Comptes rendus

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Succès des agents biologiques dans la polyarthrite rhumatoïde : de l’efficacité des inhibiteurs de l’IL-6 à la validation de nouvelles cibles inflammatoires

Le présent compte rendu est fondé sur des données médicales présentées lors d'un congrès de médecine reconnu ou publiées dans une revue avec comité de lecture ou dans un commentaire signé par un professionnel de la santé reconnu. La matière abordée dans ce compte rendu s'adresse uniquement aux professionnels de la santé reconnus du Canada.

PRESSE PRIORITAIRE - 12e Congrès européen annuel de rhumatologie (EULAR)

Londres, Royaume-Uni / 25-28 mai 2011

L’arrivée des agents biologiques dans la polyarthrite rhumatoïde (PR) a fait date, car ils ont permis de maîtriser la maladie comme jamais chez de nombreux patients jusque-là réfractaires au traitement. Sur le marché depuis plus de 10 ans, les inhibiteurs du facteur de nécrose tumorale (anti-TNF) – infliximab, étanercept, adalimumab, certolizumab et, plus récemment, golimumab – ont prouvé leur efficacité. Nous savons maintenant qu’il est possible de cibler des étapes moléculaires bien définies de la cascade inflammatoire, par exemple en inhibant le récepteur de l’interleukine-6 (IL-6). Le tocilizumab (TCZ), inhibiteur de l’IL-6, est assorti d’un taux d’efficacité et d’innocuité à long terme comparable à celui des anti-TNF.

«L’efficacité et l’innocuité du TCZ ne font plus de doute; reste à déterminer comment maximiser les bénéfices qui lui sont associés», déclare le Dr Maxime Dougados, professeur titulaire de rhumatologie, Université Paris Descartes, France. La pléthore de données récentes sur cet agent, comme sur les anti-TNF, ouvre la porte à sa plus grande utilisation dans cette maladie contre laquelle aucun traitement n’est systématiquement efficace.

Résultats de l’étude ACT-RAY

L’étude à double insu ACT-RAY visait à déterminer si l’ajout de méthotrexate (MTX) au TCZ présentait des avantages. On a recruté des sujets atteints de PR avec réponse insuffisante (RI) à une dose stable de MTX. Les 556 sujets ont amorcé leur traitement par le TCZ à raison de 8 mg/kg i.v. toutes les 4 semaines, tout en prenant du MTX ou un placebo. Le critère principal était la proportion de patients parvenant à la rémission selon un score d’activité portant sur 28 articulations (score DAS28 <2,6).

Après 24 semaines de suivi, 40,4 % des patients sous TCZ+MTX étaient en rémission DAS28 contre 34,8 % des patients sous TCZ+placebo, écart non significatif (p=0,189). Selon les critères de l’EULAR, les taux de bonne réponse se situaient à 89,5 % vs 85,8 % (p=0,19). D’après les critères de réponse de l’American College of Rheumatology (ACR), l’écart entre les taux était encore plus faible : 25,7 % (TCZ seul) vs 24,9 % (TCZ+MTX) (p=0,679) pour l’ACR70, et 5,8 % vs 5,1 % (p=0,837) pour l’ACR90.

«Ces résultats nous autorisent à penser que l’on n’obtient pas de bénéfice clinique supplémentaire en ajoutant du MTX au TCZ», conclut le Dr Dougados, précisant toutefois que l’association «n’a pas suscité d’inquiétudes particulières sur le plan de l’innocuité». Le nombre d’événements graves pour 100 années-patients de suivi s’est établi à 21 et 18 pour les groupes TCZ+MTX et TCZ+placebo. Il y a eu abandon du traitement pour cause d’effets indésirables chez 3,9 % et 2,9 % des sujets, écart non significatif. L’élévation des enzymes hépatiques a été plus fréquente sous TCZ+MTX (18 % vs 6 %), mais les arrêts de traitement motivés par cet effet n’ont pas été plus nombreux.

C’est principalement l’innocuité à long terme qui inquiète avec les agents biologiques : on craint que l’inhibition de médiateurs de l’inflammation affaiblisse les défenses immunitaires, augmentant ainsi le risque de maladie, y compris le risque d’infections graves. Cependant, jusqu’à maintenant, les données à très long terme sur les anti-TNF ne révèlent pas de progression du risque au fil du temps. C’est là une constatation importante, puisqu’elle aide les patients à mieux juger du rapport bénéfice:risque d’un agent capable de les amener vers une rémission durable.

«Grâce aux agents biologiques, la rémission clinique constitue une visée réaliste pour beaucoup plus de patients, affirme le Dr Iain McInnes, Centre for Rheumatic Diseases, University of Glasgow, Royaume-Uni. Il y a des risques, mais le suivi à long terme d’une multitude de patients nous a permis de les comprendre très bien.»

Les dossiers les plus étoffés sont ceux de l’infliximab et de l’étanercept – deux anti-TNF – mais les données sur le TCZ s’accumulent peu à peu. Les données sur l’innocuité de cet agent tirées de sept études et 4000 patients suivis pendant une médiane de 3,6 ans (moyenne : 3,1), pour une durée totale d’observation de 12 293 années-patients, témoignent d’une innocuité et d’une tolérabilité semblables à celles des anti-TNF.

«Selon nos données, le profil d’innocuité du TCZ demeure stable au fil d’une exposition prolongée. En effet, le taux des effets indésirables et des infections graves, des cancers et des événements cardiovasculaires n’a pas varié lors des essais à long terme», précise le Dr Mark C. Genovese, chef de la clinique d’immunologie, Stanford University Medical Center, Californie.

Exprimé en événements/100 années-patients de suivi, le taux d’effets indésirables a diminué au fil du temps : 418,4 événements la première année contre 251,4 la quatrième. Quant au taux d’effets indésirables graves, il est demeuré assez constant pendant ces 4 années (de 13,9 à 15,7). Il en va de même des infections graves (de 3,9 à 5,2 événements/100 années-patients de suivi).

ACT-SURE : Innocuité après un traitement intensif

Selon une troisième étude, qui avait pour objet l’évaluation du TCZ en situation réelle, il n’y a pas d’ordre particulier dans lequel utiliser les agents biologiques dans une optique d’innocuité. Dans ACT-SURE, il n’y avait pas de restrictions quant à l’exposition antérieure aux agents de rémission traditionnels et aux anti-TNF ni quant au sevrage post-anti-TNF. Au total, 1681 patients on été traités dans divers contextes cliniques, y compris en cabinet, et les résultats obtenus concordent avec les données d’innocuité et d’efficacité des études de phase III.

«La plupart des sujets d’ACT-SURE (86 %) n’avaient pas répondu adéquatement aux agents de rémission traditionnels, qu’ils avaient pourtant reçus à une dose proche de la dose efficace maximale, si bien que cet essai est le premier à attester l’efficacité du TCZ dans une population déjà soumise à un traitement intensif», fait observer la Dre Vivian P. Bykerk, Division de rhumatologie, d’allergie et d’immunologie, Brigham and Women’s Hospital, Harvard Medical School, Boston, Massachusetts. Vu l’absence de restrictions, les patients pouvaient recevoir le TCZ seul ou avec des agents de rémission traditionnels.

Après répartition selon l’exposition (RI-agent de rémission; RI-anti-TNF – traitement antérieur [>2 mois avant le début de l’étude]; RI-anti-TNF – traitement récent [=2 mois avant le début de l’étude]), le taux d’effets indésirables graves sous TCZ a été de 18,6/100 années-patients de suivi chez les sujets jamais exposés aux anti-TNF, de 28 chez les sujets exposés antérieurement et de 18 chez les sujets exposés récemment. Dans ces mêmes groupes, on a enregistré un taux d’infections graves de 4,2, 6,8 et 6,0. Pour ce qui est des effets indésirables ayant conduit au retrait du médicament, les taux se situent à 4,5, 7,0 et 5,2.

Le traitement s’est montré un peu plus efficace chez les patients jamais exposés aux anti-TNF. Voici, toujours dans les mêmes groupes, les taux de réponse ACR90 : 10,3 %, 6,4 % et 6,6 %, et les taux de réponse ACR70 : 31,8 %, 17,8 % et 19,7 %. Par ailleurs, 61,6 %, 48,5 % et 50,4 % des sujets ont obtenu un score DAS28 <2,6. Une sous-analyse révèle que 49,6 % des patients traités par le TCZ seul sont parvenus à un score DAS28 <2,6. L’amélioration par rapport à la valeur de départ quant au nombre d’articulations enflées et douloureuses et à la douleur était semblable dans tous les groupes et observable dès la 4e semaine. Les améliorations se sont accentuées jusqu’à la 12e semaine et maintenues jusqu’à la 24e semaine.

«Le TCZ est efficace comme traitement biologique de première intention en cas de RI ou d’intolérance aux agents de rémission traditionnels et [comme traitement biologique de deuxième intention] en cas de RI aux anti-TNF», affirme la Dre Bykerk. Tout comme les anti-TNF, le TCZ «a agi rapidement et avec une efficacité croissante au fil du temps»; de plus, on peut le prescrire «immédiatement après la fin du traitement par un anti-TNF».

Tous les agents biologiques homologués peuvent amener une rémission après une RI aux agents de rémission. Et tous apparaissent comme une option raisonnable pour l’intensification du traitement. En cas de PR réfractaire, le rapport bénéfice:risque semble acceptable. La gamme des agents biologiques ne cessant de s’élargir, de plus en plus de patients peuvent aspirer à la maîtrise de leur maladie.

Nouvelles voies de signalisation et nouvelles options

L’exploration de l’IL-6 se poursuit, comme en témoigne une étude multicentrique de phase II menée à double insu avec randomisation et visant à déterminer la posologie du CNTO 136; chez les patients traités par ce nouvel inhibiteur de l’IL-6, on a enregistré un taux de réponses ACR20 semblable à celui du TCZ par rapport au placebo.

Si les agents biologiques ont pour cibles les cytokines et les voies de signalisation extracellulaires, les inhibiteurs de petites molécules telles les janus kinases (JAK) et les spleen tyrosine kinases (SYK) bloquent plutôt les voies de signalisation intracellulaires. Il s’agit encore et toujours de cibler des étapes très spécifiques du processus inflammatoire, mais ces agents peuvent être pris par voie orale et peuvent permettre d’éviter une inhibition indésirable de la réponse immunitaire. Le tofacitinib, inhibiteur de JAK, en est aux dernières étapes de son développement. Lors d’un essai de phase III contre placebo, 58,3 %, 52,7 % et 31,2 % des patients avaient obtenu une réponse ACR20 à 6 mois dans les groupes 10 mg 2 fois/jour, 5 mg 2 fois/jour et placebo, respectivement. En outre, une proportion significative de sujets sous tofacitinib ont obtenu, à 6 mois, un score DAS28 <2,6, soit 14,8 % et 11 % respectivement, vs 2,7 % des sujets sous placebo. Cependant, cet inhibiteur de JAK a fait augmenter le taux des lipides, d’ALT et de la créatinine, effets dont on devra étudier les conséquences de plus près.

Résumé

Les agents biologiques ont littéralement transformé la vie des personnes atteintes de PR réfractaire aux agents de rémission. De nombreuses données sur l’innocuité et d’efficacité du TCZ, inhibiteur de l’IL-6, viennent s’ajouter aux données sur les anti-TNF, attestant une efficacité durable, sans progression du risque d’effets indésirables. D’autres options thérapeutiques font cruellement défaut dans la PR; le CNTO 136, inhibiteur de l’IL-6 prometteur, pourrait être l’une d’elles. En élucidant le mode d’action des inhibiteurs de petites molécules telles les JAK, peut-être comprendra-t-on mieux la physiopathologie des processus inflammatoires auto-immuns et arrivera-t-on à repérer les meilleures cibles thérapeutiques.

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