Comptes rendus

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Stratégies de réduction du risque d’AVC ischémique : incidence et retombées

Le présent compte rendu est fondé sur des données médicales présentées lors d'un congrès de médecine reconnu ou publiées dans une revue avec comité de lecture ou dans un commentaire signé par un professionnel de la santé reconnu. La matière abordée dans ce compte rendu s'adresse uniquement aux professionnels de la santé reconnus du Canada.

La 14e Réunion scientifique annuelle de la Société québécoise d’hypertension artérielle

Montréal, Québec / 12-14 janvier 2006

Environ un patient sur quatre meurt au cours de l’année suivant le premier événement. Chez les survivants, le fardeau de morbidité est significatif : environ 25 % se rétablissent mais conservent une invalidité mineure permanente, 40 % restent aux prises avec une invalidité modérée à sévère et 10 % ont besoin d’être placés dans un centre de soins prolongés.

Les patients qui ont eu un AVC sont exposés à un risque vasculaire extrêmement élevé, explique le Dr Alain Milot, professeur de clinique en médecine, Pavillon Saint-François-d’Assise, Université Laval, Québec, Québec. Dans l’ensemble, la probabilité d’un deuxième AVC a été estimée à environ 8 % la première année et à 17 % au cours des cinq années suivantes. Après une ischémie cérébrale transitoire (ICT), la probabilité d’un AVC est de 5 % au cours des 48 heures suivantes et de 10 % au cours des trois mois suivants. Le risque d’infarctus du myocarde est également très élevé chez le patient qui a subi un AVC. Selon une étude récente portant sur près de 2500 survivants d’un AVC, le risque à 10 ans d’un autre événement vasculaire est de 44 % et le risque de mortalité, de 43 % (van Wijk et al. Lancet 2005;365[9477]:2098-104). Les AVC et les ICT sont aussi associés à l’apparition d’une démence. Ce fardeau substantiel de morbi-mortalité a des répercussions sur la qualité de vie, fait remarquer le Dr Milot. «Les personnes qui ont eu un AVC ont une invalidité plus marquée, ont besoin de plus d’aide que les personnes souffrant d’une maladie cardiaque et signalent une plus grande incapacité et la présence de symptômes dépressifs.» En outre, comme c’est le cas pour les autres maladies liées au vieillissement, les données démographiques laissent entendre que le nombre d’AVC augmentera au cours des 20 prochaines années, ce qui viendra probablement alourdir le fardeau imposé au système de santé.

Le défi que doivent relever les médecins est de diminuer les retombées prévisibles des AVC au moyen d’un traitement ponctuel approprié et de démarches préventives, estime le Dr Robert Côté, neurologue, Hôpital général de Montréal, et professeur agrégé de neurologie et de neurochirurgie, Université McGill, Québec. Il a rappelé aux congressistes que, même si le concept d’un agent neuroprotecteur efficace demeure difficile à définir, la réadaptation précoce et la prévention efficace des complications médicales (p. ex., prévention des événements thrombo-emboliques par l’AAS et/ou un anticoagulant) ont diminué la mortalité d’environ 30 % chez les patients ayant été victimes d’un AVC ischémique ou hémorragique aigu. Le r-tPA, un agent thrombolytique, peut être utilisé chez certains patients dans les trois heures suivant un AVC ischémique et abaisse de 40 % le risque de mortalité ou de dépendance. Une tension artérielle (TA) extrêmement élevée est une contre-indication absolue à la thrombolyse en présence d’un AVC, affirme le Dr Côté.

Le contrôle de la TA pendant la phase aiguë de l’AVC ischémique soulève une certaine controverse et des doutes, indique-t-il. Une TA systolique (TAS) faible (<155 mmHg) et une TAS élevée (>220 mmHg) sont associées à une augmentation de la mortalité. La théorie voulant que la TA soit maintenue à un niveau assez élevé repose essentiellement sur deux arguments : la nécessité d’un débit sanguin suffisant après la perte de l’autorégulation et la possibilité d’une reperfusion de la pénombre ischémique entourant l’infarctus. La théorie en faveur d’une TA faible est motivée par une diminution du risque d’œdème et/ou d’hémorragie cérébraux. Selon les lignes directrices actuelles, d’enchaîner le Dr Côté, «il vaut mieux pêcher par excès de prudence. On n’abaisse pas la TA de façon énergique à moins que le patient ne puisse recevoir le r-tPA, auquel cas on essaie de ramener la TA à 185/110 mmHg ou moins.»

Traiter les facteurs de risque en prévention primaire

La maîtrise de l’hypertension sous le seuil de 140/90 mmHg demeure de loin la plus importante des stratégies pour prévenir un premier AVC ischémique ou hémorragique, précise le Dr Pierre Larochelle, professeur titulaire de pharmacologie, Université de Montréal, et directeur, recherche clinique, Institut de recherches cliniques de Montréal. «La baisse de la TA, indépendamment du type de traitement, est associée à une réduction hautement significative de la fréquence des AVC. Une baisse de la TAS d’environ 10 mmHg est associée à une réduction de la fréquence des [AVC] d’environ 40 % [et peut-être plus chez les patients âgés]», fait-il remarquer, ajoutant que chaque baisse supplémentaire de 10 mmHg de la TAS jusqu’à l’atteinte d’une TA de 115/75 mmHg réduit le risque de 30 % de plus. Une fois que la TA chute sous le seuil de 140/90 mmHg, les autres effets des antihypertenseurs peuvent devenir pertinents.

Pour réduire l’incidence des AVC ischémiques et des ICT et atténuer leurs retombées, il faut s’attaquer aux facteurs de risque modifiables, de souligner les conférenciers. Il est ressorti d’au moins une méta-analyse récente qu’un traitement hypolipidémiant par une statine réduit la fréquence des manifestations principales de la maladie vasculaire cérébrale de 25 à 30 %, fait valoir le Dr Larochelle. Le contrôle glycémique chez les patients diabétiques pourrait aussi être important : l’étude UKPDS a déterminé que chaque diminution de 1 % du taux d’hémoglobine glycosylée réduisait le risque d’AVC de 12 %.

De l’avis du Dr Larochelle, les données les plus substantielles à l’appui de la prévention primaire des AVC s’appliquent aux diurétiques, aux ß-bloquants et aux inhibiteurs calciques du groupe des dihydropyridines. Bien que quelques études récentes sur les inhibiteurs de l’ECA et les antagonistes des récepteurs de l’angiotensine (ARA) aient été compliquées par une maîtrise inégale de l’hypertension dans les groupes de traitement, les données actuelles semblent indiquer qu’une stratégie antihypertensive fondée sur un ARA est également efficace lorsque la TA est relativement bien contrôlée, tandis que les inhibiteurs de l’ECA pourraient être moins efficaces en pareilles circonstances (surtout chez les Noirs).

Nouvelles stratégies de prévention secondaire

Le risque vasculaire élevé auquel sont exposés les patients qui ont déjà eu un AVC ischémique est un argument solide en faveur d’une prévention énergique de l’athérosclérose et de la thrombose au sein de cette population, fait remarquer le Dr Guy Tremblay, professeur de clinique en médecine, Université Laval, et cardiologue, CHUQ-Hôpital Saint-Sacrement. On recommande typiquement une modification des habitudes de vie de même qu’un antiplaquettaire et un anticoagulant. Bien que l’utilité du traitement normolipémiant soit moins bien établie dans cette population que chez les patients coronariens, le sous-groupe d’environ 3000 patients ayant eu un AVC qui recevaient une statine dans l’étude Heart Protection Study ont bénéficié, au même titre que les autres patients de la cohorte, d’une réduction de 25 % du risque cardiovasculaire (CV), quel qu’ait été leur taux initial de C-LDL ou de cholestérol total, note-t-il.

La maîtrise de l’hypertension demeure essentielle après un AVC et est probablement encore plus efficace que dans un contexte de prévention primaire, affirme le Dr Tremblay. Nous nous demandons encore si nous avons à notre disposition une stratégie optimale ou un agent optimal qui offrirait des avantages supplémentaires; dans les faits, à ce jour, peu d’études comparatives et randomisées ont été réalisées exclusivement chez des patients ayant eu un AVC. Lors de l’étude PROGRESS (Perindopril Protection Against Recurrent Stroke Study), on a observé une incidence plus faible de complications vasculaires et d’AVC chez les patients qui avaient reçu aléatoirement à la fois un diurétique et un inhibiteur de l’ECA que chez les patients qui avaient reçu un seul agent ou qui n’avaient reçu aucun traitement. «Cependant, le groupe qui recevait le traitement d’association est aussi celui dans lequel la TAS et la TA diastolique (TAD) avaient varié le plus [par rapport aux TA initiales], ce qui soulève une question : l’avantage est-il le résultat d’un effet de la molécule ou de la baisse de la TA?», poursuit le Dr Tremblay.

Résultats de l’étude MOSES

L’étude MOSES (Morbidity and Mortality After Stroke, Eprosartan Compared with Nitrendipine for Secondary Prevention) a été la première à comparer un ARA et un inhibiteur calcique dans un contexte de prévention secondaire des AVC (Stroke 2005;36:1218-26). Il est précisé dans le rapport de l’étude que, selon des données expérimentales, l’ARA éprosartan pourrait exercer des effets cérébroprotecteurs. En outre, il est doté d’un double mode d’action du fait qu’il inhibe l’angiotensine II au niveau du récepteur AT1 et qu’il limite l’activation du système nerveux sympathique en bloquant à la fois les récepteurs pré-synaptiques et post-synaptiques.

Lors de l’étude MOSES, les deux agents ont normalisé la TA chez 1405 patients à risque élevé qui avaient été victimes d’un AVC au cours des deux années précédentes (Figure 1). Cependant, la réduction du paramètre principal – qui regroupait la mortalité toutes causes confondues et les événements vasculaires cérébraux et CV (y compris les événements récurrents) – était 21 % plus marquée (p=0,014) chez les patients qui recevaient l’éprosartan. Cette réduction, qui a été obtenue sur une période de 2,5 ans, s’est traduite par une incidence de 13,3 vs 16,7 événements pour 100 années-patients en faveur de l’ARA. Lorsqu’on les a évalués séparément, les paramètres cérébrovasculaires (p=0,026) et CV (p=0,061) avaient tous deux diminué de 25 % chez les patients traités par l’ARA. Lors d’une analyse des premiers événements, l’éprosartan a réduit significativement la fréquence des événements CV (p=0,03) tandis que, pour les événements vasculaires cérébraux, la différence entre les deux groupes n’était pas significative (p=0,42). Le taux de mortalité et la capacité fonctionnelle des survivants ne différaient pas de manière significative d’un groupe de traitement à l’autre. Une association d’antihypertenseurs a été nécessaire chez environ les deux tiers des participants à l’étude. Environ 46 % de ces patients ont reçu le médicament à l’étude plus un diurétique.

De façon préliminaire, les résultats de MOSES plaident en faveur de la théorie voulant que l’éprosartan puisse exercer un effet allant au-delà d’une baisse de la TA, de conclure le Dr Tremblay. Bien que les résultats de l’étude MOSES ne puissent pas être qualifiés de concluants pour la classe des ARA, c’est une étude qui fait vraiment réfléchir et qui nous incite à penser qu’il serait justifié d’étudier plus à fond et à plus long terme la capacité des ARA à réduire la fréquence des AVC.

Figure 1. Paramètre principal de l’étude MOSES (morbi-mortalité)


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