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Second regard sur les tuteurs : données objectives provenant de vastes registres de patients

Le présent compte rendu est fondé sur des données médicales présentées lors d'un congrès de médecine reconnu ou publiées dans une revue avec comité de lecture ou dans un commentaire signé par un professionnel de la santé reconnu. La matière abordée dans ce compte rendu s'adresse uniquement aux professionnels de la santé reconnus du Canada.

Les 57es Séances scientifiques annuelles de l’American College of Cardiology

Chicago, Illinois / 29 mars-1er avril 2008

Selon sept nouveaux ensembles de données, dont cinq ont été présentés lors du congrès annuel de la Society for Cardiovascular Angiography and Interventions (SCAI), les TM sont plus avantageux que les TM non médicamentés (TMNM). Ces résultats tranchent, semble-t-il, une controverse soulevée il y a un an, lorsque, à la lumière des données du Swedish Coronary Angiography and Angioplasty Registry (SCAAR), on avait associé les TM à un taux de mortalité tardive plus élevé que les TMNM. Depuis, on a reproché au SCAAR d’avoir peut-être causé un biais de sélection, les sujets les plus vulnérables ayant été dirigés vers le TM. Malgré tout, les organismes de réglementation se sont interrogés sur l’utilisation des TM hors indications, par exemple dans les vaisseaux de petit calibre, en présence de lésions de plus de 30 mm de longueur ou dans les cas de resténose. Or, à en juger par les données récentes portant sur plus de 20 000 receveurs d’un TM ou d’un TMNM, les TM se sont invariablement montrés aussi ou plus avantageux que les TMNM, tant à court qu’à long terme, et dans des contextes nombreux, y compris hors indications.

Comme le précise la Dre Laura Mauri, conseillère scientifique en chef, Harvard Clinical Research Institute, Brigham and Women’s Hospital, Boston, Massachusetts, «on dispose de données exhaustives sur deux ans à l’égard de 7216 implantations uniques de TM ou de TMNM à la suite d’un infarctus du myocarde (IM) aigu. L’analyse portant sur 5258 patients appariés suivant leur vulnérabilité a mis en lumière des taux plus faibles de mortalité, de récidives d’IM aigu et d’interventions de revascularisation dans le groupe TM que dans le groupe TMNM. On a fait des constatations comparables, qu’il y ait eu ou non sus-décalage du segment ST lors de l’infarctus (IM ST+ ou ST-).»

Paires appariées et pratique réelle

Ces données, exposées lors d’une séance de dernière heure de la SCAI, portent sur une population absente des études comparatives TM-TMNM antérieures. Bien qu’un nombre légèrement plus élevé de patients aient reçu un TM (4016 TM vs 3200 TMNM), on a apparié les sujets pour se livrer à une analyse avec redressement. Les données portent donc sur 1221 paires appariées de patients IM ST+ et 1322 paires appariées de patients IM ST-.

Les TM se sont montrés plus avantageux que les TMNM selon tous les paramètres évalués. Dans l’ensemble de la population, les TM ont été associés à une baisse de 2,7 % des décès (p=0,002) après deux ans. Dans le groupe IM ST+, on a noté un recul de la mortalité de 3,1 % (p=0,009). Dans le groupe IM ST-, on a observé une baisse de 1,9 % chez les sujets TM par rapport aux sujets TMNM, écart non significatif sur le plan statistique (p=0,18). On a également enregistré une diminution de 5,3 % des interventions de revascularisation chez les patients TM par rapport aux patients TMNM dans l’ensemble de la population ainsi que dans les groupes IM ST+ et IM ST- (p<0,001 pour chaque comparaison). Enfin, les récidives d’IM ont été moins nombreuses chez les sujets TM que chez les sujets TMNM dans l’ensemble de la population ainsi que chez les patients IM ST+ et IM ST-, mais aucun écart n’a atteint le seuil de la signification statistique (p=0,08 pour tous les patients).

«Auparavant, les données sur l’emploi des TM dans l’IM aigu étaient limitées. Ces résultats nous autorisent à penser que non seulement ces tuteurs n’exposent pas les patients ayant subi un IM aigu à un risque plus élevé que les TMNM, mais qu’ils pourraient même améliorer l’issue à long terme», indique la Dre Mauri.

Lors d’une étude multicentrique réalisée en Europe chez 913 receveurs d’un TM et 2105 receveurs d’un TMNM, le taux de mortalité à deux ans était moins élevé dans le groupe TM, tant pour l’ensemble de la population (2,0 % vs 4,1 %; p=0,003) qu’après appariement des sujets (1,8 % vs 4,0 %; p=0,01). Pourtant, les patients sous TM étaient plus susceptibles de souffrir de diabète (p<0,001) et de présenter des lésions non conformes aux indications, plus précisément longues ou touchant des vaisseaux de petit calibre (p<0,001).

«On s’inquiète de la mortalité à long terme après la mise en place d’un TM. Mais en réalité, dans la pratique, les TM ont été associés à un taux de mortalité moins élevé que les TMNM, et ce, en dépit d’un risque de départ éventuellement plus grand dans le groupe TM, fait remarquer le Dr Albert E. Alahmar, Cardiothoracic Centre, Liverpool University, Royaume-Uni.

Le Dr Dmitriy N. Feldman, Weill Cornell Medical College, New York, New York, en arrive à une conclusion semblable. Il a exposé le cas de 2174 receveurs d’un TM et de 188 receveurs d’un TMNM. Au terme d’un suivi moyen de 24,8 mois, on a enregistré un taux de mortalité de 4 % dans le groupe TM et de 13,8 % dans le groupe TMNM (p<0,001). Après une analyse multivariable selon le modèle de Cox, le TM a été associé à une amélioration de 60 % de la survie à long terme (taux de risque [HR, pour hazard ratio] de 0,4; IC à 95 % : de 0,2 à 0,7; p=0,001).

«Dans la pratique réelle, le TM est associé, par rapport au TMNM, à une amélioration du taux de survie pendant l’hospitalisation et à long terme», affirme le Dr Feldman, avançant du même souffle que les données provenant de registres pourraient rendre compte plus justement de l’innocuité et de l’efficacité réelles des tuteurs que les essais prospectifs avec randomisation, lors desquels ces dispositifs sont implantés par des mains expertes.

Emploi hors indications

Outre le registre des IM aigus, on a présenté un autre registre et une méta-analyse consacrés à la pose de tuteurs hors indications. En ce qui a trait au registre, 4002 patients consécutifs ont reçu un TM pour des indications telles qu’un IM ST+, une occlusion totale chronique, un pontage, une resténose intra-tuteur, des lésions longues ou des vaisseaux de petit calibre. Ce sont là des indications qui n’ont pas été étudiées dans les premiers essais avec randomisation. En se livrant, aux fins de comparaison, à une analyse rétrospective portant sur des patients de la Cleveland Clinic, Ohio, ayant reçu un TMNM dans ces mêmes indications, on constate que les TM sont associés à une baisse de 47 % de la mortalité (HR de -0,53; IC à 95 % : de 0,42 à 0,67; p<0,0001). Par ailleurs, la réduction de 34 % du taux de récidives d’IM chez les porteurs d’un TM par rapport aux porteurs d’un TMNM avait un caractère tendanciel (p=0,13). Aucune différence n’est ressortie au chapitre de la revascularisation.

«Utilisés hors indications, les TM donnent, semble-t-il, des résultats au moins aussi bons, voire meilleurs, que les TMNM dans des lésions similaires», affirme le Dr John M. Galla, cardiologue à la Cleveland Clinic.

Un autre groupe de chercheurs a mené une méta-analyse, colligeant les données comparatives TM-TMNM provenant de six registres. Les 1252 patients visés, suivis pendant six à 24 mois, ont été répartis selon la cause du traitement : lésion du tronc coronaire gauche, lésion du greffon de veine saphène, lésion ostiale ou occlusion totale. Chez les sujets sous TM, on a observé une réduction globale de 76 % du risque d’intervention de revascularisation du vaisseau cible après six mois par rapport aux sujets sous TMNM (IC à 95 % : de 0,12 à 0,45). Après une à deux années de suivi, le taux de mortalité était 40 % moins élevé chez les receveurs d’un TM que chez les receveurs d’un TMNM (HR de 0,60; IC à 95 % : de 0,27 à 1,129). Bien que cet écart ne soit pas statistiquement significatif, «la pose d’un TM hors indications n’a pas non plus exposé les sujets à un risque accru de mortalité par rapport au TMNM, quel que soit le type de lésion traitée», fait valoir le Dr Nirat Beohar, Feinberg School of Medicine, Northwestern University, Chicago, Illinois.

Ces résultats rejoignent ceux d’une étude de publication récente. Ses auteurs ont analysé les données de 6551 patients inscrits au registre dynamique du National Heart, Lung, and Blood Institute (Marroquin et al. N Engl J Med 2008;358:342-52). Ils souhaitaient comparer les TM aux TMNM dans des indications non officielles, à savoir les resténoses, les lésions sur pontage, les lésions du tronc coronaire gauche, les lésions au niveau de l’ostium et de la bifurcation ou les occlusions totales (et en présence de lésions d’une longueur >30 mm et <2,5 mm ou >3,75 mm). On a mené cette étude en raison, précisément, des préoccupations que soulevaient les emplois hors indications.

«Notre étude a révélé que le risque de réintervention de revascularisation était moins élevé, après un an de suivi, chez les sujets sous TM que chez les sujets sous TMNM. Et cet avantage n’a pas été obtenu au prix d’un risque excessif de décès ou d’IM», précise l’équipe de chercheurs dirigée par le Dr Oscar C. Marroquin, Cardiovascular Institute, University of Pittsburgh, Pennsylvanie.

Tout juste deux semaines après la parution du compte rendu précité, Applegate et ses collaborateurs (JACC 2008;51:607-14) publiaient les résultats d’une évaluation des résultats cliniques obtenus chez 1164 receveurs consécutifs d’un tuteur implanté hors indications. Cette équipe fait état non seulement d’une baisse de 38 % (p<0,001) des actes de revascularisation du vaisseau cible dans le groupe TM vs le groupe TMNM après deux ans, mais également d’une réduction relative de la mortalité de 29 % dans le groupe TM (p=0,01).

Résumé

Par suite de la publication de comptes rendus contradictoires, on a démontré, par un vaste ensemble de données, les avantages à long terme des TM sur les TMNM, qu’ils soient utilisés conformément ou non aux indications officielles. Ces constatations viennent étayer deux études parues récemment. L’avantage sur le plan de la mortalité – significatif dans la plupart, mais non la totalité, des études – témoigne de l’utilité des TM, à la fois dans les indications approuvées et non approuvées.

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