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Risque cardiovasculaire et facteurs de risque cardiométabolique dans la schizophrénie

Le présent compte rendu est fondé sur des données médicales présentées lors d'un congrès de médecine reconnu ou publiées dans une revue avec comité de lecture ou dans un commentaire signé par un professionnel de la santé reconnu. La matière abordée dans ce compte rendu s'adresse uniquement aux professionnels de la santé reconnus du Canada.

Le 15e Congrès européen de psychiatrie

Madrid, Espagne / 17-21 mars 2007

La schizophrénie raccourcit l’espérance de vie d’une quinzaine d’années, et la différence par rapport à la population générale tient dans une proportion d’environ 40 % à des accidents et à un taux de suicide 20 fois plus élevé que la moyenne. La prévalence plus élevée de maladies somatiques explique le reste de la différence. «Ce qui nous manquait jusqu’à tout récemment était un survol des facteurs de comorbidité du vivant de ces patients, et c’est là un point important parce qu’il est alors possible d’intervenir», explique le Dr Stefan Leucht, professeur adjoint de psychiatrie et de psychothérapie, Technische Universität, Munich, Allemagne.

Chez les schizophrènes, «les principaux problèmes de santé sont les maladies d’ordre nutritionnel et métabolique et les problèmes cardiovasculaires [CV] qui en découlent», souligne-t-il, et la prévalence des maladies CV est plus de deux fois plus élevée qu’au sein de la population générale. C’est d’ailleurs la cause de mortalité la plus fréquente. Les infections virales (surtout l’infection à VIH), les maladies respiratoires, urologiques et gynécologiques, les complications obstétricales et la polydipsie sont aussi plus courantes chez les personnes souffrant de troubles mentaux.

Quelques études ont mis en évidence l’incidence moindre de certains problèmes dans ce groupe de patients. Par exemple, les pathologies d’ordre locomoteur comme les dorsalgies non spécifiques et l’arthrose sont rapportées moins souvent que dans la population générale. De l’avis du Dr Leucht, par contre, cette observation tiendrait probablement à une sous-déclaration.

«Nous faisons face à un autre problème très important, celui d’un accès limité aux soins médicaux [...] La qualité des soins dont bénéficient les gens sains d’esprit et ceux qui souffrent d’une maladie mentale peut différer passablement», d’ajouter le Dr Marc De Hert, Centre universitaire de psychiatrie, Katholieke Universiteit, Louvain, Belgique.

Maladies cardiovasculaires et métaboliques

Les taux élevés de maladies CV chez les schizophrènes pourraient être liés à une incidence plus élevée que la moyenne de facteurs de risque traditionnels comme l’obésité (prévalence 42 % plus élevée d’un indice de masse corporelle >27), les dyslipidémies, l’hypertension, le syndrome métabolique (prévalence >50 % vs >25 % au sein de la population générale), l’inactivité physique et le tabac (plus de la moitié des schizophrènes fument) (Hennekens et al. Am Heart J 2005;150:1115-21). Selon l’étude CATIE (Clinical Antipsychotic Trials of Intervention Effectiveness), environ 20 % souffraient d’hypertension, 14 %, d’hyperlipidémie et 10 %, de diabète. Selon des données provenant de la Belgique que le Dr De Hert a présentées, le diabète est quatre à cinq fois plus fréquent chez les schizophrènes de 15 à 65 ans que chez des témoins appariés sur l’âge, et le syndrome métabolique (constellation obésité, hypertension, hyperglycémie à jeun et taux anormaux de triglycérides et de C-HDL), environ deux fois plus fréquent. De même, une comparaison portant sur des sujets schizophrènes de l’étude CATIE et des sujets appariés de l’enquête NHANES (National Health and Nutrition Examination Survey) choisis aléatoirement a révélé qu’un diagnostic de syndrome métabolique était deux fois plus probable chez les premiers. Parmi les hommes, la prévalence se chiffrait à 36 % chez les schizophrènes et à 19,7 % chez les témoins; parmi les femmes, elle était respectivement de 51,6 % et de 25,1 % (McEvoy et al. Schizophr Res 2005;80:19-32).

Le Dr De Hert a utilisé les données de l’étude de Framingham pour expliquer le gradient de risque associé aux facteurs de risque cumulatifs. Ainsi, si le tabac multiplie le risque de maladie coronarienne par un facteur de deux environ, la présence simultanée de l’obésité et de l’hyperlipidémie quadruple ce risque; l’ajout du diabète et de l’hypertension porte le risque relatif à 12 (Wilson et al. Circulation 1998;97:1837-47). Il s’est servi de ces données pour orienter la discussion sur les choix pharmacologiques à notre disposition dans la schizophrénie et les conséquences de ces derniers sur le risque CV.

Antipsychotiques et risque cardiovasculaire

À l’heure actuelle, les antipsychotiques de deuxième génération, dits aussi atypiques, sont largement préférés aux agents traditionnels du fait qu’ils sont moins susceptibles d’entraîner des symptômes extrapyramidaux et des dyskinésies tardives. Cela dit, un grand nombre d’agents parmi les nouveaux ont des effets indésirables ayant des retombées CV, notamment le gain pondéral, les anomalies du métabolisme glucidique (indépendamment des changements de l’adiposité) et les dyslipidémies.

Lors d’une étude d’Allison et al. (J Clin Psychiatry 2001;62[suppl 7]:22-31), le gain pondéral enregistré 4 à 10 semaines après le début du traitement antipsychotique était >4 kg pour la clozapine ou l’olanzapine, de 2,1 kg pour la rispéridone et <0,04 kg pour la ziprasidone. «Le tableau est encore plus alarmant si l’on examine le gain pondéral à long terme. Si certains agents sont associés à un gain de poids minime, d’autres occasionnent au contraire un gain de poids notable», fait valoir le Dr De Hert.

Il a aussi présenté les données à long terme de l’étude CATIE concernant les effets de divers antipsychotiques sur le risque CV (Lieberman et al. N Engl J Med 2005;353:1209-23). Selon cette analyse, le gain pondéral variait entre 15 et 25 lb sous olanzapine alors qu’il se chiffrait à environ 7,5 lb sous quétiapine et à <5 lb sous rispéridone, amisulpride, aripiprazole et ziprasidone (Figure 1). Les probabilités d’abandon du traitement imputable au gain pondéral ou à d’autres effets indésirables liés au syndrome métabolique étaient plus fortes chez les patients qui recevaient l’olanzapine que chez ceux qui recevaient d’autres agents. De plus, parmi les agents évalués, la ziprasidone a donné lieu à des changements favorables des taux d’hémoglobine glyquée, de triglycérides et de cholestérol total.

Figure 1. Gain pondéral après un an de traitement antipsychotique


Les données de la prolongation ouverte de un an de l’étude à double insu et comparative avec clozapine MOZART (Monitoring Oral Ziprasidone as Rescue Therapy in Neuroleptic-Resistant/Intolerant Patients) – qui ont été présentées par le Dr Emilio Sacchetti, faculté de médecine, Université de Brescia, Italie – sont venues appuyer celles de l’étude CATIE. Les données de l’étude MOZART initiale avaient montré que la ziprasidone offrait une efficacité comparable à celle de la clozapine sur une période de 18 semaines, mais qu’elle affichait un meilleur profil d’innocuité. L’efficacité observée durant la phase principale de l’étude à double insu s’est généralement maintenue durant la phase de prolongation. De plus, par rapport à l’étude principale, les investigateurs ont documenté des changements favorables du poids ainsi que des taux de cholestérol, de triglycérides et de glucose chez les patients qui recevaient 80 à 160 mg/jour de ziprasidone. De même, plusieurs rapports publiés indiquent que l’aripiprazole, vs l’olanzapine, est associé à une perte de poids et à une faible incidence du syndrome métabolique.

Corriger le risque

Il est fréquent que les maladies et les facteurs de risque CV et que d’autres problèmes de santé physique fassent l’objet d’un suivi médiocre et qu’ils soient mal traités chez les patients atteints de schizophrénie. De l’avis des conférenciers, les schizophrènes devraient faire l’objet d’une évaluation préalable au traitement et être suivis durant le traitement afin que les facteurs de risque modifiables comme le gain pondéral, l’hypertension, les dyslipidémies, les anomalies glycémiques, le syndrome métabolique ou le diabète soient décelés et corrigés par une modification concrète des habitudes de vie ou un traitement approprié. Fait digne de mention, assez peu de psychiatres déterminent ou suivent régulièrement les facteurs de risque de leurs patients. Par exemple, selon un sondage réalisé auprès de 147 cliniciens, plus de 50 % ont dit qu’ils mesuraient la tension artérielle lors de moins de la moitié des consultations de leurs patients; entre 60 % et 70 % ont dit qu’il leur arrivait rarement de mesurer la glycémie à jeun ou de faire un bilan lipidique; enfin, très peu de psychiatres ont dit mesurer le tour de taille de leurs patients au début d’un traitement antipsychotique ou en cours de suivi (Buckley et al. Schizophr Res 2005;79:281-8).

Selon les recommandations actuelles de l’American Diabetes Association/American Psychiatric Association (ADA/APA) (Diabetes Care 2004;27:596-601), les cliniciens doivent aussi tenir compte du risque CV initial du patient et de l’importance des effets indésirables cardiométaboliques de l’antipsychotique atypique qu’ils envisagent. Un gain pondéral >6 % par rapport au poids corporel initial ou l’aggravation d’une anomalie glycémique ou lipidique devraient amener le médecin à réévaluer le traitement et à envisager un nouvel antipsychotique moins susceptible de causer un gain pondéral ou l’apparition d’un diabète.

Résumé

Les patients schizophrènes sont beaucoup plus susceptibles de souffrir d’affections concomitantes qui raccourcissent leur espérance de vie. Les facteurs de risque CV, dont le syndrome métabolique, sont plus fréquents au sein de ce groupe de patients que de la population générale. Le médecin traitant doit faire les tests de dépistage appropriés afin de déceler les facteurs de risque CV modifiables et de les traiter de façon appropriée s’il y a lieu.

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