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Sclérose en plaques : le traitement précoce et les mesures favorisant l’observance du traitement sont bénéfiques

Le présent compte rendu est fondé sur des données médicales présentées lors d'un congrès de médecine reconnu ou publiées dans une revue avec comité de lecture ou dans un commentaire signé par un professionnel de la santé reconnu. La matière abordée dans ce compte rendu s'adresse uniquement aux professionnels de la santé reconnus du Canada.

La 22e Assemblée annuelle du Consortium of Multiple Sclerosis Centers (CMSC)

Denver, Colorado / 28-31 mai 2008

La sclérose en plaques (SEP) est un processus morbide progressif et chronique qui se caractérise par une dégénérescence infraclinique et une perte axonale. Il est maintenant admis que l’on doit traiter la SEP sans tarder, c’est-à-dire dès le premier épisode clinique, qu’il est maintenant convenu d’appeler «syndrome clinique isolé» (SCI). Le SCI résulte principalement d’un épisode inflammatoire aigu, mais la détérioration axonale est déjà en cours lorsqu’il se produit, explique le Dr Peter Rieckmann, directeur de la recherche, Société canadienne de la SEP et directeur du programme de SEP, University of British Columbia et Vancouver Coastal Health. «On ne doit pas attendre la survenue d’autres poussées [avant d’amorcer le traitement], poursuit-il. La SEP ne prend jamais de répit.» Au nombre des facteurs prédictifs précoces d’une évolution sévère figurent la charge lésionnelle en T2 à l’IRM, la présence de bandes oligoclonales d’IgG révélatrices d’une synthèse intrathécale, et une SEP multifocale d’emblée décelée par les potentiels évoqués.

L’IRM est devenue un outil essentiel au diagnostic de la SEP au stade du SCI. Le Dr Anthony Traboulsee, département de médecine, division de neurologie, Groupe de recherche sur la SEP et l’IRM, University of British Columbia, recommande fortement le recours au protocole clinique standardisé international d’IRM en cas de suspicion de SEP (lignes directrices consensuelles du CMSC, 2006). Cette démarche, qui repose à la fois sur des clichés en T2 et des clichés en T1 rehaussés par le gadolinium, aide à reconnaître les patients dont le SCI risque de progresser vers une SEP cliniquement certaine (SEPCC). De tous les patients dont l’examen IRM révèle une anomalie dès le premier épisode, 65 à 90 % développeront une SEP dans un délai de cinq ans. Si l’examen IRM est normal au moment du premier épisode, seulement 3 à 20 % développent une SEP.

Cela dit, le diagnostic précoce du SCI est somme toute clinique. Comme il n’existe pas d’épreuves de laboratoire spécifiques acceptées universellement, le diagnostic différentiel est un incontournable, explique la Dre Heather MacLean, professeure adjointe de neurologie, Université d’Ottawa et Hôpital d’Ottawa, Ontario. Les dix principaux diagnostics à exclure sont, à son avis, l’AVC, la migraine, le lupus érythémateux disséminé, le syndrome de Sjögren, la sarcoïdose, la vasculite du système nerveux central, le lymphome du SNC, l’encéphalomyélite aiguë disséminée, la neuromyélite optique et la maladie de Lyme. Les principaux «signes d’alerte» sont des antécédents atypiques (dont l’âge de survenue), un examen IRM normal, ou l’absence d’anomalies à l’examen du liquide céphalorachidien.

Les essais cliniques militent en faveur d’un traitement précoce

«Je pense que nous avons de bons arguments à l’appui d’un traitement précoce de la SEP», affirme la Dre Patricia K. Coyle, directrice, MS Comprehensive Care Center, Stony Brook University Medical Center, New York. Une fois la SEP cliniquement apparente, explique-t-elle, la maladie est déjà en évolution et des lésions possiblement irréversibles surviennent très tôt. De plus, les traitements de fond actuels sont beaucoup plus efficaces s’ils sont administrés tôt. «Il y a vraiment une période critique où l’on peut intervenir», poursuit la Dr Coyle, expliquant que le traitement immédiat du SCI semble modifier l’évolution naturelle de la SEP. Elle a passé en revue quatre essais cliniques de phase III qui ont objectivé les bienfaits d’un traitement précoce.

Les résultats des essais CHAMPS (Controlled High-Risk Subjects Avonex Multiple Sclerosis Prevention Study) et ETOMS (Early Treatment of MS) ont révélé que l’utilisation de l’interféron (IFN) bêta-1a (i.m. et s.c.) avait retardé la progression du SCI vers la SEPCC pendant les deux années de l’étude. La charge lésionnelle à l’IRM avait aussi diminué. Dans le cadre de l’essai BENEFIT (Betaferon in Newly Emerging Multiple Sclerosis for Initial Treatment), le traitement immédiat par l’IFN bêta-1b amorcé au stade du SCI avait réduit de 41 % le risque d’un deuxième épisode après trois ans (taux de risque [HR, pour hazard ratio], 0,59; IC à 95 %, 0,44-0,80; p=0,0011; réduction du risque absolu de 14 %); selon les critères IRM plus sensibles de McDonald, la progression vers la SEP avait été retardée de 46 % après trois ans (HR, 0,54; p=0,000007). Les résultats de l’examen IRM à deux ans ont aussi mis en évidence une réduction du nombre cumulatif de lésions nouvellement actives et du volume lésionnel total en T2. «Le résultat le plus remarquable a été l’apparition moins fréquente d’un handicap après trois ans chez les patients qui avaient reçu un traitement de fond précocement», explique la Dre Coyle, qui a cité une réduction de 40 % du risque relatif cumulatif compte tenu d’un écart de 1,0 point sur l’échelle EDSS (Expanded Disability Status Scale) (HR, 0,60; IC à 95 % : 0,39-0,92; p=0,022; réduction du risque absolu de 8 %). Les résultats de l’essai PreCISe (Study to Evaluate the Effect of Early Glatiramer Acetate Treatment in Delaying the Conversion to CDMS in Subjects Presenting With a Clinically Isolated Syndrome) ont aussi confirmé que le traitement précoce, par l’acétate de glatiramère (AG) en l’occurrence, avait retardé l’apparition d’une SEPCC (336 jours dans le groupe placebo vs 722 jours dans le groupe AG; p=0,0005).

Importance de données à plus long terme

Le Dr Mark Freedman, directeur du service de recherche sur la SEP, Université d’Ottawa, souligne que d’autres études à long terme s’imposent si l’on veut déterminer que la mise en route précoce du traitement au stade du SCI se traduira à long terme par une issue plus favorable. Bien que la SEP s’échelonne sur 30 à 40 ans, la plupart des études sur le traitement de la SEP ne durent que deux ou trois ans. On commence toutefois à avoir quelques résultats qui remontent à plus loin. Les données accumulées pendant trois ans (prolongation de l’essai BENEFIT) et cinq ans (prolongation de l’essai CHAMPS appelée CHAMPIONS [Controlled High Risk Avonex Multiple Sclerosis Prevention Study in Ongoing Neurologic Surveillance]) témoignent de l’effet continu de ces médicaments après deux ans. La prolongation de BENEFIT a également été le premier essai sur le SCI à objectiver un ralentissement statistiquement significatif de la progression de la cote EDSS après trois ans; le risque de progression confirmée de la cote EDSS a diminué de 40 % sur une période de trois ans (p=0,022) dans le groupe qui avait reçu le traitement précocement. La fréquence des poussées ne différait plus après trois ans, mais les courbes de progression de la cote EDSS ont continué de diverger. La publication des résultats à cinq ans de l’essai BENEFIT est attendue incessamment.

Amélioration de l’observance du traitement

Malgré les avantages connus de l’administration précoce d’un traitement de fond, les patients se heurtent à des obstacles quand vient le moment d’amorcer et de poursuivre le traitement. Mme Amy Perrin Ross, APN, MSN, CNRN, MSCN, coordonnatrice des programmes en neurosciences, Loyola University School of Medicine, Maywood, Illinois, a résumé les principaux motifs d’abandon du traitement, notamment les effets indésirables du traitement de fond (réactions au point d’injection, symptômes pseudo-grippaux, dépression, fatigue) et la perception d’un manque d’efficacité du traitement. Mme Ross recommande la prise en charge des effets indésirables liés au traitement afin de favoriser l’adhésion, par exemple à l’aide des mesures suivantes : ajustement posologique, administration d’analgésiques, rotation des points d’injection, utilisation d’un auto-injecteur et mesures locales comme l’application d’un contenant réfrigérant. Elle insiste aussi sur le fait que le personnel infirmier spécialisé en SEP et d’autres membres de l’équipe de soins peuvent contribuer étroitement à promouvoir l’adhésion au traitement.

Le Dr Randall Schapiro, neurologue pour adultes, The Schapiro Center for Multiple Sclerosis, Minneapolis Clinic of Neurology, Minnesota, a passé en revue les résultats d’une étude intitulée «Barriers to Treatment Commitment». L’effectif comportait 220 patients du Canada et des États-Unis atteints de SEP. Dans le sous-groupe de patients qui avaient reçu des médicaments injectables (n=193), l’obstacle le plus important était de «ne pas avoir les moyens de se payer le traitement» (27 % des répondants), suivi de «ne pas vouloir s’injecter le médicament» (21 %). Au moins un effet indésirable du médicament a été cité par 41 % des patients comme étant un obstacle extrêmement ou très important. Au nombre des facteurs de motivation figurait la prise de conscience d’une diminution possible du risque d’incapacité à long terme (81 %), et 69 % des patients ont affirmé qu’ils auraient amorcé le traitement plus tôt s’ils avaient su que le traitement allait réduire leur risque d’incapacité. L’aide extérieure était un autre élément de motivation important. Patricia A. Farrell, psychologue clinicienne, Englewood Cliffs, New Jersey, a discuté de l’importance de la relaxation et de la pensée positive pour apaiser l’anxiété que suscite l’auto-injection. Le personnel infirmier joue un rôle de premier plan, surtout pour ce qui est d’aider le patient à se calmer et à le convaincre de s’injecter le médicament quand il croit dur comme fer qu’il en est incapable.

Résumé

Les résultats d’essais cliniques militent en faveur du traitement précoce de la SEP, c’est-à-dire dès le premier épisode clinique (SCI). Le traitement précoce permet de retarder la progression vers la SEPCC, de réduire le nombre cumulatif de lésions nouvellement actives décelées à l’IRM, le volume lésionnel total et l’incapacité au cours des trois premières années. Il est aussi essentiel d’améliorer l’observance du traitement pour optimiser le traitement précoce.

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