Comptes rendus

Retombées de l’insuline en inhalation sur la maîtrise de la glycémie
Stratégies d’optimisation de la santé prostatique

Stratégies novatrices pour améliorer l’efficacité clinique des traitements actuellement à notre disposition dans la sclérose en plaques

Le présent compte rendu est fondé sur des données médicales présentées lors d'un congrès de médecine reconnu ou publiées dans une revue avec comité de lecture ou dans un commentaire signé par un professionnel de la santé reconnu. La matière abordée dans ce compte rendu s'adresse uniquement aux professionnels de la santé reconnus du Canada.

59e Assemblée annuelle de l’American Academy of Neurology

Boston, Massachusetts / 28 avril-5 mai 2007

Dans les années à venir, le traitement de la sclérose en plaques (SEP) rémittente pourrait reposer sur de multiples agents dotés de modes d’action distincts, l’objectif étant de mieux supprimer la progression de la maladie et de réduire davantage la fréquence des poussées. Plus précisément, il a été démontré qu’un traitement d’induction de courte durée par un immunosuppresseur suivi d’un traitement immunomodulateur diminue l’incidence des lésions rehaussées et la fréquence des poussées de façon plus marquée qu’un seul traitement immunomodulateur.

«Il est possible de se servir des traitements actuellement à notre disposition et de les utiliser en tandem de façon rationnelle afin d’obtenir un effet beaucoup plus marqué et ainsi contribuer d’emblée à prévenir l’apparition de lésions cérébrales pour que les patients bénéficient plus tard d’une meilleure réserve crânienne et qu’ils soient à la fois plus fonctionnels et moins handicapés», affirme le Dr Timothy L. Vollmer, directeur, division de neurologie, Barrow Neurological Institute, St. Joseph’s Hospital and Medical Center, Phoenix, Arizona. «Il est essentiel de préserver la fonction cérébrale dès le départ.»

Un grand nombre de stratégies tirent avantage des effets immunomodulateurs et neuroprotecteurs de l’acétate de glatiramère (AG), lequel modifie les profils des cytokines produits par les cellules T dirigées contre le système nerveux central (SNC) (transition des Th1 vers les Th2) tout en régulant les cellules Th1 autoagressives à la baisse. Les cellules Th2 traversent la barrière hémato-encéphalique pour rejoindre le SNC où elles sécrètent des cytokines anti-inflammatoires et des facteurs de croissance qui favorisent la neuroprotection.

Traitement d’induction pour une réduction plus précoce et soutenue de l’activité de la maladie

Des études cliniques préliminaires ont révélé qu’un traitement immunosuppresseur de courte durée par la mitoxantrone suivi d’un traitement par l’AG était sûr et plus efficace qu’un traitement par l’AG seul pour prévenir l’apparition de lésions prenant le gadolinium (Gd+) et réduire la fréquence annuelle des poussées. Selon les premières données cliniques sur l’administration d’un traitement d’induction par la mitoxantrone pendant trois mois préalablement au traitement par l’AG, le nombre total moyen de lésions Gd+ à 15 mois avait baissé d’environ 90 % sous l’effet du traitement d’association, par comparaison à l’AG seul (p=0,0147). Dans cette étude randomisée portant sur 40 patients, on a aussi observé une tendance à la baisse de la fréquence des poussées dans le groupe traitement d’induction.

La supériorité du traitement d’induction par la mitoxantrone suivi du traitement par l’AG, par rapport à l’AG en monothérapie, pour ce qui est de réduire le nombre de lésions Gd+ s’est maintenue pendant une période pouvant atteindre 24 mois, souligne le Dr Vollmer. Vingt-huit des 40 patients inscrits dans cette étude ont pu être suivis à 24 mois. À leur admission à l’étude principale, ils ont reçu soit trois perfusions mensuelles de mitoxantrone puis 20 mg/jour d’AG pendant 21,5 mois, soit 20 mg/jour d’AG pendant 24 mois. Pour être admissibles, les patients devaient présenter au moins une lésion Gd+ au moment de leur examen IRM de présélection et une cote EDSS (Expanded Status Scale) de 6,5 ou moins.

Après 24 mois de traitement, l’activité de la maladie mesurée à l’IRM demeurait 90 % plus faible qu’au départ dans la cohorte mitoxantrone/AG alors que le nombre moyen de lésions Gd+ avait baissé de 59 % par rapport aux valeurs initiales dans le groupe AG seul. À la visite de 24 mois, la fréquence moyenne des poussées était semblable dans les deux groupes (0,26 dans le groupe mitoxantrone/AG vs 0,23 dans le groupe AG).

Au Royaume-Uni, on utilise déjà la stratégie séquentielle mitoxantrone/AG chez les patients dont la maladie est de mauvais pronostic, affirme le Dr Jason Ramtahal, Walton Centre for Neurology and Neurosurgery, University of Liverpool, Royaume-Uni. Son étude portait sur le traitement mitoxantrone/AG chez 18 patients qui étaient suivis en raison de poussées continues sous interféron bêta-1a (IFNß-1a). Lors du suivi le plus récent, l’incapacité telle que mesurée par la cote EDSS s’était stabilisée ou avait diminué chez 16 des 18 patients.

Exploration des mécanismes

Parallèlement à la diminution du nombre de lésions Gd+ sous l’effet de l’association mitoxantrone/AG après 15 mois de traitement, on a observé des effets favorables sur les marqueurs IRM du volume lésionnel et de l’atteinte tissulaire, explique le Dr Douglas L. Arnold, CUSM – Institut et Hôpital neurologiques de Montréal, Québec. Lorsque les chercheurs ont évalué les clichés IRM des patients qui recevaient l’association mitoxantrone/AG ou l’AG seul, ils ont observé, en faveur du traitement mitoxantrone/AG, des différences significatives par rapport aux valeurs initiales sur les plans du volume de lésions pondérées en T2 (p=0,0139), du volume de lésions pondérées en T1 (p=0,0303) et de la proportion de lésions Gd+ évoluant vers des trous noirs chroniques (p=0,0023), précise-t-il.

Le volume moyen de lésions pondérées en T2 est passé de 10,35 mL au départ à 8,77 mL à 15 mois dans le groupe mitoxantrone/AG (p=0,0103) alors qu’il est essentiellement resté inchangé dans le groupe AG seul (7,25 mL au départ vs 7,63 mL à 15 mois). Quelque 0,01 % des lésions Gd+ ont progressé vers des trous noirs chez les patients du groupe mitoxantrone/AG vs 0,20 % des lésions chez ceux du groupe AG seul. «En prévenant les trous noirs chroniques et, partant, la destruction tissulaire permanente, on peut ralentir la progression de la maladie», poursuit le Dr Arnold. Les résultats «donnent à penser que l’induction d’une activité anti-inflammatoire rapide par la mitoxantrone suivie d’une immunomodulation par l’AG pourrait avoir sa place dans l’algorithme de traitement de la SEP rémittente active», conclut-il.

Au sein d’un sous-groupe de 21 sujets de cette même étude clinique, le Dr Amit Bar-Or, CUSM – Institut et Hôpital neurologiques de Montréal, a constaté que l’amélioration des paramètres cliniques et IRM sous l’effet du traitement d’induction par la mitoxantrone suivi du traitement par l’AG ne témoignait pas d’une plus grande capacité de polarisation Th2 médiée par l’AG après une immunosuppression, mais plutôt des effets anti-inflammatoires combinés de la mitoxantrone et de l’AG .

Dans cette étude, les anticorps anti-AG sériques (IgG totales : IgG1, IgG2, IgG3, IgG4) décelés par la technique ELISA ont fait l’objet de mesures en série. (Le lien entre les anticorps IgG1 et IgG4 dirigés contre l’AG est un marqueur de la polarisation Th2 médiée par l’AG.) Le traitement d’induction par la mitoxantrone a semblé atténuer partiellement et/ou retarder la transition des IgG1 vers les IgG4 qui est caractéristique de la polarisation Th2. À 12 mois, dans le groupe de traitement d’association, les IgG1, IgG2 et IgG3 affichaient une tendance à la baisse alors que l’IgG4 a affiché une tendance à la hausse entre les mois 3 et 12. Après l’induction initiale d’anticorps anti-AG, le traitement par l’AG seul ou le traitement d’induction par la mitoxantrone suivi de l’AG était associé à une diminution des IgG1 et à une augmentation des IgG4. Ces données, couplées aux mesures IRM de l’activité de la maladie, semblent indiquer que l’efficacité supérieure de l’association mitoxantrone/AG ne repose pas sur une polarisation Th2 plus prononcée, mais qu’elle reflète plutôt les effets anti-inflammatoires combinés de la mitoxantrone et de l’AG.

«L’effet plus marqué du traitement d’association sur les lésions Gd+ à l’IRM pendant l’étude de 15 mois pourrait témoigner de modes d’action supplémentaires de l’AG, comme l’induction d’une anergie des cellules T, la synthèse de cellules T régulatrices et/ou un effet persistant de la mitoxantrone», explique le Dr Bar-Or. Les deux nouvelles analyses soulèvent la possibilité que, si le traitement d’induction par la mitoxantrone atténue certains effets immunomodulateurs de l’AG, il ne nuit pas aux effets neuroprotecteurs du traitement, indique-t-il.

Autres stratégies d’association

Les résultats préliminaires de l’ajout d’un inhibiteur des métalloprotéinases matricielles au traitement immunomodulateur sont aussi prometteurs. Chez des patients atteints d’une SEP rémittente, l’ajout de 100 mg de minocycline b.i.d. à 20 mg/jour d’AG, par comparaison à l’AG seul, a donné lieu à une tendance à la baisse marquée du nombre de lésions rehaussées en T1, du nombre de nouvelles lésions en T2 et du risque de poussée, rapporte la Dre Luanne Metz, département des neurosciences cliniques, University of Calgary, Alberta. Les essais réalisés antérieurement dont l’objectif était de valider le concept ont révélé que la minocycline en monothérapie réduisait le nombre de lésions Gd+ et qu’elle était bien tolérée, affirme la Dre Metz. En outre, on avait déjà découvert que l’association minocycline/AG atténuait l’inflammation neuronale, la perte axonale et la démyélinisation dans un modèle animal de la SEP.

Des études comparatives d’imagerie cérébrale fournissent de nouveaux indices

Des études d’imagerie cérébrale ont permis de continuer à élucider les modes d’action de l’IFNß-1b et de l’AG dans la SEP rémittente. L’une de ces études était axée sur l’apparition de nouvelles lésions cérébrales sur les clichés IRM de patients admis à l’étude BECOME (Betaseron vs. Copaxone in MS with Triple-dose Gadolinium and 3-T MRI), lors de laquelle 75 patients ont reçu aléatoirement l’IFNß-1b ou l’AG. On a eu recours à trois techniques pour optimiser la détection de lésions à l’IRM : triple dose de Gd, prolongation du délai post-injection de Gd et IRM à 3 Tesla.

Dans le cadre d’une autre étude, des chercheurs de Wayne State University, Détroit, Michigan, ont eu recours à une combinaison de l’IRM par transfert d’aimantation (TA) et de la spectroscopie par résonance magnétique (1H-MRS) pour étudier les propriétés mécanistes de l’IFNß-1b et de l’AG et l’atteinte tissulaire chez les patients qui recevaient ces agents. Vingt-neuf patients n’ayant jamais été traités ont reçu soit l’IFNß-1b à forte dose, soit l’AG, et ont subi un examen d’imagerie cérébrale combinant l’IRM par TA et la 1H-MRS au départ et à un an. Les chercheurs ont constaté que l’augmentation du ratio de TA (RTA) moyen des tissus du cerveau entier par rapport au RTA initial était statistiquement significative seulement chez les patients du groupe AG. Le RTA moyen des tissus du cerveau entier a augmenté de 2,78 % (p=0,01) chez les patients du groupe AG vs 1,94 % (n.s.) chez les patients du groupe IFNß-1b. «Cela semble indiquer que l’AG pourrait atténuer les lésions secondaires à l’inflammation ou à la dégénérescence continues et favoriser un environnement propice à la réparation dans le SNC», affirme l’investigateur principal, le Dr Omar Khan.

De même, l’administration de chaque agent a stabilisé le ratio NAA:Cr (N-acétyle aspartate:créatine), mais l’amélioration était statistiquement significative sous AG. Le ratio NAA:Cr dans le volume central d’intérêt s’est amélioré de 7,8 % (p=0,03) dans le groupe AG alors qu’il s’est amélioré de 1,2 % (n.s.) dans le groupe IFNß-1b. Ce résultat sous-entend que l’AG protège les mitochondries neuronales/axonales fonctionnelles contre les lésions sublétales, ajoute le Dr Khan. Le traitement par l’IFNß-1b ou l’AG a diminué les lésions Gd+ de 68 % et de 28 %, respectivement.

«Nos observations portent à croire que les lésions axonales et l’intégrité de la myéline pourraient être affectées indépendamment de l’activité au niveau de la barrière hémato-encéphalique et que la combinaison de l’IRM en TA et de la 1H-MRS pourrait capter cet aspect pathologique de la SEP de manière sensible et fiable», de conclure les auteurs.

Données d’études chez l’animal

Des modèles animaux de la SEP ont permis d’objectiver les effets neuroprotecteurs de l’AG. Des chercheurs de la University of Calgary ont présenté des résultats d’études chez l’animal montrant que l’administration quotidienne d’AG par voie sous-cutanée augmentait le nombre de cellules précurseurs d’oligodendrocytes (OPC) in vivo aux sites de démyélinisation de la moelle épinière. Chez la souris, la stimulation par l’AG de macrophages provenant de la moelle osseuse a été associée à une synthèse accrue d’IGF-1 (insulin-like growth factor-1), de PDGF (platelet-derived growth factor) et de BDNF (brain-derived neurotrophic factor), lesquels sont tous d’importants facteurs de croissance des OPC. Par conséquent, non seulement l’AG agit-il sur les cellules T, mais il influence aussi favorablement l’oligodendrogenèse (par l’intermédiaire d’une augmentation des facteurs de croissance) et la remyélinisation des lésions, notent les chercheurs.

La recherche sur l’encéphalomyélite auto-immune expérimentale (EAE), modèle animal établi de la SEP, a permis d’objectiver le rôle central du BDNF dans le mode d’action de l’AG et le maintien de l’intégrité axonale. Comme l’explique la Dre Rina Aharoni, Weizmann Institute of Science, Rehovot, Israël, l’analyse de moelles épinières par microscopie électronique a révélé que le traitement de l’EAE par l’AG se traduisait par une augmentation substantielle des progéniteurs d’oligodendrocytes dans les lésions et qu’il pourrait même stimuler la remyélinisation, ce qui témoigne de l’effet neuroprotecteur de l’AG sur la myéline. La démyélinisation est le principal mécanisme pathologique de la SEP, et un traitement qui prévient la démyélinisation et/ou induit la remyélinisation revêt une importance cruciale si l’on aspire à retarder ou à prévenir l’incapacité neurologique permanente, poursuit la Dre Aharoni.

Traitements futurs en développement

En tant qu’agent immunorégulateur oral exempt de propriétés immunosuppressives générales, le laquinimod s’est révélé capable de réduire significativement l’activité de la maladie à l’IRM dans le cadre d’une étude de phase IIb réalisée chez des patients atteints de SEP rémittente. Lors de cette étude, 306 patients qui avaient subi au moins une poussée au cours de l’année précédant leur admission et qui présentaient au moins une lésion Gd+ au moment de la présélection ont reçu aléatoirement 0,3 ou 0,6 mg/jour de laquinimod ou un placebo. Les examens IRM ont eu lieu une fois par mois entre les semaines 12 et 36. Chez les patients qui ont reçu 0,6 mg/jour de laquinimod par voie orale, on a observé une réduction significative de 38 % (p=0,0048) du nombre cumulatif de lésions Gd+ par cliché IRM lors des quatre derniers clichés IRM, par comparaison au placebo, rapporte le Dr Giancarlo Comi, Università Vita-Salute San Raffaele, Milan, Italie.

Parmi les autres démarches envisagées pour traiter la SEP, citons le ciblage sélectif des cellules B et l’amélioration de la conduction nerveuse dans les fibres atteintes. Le rituximab, anticorps thérapeutique, cible sélectivement les cellules B CD20+ et entraîne leur déplétion. Dans le cadre d’une étude de phase II réalisée à double insu qui portait sur 104 patients atteints de SEP rémittente, cet agent a été associé à une réduction de 91 % (p<0,0001) du nombre total de lésions Gd+ en T1 par patient après 24 semaines, note le Dr Stephen Hauser, University of California, San Francisco. Sur une période de 24 semaines, la fréquence des poussées a aussi baissé de 58 % dans le groupe rituximab, ce qui était significatif (p=0,0238).

Des expériences en laboratoire ont révélé que la fampridine-SR, agent expérimental qui s’administre par voie orale, améliore la conduction nerveuse dans les fibres dont la gaine de myéline a été endommagée. Dans le cadre d’une étude de phase III avec placebo qui regroupait 301 patients atteints de SEP, le nombre de répondeurs au test de marche chronométrée sur 25 pieds était significativement plus élevé dans le groupe de traitement actif que dans le groupe placebo (34,8 % vs 8,3 %; p<0,0001), explique le Dr Andrew Goodman, Multiple Sclerosis Center, University of Rochester, New York.

Commentaires

Nous vous serions reconnaissants de prendre 30 secondes pour nous aider à mieux comprendre vos besoins de formation.