Comptes rendus

Rôle du tube digestif dans le métabolisme des lipides et le risque cardiovasculaire
Optimisation des résultats du traitement à différents stades de la maladie de Parkinson

Stratégies pour lutter contre l’obésité abdominale, facteur responsable de l’augmentation du risque cardiométabolique

Le présent compte rendu est fondé sur des données médicales présentées lors d'un congrès de médecine reconnu ou publiées dans une revue avec comité de lecture ou dans un commentaire signé par un professionnel de la santé reconnu. La matière abordée dans ce compte rendu s'adresse uniquement aux professionnels de la santé reconnus du Canada.

Congrès canadien sur la santé cardiovasculaire de 2007

Québec, Québec / 20-24 octobre 2007

Revue du contenu :

David C.W. Lau, MD, PhD, FRCPC

Professeur titulaire de médecine, de biochimie et de biologie moléculaire

Julia McFarlane Diabetes Research Centre , Directeur, groupe de recherche sur le diabète et les troubles endocriniens

University of Calgary , Calgary, Alberta

Le risque cardiométabolique – nouvelle notion qui se définit comme le risque global de maladie cardiovasculaire (CV) et de diabète de type 2 auquel est exposé un patient – est déterminé par l’évaluation des facteurs de risque traditionnels et la présence d’autres anomalies métaboliques souvent rencontrées chez le patient porteur d’une obésité abdominale. De l’avis de certains chercheurs, dont le Dr Jean-Pierre Després, directeur de la recherche en cardiologie, Institut de cardiologie de Québec, et professeur titulaire, département des sciences de la nutrition, Université Laval, Québec, la notion de risque cardiométabolique ne devrait pas remplacer la notion de syndrome métabolique dans les lignes directrices canadiennes sur le traitement des dyslipidémies et les lignes directrices rédigées sous la direction du président du National Cholesterol Education Program ATP III, le Dr Scott Grundy, directeur, Center for Human Nutrition, University of Texas, Dallas.

Un grand nombre d’entre nous recommandent plutôt de continuer à utiliser l’équation de Framingham pour déterminer le risque CV du patient sur 10 ans, puis de déterminer si le patient est porteur de la constellation des anomalies athérothrombotiques et inflammatoires qui définissent le syndrome métabolique et qui augmentent le risque cardiométabolique global.

Tour de taille hypertriglycéridémique

Une évaluation précise du risque CV est essentielle à la pratique clinique. Si le patient est classé à tort comme étant exposé à un risque faible ou moyen d’événement CV plutôt qu’à un risque élevé, nous ratons l’occasion d’intervenir au moment opportun. Les résultats récents de l’étude EPIC (European Prospective Investigation of Cancer)-Norfolk ont jeté un éclairage nouveau sur la classification du risque. Comme l’explique le Dr Després, les investigateurs de l’étude EPIC-Norfolk ont analysé le risque en fonction de l’absence ou de la présence d’un «tour de taille hypertriglycéridémique» chez des hommes et des femmes qui avaient développé la maladie coronarienne sur une période de huit ans. Les chercheurs de l’Université Laval ont créé ce terme après avoir constaté que la probabilité de répondre aux critères du syndrome métabolique était d’environ 10 % chez les hommes d’âge moyen dont le tour de taille (TT) était <90 cm et la triglycéridémie, <2,0 mmol/L, vs environ 80 % chez ceux dont le TT était ³90 cm et la triglycéridémie, ³2,0 mmol/L. Chez la femme, les seuils correspondants étaient un TT <85 cm et une triglycéridémie <1,5 mmol/L (faible risque) vs un TT ³85 cm et une triglycéridémie ³1,5 mmol/L (risque élevé).

Même lorsque les investigateurs d’EPIC-Norfolk – qui était une étude de longue haleine – ajustaient le risque individuel en fonction du risque initial déterminé par l’équation de Framingham, le risque d’apparition de la maladie coronarienne chez l’homme était nettement plus élevé en présence d’un TT hypertriglycéridémique. Sa présence était un prédicteur encore plus important de la maladie coronarienne chez la femme que chez l’homme. Il serait donc possible qu’une vaste proportion d’hommes et de femmes à risque élevé de maladie coronarienne selon l’équation de Framingham soit également exposée à un risque élevé quand on tient compte de la présence d’un TT hypertriglycéridémique.

Néanmoins, un TT élevé et la présence d’une hypertriglycéridémie ont amené les chercheurs à reclasser à la hausse environ 400 hommes de l’étude EPIC-Norfolk dont le risque avait été déterminé par l’équation de Framingham. Le taux d’événement coronarien était considérablement plus élevé chez ces hommes que chez ceux qui n’avaient pas de TT hypertriglycéridémique. C’était aussi le cas d’une proportion importante de femmes.

Le TT est maintenant largement reconnu comme un meilleur prédicteur des facteurs de comorbidité liés à l’obésité que l’indice de masse corporelle (IMC). Dans les lignes directrices factuelles de pratique clinique publiées récemment au Canada sur la prise en charge et la prévention de l’obésité chez les adultes et les enfants, on recommande maintenant de mesurer le TT chez tous les adultes, le TT étant considéré comme un «nouveau signe vital» qui permet de mieux évaluer le risque pour la santé (Lau et al. CMAJ 2007;176[suppl 8]:S1-S13). De plus, les auteurs des lignes directrices canadiennes ont retenu les seuils du TT spécifiques des groupes ethniques que la Fédération internationale du diabète utilise comme critères définitoires dans sa classification du syndrome métabolique. L’étude IDEA (International Day for the Evaluation of Abdominal Obesity) dont les résultats ont été publiés récemment (Balkau et al. Circulation 2007;116:1942-51) a confirmé que le TT est plus solide que l’IMC en tant que prédicteur des événements CV et du diabète. Dans le cadre de l’étude IDEA, Balkau et al. ont demandé à des médecins de première ligne de 63 pays de mesurer à la fois le TT et l’IMC. Environ 29 % des plus de 69 000 sujets de sexe masculin de l’étude IDEA avaient un TT supérieur à 102 cm et 48 % des plus de 98 000 sujets de sexe féminin de la même étude avaient un TT supérieur à 88 cm, ces seuils étant les critères définitoires du syndrome métabolique. Un lien progressif a été établi entre l’obésité abdominale – telle que définie par le TT – et à la fois la maladie CV et le diabète à tous les niveaux de l’IMC, même chez les patients qualifiés de «minces».

Ce lien était systématique chez les hommes et les femmes de toutes les régions géographiques ciblées par l’enquête, malgré une différence pouvant aller du simple au triple dans la fréquence générale de la maladie CV et du diabète entre les différentes régions. Dans leur conclusion, les investigateurs de l’étude IDEA recommandent aux médecins de première ligne de mesurer le TT systématiquement, cette mesure étant un outil «pratique et bon marché» pour mieux évaluer le risque individuel de maladie CV et de diabète, même chez les patients de poids normal. Il importe de préciser que, dans n’importe quel niveau de l’IMC, le TT peut varier considérablement, jusqu’à 12 cm, si l’on en croit un sondage réalisé auprès de la population du Québec.

Intervention Ciblée

Il est clair que l’on doit cibler l’obésité abdominale pour réduire le risque cardiométabolique, mais y a-t-il des données montrant que l’on peut effectivement réduire ce risque et de quelle façon on peut y arriver? Une autre étude présentée par le Dr Després donne à penser que la modification des habitudes de vie permet de mobiliser une quantité appréciable de graisse viscérale. Dans l’étude en cours SYNERGIE sur les habitudes de vie qui est menée par l’Université Laval, il a été démontré que des hommes porteurs d’une obésité abdominale ayant été randomisés dans le groupe qui rendait visite une fois par mois à un(e) diététiste et à un(e) kinésiologiste avaient perdu en moyenne 9 cm de TT après un an, même si leur IMC n’avait pas varié de façon appréciable pendant la même période.

Fait encore plus important, les dépôts de graisse viscérale ont diminué de façon substantielle, même chez les participants qui ont perdu moins de 10 % de leur poids corporel. Ceux d’entre nous qui travaillent avec des patients diabétiques n’insisteront jamais assez sur l’importance pour ces patients de modifier leurs habitudes de vie afin de réduire le risque élevé de maladie CV qui accompagne le diabète.

Il en va de même pour les patients exposés à un risque cardiométabolique élevé, chez qui la restriction calorique et l’activité physique accrue sont essentielles. Cela dit, force nous est de constater que nous ne réussissons pas très bien à faire adopter ces nouvelles habitudes de vie apparemment simples. Les traitements pharmacologiques actuellement à notre disposition nous permettent seulement de cibler une à une les anomalies métaboliques qui contribuent au risque cardiométabolique global du patient.

La découverte du système endocannabinoïde – dont l’importance a été comparée par certains à celle de la découverte des récepteurs du cholestérol des LDL – donne toutefois à penser qu’une intervention unique pourrait cibler l’obésité abdominale en tant que telle et plusieurs des anomalies métaboliques qui l’accompagnent.

Système endocannabinoïde

Le système endocannabinoïde est vraiment la voie par excellence à cibler chez les patients exposés à un risque cardiométabolique élevé, explique le Dr Rafael Maldonado, professeur titulaire de pharmacologie, Universidad Pompeu Fabra, Barcelone, Espagne. Essentiellement, le système endocannabinoïde active sélectivement les récepteurs cannabinoïdes, dont les récepteurs CB1 qui sont exprimés à la fois dans le système nerveux central (SNC) et les tissus périphériques, notamment les adipocytes, le foie, les muscles squelettiques et le pancréas. Lorsque les récepteurs CB1 du SNC sont activés, le système endocannabinoïde module l’appétit et la satiété, poussant l’individu à manger et à faire fi de la sensation de satiété.

L’activation des récepteurs CB1 des adipocytes stimule l’accumulation de graisse et bloque l’expression de l’adiponectine, la «bonne» cytokine qui favorise la perte de graisse et atténue la résistance à l’insuline. Dans le foie, l’activation des mêmes récepteurs stimule la synthèse des acides gras alors que, dans le muscle squelettique, leur activation augmente la résistance à l’insuline; dans le pancréas, leur activation entraîne une hyperinsulinémie.

En temps normal, le système endocannabinoïde est activé et inactivé sur demande, et son activation n’est que transitoire. Cependant, en présence d’obésité, surtout d’obésité abdominale, le même système est chroniquement activé, ce qui explique qu’il perpétue l’obésité et le diabète de type 2, souligne le Dr Maldonado. Le blocage de l’activité du récepteur CB1 fait échec à tous ces processus, d’où une diminution de l’appétit, une accumulation moindre de graisse dans les adipocytes, une élévation du taux d’adiponectine, une diminution de la lipogenèse, une augmentation de la sensibilité à l’insuline au niveau du foie et du muscle squelettique, et une diminution de l’hyperinsulinémie qui résulterait autrement de l’activation des récepteurs CB1 du pancréas.

Le blocage des récepteurs CB1 exerce tous ces effets métaboliques favorables, quel que soit l’apport de nourriture, ce qui contribue à réduire le risque cardiométabolique global même si le patient ne perd pas beaucoup de poids.

Programme de recherche clinique

Le premier antagoniste des récepteurs CB1 à être évalué à fond est le rimonabant dans le cadre du programme de recherche clinique RIO (Rimonabant in Obesity). Ce programme comportait quatre essais dont le plan était identique, mais dont la population différait légèrement. Les essais RIO-North America et RIO-Europe ont été réalisés chez des sujets qui présentaient une surcharge pondérale ou qui étaient obèses, alors que RIO-Lipids a été réalisé chez des sujets dyslipidémiques et RIO-Diabetes, chez des sujets diabétiques.

Comme l’explique le Dr Luc Van Gaal, professeur titulaire de médecine, Hôpital universitaire d’Anvers, Belgique, les sujets de tous les essais RIO étaient randomisés de façon à recevoir du rimonabant à 5 mg ou à 20 mg ou un placebo. Ils recevaient tous des conseils pour parvenir à modifier leurs habitudes de vie, et voyaient entre autres un(e) diététiste à intervalles réguliers. Quelque 6600 patients ont participé à l’ensemble du programme. Après un an, les patients qui avaient reçu 20 mg d’agent actif avaient perdu en moyenne 8,5 cm de TT et 8,6 kg de poids corporel, ce qui donne à penser qu’à chaque kilogramme de poids corporel perdu correspondait une réduction de 1 cm du TT.

Fait digne de mention, la mesure de la graisse viscérale par tomodensitométrie dans le groupe de traitement actif a confirmé que la diminution de 8,5 cm du TT était à peu près l’équivalent d’une diminution de 30 % à 35 % de la graisse viscérale, ce qui représente une importante diminution du risque cardiométabolique. Après deux ans, la réduction du TT et du poids moyens dans le groupe 20 mg était demeurée similaire : 7,5 cm et 7,2 kg, respectivement. Toujours après deux ans, la réduction moyenne correspondante du TT et du poids chez les témoins sous placebo se chiffrait respectivement à 3,4 cm et à 2,5 kg.

Beaucoup d’entre nous sont convaincus que l’élévation du taux de C-HDL devrait contribuer à réduire le risque cardiométabolique global, car le C-HDL favorise l’efflux de cholestérol cellulaire, inhibe l’oxydation des particules de C-LDL et pourrait limiter l’expression des molécules d’adhésion, rappelait le Dr Van Gaal à l’auditoire. Le taux de C-HDL est souvent faible chez les patients dont le risque cardiométabolique est élevé. Ainsi, et c’est là un résultat important du programme RIO, le rimonabant a augmenté le taux de C-HDL d’environ 20 % par rapport au taux initial et de 9 % à 10 % par rapport au taux observé dans le groupe placebo.

Ces élévations s’accompagnaient d’une diminution concomitante du taux de triglycérides. Le même effet bénéfique du traitement actif sur les taux de C-HDL et de triglycérides a été noté en présence comme en l’absence d’une statine, souligne le Dr Van Gaal. Le traitement par le rimonabant ne vise nullement à remplacer le traitement par une statine, puisqu’il a peu d’effet sur le C-LDL.

Les résultats de l’un des essais connexes, RIO-Lipids, a aussi mis au jour une réduction significative des particules de LDL petites et denses – qui sont plus athérogènes – chez les patients qui recevaient 20 mg de rimonabant, ce qui semble indiquer que le traitement actif permettrait également une transition vers des particules de LDL moins athérogènes. Au nombre des autres effets métaboliques bénéfiques observés en réponse à l’agent actif fortement dosé, citons une augmentation significative de 46 % du taux d’adiponectine par rapport au taux initial de même qu’une réduction significative de la glycémie post-prandiale à deux heures. Chez les patients qui présentaient une intolérance au glucose dès le départ, on a aussi observé une tendance à la normalisation de la tolérance au glucose dans le groupe de traitement actif.

Au terme de l’essai RIO-Diabetes, la perte de poids corporel était moins marquée (en moyenne, 5,3 kg dans le groupe rimonabant à 20 mg), tout comme la réduction du TT (en moyenne, 5,2 cm). Cela était toutefois prévisible, car les sujets diabétiques ont presque toujours plus de difficulté à perdre du poids. Le traitement actif a également été associé à une réduction de 0,7 % du taux d’hémoglobine A1C, ce qui est assez impressionnant, car la glycémie des sujets de l’essai RIO-Diabetes était déjà bien équilibrée au départ.

Les chercheurs ont aussi analysé les données en fonction des catégories de perte de poids chez l’ensemble des sujets de RIO. Ils ont conclu de cette analyse que le blocage des récepteurs CB1 exerce sur les paramètres métaboliques un effet bénéfique indépendant de la perte de poids qui découle probablement des effets directs de la molécule sur l’adipocyte et d’autres tissus où elle est active. L’incidence des nausées, des étourdissements, de la diarrhée, de l’anxiété et des troubles de l’humeur était légèrement plus élevée dans le groupe de traitement actif que dans le groupe placebo.

Résumé

Le tour de taille est un nouveau signe vital et, comme la tension artérielle, on devrait le mesurer dans la pratique clinique au quotidien pour déterminer le risque qu’il représente pour la santé. Nous devons toutefois user de prudence lorsque nous tentons de définir le risque cardiométabolique individuel, d’abord parce que les multiples classifications du risque peuvent prêter à confusion et ensuite parce que nous n’avons pas encore de données cliniques montrant hors de tout doute que la réduction du risque cardiométabolique améliore l’issue cardiovasculaire. Nous aurons sans doute ces données en main lorsque l’étude CRESCENDO (Comprehensive Rimonabant Evaluation Study of Cardiovascular Endpoints and Outcomes) sera terminée et que ses résultats seront dévoilés (dans quelques années). D’ici là, notre mission première est de persuader les patients d’adopter une alimentation plus saine et d’être physiquement plus actifs afin de réduire leur obésité abdominale et leur graisse corporelle. Même une légère perte de poids de 5 % à 10 % réduit significativement le risque de diabète de type 2. Advenant un échec de la modification des habitudes de vie, cependant, on peut envisager un traitement pharmacologique éprouvé et cibler nos patients vraiment vulnérables en conséquence.

D’après le symposium officiel : « Exploiter le système endocannabinoïde pour réduire le risque cardiovasculaire »

Dans le cadre du programme de Maintien du certificat du Collège royal des médecins et chirurgiens du Canada, ce symposium est une activité de formation collective agréée admissible à la section 1 des options de la charpente des activités de développement professionnel continu, et la participation à ce symposium donne droit à des unités de formation. Nota : Au moment où le présent article a été mis sous presse, le rimonabant n’était pas commercialisé au Canada.

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