Comptes rendus

Rémission complète comme objectif thérapeutique dans la polyarthrite rhumatoïde : progrès de la recherche sur les agents biologiques et les nouvelles cibles de la cascade inflammatoire
Intérêt renouvelé pour les cibles lipidiques autres que le C-LDL : expansion prometteuse des facteurs à cibler

Progrès dans le traitement de l’hémophilie B

Le présent compte rendu est fondé sur des données médicales présentées lors d'un congrès de médecine reconnu ou publiées dans une revue avec comité de lecture ou dans un commentaire signé par un professionnel de la santé reconnu. La matière abordée dans ce compte rendu s'adresse uniquement aux professionnels de la santé reconnus du Canada.

PRESSE PRIORITAIRE - XXIIIe Congrès de l’International Society on Thrombosis and Haemostasis (ISTH)/ 57e Assemblée annuelle du Scientific and Standardization Committee (SSC)

Kyoto, Japon / 23-28 juillet 2011

Kyoto - L’hémophilie B est un trouble héréditaire qui se caractérise par un déficit en facteur IX (FIX) de coagulation sanguine. À l’heure actuelle, l’hémophilie B se traite au moyen de FIX plasmatique ou recombinant (rFIX). Certes, l’utilisation du rFIX élimine le risque d’infection virale associé à la contamination du FIX plasmatique, mais d’autres contraintes demeurent, par exemple l’apparition éventuelle d’anticorps et une demi-vie relativement courte. Il a été question au congrès de nouveaux schémas thérapeutiques et de molécules de FIX que l’on a modifiées pour les rendre plus puissantes et plus stables et prolonger leur demi-vie.

Rédactrice médicale en chef : Dre Léna Coïc, Montréal, Québec

Des essais cliniques internationaux ont prouvé l’efficacité et l’innocuité du facteur IX recombinant (rFIX) (nonacog alfa) pour la répression et la prévention des épisodes hémorragiques de même que pour la prévention et la répression des hémorragies en chirurgie chez des patients atteints d’hémophilie B déjà ou jamais traités.

Il a été démontré qu’un traitement prophylactique pouvait diminuer les hémorragies intra-articulaires et prévenir efficacement l’apparition d’arthropathies chroniques et d’une invalidité (Manco-Johnson MJ. Semin Hematol 2003;40[suppl 3]:3-9). Par conséquent, la prophylaxie est maintenant considérée comme une stratégie optimale chez les patients atteints d’hémophilie sévère.

Cependant, la demi-vie du rFIX étant relativement courte (18 à 34 h), la thérapie de substitution doit être administrée par voie intraveineuse tous les 2 ou 3 jours pour maintenir le taux de FIX à un niveau permettant de prévenir les hémorragies spontanées, ce qui peut nuire à l’observance et, en définitive, à l’efficacité à long terme. Toute diminution de la fréquence d’administration du rFIX devrait théoriquement améliorer l’observance du traitement et contribuer à l’amélioration des résultats cliniques, ce qui plaide en faveur de l’efficience de telles interventions. Il y a longtemps que les chercheurs sont en quête d’un schéma plus pratique pour l’administration du rFIX en prophylaxie ou de préparations à longue durée d’action qui permettraient de diminuer la fréquence d’administration.

Optimisation du schéma de prophylaxie secondaire

On ignore toujours quel est le schéma optimal de nonacog alfa pour la prévention secondaire des hémorragies, y compris des hémarthroses, chez les patients atteints d’hémophilie B. Les données des essais cliniques pivots valident l’administration 2 fois/semaine, mais un schéma hebdomadaire aiderait à préserver le capital veineux, et un schéma d’administration plus pratique pourrait améliorer l’observance. Le Dr Leonard A. Valentino, directeur, Rush Hemophilia and Thrombophilia Center, et section de l’hémato-oncologie pédiatrique, Rush University Medical Center, Chicago, Illinois, a présenté au congrès la première étude visant à comparer deux schémas prophylactiques de nonacog alfa avec un traitement à la demande. Les deux schémas prophylactiques ont réduit significativement le taux annualisé d’hémorragies (TAH) de >85 % par comparaison au traitement à la demande et ont été associés à un profil d’innocuité acceptable, souligne-t-il.

L’essai croisé et ouvert avec randomisation regroupait 50 sujets de sexe masculin de 6 à 65 ans atteints d’hémophilie B sévère ou modérément sévère (activité coagulante du FIX =2 %) qui avaient eu =12 épisodes hémorragiques (dont =6 d’hémarthrose) au cours des 12 derniers mois. Tous les patients ont participé à 4 périodes d’une durée totale d’environ 59 semaines. Durant les 16 semaines de la période 1, les sujets recevaient du nonacog alfa pour traiter les épisodes hémorragiques seulement lorsqu’ils survenaient (c.-à-d., à la demande), et le choix du schéma était laissé à la discrétion de l’investigateur. Au terme de cette période, les sujets étaient randomisés de façon à recevoir du nonacog alfa en prophylaxie durant 16 semaines (période 2), soit à raison de 100 UI/kg 1 fois/semaine, soit à raison de 50 UI/kg 2 fois/semaine, puis un traitement à la demande durant 8 semaines (période 3) visant à atténuer l’effet résiduel potentiel du schéma prophylactique antérieur sur la fréquence des épisodes hémorragiques. Durant la période 4, les sujets étaient croisés de façon à recevoir l’autre schéma prophylactique durant 16 semaines. Parmi les 50 sujets recrutés dans 18 centres de recherche aux États-Unis, au Canada et en Europe, 41 ont terminé l’étude.

Au sein de la population en intention de traiter (IT), le TAH moyen (méthode des moindres carrés) se chiffrait à 35,1 pour le traitement à la demande vs 4,6 et 2,6 pour la prophylaxie à 100 UI/kg 1 fois/semaine et à 50 UI/kg 2 fois/semaine (Figure 1), rapporte le Dr Valentino. Sur le plan du TAH, l’écart entre le traitement à la demande et chacun des traitements prophylactiques était significatif (p<0,0001), mais il n’y avait pas de différence significative entre les deux traitements prophylactiques. Le taux annualisé d’hémorragies intra-articulaires, traumatiques et spontanées était plus faible pour les deux traitements prophylactiques que pour le traitement à la demande. Comparativement au schéma 100 UI/kg, les épisodes hémorragiques (spontanés et traumatiques) étaient plus fréquents avec le schéma 50 UI/kg =72 h après la perfusion (29 vs 12) et moins fréquents >72 h après la perfusion (6 vs 40). Les sujets ont rapporté une amélioration significative de la douleur et de la capacité fonctionnelle physique sous l’effet des deux schémas prophylactiques. Aucun effet indésirable grave ou digne d’un intérêt particulier (thrombose, apparition d’inhibiteurs du FIX ou de réactions allergiques) n’a été attribué au médicament à l’étude.

De l’avis des investigateurs, la prophylaxie hebdomadaire par le nonacog alfa à 100 UI/kg serait une solution de rechange sûre et efficace à la prophylaxie 2 fois/semaine à 50 UI/kg et pourrait être plus pratique à la fois pour les patients et les soignants.

Figure 1. Taux annualisé d’hémorragies (TAH) moyen par schéma de traitement : analyse en IT


Nouveaux développements

Le Pr Claude Négrier, Hôpital Édouard Herriot, Centre régional de traitement de l’hémophilie, Université Claude Bernard Lyon 1, France, et ses collègues ont présenté au congrès les résultats du premier essai chez l’humain d’une dose de facteur IX recombinant glycopégylé (N9-GP) chez des patients atteints d’hémophilie B. Le N9-GP a été conçu de façon à prolonger la demi-vie du facteur IX et ainsi à réduire la fréquence d’administration. Pour y arriver, les chercheurs ont fixé une molécule de polyéthylène glycol (PEG) de 40 kDa au peptide d’activation du facteur IX. Dans les modèles animaux, le N9-GP a été associé à un taux de récupération in vivo près de 2 fois plus élevé et à une demi-vie nettement plus longue comparativement au rFIX.

Le groupe du Pr Négrier a étudié l’innocuité et la pharmacocinétique de 3 doses croissantes de N9-GP (25, 50 et 100 U/kg) chez 16 patients déjà traités pour une hémophilie B. Il a été démontré que le N9-GP était associé à une demi-vie de 93 h, c’est-à-dire 5 fois plus longue que celle des préparations de FIX que les patients recevaient antérieurement. Le taux de récupération du N9-GP était 94 % et 20 % plus élevé que celui du rFIX et du FIX plasmatique actuels, respectivement. Le N9-GP a été généralement bien toléré; aucun des patients n’a développé d’anticorps neutralisants, mais on a signalé une réaction allergique transitoire chez un patient. Les chercheurs ont conclu que le N9-GP pouvait réduire la fréquence d’administration comparativement aux traitements actuels. Il est actuellement étudié dans un contexte de prophylaxie et pour le traitement des épisodes hémorragiques chez les patients atteints d’hémophilie B.

Des chercheurs de Marbourg, Allemagne, ont discuté de la pharmacocinétique de protéines de fusion albumine-facteur IX de coagulation recombinantes (rIX-FP) auxquelles ils avaient ajouté un peptide de liaison clivable dérivé de la séquence d’activation du FIX. La portion albumine recombinante de la molécule prolonge la demi-vie du rFIX en l’absence d’activateurs du FIX, mais elle se détache en présence d’activateurs physiologiques du FIX, l’empêchant ainsi d’interférer avec l’activité biologique du facteur IX activé (rFIXa), expliquent-ils.

Le Dr Hubert Metzner et ses collègues ont surveillé la pharmacocinétique du rFIX et de rIX-FP chez le rat. Dans le cas des rIX-FP non activées, la fusion a été associée à une augmentation du taux de récupération (42 % vs 30 %) et de la demi-vie terminale (11,4 h vs 4,9 h). Comme on s’y attendait, les rIX-FP activées avec peptide de liaison clivable ont été associées à des propriétés pharmacocinétiques comparables à celles du rFIXa, alors que les rIX-FP activées avec peptide de liaison non clivable ont maintenu un taux de récupération plus élevé (22 %) et une demi-vie terminale plus longue (6,3 h) par comparaison au rFIXa et aux rIX-FP activées avec peptide clivable. Les chercheurs ont conclu que les rIX-FP avec peptide de liaison clivable amélioraient les propriétés pharmacocinétiques avant l’activation. Une fois activées, par contre, elles se comportent comme le rFIX activé, ce qui évite l’augmentation du risque de thrombose découlant d’une demi-vie prolongée. On étudie actuellement l’innocuité et l’efficacité d’une rIX-FP pour la répression et la prévention des épisodes hémorragiques chez des sujets atteints d’hémophilie B ayant déjà reçu une thérapie de substitution par un facteur recombinant.

Résumé

Les épisodes hémorragiques récidivants peuvent avoir des conséquences à long terme chez les patients hémophiles. De nouvelles molécules prometteuses dotées d’une demi-vie beaucoup plus longue et d’un profil pharmacocinétique amélioré sont attendues. Pour l’instant, un traitement préventif hebdomadaire par le nonacog alfa semble offrir des résultats optimaux et préserve le capital veineux, ce qui pourrait contribuer à améliorer l’observance du traitement.

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