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Résolution des difficultés d’alimentation fréquentes en pédiatrie : une démarche pratique

Le présent compte rendu est fondé sur des données médicales présentées lors d'un congrès de médecine reconnu ou publiées dans une revue avec comité de lecture ou dans un commentaire signé par un professionnel de la santé reconnu. La matière abordée dans ce compte rendu s'adresse uniquement aux professionnels de la santé reconnus du Canada.

L'ODYSSÉE de la SANTÉ - 88e Congrès annuel de la Société canadienne de pédiatrie

Québec, Québec / 15-18 juin 2011

Québec - Les difficultés d’alimentation étant extrêmement fréquentes chez les nourrissons et les enfants, le médecin doit commencer par cerner le type de difficulté d’alimentation dont il s’agit afin de bien conseiller les patients. Une fois le problème cerné, la solution s’articule généralement autour de quelques stratégies pratiques que les parents peuvent facilement mettre en application. Dans certains cas, l’apport d’un supplément nutritionnel équilibré s‘impose afin que l’enfant reçoive les micronutriments et les calories qui lui manquent et qu’il ait une croissance et un développement optimaux.

Rédactrice médicale en chef : Dre Léna Coïc, Montréal, Québec

Il est extrêmement fréquent que les parents s’inquiètent des difficultés d’alimentation de leur rejeton. Les prestataires de soins de santé doivent donc être en mesure de reconnaître les divers types de difficultés d’alimentation afin de bien conseiller les parents. Selon plusieurs études, de 50 à 60 % des parents rapportent une difficulté d’alimentation quelconque chez leur enfant, affirme le Dr Glenn Berall, chef de la pédiatrie, North York General Hospital, et professeur adjoint de pédiatrie, University of Toronto, Ontario.

Quatre facettes du manque d’appétit et autres difficultés d’alimentation

Le Dr Berall et ses collaborateurs ont élaboré à l’intention des pédiatres un système de classification des difficultés d’alimentation qui se distingue par sa simplicité. Dans un premier temps, ils ont cerné, en fonction des symptômes, quatre sous-types de manque d’appétit.

Le manque d’appétit peut être en fait une perception erronée des parents. «Les parents craignent que leur enfant soit trop petit ou plus petit que ses pairs; or, c’est aussi le cas de certains parents!», note le Dr Berall. Cela dit, l’enfant pourrait aussi être né prématurément et ne pas avoir le même potentiel de croissance que ses pairs. Même si le médecin explique aux parents que la croissance de l’enfant est satisfaisante à en juger par sa taille cible génétique, «il faut être à l’affût d’un éventuel conflit autour de l’alimentation : si les parents s’inquiètent d’un problème alors qu’il n’y en a aucun, ils risquent d’intervenir inutilement et ainsi entraîner une lutte perpétuelle», poursuit le Dr Berall.

Le manque d’appétit chez un enfant alerte, actif et curieux est aussi répandu. «Certains enfants aiment mieux jouer et parler que manger, et ils cessent de manger à la moindre distraction», enchaîne le Dr Berall. En pareil cas, les parents essaient souvent d’amuser l’enfant pendant le repas, mais certains le feront manger de force par inquiétude, le poids étant souvent insuffisant en pareil cas.

Chez un enfant apathique et replié sur lui-même, le manque d’appétit pourrait être un signe de négligence ou de maltraitance, mais on pourrait également être en présence d’un trouble du développement discret ou encore, d’un trouble psychiatrique parental.

Enfin, le manque d’appétit ou le refus de s’alimenter peuvent découler d’une grave pathologie organique. Dans cette situation, certains indices clés permettent de repérer une partie de ces enfants, mais le médecin doit être à l’affût de maladies dont les symptômes sont plus discrets, comme la maladie coeliaque ou les allergies alimentaires.

Les difficultés d’alimentation ne se limitent pas au manque d’appétit. La consommation alimentaire très sélective en est une autre. «Dans les faits, il s’agit davantage d’un trouble sensoriel que d’une difficulté d’alimentation. Ces enfants sont sensibles aux bruits intenses ou aux lumières vives; ils n’aiment pas avoir d’étiquettes sur leurs vêtements; ils n’aiment pas marcher pieds nus sur la pelouse, ni jouer dans le sable ni manipuler de la pâte à modeler», explique le Dr Berall. Les enfants très sélectifs restreignent leur consommation à quelques aliments et ne mangent ces aliments que s’ils sont présentés d’une certaine façon. Si on leur donne les aliments qu’ils acceptent, ils mangent avec plaisir, mais ils refusent tous les autres.

Les coliques sont aussi à l’origine de difficultés d’alimentation. «Les pleurs inconsolables peuvent nuire à l’alimentation du nourrisson de moins de 4 mois généralement en bonne santé», note le Dr Berall. Les coliques pourraient constituer une réponse physiologique normale, mais il faudra tout de même exclure un diagnostic de sensibilité alimentaire, de constipation, de reflux ou d’infection urinaire. Craignant que les pleurs soient causés par la faim, les mères d’enfants en proie à des coliques ont souvent le réflexe de nourrir leur enfant trop souvent, ajoute-t-il.

Enfin, si un enfant pleure à la vue d’un aliment, du biberon ou de la chaise haute, ou s’il résiste à l’alimentation en pleurant, en se cambrant ou en refusant d’ouvrir la bouche, on considère que l’on est alors en présence d’une phobie alimentaire. «Ce type de difficulté apparaît à la suite d’une expérience traumatisante quelconque – un épisode d’étouffement, une intubation ou une alimentation par sonde nasogastrique, par exemple – et de nombreuses expériences négatives au niveau de la bouche; l’enfant en vient alors à craindre l’alimentation», explique le Dr Berall.

Conséquences physiologiques et comportementales

Si les difficultés d’alimentation fréquentes n’avaient aucune conséquence physiologique, le médecin n’aurait qu’à rassurer les parents. Mais, ce n’est pas le cas : elles peuvent influer sur la croissance. Dans le cadre d’une étude où ils ont comparé des enfants aux prises avec une difficulté d’alimentation reconnue et des enfants n’ayant aucune difficulté, Wright et ses collaborateurs (Pediatrics 2007;120:e1069-e1075) ont montré qu’environ 10 % des enfants aux prises avec une difficulté avaient un gain de poids inférieur au 5e percentile à l’âge de 30 mois, vs moins de 5 % des enfants n’ayant aucune difficulté.

Les enfants «fines bouches» ne reçoivent peut-être pas l’apport quotidien recommandé en vitamines C et E, et ont un apport moindre en protéines, en énergie et en gras, sans oublier une consommation insuffisante de fruits et de légumes (J Am Diet Assoc 2005;105:541-8). Lors d’une étude menée en Israël (J Am Acad Chil Adolesc Psychiatr 2004;43:1089-97), on a découvert que, chez les enfants aux prises avec des troubles alimentaires, les contacts physiques étaient significativement plus négatifs et les démonstrations d’affection, significativement moins nombreuses que chez les enfants n’ayant aucune difficulté. «Ces difficultés représentent donc un problème potentiellement important», fait remarquer le Dr Berall, car elles peuvent aussi avoir des conséquences émotionnelles et cognitives. Dans le cadre d’une étude (Pediatrics 2004;113:e440-e447), la Dre Chatoor et ses collaborateurs ont observé, tant chez les enfants «fines bouches» que chez les enfants atteints d’anorexie infantile, que l’indice de développement mental (IDM) témoignait d’un retard par rapport aux enfants qui mangeaient normalement, même si l’IDM était dans les limites de la normale dans les trois groupes. «Les enfants "fines bouches" sont beaucoup plus susceptibles d’être la proie d’une anxiété parentale excessive, d’avoir des troubles comportementaux, dont l’anxiété et la dépression, et des troubles somatiques, voire d’être délinquants», note le Dr Berall.

Démarche adaptée

La prise en charge de l’enfant doit toujours être adaptée à la difficulté d’alimentation, souligne Marie-Hélène Bourdages, diététiste professionnelle, CHUQ-CHUL, Québec, Québec. Lorsque le manque d’appétit est en fait une perception erronée des parents, par exemple, le médecin doit aiguiller clairement les parents quant aux attentes réalistes qu’ils peuvent avoir. «Le pédiatre doit se servir d’une table de croissance et expliquer aux parents où se situe leur enfant», précise-t-elle. Il doit aussi souligner l’importance d’appliquer les principes alimentaires de base chez leur enfant.

Si l’enfant est fondamentalement vigoureux, les parents doivent tenter de stimuler son appétit en augmentant sa sensation de faim et la satisfaction qu’il ressent après avoir mangé. On prônera alors les principes suivants : trois repas par jour et une collation dans l’après-midi; pas de grignotage entre les repas, seulement de l’eau; pas de distraction pendant le repas; repas pris à table ou dans la chaise haute, d’une durée d’au plus 30 minutes; et utilisation de temps mort pour décourager les comportements alimentaires perturbateurs. Si la croissance reste insuffisante, le médecin peut recommander aux parents l’ajout d’aliments hypercaloriques ou de suppléments nutritionnels équilibrés contenant 30 kilocalories par once.

Souvent, l’enfant apathique ou replié sur lui-même répond très bien lorsqu’il est alimenté par une personne enthousiaste et chevronnée. L’hospitalisation sera probablement nécessaire pour que l’enfant puisse être nourri dans un contexte favorable. Le médecin doit aussi repérer la cause d’une négligence éventuelle, comme une psychonévrose chez la mère, une précarité socio-économique ou des problèmes neurologiques chez l’enfant.

Les parents d’un enfant très sélectif dans son choix d’aliments doivent être rassurés : cette difficulté d’alimentation s’inscrit dans un trouble sensoriel plus large. «Fondamentalement, on veut tenter l’enfant et non le forcer, indique Mme Bourdages. Les parents doivent prêcher par l’exemple quand vient le moment de goûter de nouveaux aliments, sans les offrir à l’enfant.» Les parents devraient aussi ajouter un supplément en micronutriments ou une préparation bien équilibrée pour pallier le risque de déficit en micronutriments. Si ce sont des coliques qui interfèrent avec l’alimentation, les parents doivent trouver des stratégies pour apaiser leur rejeton, par exemple le nourrir dans une pièce calme avec lumières tamisées et bruit blanc de fond, l’emmailloter pour le rassurer ou éventuellement le nourrir peau contre peau dans un porte-bébé de style kangourou, voire lui donner un bain pour le sortir du cercle vicieux des pleurs.

Enfin, dans le cas de l’enfant qui craint l’alimentation – pour autant qu’il s’agisse d’un cas léger –, il est possible de le désensibiliser en le nourrissant pendant son sommeil, lorsqu’il est assez endormi pour être moins craintif. Les parents peuvent aussi essayer de le nourrir avec une tasse ou à la cuillère plutôt qu’au biberon. «Lorsque le refus de s’alimenter est sévère, l’enfant a besoin d’un supplément nutritionnel complet et équilibré, poursuit Mme Bourdages. Enfin, si on ne parvient pas à sevrer un enfant de la sonde nasogastrique, le recours à une équipe multidisciplinaire spécialisée en troubles alimentaires est la meilleure stratégie pour autant que cette stratégie soit accessible.»

Résumé

Les patients aux prises avec des difficultés d’alimentation ne sont pas rares en pédiatrie, et le diagnostic doit bien sûr précéder la détermination des mesures à prendre. Dans la plupart des cas, la stratégie doit s’articuler autour de l’éducation des parents et du bon sens. Un supplément nutritionnel équilibré aide souvent à combler les carences en nutriments et peut-être même à apaiser les craintes des patients quant à l’apport nutritionnel insuffisant de leur enfant.

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