Comptes rendus

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Second regard sur les associations d’INTI en traitement de fond

Le présent compte rendu est fondé sur des données médicales présentées lors d'un congrès de médecine reconnu ou publiées dans une revue avec comité de lecture ou dans un commentaire signé par un professionnel de la santé reconnu. La matière abordée dans ce compte rendu s'adresse uniquement aux professionnels de la santé reconnus du Canada.

Le 15e Congrès sur les rétrovirus et les infections opportunistes

Boston, Massachusetts / 3-6 février 2008

Sur la foi d’études objectives, plusieurs lignes directrices, dont celles du Department of Health and Human Services (DHHS) qui viennent d’être publiées aux États-Unis, préconisent les associations d’inhibiteurs nucléosidiques/nucléotidiques de la transcriptase inverse (INTI) abacavir/lamivudine (ABC/3TC) et ténofovir/emtricitabine (TDF/FTC) en traitement de fond. L’une ou l’autre de ces associations peut servir de traitement de fond en concomitance avec l’un des inhibiteurs de la protéase (IP) actuellement recommandés en première intention, soit le lopinavir, le fosemprénavir ou l’atazanavir, tous potentialisés par le ritonavir (LPV/r; FPV/r; ou ATV/r), ou avec l’éfavirenz, le seul inhibiteur non nucléosidique de la transcriptase inverse (INNTI) recommandé en première intention. Cela dit, nous avons relativement peu de données comparatives quant à l’effet relatif de ces associations sur d’importants paramètres comme l’échec virologique.

Plan de l’étude HEAT

Selon les données à 48 semaines nouvellement publiées d’une étude avec randomisation menée à double insu intitulée HEAT (Head-to-Head Epzicom and Truvada), l’ABC/3TC a été associé à un rétablissement immunologique légèrement plus marqué et s’est révélé non inférieur sur le plan du contrôle virologique.

«Lorsqu’elles sont administrées en concomitance avec le LPV/r pendant 48 semaines, les associations ABC/3TC et TDF/FTC sont comparables sur le plan de l’efficacité virologique», rapporte la Dre Kimberly Y. Smith, professeure agrégée de médecine, Rush University Medical Center, Chicago, Illinois. «Les deux schémas de traitement ont été bien tolérés, et peu de patients ont abandonné le traitement en raison d’effets indésirables, dans un groupe comme dans l’autre.»

Dans le cadre de cette étude de phase IV qui s’est déroulée dans 78 établissements aux États-Unis et à Puerto Rico, 688 patients infectés par le VIH qui n’avaient jamais été traités ont reçu aléatoirement un schéma monoquotidien composé de LPV/r et d’ABC/3TC ou de TDF/FTC. Chaque groupe recevait un placebo de l’autre association d’INTI. Même si le protocole n’imposait aucune restriction quant à la charge virale initiale (autre qu’une charge virale >1000 copies de l’ARN du VIH/mL) ou au nombre initial de cellules CD4+, les patients ont été stratifiés en deux groupes selon que leur charge virale initiale était inférieure ou supérieure à 100 000 copies/mL. Il importe ici de souligner qu’aucun dépistage de l’allèle HLA-B*5701 – qui permet de déceler une hypersensibilité à l’ABC – n’était autorisé, et toutes les comparaisons ont été analysées selon le principe de l’intention de traiter. Lors de l’étude BICOMBO, la comparaison de ces deux associations d’INTI administrées en concomitance avec l’éfavirenz a été critiquée en raison de plusieurs aspects méthodologiques de l’étude qui compliquaient l’analyse.

L’objectif principal de la présente étude consistait à évaluer la non-infériorité virologique de l’ABC/3TC par rapport au TDF/FTC après 48 semaines de traitement et à comparer leur innocuité et leur tolérabilité sur une période de 96 semaines. Selon les nouvelles données à 48 semaines, la proportion de patients dont la charge virale était <50 copies/mL se chiffrait à 68 % dans le groupe ABC/3TC et à 67 % dans le groupe TDF/FTC. Avec un seuil de détection de <400 copies/mL, les pourcentages atteignaient 75 % dans le groupe ABC/3TC et 71 % dans le groupe TDF/FTC. Toujours après 48 semaines, le nombre médian de cellules CD4+ par mL était de 429 dans le groupe ABC/3TC et de 370 dans le groupe TDF/FTC, ce qui représente une augmentation de 201 cellules et de 173 cellules, respectivement.

Selon la définition de non-infériorité retenue aux fins de l’étude, il fallait non seulement que les résultats obtenus dans le groupe ABC/3TC soient statistiquement comparables à ceux du groupe TDF/FTC, mais aussi que la différence entre la limite inférieure de l’intervalle de confiance (IC) à 95 % de l’ABC/3TC soit d’au plus 12 % par rapport à celle du TDF/FTC, explique la Dre Smith. Dans les faits, on a observé un avantage absolu non significatif de 1 % par rapport au TDF/FTC, et la différence entre les limites inférieures des IC à 95 % était inférieure à 8 %, poursuit-elle. De plus, la comparaison a fait l’objet d’une analyse stricte en intention de traiter qui incluait les changements de traitement et considérait toute donnée manquante comme un échec, de sorte que «la marge de non-infériorité ne laissait planer aucun doute».

Résultats de l’étude HEAT

Au terme des 48 semaines, 80 % des patients du groupe ABC/3TC et 76 % de ceux du groupe TDF/FTC étaient toujours sous traitement. Ni ce résultat ni l’écart entre les groupes quant aux motifs d’abandon prématuré n’ont atteint le seuil de signification statistique. Les faibles taux d’abandons motivés par un effet indésirable – 4 % pour l’ABC/3TC vs 6 % pour le TDF/FTC – sont rassurants. Quatre pour cent des changements de traitement dans le groupe ABC/3TC ont été imputés aux réactions d’hypersensibilité à l’ABC soupçonnées vs 1 % dans le groupe TDF/FTC. Le dysfonctionnement des tubules rénaux proximaux a été observé chez 1 % des sujets du groupe TDF/FTC vs 0 % des sujets du groupe ABC/3TC. Dans les deux groupes, 1 % des sujets ont abandonné le traitement en raison d’un échec virologique. Le taux d’inobservance du traitement était de 2 % dans le groupe ABC/3TC et de 3 % dans le groupe TDF/FTC. Les taux de perte au suivi (8 % vs 9 %), d’écarts au protocole (1 % vs 0 %), d’abandon décidé par le sujet lui-même (3 % vs 4 %) et d’autres facteurs (2 % dans les deux groupes) étaient similaires. Les échecs virologiques – qui sont survenus chez 12 % des patients du groupe ABC/3TC et 11 % des patients du groupe TDF/FTC – n’ont pas tous mis fin à la participation à l’étude.

La différence entre les traitements quant à l’émergence de mutations est l’un des résultats notables de l’étude qui pourraient avoir des retombées cliniques. Globalement, les mutations étaient plus courantes dans le groupe TDF/FTC (53 % vs 34 %), en particulier les mutations associées aux INTI (44 % vs 20 %). Dans la plupart des cas, on a signalé la mutation M184V ou un groupe de mutations incluant M184V dans le groupe TDF/FTC.

«La mutation M184V seule ou en groupe a été associée à deux fois plus d’échecs du traitement dans le groupe TDF/FTC, chose qui n’avait encore jamais été rapportée», fait remarquer la Dre Smith. On doit analyser cette différence plus à fond afin d’en évaluer la pertinence dans le choix des médicaments et de pouvoir se garder des INTI en option dans les schémas subséquents, indique-t-elle.

Lors de cette étude, un peu plus du tiers des sujets étaient d’origine afro-américaine et près de 20 % étaient de sexe féminin. L’âge moyen était de 38 ans, et la médiane de la charge virale initiale était d’environ 4,9 log10 copies/mL. Seulement 14 % des sujets du groupe ABC/3TC et 10 % des sujets du groupe TDF/FTC souffraient d’hépatite B ou C. Le nombre de cellules CD4+ était égal ou supérieur à 200 par mL chez environ la moitié des patients. Moins de 20 % avaient au départ un nombre de cellules CD4+ inférieur à 50 par mL. Ces variables étaient similaires dans les deux groupes.

Les effets indésirables liés au traitement et la proportion d’abandons du traitement pour cause d’effets indésirables étaient très semblables. Dans les deux groupes, la diarrhée était l’effet indésirable de classe 2 à 4 le plus fréquent : 18 % des sujets du groupe ABC/3TC vs 19 % de ceux du groupe TDF/FTC. Aucun autre effet indésirable de classe 2 à 4 n’a été observé chez plus de 10 % des patients dans un groupe comme dans l’autre, et l’incidence était toujours similaire dans les deux cohortes. Sur le plan du bilan lipidique, on a noté une élévation des taux de cholestérol total, de triglycérides et de C-HDL dans les deux groupes, d’où une baisse très légère du ratio cholestérol total:C-HDL (-0,26 vs -0,56 pour les groupes ABC/3TC et TDF/FTC, respectivement).

BICOMBO : INTI en traitement de fond avec un INNTI

Même si, à ce jour, les deux associations d’INTI recommandées n’avaient encore jamais été évaluées en concomitance avec un IP dans le cadre d’une étude comparative multicentrique avec randomisation de grande envergure, on les avait déjà comparées dans un schéma comportant de l’éfavirenz, explique la Dre Smith. Les résultats de l’étude BICOMBO ont été présentés en juillet 2007 au congrès de l’International AIDS Society à Sydney, en Australie, par Martinez et al. (résumé WESS102). Dans cette étude multicentrique, l’ABC/3TC s’est révélé non inférieur au TDF/FTC quant à l’efficacité virologique, mais l’ABC/3TC s’est révélé inférieur quant à l’efficacité du traitement. Ce dernier résultat tient principalement au nombre anormalement élevé de patients du groupe ABC/3TC chez qui une hypersensibilité à l’ABC a été soupçonnée. Cependant, une analyse rétrospective avec dépistage de l’allèle HLA B*5701 a confirmé l’hypersensibilité à l’ABC chez seulement le tiers de ces sujets. L’étude a également été critiquée en raison de plusieurs aspects de sa méthodologie, dont la randomisation des sujets après une période de traitement préliminaire par un schéma comportant du 3TC ainsi qu’un paramètre d’évaluation de <200 copies de l’ARN du VIH/mL plutôt que le seuil plus sensible de <50 copies/mL.

En raison de ces aspects méthodologiques, certains se demandent si cette étude est vraiment une comparaison directe des associations d’INTI recommandées chez des patients jamais traités au préalable qui reçoivent un INNTI. Un grand nombre de ces lacunes de l’essai BICOMBO ont été expressément évitées dans l’étude HEAT, dont le protocole prévoyait une analyse à l’insu des données à 48 semaines pour protéger l’intégrité des comparaisons à 96 semaines.

«Nous avons très peu de données émanant d’une comparaison directe des associations d’INTI à doses fixes recommandées, et surtout peu de données analysées selon le critère strict de l’intention de traiter», poursuit la Dre Smith. Lors de l’étude HEAT, «les résultats étaient constants sans égard à la méthode d’analyse utilisée, même lorsque les changements de groupe étaient considérés comme des échecs.»

Résumé

La première comparaison des associations d’INTI recommandées, ABC/3TC et TDF/FTC, a objectivé la non-infériorité de la première sur le plan du paramètre clé de <50 copies/mL. Bien que les recommandations actuelles du DHHS soient de prescrire l’ABC/3TC uniquement après un test de dépistage de l’allèle HLA B*5701, l’étude comparait ces deux associations d’INTI en traitement de fond chez des patients non soumis à un tel dépistage. Malgré la différence notable entre les deux associations au terme de l’étude quant aux types de mutations de résistance, les résultats étaient comparables pour des critères comme la suppression virale, l’échec virologique, le rétablissement immunologique et l’innocuité.

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