Les deux théories sont plausibles», indiquait le Pr Hajak lors d’une interview. «L’altération du rythme circadien résultant d’une insomnie prolongée pourrait entraîner une dépression, par exemple. Par contre, si le patient souffre déjà de dépression, la dépression rétro-agit négativement sur le rythme circadien et il en résulte un cercle vicieux.» Il est clair que des stratégies chronothérapeutiques comme la privation de sommeil – qui contribue à remettre l’horloge interne à l’heure et à normaliser les perturbations circadiennes – peuvent atténuer les symptômes dépressifs de façon rapide et remarquable, note-t-il.

Pertinence d’un agent doté de propriétés chronobiologiques

Certains antidépresseurs pourraient aussi être dotés de propriétés chronobiologiques. Dans la dépression bipolaire, par exemple, il a été démontré que le lithium modifiait les rythmes circadiens, et des données montrent maintenant que ses effets chronobiologiques dans la dépression bipolaire sont essentiels à l’obtention d’un effet thérapeutique. Cette observation, couplée à des études expérimentales sur des composés modifiant l’activité mélatoninergique dont les résultats ont été positifs, a en partie conduit à la mise au point d’agents qui exercent un effet antidépresseur en normalisant les rythmes circadiens.

En fait, on observe une forte concentration de récepteurs mélatoninergiques et de récepteurs 5-HT2c dans les NSC, et les trois types de récepteurs interviennent dans la régulation des rythmes circadiens, affirme le Pr Giorgio Racagni, Università degli studi di Milano, Italie (World J Biol Psychiatry 2011;12:574-87). Il est bien établi que la liaison de la mélatonine aux récepteurs mélatoninergiques (MT1/MT2) des NSC supprime l’activité neuronale, ce qui est essentiel à la diminution de l’activité circadienne durant le sommeil.

Les voies sérotoninergiques aident probablement aussi à coordonner la réponse des rythmes circadiens aux stimuli lumineux. Compte tenu du lien entre la dépression et les troubles du rythme circadien, «il est intéressant de noter que les récepteurs mélatoninergiques et le récepteur 5-HT2c régulent les deux processus [...] et constituent des cibles thérapeutiques appropriées dans la dépression», fait remarquer le Pr Racagni.

Ces travaux ont amené les chercheurs à mettre au point une nouvelle classe d’antidépresseurs appelés «agonistes des récepteurs mélatoninergiques MT1/MT2». Certains de ces agents sont conçus pour exercer à la fois une activité mélatoninergique et une activité sérotoninergique. Par exemple, l’agomélatine (homologuée en Europe, mais pas encore au Canada) est l’un des agents les mieux étudiés. C’est à la fois un antagoniste du récepteur 5-HT2c et un agoniste des récepteurs MT1/MT2. Il importe ici de souligner que l’administration concomitante d’un antagoniste des récepteurs MT compromet l’efficacité antidépressive de cet agent, observation qui milite en faveur de la théorie voulant que les récepteurs MT1/MT2 et 5-HT2c agissent en synergie pour exercer une action antidépressive.

On a mené une série complète d’expériences pour mieux comprendre les effets spécifiques de l’agonisme des récepteurs MT1/MT2 avec ou sans effets sérotoninergiques. Par exemple, le Pr Racagni et ses collaborateurs ont objectivé une activité synergique lorsque les deux types de récepteurs étaient ciblés, par opposition à un seul type, notamment une neurogenèse accrue, la stimulation du facteur neurotrophique dérivé du cerveau (BDNF), la régulation à la hausse de l’Arg3.1 (activity-regulated cytoskeleton-associated protein) et une libération moindre de glutamate dans le cortex sous l’effet du stress.

Fait digne de mention, il se pourrait qu’au moins certains antidépresseurs traditionnels aient en commun d’améliorer les rythmes circadiens. Cependant, «cet effet n’est pas optimisé», note le Pr Racagni, d’où la pertinence d’une nouvelle classe d’agents. Les essais cliniques sur le premier représentant de cette classe – de même que les études expérimentales sur d’autres agents qui ciblent cette voie – semblent indiquer que l’agonisme des récepteurs MT1/MT2 «représente une toute nouvelle approche dans le traitement de la dépression, le soulagement des symptômes dépressifs découlant de la correction des troubles du rythme circadien», conclut le Pr Racagni.

Résumé

Tous les antidépresseurs agissent sur les principaux neurotransmetteurs intervenant dans les troubles de l’humeur avec une sélectivité variable. Cependant, environ 30 % des patients aux prises avec un trouble dépressif majeur ne répondent pas au traitement antidépresseur et moins de 50 % des patients recevant un antidépresseur classique parviennent à une rémission complète. Les antidépresseurs exerçant une activité agoniste sur les récepteurs MT1/MT2 forment une nouvelle classe qui semble prometteuse en raison de son mode d’action novateur. À l’aide de mécanismes synergiques, comme l’antagonisme du récepteur 5-HT2c, ces agents pourraient se révéler efficaces chez la proportion substantielle de patients dont la dépression ne répond pas bien aux options actuelles.

 

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