Comptes rendus

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Stratégies de traitement de la douleur et de l’invalidité associées à la fibromyalgie

Le présent compte rendu est fondé sur des données médicales présentées lors d'un congrès de médecine reconnu ou publiées dans une revue avec comité de lecture ou dans un commentaire signé par un professionnel de la santé reconnu. La matière abordée dans ce compte rendu s'adresse uniquement aux professionnels de la santé reconnus du Canada.

La 71e Assemblée annuelle de l’American College of Rheumatology

Boston, Massachusetts / 6-11 novembre 2007

La fibromyalgie afflige le patient à bien des égards, d’abord par la douleur et la fatigue qu’elle entraîne, mais aussi par ses effets plus généraux sur la santé mentale, le bien-être et la qualité de vie, affirme la Dre Lesley M. Arnold, professeure agrégée de psychiatrie et directrice du programme de recherche sur la santé des femmes, University of Cincinnati College of Medicine, Ohio.

Elle a décrit les défis du diagnostic de la fibromyalgie et de la prise en charge des patients qui en souffrent. «En présence d’une douleur modérée à sévère, le traitement de première intention doit être guidé par les données probantes cumulées à ce jour, poursuit la Dre Arnold. Le choix des médicaments dépend de ces données, mais on doit également tenir compte des facteurs de comorbidité et des symptômes présents.»

Comme la fibromyalgie se caractérise par une perception accrue de la douleur, le traitement pharmacologique (fondé sur les preuves) peut inclure un inhibiteur du recaptage de la sérotonine et de la noradrénaline (IRSN), un antidépresseur tricyclique ou un ligand de la sous-unité alpha2-delta comme la prégabaline, précise la Dre Arnold. Cependant, il est ressorti d’un essai clinique de phase III de 27 semaines que la duloxétine, un IRSN, n’est pas supérieure à un placebo pour abaisser le score moyen d’intensité de la douleur ou améliorer le score PGI-I (Patient Global Impression of Improvement). D’après le Brief Pain Inventory, la diminution moyenne de l’intensité de la douleur au terme du traitement était de 1,62 point pour la duloxétine vs 1,13 point pour le placebo, mais la différence n’a pas atteint le seuil de signification statistique, rapporte la Dre Amy Chappell, Indianapolis, Indiana, qui a fait la recherche.

Un deuxième IRSN, le milnacipran, s’est révélé plus prometteur lors d’études de phase III également présentées au congrès. Environ 25 % des patients qui recevaient 200 mg/jour répondaient aux critères de réponse du syndrome fibromyalgique établis dans le protocole de l’étude, c’est-à-dire une diminution de la douleur et une amélioration d’au moins six points du score résumé physique du SF-36. Par contre, la douleur a répondu au traitement chez 45,6 % des patients de ce groupe, le score de leur douleur ayant baissé d’au moins 30 % selon la cote qu’ils avaient notée dans un agenda électronique («très grande amélioration» ou «grande amélioration» sur une échelle de sept points). Sous l’effet d’une dose de 100 mg/jour, le taux de réponse du syndrome était de 24,6 % et le taux de réponse de la douleur, de 38,6 %, souligne le Dr Robert H. Palmer, Forest Research Institute, Jersey City, New Jersey.

Au sujet de la classe des ligands de la sous-unité alpha2-delta, la Dre Arnold a cité des résultats d’études que des collègues et elle-même ont présentés pour la première fois au congrès de 2007 de l’American Pain Society à Washington, DC. La prégabaline s’est caractérisée par un début d’action rapide, et son effet a persisté jusqu’à la semaine 14 dans les deux groupes recevant les doses les plus élevées (450 mg/jour et 600 mg/jour); dans le groupe 300 mg/jour, la différence par rapport au placebo était significative lors de chaque évaluation, sauf à celle de la semaine 11.

Soulagement des symptômes

Des résultats similaires se sont dégagés d’un essai randomisé et comparatif avec placebo sur la prégabaline en monothérapie chez des patients fibromyalgiques. Ces résultats ont été présentés par le Dr Erdal Diri, division de rhumatologie, Trinity Health Center, Minot, Dakota du Nord.

Les patients qui recevaient l’une des trois doses, comparativement aux témoins sous placebo, ont rapporté un soulagement de la douleur significativement plus marqué dès la première semaine, et cette supériorité s’est maintenue lors de la quasi-totalité des évaluations et ce, à toutes les doses pendant les 14 semaines, précisait le Dr Diri dans sa présentation orale du résumé de l’étude. «La prégabaline en monothérapie a été associée à un soulagement cliniquement important des symptômes de la fibromyalgie.»

Cet essai à double insu avec randomisation et placebo regroupait 745 patients souffrant de fibromyalgie qui répondaient aux critères de l’ACR, à savoir un score de 40 mm sur une échelle visuelle analogique (EVA) de la douleur de 0 à 100, et une réduction de moins de 30 % du score sur l’EVA pendant la phase préliminaire d’une semaine où les patients recevaient un placebo à simple insu.

Après cette phase préliminaire, les patients recevaient aléatoirement un placebo ou le traitement actif. Plus précisément, ils recevaient un placebo ou une dose de 300, 450 ou 600 mg/jour fractionnée en deux prises pendant 14 semaines, soit une période d’ajustement posologique de deux semaines et une période de 12 semaines où la dose était fixe.

Des différences significatives ont été enregistrées par rapport au placebo quant à la variation moyenne du score moyen de la douleur entre le début et la fin de l’étude : -0,71 dans le groupe 300 mg (p=0,0009), -0,98 dans le groupe 450 mg (p<0,0001) et -1,00 dans le groupe 600 mg (p<0,0001).

L’écart moyen noté au terme de la période de traitement (qui était ajusté en fonction de la durée) se chiffrait à -0,38 dans le groupe 300 mg (p=0,0200), à -0,62 dans le groupe 450 mg (p=0,0001) et à -0,57 dans le groupe 600 mg.

Selon une analyse reposant sur un modèle mixte d’analyses répétées (MMRM), la douleur a été soulagée dans les trois groupes de traitement actif dès la première semaine et le soulagement s’est maintenu lors de toutes les évaluations hebdomadaires, à l’exception d’un groupe de traitement à la semaine 11.

Dans tous les groupes de traitement actif, le score moyen de l’analyse MMRM (semaine 14) s’était amélioré de façon significative par rapport au placebo, note le Dr Diri. L’écart par rapport au score initial était de -0,63 dans le groupe 300 mg (p=0,0051), de -0,90 dans le groupe 450 mg (p<0,0001) et de -0,96 dans le groupe 600 mg (p<0,0001).

Résultats de FREEDOM

Plusieurs études présentées au congrès ont souligné l’efficacité de la prégabaline à long terme. Ainsi, lors de l’essai FREEDOM (Fibromyalgia Relapse Evaluation and Efficacy for Durability of Meaningful Relief) qui regroupait 1051 patients, cet agent a prolongé significativement l’intervalle précédant la disparition de la réponse au traitement telle que mesurée sur l’EVA et a retardé significativement la détérioration de la fibromyalgie telle que mesurée par le score PGIC (Patient Global Impression of Change), les réponses au questionnaire FIQ (Fibromyalgia Impact Questionnaire), la qualité du sommeil et la fatigue (Figure 1).

La réponse au traitement avait disparu chez 50 % des patients du groupe placebo après 19 jours. En revanche, chez 50 % des patients du groupe de traitement actif, la réponse au traitement s’est maintenue jusqu’au terme de la phase à double insu, c’est-à-dire pendant au moins six mois.

«La prégabaline a été généralement bien tolérée dans cette population de patients, peu importe l’indication, ajoutent les auteurs. Le profil d’innocuité qui se dégage de cette étude concorde avec les résultats d’autres études, de sorte qu’aucun nouveau problème d’innocuité n’a été signalé.»

Durabilité de la réponse à un an

La durée de la réponse a été encore plus longue lors d’une étude rapportée par Hana Florian, PhD, New York, New York, et ses collaborateurs.

Lors d’une étude de prolongation ouverte sur la prégabaline dans le traitement à long terme de la douleur fibromyalgique, les auteurs ont constaté une amélioration des résultats selon l’EVA du questionnaire sur la douleur de McGill dans sa forme abrégée et de l’indice PPI (Present Pain Intensity) mesuré sur une échelle de six points chez les patients fibromyalgiques traités pendant au plus un an, pour un total de 303 années-patients. Comme dans l’étude FREEDOM, le traitement a été généralement bien toléré, précisent les auteurs (Figure 2).

«Chez les patients qui ont été admis à cette étude de prolongation ouverte de un an, l’effet a persisté pendant une période pouvant atteindre un an, et nous avons vu une amélioration du profil des effets indésirables. Les étourdissements et la somnolence – qui sont les effets indésirables les plus courants dans nos essais à double insu – ont tendance à disparaître avec le temps», affirme une co-investigatrice, Jeannette A. Barrett, PhD.

Enfin, une analyse des données colligées de deux essais randomisés et comparatifs avec placebo – qui regroupaient en tout 1493 patients – a révélé que chacune des trois doses de prégabaline se caractérisait par une efficacité «robuste» dans le traitement de la fibromyalgie.

Par rapport au placebo, l’écart moyen entre le score initial et le score final de la douleur se chiffrait à -0,55 dans le groupe 300 mg/jour (p=0,0003), à -0,71 dans le groupe 450 mg/jour (p<0,001) et à -0,82 dans le groupe 600 mg/jour (p<0,0001).

En outre, les deux doses plus élevées ont été associées à une amélioration significative du score FIQ total. Par rapport au groupe placebo, le score PGIC a été significativement meilleur dans tous les groupes (p£0,0002).

La réponse était généralement liée à la dose. En effet, près de 50 % des patients qui recevaient la dose de 450 mg ou de 600 mg ont eu une réponse d’au moins 30 %, comparativement à seulement 32,6 % des patients sous placebo. De même, si seulement 17,4 % des patients fibromyalgiques sous placebo ont eu une réponse ³50 %, 24,5 %, 26,3 % et 28,6 % des patients des groupes 300, 450 et 600 mg/jour de prégabaline, respectivement, ont eu une réponse similaire.

Résumé

Aucune stratégie thérapeutique ne peut être efficace chez l’ensemble des patients fibromyalgiques. Cela dit, la Dre Arnold trouve encourageant de voir le volume croissant de données à l’appui de meilleures options dans le traitement de la fibromyalgie, et souhaite que d’autres agents efficaces viennent compléter l’arsenal thérapeutique au cours de l’année à venir. «Nous avons travaillé vraiment très fort pour élaborer de meilleurs traitements pour nos patients fibromyalgiques, et ces résultats représentent un pas très important dans la bonne direction», conclut-elle.

Nota : Au moment où le présent article a été mis sous presse, la prégabaline n’était pas indiquée pour le traitement de la fibromyalgie au Canada.

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