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Syndrome clinique isolé dans la sclérose en plaques : données à l’appui du traitement précoce

Le présent compte rendu est fondé sur des données médicales présentées lors d'un congrès de médecine reconnu ou publiées dans une revue avec comité de lecture ou dans un commentaire signé par un professionnel de la santé reconnu. La matière abordée dans ce compte rendu s'adresse uniquement aux professionnels de la santé reconnus du Canada.

La 59e Assemblée annuelle de l’American Academy of Neurology

Boston, Massachusetts / 29 avril-5 mai 2007

Selon l’analyse à trois ans des données de BENEFIT (Betaseron in Newly Emerging Multiple Sclerosis for Initiation Treatment), il a été plus efficace d’amorcer le traitement par l'interféron bêta-1b (IFNß-1b) que de le retarder pour prévenir l’apparition d’une sclérose en plaques (SEP) cliniquement certaine chez les patients qui présentaient un premier épisode de démyélinisation évocateur de la SEP. Après trois ans, la mise en route immédiate d’un traitement par l’IFNß-1b avait réduit le risque d’incapacité neurologique permanente de 40 % par rapport au placebo, selon l’échelle étendue d’incapacité (EDSS, pour expanded disability status scale).

Comme l’explique le Dr Mark S. Freedman, professeur titulaire de neurologie, Université d’Ottawa, Ontario, et co-investigateur de l’étude, «chez certains patients, les premiers signes de SEP s’accompagnent d’une atteinte neurologique déjà marquée, ce qui peut ultérieurement se solder par une incapacité cumulative. Comme l’a montré l’étude BENEFIT, l’administration immédiate d’un traitement par l’IFNß-1b après le premier événement clinique peut réduire sensiblement cette atteinte et, en définitive, retarder davantage l’apparition des conséquences débilitantes de la SEP.»

BENEFIT est la plus vaste étude prospective, randomisée et à double insu jamais réalisée chez des patients qui présentent un syndrome clinique isolé (SCI). Plus précisément, les sujets ont été recrutés dans 98 centres répartis dans 20 pays. D’après les résultats à deux ans présentés au congrès de 2006 de l’American Academy of Neurology, le traitement actif a réduit le risque de progression vers une SEP cliniquement certaine de 50 % par rapport au placebo. Selon les critères diagnostiques de McDonald, les patients traités étaient deux fois mieux protégés contre la SEP que les témoins recevant un placebo.

Plan de l’étude

BENEFIT regroupait 468 patients ayant eu un SCI et dont le cliché IRM montrait au moins deux lésions cliniquement silencieuses. Après randomisation selon un ratio 5:3, les patients recevaient le traitement actif, l’IFNß-1b à 250 µg une fois par jour (n=292), ou un placebo (n=176). La phase à double insu durait jusqu’à la confirmation d’un diagnostic de SEP cliniquement certaine ou un maximum de 24 mois. Les patients dont le SCI évoluait vers la SEP cliniquement certaine passaient au traitement actif durant la période de deux ans. Les patients étaient suivis pendant un maximum de deux ans; au terme de la deuxième année ou s’ils avaient reçu un diagnostic de SEP cliniquement certaine, les patients pouvaient opter pour le traitement actif pendant une autre période de 36 mois dans le cadre de la phase ouverte de l’essai (les résultats de la phase ouverte seront dévoilés en 2008). Des 468 patients qui ont amorcé le traitement, 437 ont terminé l’étude comme prévu.

Les paramètres principaux étaient le délai d’apparition d’une SEP cliniquement certaine selon les critères de Poser et le délai d’apparition de la SEP selon les critères de McDonald, lesquels sont plus récents et considérés comme plus sensibles que les premiers. Selon les critères de Poser, le risque de progression vers la SEP cliniquement certaine a été réduit de 50 % dans le groupe de traitement actif par rapport au placebo pendant la phase à double insu de 24 mois; le risque cumulatif de progression vers la SEP cliniquement certaine se chiffrait à 28 % chez les patients traités activement vs 45 % chez les patients du groupe placebo. Selon les critères de McDonald, la réduction du risque était de 46 %. La cote EDSS est demeurée la même dans les deux groupes, comme on pourrait s’y attendre chez des patients dont la SEP est peu avancée. La SEP est apparue en l’espace de six mois chez plus de 50 % des patients du groupe placebo de BENEFIT et en l’espace de deux ans chez 85 % des patients du même groupe, fait remarquer le Dr Freedman.

Analyse prédéterminée à trois ans

Le Dr Freedman a présenté au congrès les résultats à trois ans de l’analyse des données de BENEFIT. Cette analyse portait sur 418 des 437 patients admissibles, dont 261 patients qui avaient reçu l’IFNß-1b d’emblée et 157 patients qui avaient reçu un placebo avant de passer au traitement actif lorsque le diagnostic de SEP cliniquement certaine a été confirmé. Cette analyse a révélé que la mise en route immédiate du traitement par l’IFNß-1b après le premier épisode clinique évocateur de la SEP réduisait le risque de progression de 40 % selon la cote EDSS, par comparaison à la mise en route différée du traitement. La cote EDSS a dénoté une progression de la maladie dans 24 % des cas où le traitement avait été différé vs 16 % des cas où le traitement avait été amorcé d’emblée. Après trois ans, la probabilité de progression vers une SEP cliniquement certaine était 41 % moins élevée chez les patients qui avaient reçu l’IFNß-1b d’emblée que chez ceux dont le traitement avait été différé pendant une période pouvant atteindre 24 mois (p=0,0218). Après trois ans, 73 % des patients du groupe de traitement actif continuaient de recevoir le traitement actif.

«La possibilité de prévenir la progression de la maladie est une excellente raison d’amorcer le traitement sans délai, estime le Dr Freedman. Des variations marquées de la cote EDSS plaident en faveur d’un traitement précoce. La différence quant à la fréquence des poussées [entre le groupe de traitement précoce et le groupe de traitement différé] n’explique pas la divergence des courbes représentatives de la cote EDSS.»

Le Dr Freedman précise au passage que c’est la première fois que le protocole d’une étude réalisée chez des patients ayant eu un SCI prévoit l’évaluation des retombées à long terme d’un traitement précoce vs différé sur la progression de la maladie. À cet égard, cette étude diffère des autres ayant montré qu’il était avantageux de mettre le traitement en route tôt plutôt que de le différer. «Cette étude revêt une importance encore plus grande du fait que les patients du groupe placebo ont reçu un placebo pendant au moins un an et n’ont jamais rejoint les autres. La protection supplémentaire qui découle d’une mise en route précoce du traitement demeure après trois ans», affirme-t-il.

Profil des patients atteints de SEP bénigne

L’analyse des sujets du groupe placebo de BENEFIT chez qui le SCI n’a pas évolué vers une SEP cliniquement certaine après deux ans a révélé qu’un âge avancé, un résultat négatif à l’analyse du liquide céphalo-rachidien (LCR) et un nombre inférieur à neuf lésions pondérées en T2 à l’examen initial dénotaient une maladie inactive, rapportait le Dr Gilles Edan, Hôpital Pontchaillou, Rennes, France, au nom des investigateurs de BENEFIT.

«Il n’y a aucun moyen évident de repérer les patients chez qui le SCI n’évoluera pas et dont la SEP est bénigne», a-t-il rappelé à l’auditoire.

Parmi les 166 sujets du groupe placebo de BENEFIT dont les résultats ont pu être analysés, le SCI a progressé vers une SEP cliniquement certaine dans 154 cas tandis que 12 sujets (7,6 %) répondaient aux critères d’une SEP «inactive» après le SCI, à savoir : absence de poussée pendant deux ans après le SCI, absence de progression de la cote EDSS; absence de nouvelles lésions prenant le gadolinium ou de lésions en T2 à l’examen IRM; et absence de signes cliniques d’évolution de la maladie.

Les 12 patients ont accepté de continuer à être suivis; quatre ont choisi de continuer à ne pas recevoir de traitement tandis que les huit autres ont décidé de recevoir l’IFNß-1b. À trois ans, 11 des 12 patients participent toujours à l’étude. Aucune SEP cliniquement certaine n’a été signalée, et deux patients ont développé une SEP selon les critères de McDonald.

Au chapitre des facteurs pronostiques possibles, les chercheurs ont constaté que l’âge du patient au départ, les résultats négatifs de l’analyse du LCR et la présence de moins de neuf lésions en T2 annoncent une maladie inactive (Tableau 1). Ces facteurs étaient aussi annonciateurs du pronostic selon l’analyse univariée ou multivariée.

Tableau 1. Facteurs pronostiques d’une SEP inactive


Le risque d’activité de la maladie baissait d’un facteur de 0,85 pour chaque année supplémentaire de l’âge initial des patients. Chez les patients porteurs d’au moins neuf lésions en T2 au départ, le risque de maladie évolutive était 3,5 fois plus élevé. Un résultat positif à l’analyse du LCR décuplait la probabilité de maladie évolutive, ajoute le Dr Edan.

Ces données pourraient aider à repérer les patients chez qui un épisode isolé de démyélinisation risque moins de progresser vers une SEP confirmée, conclut-il.

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