Comptes rendus

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Réévaluation des stratégies de traitement optimales pour trois types d’infections fongiques : le point sur les plus récentes données

Le présent compte rendu est fondé sur des données médicales présentées lors d'un congrès de médecine reconnu ou publiées dans une revue avec comité de lecture ou dans un commentaire signé par un professionnel de la santé reconnu. La matière abordée dans ce compte rendu s'adresse uniquement aux professionnels de la santé reconnus du Canada.

PRESSE PRIORITAIRE - 52e Conférence intersciences sur les antimicrobiens et la chimiothérapie (ICAAC)

San Francisco, Californie / 9-12 septembre 2012

San Francisco - Il a été question au congrès des possibilités d’améliorer l’issue clinique de trois types d’infections fongiques potentiellement mortelles. Dans le cas de l’aspergillose invasive, on a revisité le traitement optimal; dans le cas de la fusariose invasive, on s’est penché sur l’augmentation des taux de survie au cours des 10 dernières années; enfin, dans le cas de l’infection à Cryptococcus gattii, on a analysé rétrospectivement les caractéristiques de l’infection et les facteurs prédictifs de l’issue sur la foi de l’expérience de la Colombie-Britannique. Dans les trois cas, on a fait le point sur les stratégies optimales de détection précoce et de sélection du traitement antifongique dans le but d’améliorer les résultats et notamment de réduire la mortalité. Dans ces infections fongiques et d’autres encore, il n’existe aucun marqueur de fiabilité indéfectible qui nous permette de confirmer l’agent pathogène en cause avant de connaître les résultats de la culture mycologique, mais certaines caractéristiques discriminantes pourraient guider la stratégie de détection d’une infection probable et ainsi contribuer à déterminer le traitement provisoire. 

Diverses études présentées au congrès ont objectivé les progrès constants observés dans la maîtrise de trois types d’infections fongiques associées à un risque élevé de décès chez les patients hospitalisés. Dans l’aspergillose invasive (AI), on a appliqué les critères diagnostiques adoptés récemment à une étude phare réalisée avant l’adoption des nouveaux critères afin de déterminer si les conclusions de l’étude étaient toujours valables. Dans la fusariose invasive (FI), on a disséqué l’augmentation marquée des taux de survie enregistrés dans divers établissements. Enfin, dans l’infection à Cryptococcus gattii, on a cerné plusieurs prédicteurs de la maladie qui permettraient d’accélérer le diagnostic et l’instauration du traitement. 

Résultats du traitement de l’aspergillose invasive revisités

L’étude sur l’AI consistait en une nouvelle analyse des résultats d’une étude phare qui comparait le voriconazole et l’amphotéricine B. Comme l’étude initiale avait été réalisée en fonction des anciens critères de classification de l’AI, les chercheurs ont recalculé les taux en se fondant sur les définitions actuelles d’une infection prouvée, probable et possible. L’auteur principal de l’étude initiale, le Dr Raoul Herbrecht, Université de Strasbourg, France (Herbrecht et al. N Engl J Med 2002;347:408-15), estimait que la nouvelle classification pouvait modifier le degré de certitude diagnostique et, partant, l’efficacité relative de ces agents.

Dans l’étude d’origine, selon une analyse en intention de traiter modifiée, les taux de réussite (52,8 % vs 31,6 %; p<0,05) et de survie (70,8 % vs 57,9%; p=0,02) à 12 semaines favorisaient le voriconazole au détriment de l’amphotéricine B, mais les critères de classification de l’AI ont changé depuis. Les quatre changements les plus importants sont les suivants : les signes du halo et du croissant, que l’on pensait évocateurs d’une infection probable au moment de l’étude initiale, sont maintenant considérés comme des signes d’infection possible; les résultats positifs de l’analyse d’échantillons obtenus par lavage bronchoalvéolaire – jadis considérés comme un signe d’infection prouvée – ne témoignent maintenant que d’une infection probable; la présence dans le sérum du galactomannane (GM), maintenant considérée comme un signe d’infection probable, n’était même pas envisagée; enfin, un nodule sans halo ni critère mycologique, qui dénote maintenant une AI possible, était un critère d’exclusion.

L’objectif de cette nouvelle analyse était de déterminer si l’utilisation des critères actuels de sélection et de classification des patients modifiait les résultats. Au nombre des objectifs secondaires figuraient les comparaisons de l’efficacité relative du voriconazole et de l’amphotéricine B dans divers sous-groupes de patients, comme les patients atteints d’une AI prouvée vs les patients atteints d’une AI possible. Toutes les données ont été examinées de nouveau à la lumière du diagnostic sous-jacent, des données mycologiques, y compris du taux de GM, et des données radiologiques. Cinq chercheurs qui ignoraient le traitement attribué ont reclassé les AI une à une, après quoi on déterminait s’il y avait consensus.

Au sein de la cohorte de 123 patients pour lesquels on disposait de données mycologiques, on a obtenu une réponse favorable chez 49,6 % des patients sous voriconazole vs 25,5 % des patients sous amphotéricine B (p=0,0002). Au sein de la cohorte de 54 patients dont l’infection était considérée comme possible, l’avantage relatif était également considérable et statistiquement significatif (64,8 % vs 39,2 %; p=0,011), de sorte que l’issue a été globalement favorable chez 54,2 % vs 29,8 % des patients, respectivement (p<0,0001). Il importe ici de souligner qu’il y a eu consensus des cinq examinateurs dans 83 % des cas, désaccord d’un seul examinateur sur cinq dans 15 % des cas et désaccord de deux examinateurs sur cinq dans 3 % des cas.

Sur le plan de la survie, les différences à 12 semaines sont demeurées significatives selon les nouveaux critères de classification. Le taux de survie global s’élevait à 72,9 % dans le groupe voriconazole et à 59,6 % dans le groupe amphotéricine B (p=0,006). Graphiquement parlant, l’avantage du voriconazole était semblable chez les patients atteints d’une AI probable ou prouvée et chez les patients atteints d’une AI possible, mais la différence chez les patients atteints d’une AI possible n’a pas franchi le seuil de significativité statistique.

Les résultats viennent reconfirmer que «le voriconazole est l’agent le plus actif dans l’AI», affirme le Dr Herbrecht. L’analyse ne tenait pas compte de la tolérabilité relative, mais un membre de l’auditoire a souligné lors d’une discussion que les premiers résultats associés au voriconazole témoignaient d’une tolérabilité considérablement supérieure. En réponse à sa question – à savoir, si le voriconazole était plus actif ou s’il était tout simplement mieux toléré, permettant ainsi aux patients de recevoir la dose complète, le Dr Herbrecht a répondu : «à mon avis, les deux sont vrais».

Meilleurs résultats cliniques dans la fusariose invasive

L’analyse groupée de deux bases de données qui comportaient au total 158 cas de FI a permis d’objectiver une augmentation substantielle de la survie lorsqu’on a comparé les années 1985 à 2000 avec les années 2001 à 2011. Les données provenaient de 21 établissements en Europe, au Brésil, aux États-Unis et au Canada. La survie à 90 jours, paramètre principal de l’analyse, se chiffrait à 16 % de 1985 à 2000 vs 49 % de 2001 à 2011.

«L’étude de cas récents nous a impressionnés, et tout laissait présager une amélioration des résultats», affirme le Dr Mario Nucci, Université fédérale, Rio de Janeiro, Brésil. «Nous avons réalisé cette étude afin d’objectiver la prolongation de la survie et de comprendre les raisons de cette amélioration.»

Après avoir recueilli des données sur les caractéristiques des patients, les maladies sous-jacentes et les traitements, les chercheurs ont eu recours à des analyses univariées et multivariées pour comparer les deux périodes. Dans les deux périodes, l’utilisation de corticostéroïdes et une neutropénie persistante étaient des facteurs de mauvais pronostic, et la principale différence entre les deux périodes était le changement d’antifongiques. Si l’amphotéricine B a été utilisée chez 81 % des patients traités au cours de la première période, elle ne l’a été que chez 23 % des patients de la deuxième période. Inversement, le voriconazole n’avait pas été utilisé durant la première période, alors qu’il l’avait été chez 42 % des patients de la deuxième période. L’importance de cette différence est ressortie de l’analyse multivariée, laquelle a associé le voriconazole à de meilleurs résultats, quelle qu’ait été la concentration minimale inhibitrice.

«Dans une analyse rétrospective comme celle-ci, il y a plusieurs améliorations dans les soins prodigués aux patients que nous ne pouvons pas vérifier, mais nous avons observé une amélioration substantielle de l’issue clinique de la FI, et le changement d’antifongique de première intention semble avoir été un facteur», souligne le Dr Nucci.

Infection à C. gattii : l’expérience canadienne

L’étude des infections à C. gattii était aussi une analyse rétrospective de dossiers. Jadis considéré comme tropical, cet agent pathogène a été isolé en Colombie-Britannique pour la première fois en 1999. Le Dr Peter Philips, chef de la Division des maladies infectieuses, St. Paul’s Hospital, Vancouver, a depuis recueilli des données sur 171 cas, dont 152 étaient des patients immunodéprimés. Parmi ces 152 cas, 111 étaient des infections prouvées alors que les 41 autres étaient des infections probables. L’infection se limitait aux poumons chez la majorité des patients immunodéprimés (74 %) alors qu’elle touchait aussi le SNC chez 15 % des patients et qu’elle se limitait au SNC chez 11 % des patients.

«La mortalité a été associée à de multiples cryptococcomes pulmonaires (HR 3,32, p=0,0236), à l’atteinte du SNC (HR 2,91; p=0,0146) et à l’âge grandissant du patient (HR/10 ans 2,06, p<0,0001)», souligne le Dr Phillips. Au sein de cette cohorte, la mortalité toutes causes confondues se chiffrait à 19 % à 1 an, mais, précise-t-il, 96 % de ces décès sont survenus dans un délai de 6 mois. Il importe surtout de souligner que dans les régions où C. gattii est actif, le résultat pourrait dépendre de son identification rapide.

«Nous n’avons pas constaté que la comorbidité réduisait la probabilité de survie, mais nos données semblent indiquer que dans les régions où cette infection est endémique, un diagnostic provisoire de tumeur pulmonaire ou cérébrale devrait commander la réalisation de cultures à la recherche de C. gattii», poursuit le Dr Phillips.

Résumé

Les infections fongiques invasives demeurent l’une des complications les plus redoutées chez les patients hospitalisés immunodéprimés. Les stratégies permettant de reconnaître ces infections et d’amorcer le traitement approprié rapidement ne cessent de se raffiner, mais le taux de mortalité demeure élevé parce que les signes ne laissant aucun doute quant à un début d’infection demeurent difficiles à repérer. Les efforts que nous déployons pour mieux cerner les signes et les symptômes des infections fongiques demeurent notre planche de salut si nous souhaitons améliorer les résultats. Les données présentées au congrès sur l’AI, la FI et l’infection à C. gattii sont représentatives des progrès constants à en juger par les résultats d’essais cliniques et d’analyses rétrospectives, mais on travaille sans relâche pour cerner les signes d’infection certaine avant la confirmation ultime par les résultats de la culture. La mise en route précoce du traitement antifongique approprié permet de maîtriser rapidement de nombreuses infections fongiques, d’où l’importance de multiples stratégies de détection énergique des infections suspectées.   



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