Comptes rendus

Stratégies novatrices pour améliorer l’efficacité clinique des traitements actuellement à notre disposition dans la sclérose en plaques
Trouble déficit de l’attention-hyperactivité : évaluation des risques d’utilisation inapropriée ou d’abus du traitement

Stratégies d’optimisation de la santé prostatique

Le présent compte rendu est fondé sur des données médicales présentées lors d'un congrès de médecine reconnu ou publiées dans une revue avec comité de lecture ou dans un commentaire signé par un professionnel de la santé reconnu. La matière abordée dans ce compte rendu s'adresse uniquement aux professionnels de la santé reconnus du Canada.

La 102e Assemblée annuelle de l’American Urological Association

Anaheim, Californie / 19-24 mai 2007

Parallèlement au vieillissement des hommes nord-américains, les affections de la prostate revêtent une importance grandissante, estime le Dr Claus Roehrborn, directeur, département d’urologie, University of Texas, Southwestern Medical Center, Dallas. Aux États-Unis, le Census Bureau estime que le nombre de personnes de 65 ans et plus, qui était de 171 millions en 2000, passera à 327 millions d’ici 2050 dans les pays industrialisés et que, de 249 millions en 2000, il passera à près de 2 milliards dans les pays en développement. Plus de 80 % des hommes de 70 à 80 ans montrent des signes d’hypertrophie bénigne de la prostate (HBP), et la prévalence du cancer de la prostate dépasse 40 % dans ce groupe d’âge.

Physiopathologie et symptômes de l’hypertrophie bénigne de la prostate

La perception contemporaine de l’HBP englobe de multiples changements cliniques, anatomiques et physiopathologiques, explique le Dr Roehrborn. À l’examen histologique, l’hypertrophie du stroma prostatique demeure une caractéristique clé dans de nombreux cas. Cependant, une meilleure compréhension des processus sous-jacents a amené les chercheurs à reconnaître que les symptômes du bas appareil urinaire (SBAU) – qui sont reconnus pour être incommodants – constituent un aspect clinique courant, et que la compression physiopathologique de l’urètre se solde souvent par une obstruction du col vésical. «En raison de ces multiples changements, l’HBP a de vastes retombées sur le patient, indique le Dr Roehrborn. L’affection et les symptômes qui en découlent nuisent à la qualité de vie, soulèvent des préoccupations quant au risque de rétention urinaire aiguë [RUA] et à la nécessité d’une intervention chirurgicale, et causent une gêne substantielle qui peut modifier de nombreux aspects de la vie du patient.»

Mode d’action

Il est également ressorti des études récentes que l’HBP est une affection progressive. Ces données ont permis de mieux reconnaître que, si l’on ne freine pas la progression de la maladie, la RUA et la chirurgie s’ensuivent. L’incidence de la RUA augmente avec l’âge, passant de <1 % chez les hommes de 45 à 49 ans à environ 12 % chez les hommes de 80 à 83 ans. Notre expérience clinique, toujours plus vaste, a révélé que les deux traitements médicamenteux les plus prescrits dans l’HBP, à savoir les alpha-bloquants et les inhibiteurs de la 5-alpha réductase (I5AR), n’agissent pas de la même façon sur l’hypertrophie de la glande prostatique. La progression de l’hypertrophie semble plus probable chez les patients qui reçoivent des alpha-bloquants (Boyle et al. J Urol 2004;46:620-6). De plus, les études récentes ont permis de constater que les I5AR réduisent le risque de traitement invasif et de RUA dans l’HBP, ce qui n’est pas le cas des alpha-bloquants (McConnell et al. N Engl J Med 2003;349:2387-98; Roehrborn et al. Assemblée annuelle de l’AUA de 2006, résumés 1633, 1641).

Les I5AR diffèrent quant à leurs effets sur les processus qui sous-tendent l’HBP. Le finastéride bloque uniquement l’isoforme 2 de l’enzyme 5-alpha réductase (5AR), laquelle joue un rôle prédominant dans l’HBP. En revanche, le dutastéride bloque à la fois les isoformes 1 et 2 de la 5AR, fait remarquer le Dr Roehrborn. Par comparaison au type 2, le type 1 joue un rôle de moindre importance dans l’HBP, mais c’est l’isoforme prédominante dans le cancer de la prostate.

Les deux I5AR bloquent la transformation de la testostérone en dihydrotestostérone (DHT), qui interagit avec le récepteur androgénique de façon à influer sur la croissance et la mort cellulaires, explique-t-il. Cela dit, le dutastéride supprime plus de 90 % de la DHT sérique, par comparaison à environ 70 % pour le finastéride (Roehrborn et al. Urology 2002;60:431-41). Cette double inhibition de la 5AR1 et de la 5AR2 se traduit par une suppression plus marquée et plus constante de la DHT que l’inhibition de la seule 5AR2. Le dutastéride est efficace pour réduire le volume de la prostate et les symptômes qui en découlent ainsi que pour réduire le risque de RUA.

Résultats des études antérieures et en cours

L’étude en cours CombAT (Combination of Avodart and Tamsulosin) devrait aider à clarifier le rôle du traitement d’association dans la prise en charge de l’HBP. Les patients souffrant d’HBP symptomatique reçoivent aléatoirement de la tamsulosine, du dutastéride ou l’association de ces deux agents, et sont suivis pendant quatre ans. Lors de l’étude au protocole similaire MTOPS (Medical Therapy of Prostatic Symptoms), qui visait à évaluer le finastéride, la doxazosine ou l’association des deux, le traitement d’association est l’option qui a globalement donné les meilleurs résultats. Il importe ici de souligner que, lors des essais sur les I5AR dans l’HBP, le dutastéride a été associé à une réduction statistiquement significative de l’incidence du cancer de la prostate comparativement au placebo.

À ce jour, les données les plus probantes sur la chimioprévention du cancer de la prostate émanent de l’essai PCPT (Prostate Cancer Prevention Trial), qui a mis en évidence une réduction de 25 % de l’incidence du cancer de la prostate chez des hommes qui, au départ, ne présentaient aucun signe de cancer et qui ont reçu du finastéride (vs un placebo) pendant une période pouvant atteindre sept ans (Thompson et al. N Engl J Med 2003;349:215-24). Les chercheurs ont toutefois noté une incidence plus élevée de cancers de grade élevé dans le groupe I5AR que dans le groupe placebo. Le Dr Gerald Andriole, chef de la division de chirurgie urologique, Siteman Cancer Center, et professeur titulaire de chirurgie urologique, Washington University School of Medicine, St. Louis, Missouri, a fait mention de plusieurs théories possibles, notamment que le finastéride pourrait inhiber spécifiquement les tumeurs de faible grade ou favoriser les tumeurs de grade élevé, ou qu’il pourrait s’agir d’un artefact d’échantillonnage (biopsique) lié à la diminution du volume de la glande sous l’effet du finastéride (Mellon JK. Eur J Cancer 2005;41:2016-22). L’artefact semble la raison la plus plausible du taux plus élevé de tumeurs de grade élevé dans le groupe de traitement actif.

L’étude en cours REDUCE (Reduction by Dutasteride of Prostate Cancer Events) permettra probablement de déterminer si le dutastéride peut prévenir l’apparition d’un cancer de la prostate chez des patients exposés à un risque plus élevé que les sujets de l’essai PCPT. Ainsi, en vertu des critères d’inclusion, sont admissibles les sujets dont le taux d’antigène spécifique de la prostate (PSA) est égal ou inférieur à 10 ng/mL, alors que pour participer à l’essai PCPT, les patients devaient avoir un taux de PSA <3 ng/mL (Gomella LG. Curr Opin Urol 2005;15:29-32). Les résultats de cette étude pourraient brosser un tableau plus clair de la réduction du risque au sein d’une population à risque élevé.

De l’avis du Dr Andriole, les données à notre disposition montrent que «le dutastéride est, tant sur le plan biochimique que clinique, un meilleur médicament que le finastéride pour traiter l’HBP et possiblement prévenir le cancer de la prostate».

Rôle de l’inflammation

Des chercheurs canadiens ont rapporté un lien entre l’inflammation initiale de la prostate et la sévérité des SBAU chez les sujets de REDUCE. Le degré d’inflammation confirmée par biopsie au départ était corrélé de manière significative avec la sévérité des symptômes, l’irritation, l’obstruction (p<0,0001 dans tous les cas) et la nycturie (p=0,0003), souligne le Dr J. Curtis Nickel, professeur titulaire d’urologie, Queen’s University, Kingston, Ontario.

Ce lien étant maintenant reconnu, nous serons en mesure de déterminer l’importance du rôle de l’inflammation dans les SBAU. «Les données de l’essai MTOPS semblaient indiquer que l’inflammation joue un rôle important dans la progression de l’HBP et des SBAU, précise le Dr Nickel. Grâce aux résultats de l’essai REDUCE, nous pourrons déterminer de manière prospective si l’inflammation initiale permet de prédire le risque de progression et si elle joue un rôle dans l’apparition du cancer de la prostate. Nous serons aussi en mesure de voir si le dutastéride influe sur la progression.»

Une autre analyse des données initiales de l’essai REDUCE a mis en évidence un lien entre l’HBP et les composantes du syndrome métabolique. Les chercheurs ont noté une corrélation significative entre, d’une part, l’HBP et, d’autre part, l’obésité, l’hypertension, un indice de masse corporelle élevé, une glycémie élevée et un faible taux de C-HDL, rapporte le Dr Steven Kaplan, professeur titulaire d’urologie, Cornell University, New York. Le lien entre l’HBP et le syndrome métabolique justifie une exploration plus approfondie, ajoute-t-il, à la lumière de données récentes montrant que le syndrome métabolique pourrait contribuer à l’hypertrophie de la prostate (Ozden et al. Eur Urol 2007;51:199-203).

Le Dr Roehrborn et ses collaborateurs ont quant à eux fait état d’un lien entre le score des symptômes au départ et la diminution subséquente des symptômes pendant la phase préliminaire des essais CombAT et REDUCE où les sujets recevaient un placebo. L’analyse combinée des données initiales de ces deux essais a mis au jour un lien positif entre le score des symptômes signalés au moment de la présélection et la diminution des symptômes pendant la phase placebo qui a précédé le traitement randomisé. La population de REDUCE est venue enrichir la base de données en y ajoutant des hommes dont le score des symptômes était faible; il sera donc possible d’obtenir de précieux renseignements sur les paramètres de l’HBP chez les hommes qui ont une prostate de petite taille et des symptômes bénins, affirme le Dr Roehrborn.

Résumé

Des études récentes nous ont permis de mieux comprendre la physiopathologie de l’HBP. Il est ressorti de l’essai MTOPS que le traitement d’association pourrait être une option dans l’HBP. La recherche a aussi révélé que le finastéride, un I5AR, permet de retarder la progression de l’HBP lorsqu’il est administré dans le cadre d’un traitement d’association. Le dutastéride – l’autre I5AR, qui inhibe les deux types d’isoenzymes et diminue le volume de la prostate – fait actuellement l’objet d’une étude sur la chimioprévention du cancer de la prostate. La divulgation de nouvelles données de l’essai CombAT au début de septembre suscitera sans doute beaucoup d’intérêt.

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