Comptes rendus

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Rémission complète comme objectif thérapeutique dans la polyarthrite rhumatoïde : progrès de la recherche sur les agents biologiques et les nouvelles cibles de la cascade inflammatoire

Le présent compte rendu est fondé sur des données médicales présentées lors d'un congrès de médecine reconnu ou publiées dans une revue avec comité de lecture ou dans un commentaire signé par un professionnel de la santé reconnu. La matière abordée dans ce compte rendu s'adresse uniquement aux professionnels de la santé reconnus du Canada.

ABSTRACTS in PERSPECTIVE - fondée sur des communications présentées au 12e Congrès européen annuel de rhumatologie (EULAR)

Londres, Royaume-Uni / 25-28 mai 2011

COMMENTAIRE ÉDITORIAL :

Alfred A. Cividino, MD, FRCPC

Professeur titulaire de clinique en médecine, Division de rhumatologie, McMaster University, Hamilton (Ontario)

Les agents ciblant avec précision des étapes moléculaires clés du processus inflammatoire ont considérablement amélioré le pronostic dans la polyarthrite rhumatoïde (PR). On a obtenu des réponses spectaculaires, d’abord avec les inhibiteurs du facteur de nécrose tumorale alpha (anti-TNF) et, plus récemment, avec des agents nouveaux ou expérimentaux inhibant d’autres facteurs pro-inflammatoires, tels que les interleukines (IL) 6 et 1, et des voies intracellulaires utilisant les janus kinases (JAK) et les spleen kinases (Syk). Il existe également des traitements qui préviennent l’activation immunitaire : le rituximab, qui diminue le nombre de lymphocytes B en ciblant l’antigène CD20 présent à leur surface, et l’abatacept, qui entrave la costimulation des lymphocytes T. La multiplication des stratégies qui visent à enrayer l’inflammation par l’inhibition de cibles soit extracellulaires, soit intracellulaires, est fort souhaitable, car aucun agent n’est efficace chez tous les patients. Cela dit, tous les médicaments homologués peuvent amener et maintenir, dans la maladie modérée ou sévère, un degré de rémission autrefois peu courant. Bien que les traitements ciblés soient réservés aux patients ne répondant pas adéquatement aux agents de rémission, ils peuvent infléchir l’évolution de la maladie en prévenant les lésions articulaires.

Ralentissement de l’activité de la maladie grâce aux agents biologiques

Fait à noter, la multiplication des traitements ciblés nous a permis de formuler des objectifs thérapeutiques plus ambitieux dans la PR. Vu les limites des agents de rémission, en particulier dans la PR fortement évolutive, on ne pouvait souvent espérer, au mieux, qu’une atténuation des symptômes. Avec l’avènement d’agents tels l’étanercept, l’infliximab et l’adalimumab – des anti-TNF – et du tocilizumab – inhibiteur du récepteur de l’IL-6 – on a pu réviser les recommandations de traitement afin d’élever la rémission complète au rang d’objectif thérapeutique. S’il est un thème qui ressort des exposés présentés lors du congrès 2011 de l’EULAR, c’est l’importance du maintien de la rémission par le passage d’un traitement ciblé à un autre lorsque la stratégie initiale ne soulage plus suffisamment le patient. Pour l’instant, il s’agit de passer de divers anti-TNF au tocilizumab, inhibiteur du récepteur de l’IL-6, mais de nouvelles options pourraient bientôt s’offrir au clinicien.

Le bénéfice, souvent spectaculaire, de l’inhibition du TNF-a dans le traitement de la PR et d’autres maladies autoimmunes, telles que les maladies inflammatoires chroniques de l’intestin ou le psoriasis, a prouvé avec éloquence qu’il était possible de cibler ce médiateur inflammatoire. Bien sûr, la rémission complète sous anti-TNF n’est pas systématique, mais avant l’arrivée de ces agents, jamais n’était-on parvenu si souvent à enrayer les symptômes d’une PR de longue date. L’ajout de ces agents à l’arsenal du clinicien, il y a près de 10 ans, a stimulé l’exploration de la cascade inflammatoire, nourrissant l’espoir d’y découvrir d’autres cibles. On a ainsi constaté qu’en inhibant d’autres médiateurs importants de l’inflammation, notamment l’IL-6 à l’aide du tocilizumab, on pouvait, tout comme avec les anti-TNF, ralentir sensiblement l’activité de la PR.

Inhibition de l’IL-6 : évaluation à long terme de l’innocuité et utilisation dans des conditions réelles

Des données récentes sur l’utilisation du tocilizumab pendant une durée moyenne de 2,43 ans révèlent une inhibition de la progression radiographique sans altération du profil d’innocuité (résumé FRI0367). Lors d’une prolongation d’étude, les réponses se sont intensifiées jusqu’à la 72e semaine et maintenues pendant plus de 4 années de suivi, tant selon le critère ACR20 que les critères ACR50/70 (résumé SAT0286). Le maintien des bénéfices au fil d’un traitement d’entretien de longue durée vient étayer l’importance de l’inhibition des récepteurs de l’IL-6 dans le traitement de la PR. L’efficacité à long terme du tocilizumab étant établie, c’est surtout l’innocuité à long terme qui a retenu l’attention des congressistes. Lors des études de phase III ayant conduit à l’homologation de cet agent, on a obtenu des rémissions durables comparables à celles qu’amènent les anti-TNF; cela dit, comme les traitements ciblés peuvent altérer la fonction immunitaire, il importe d’explorer à fond leur innocuité. Or, les résultats des deux études de pharmacovigilance à long terme présentées peuvent être qualifiés de rassurants (résumés SAT0306, SAT0270). On savait d’entrée de jeu qu’à l’instar des anti-TNF, l’inhibiteur de l’IL-6 augmentait le risque d’infection, mais ce dernier ne semble pas s’intensifier au fil du temps. À vrai dire, le risque relatif semble plutôt stable. Tout au long d’un suivi qui s’étend aujourd’hui sur plus de 5 ans et de 10 000 années-patients, rien n’a laissé entrevoir d’augmentation du risque de cancer, et aucun événement inattendu ne s’est produit.

Aux données d’innocuité tirées de nombreux essais cliniques viennent s’ajouter les résultats éclairants d’études sur le tocilizumab menées dans des conditions réelles (résumé LB0006). Dans l’une de ces études, conçue de manière à ce qu’on puisse procéder aux variations thérapeutiques attendues dans la pratique, les sujets sont passés directement d’un anti-TNF à l’inhibiteur de l’IL-6 (résumé SAT0306). Lors des essais précédents, un sevrage était obligatoire après une exposition à un anti-TNF. Dans une autre étude, on a comparé la réponse au tocilizumab selon qu’il était employé seul ou en association avec le méthotrexate (MTX) (résumé OP0020). Précisons que les premiers essais sur cet agent portaient sur son utilisation en appoint du MTX et que son emploi est d’ailleurs actuellement indiqué en traitement d’association. Les deux études ont mis en lumière de forts taux d’efficacité pour chacun des schémas thérapeutiques utilisés, ce qui laisse entrevoir une grande marge de manoeuvre en clinique.

Un horizon de recherche élargi

Pour l’heure, tous les traitements ciblés, y compris les anti-TNF et l’inhibiteur du récepteur de l’IL-6, sont indiqués seulement en cas de réponse insatisfaisante aux agents de rémission tels que le MTX ou le léflunomide. Cette restriction, de mise dans la plupart des guides de pratique clinique, est justifiée par la crainte que des effets indésirables graves, par exemple une infection, se produisent chez des patients qui, souffrant d’une atteinte légère ou modérée, répondraient de manière satisfaisante à un agent de rémission. Des préoccupations économiques entrent également en ligne de compte. Toutefois, la PR étant évolutive chez la plupart des patients, la prévention de la détérioration articulaire – habituellement irréversible – par le recours précoce aux agents ciblés présente un intérêt indéniable. On ignore encore le rapport bénéfice:risque de l’utilisation précoce des traitements ciblés, mais une étude sur le certolizumab, un anti-TNF, a montré qu’il était possible de parvenir à une rémission complète en présence d’une faible activité morbide (résumé THU0244). Lors de cette étude, de 24 semaines seulement, on n’a pas évalué la protection contre l’invalidité, mais une question se posera sans doute avec de plus en plus d’acuité : à quel moment doit-on entreprendre un traitement ciblé lorsque le pronostic semble plutôt sombre?

Avec l’arrivée de nouveaux agents, on s’emploiera assurément aussi à déterminer un ordre rationnel d’entrée en scène des différents traitements ciblés. Dans une étude sur le rituximab (résumé FRI0340) qui visait à tracer le portrait des répondeurs, l’un des prédicteurs de la réponse était l’échec d’un anti-TNF. Cependant, l’ordre rationnel d’entrée en scène dépend non seulement de l’efficacité, mais aussi de l’innocuité. Or, une question se pose invariablement pour tout agent apparu depuis peu sur le marché : une fois sorti des établissements de soins tertiaires où se déroulent bon nombre des essais cliniques, sera-t-il aussi efficace et sûr? À cet égard, une étude menée en conditions réelles sur l’efficacité et l’innocuité de l’abatacept (résumé FRI0359), médicament indiqué uniquement après l’échec d’un anti-TNF, s’est révélée rassurante.

Autre sujet qui, sans aucun doute, retiendra de plus en plus l’attention : l’arrêt du traitement ciblé après une rémission prolongée. Une proportion quand même appréciable de patients obtiennent une rémission complète et demeurent exempts, ou presque, de signes d’activité de la maladie tant qu’ils reçoivent leur traitement. Or, si l’on pose comme prémisse que la rémission prolongée puisse se maintenir sans le concours des médicaments et résister en quelque sorte aux rechutes, l’idée d’interrompre le traitement pendant une période définie ou jusqu’à la rechute est certes séduisante. Une équipe japonaise a décidé d’explorer ce concept en interrompant le traitement par l’adalimumab, un anti-TNF, chez des sujets en rémission complète depuis au moins 24 semaines (résumé OP0154). Un an plus tard, environ la moitié des sujets étaient encore en rémission et après 2 ans, la proportion était de 25 %. Bien qu’elle soit non comparative et de faible envergure, cette étude nous autorise à envisager que les traitements ciblés puissent neutraliser la réaction inflammatoire, à tout le moins chez certains patients; dès lors, ces derniers pourraient interrompre leur traitement tout en demeurant exempts de symptômes pendant de longues périodes. On devra mener de plus vastes études pour vérifier cette hypothèse qui, si elle s’avérait exacte, aurait un grand impact sur le bien-être des patients et le coût des soins.

On obtient actuellement des résultats prometteurs avec de nouveaux inhibiteurs micromoléculaires ciblant des voies enzymatiques intracellulaires. Destinés à la voie orale, ces agents inhibent des enzymes clés des voies de l’inflammation. On vient de terminer un essai de phase II (résumé OP0057) sur le fostamatinib, un inhibiteur des Syk, et on a présenté à l’EULAR les données d’un essai de phase III sur le tofacitinib, un inhibiteur de JAK-3 (résumé SAT0243). Jusqu’à maintenant, les données sont fort encourageantes, cet agent ayant fait montre d’une efficacité très significative par rapport au placebo tout en étant assorti d’une innocuité acceptable; il y a donc tout lieu de penser qu’il viendra un jour enrichir l’arsenal thérapeutique offert contre la PR.

Résumé

Les traitements ciblés ont non seulement amené un plus grand nombre de patients vers la rémission, mais ils ont redéfini les objectifs du traitement de la PR. Dès lors qu’un traitement peut stopper le processus morbide et non seulement atténuer les symptômes, il devient possible d’agir sur l’évolution naturelle de la maladie. Nous ne mesurons pas encore pleinement la maîtrise de la PR que peuvent apporter les traitements ciblés, mais, chose certaine, la gamme s’élargit, si bien que de plus en plus de solutions s’offrent aux patients, même à ceux qui ne répondent pas adéquatement aux anti-TNF. Les données sur l’innocuité à long terme mettent le tocilizumab à l’avant-scène, et des agents en voie d’élaboration pourraient venir élargir l’offre de traitements hautement ciblés. Cet enrichissement de la gamme est souhaitable, vu la réponse variable aux traitements actuels : on espère, en effet, que le patient ne répondant pas suffisamment à un agent répondra adéquatement à un autre.

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