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Traitement antifongique prophylactique chez les patients à risque élevé

Le présent compte rendu est fondé sur des données médicales présentées lors d'un congrès de médecine reconnu ou publiées dans une revue avec comité de lecture ou dans un commentaire signé par un professionnel de la santé reconnu. La matière abordée dans ce compte rendu s'adresse uniquement aux professionnels de la santé reconnus du Canada.

La 44e Assemblée annuelle de l’Infectious Diseases Society of America

Toronto, Ontario / 12-15 octobre 2006

Un traitement antifongique prophylactique pourrait être envisagé dans diverses populations de patients, mais l’ampleur du risque est le facteur clé qui détermine chez quels patients cette option pourrait être appropriée. Ainsi, tous les patients neutropéniques n’ont pas besoin nécessairement d’une prophylaxie antifongique, car ce sont la durée et la sévérité de l’épisode neutropénique qui dictent la nécessité du recours à la prophylaxie. À court terme, le traitement devrait probablement cibler les champignons pathogènes du genre Candida, mais à long terme, les mesures prophylactiques devraient cibler les moisissures, explique le Dr Jack Sobel, professeur titulaire d’infectiologie, Wayne State University School of Medicine, Détroit, Michigan.

En présence de neutropénie, l’antifongique le plus utilisé est le fluconazole à raison de 100 à 400 mg/jour, l’itraconazole étant utilisé moins souvent en raison de sa tolérabilité moins favorable. Comme le souligne le Dr Sobel, le voriconazole et le posaconazole ne sont pas généralement utilisés pour la prophylaxie classique, car la plupart des patients ne bénéficient pas des avantages de ces agents à large spectre. Néanmoins, chez les patients dont la neutropénie se prolonge et les expose à un risque élevé, le voriconazole et le posaconazole offrent une protection plus marquée contre les mycoses invasives que les dérivés azolés standard. Lors d’un essai randomisé qui portait sur des patients neutropéniques exposés à un risque élevé, comme des patients chez qui une aspergillose était apparue pendant le traitement, l’incidence de toutes les mycoses invasives au cours des 100 jours suivant la randomisation, la fréquence des échecs du traitement et la mortalité globale étaient toutes significativement plus faibles dans le groupe posaconazole que dans le groupe dérivé azolé standard.

Cibler les moisissures

Les moisissures sont généralement les micro-organismes que l’on doit cibler chez les patients qui souffrent d’une neutropénie fébrile réfractaire aux antibiotiques à large spectre. En pareil cas, estime le Dr Sobel, on pourrait songer à un traitement empirique comme la caspofungine ou l’amphotéricine B. Cela dit, comme l’ont montré les résultats d’un essai à double insu qui portait sur près de 1100 patients présentant une neutropénie fébrile, la caspofungine est généralement mieux tolérée que l’amphotéricine B en préparation liposomique (AmB-L) tout en étant au moins aussi efficace. Selon une autre étude, la caspofungine pourrait être plus efficace que l’AmB-L chez les patients neutropéniques colonisés par un champignon du genre Candida; en effet, les taux de réponse enregistrés dans cette étude particulière atteignaient 66,7 % pour la caspofungine vs 41,7 % pour l’AmB-L (Walsh et al. N Engl J Med 2004;351[14]:1391-402).

Les moisissures sont aussi les champignons ciblés chez les greffés de moelle osseuse non neutropéniques qui sont exposés à un risque élevé, et de récentes données montrent que ces patients bénéficient d’un traitement antifongique prophylactique, surtout d’un agent comme le posaconazole. Dans une étude de ce type où l’on comparait le posaconazole et le fluconazole à titre de traitement prophylactique chez des patients présentant une réaction du greffon contre l’hôte, l’incidence de l’aspergillose et celle de l’aspergillose récurrente au cours des 16 semaines de l’étude étaient significativement plus faibles chez les sujets du groupe posaconazole.

Les patients hospitalisés à l’unité des soins intensifs (USI) ne sont pas tous exposés au même risque de mycose invasive, d’enchaîner le Dr Sobel. En effet, le risque global de candidose à l’USI est faible, soit environ 2 %. La prophylaxie antifongique pourrait être justifiée à l’USI postopératoires ou médicaux chez les patients dont le risque de candidose invasive est estimé à au moins 10 %. Bien que le petit nombre de patients séjournant à l’USI chez qui un traitement antifongique prophylactique serait approprié – probablement 10 % au plus – sont des patients hospitalisés depuis longtemps et ceux qui présentent d’autres facteurs de risque, incluant le diabète, l’hémodialyse, la présence d’un cathéter veineux central et le traitement immunosuppresseur.

Afin de faciliter sa prise de décisions, le Dr Sobel subdivise ses patients hospitalisés à l’USI en deux groupes selon qu’ils présentent ou non des complications. Les patients du groupe sans complications ne sont pas neutropéniques et ont des paramètres hémodynamiques stables, n’ont pas été exposés récemment à des dérivés azolés et ne montrent aucun signe de colonisation par Candida glabrata ou C. krusei. Chez ces patients, le Dr Sobel instaure un traitement antifongique prophylactique par le fluconazole par voie intraveineuse.

Les cas que l’on considère comme compliqués sont les patients qui présentent une neutropénie, dont les paramètres hémodynamiques sont instables, qui ont récemment été exposés à un dérivé azolé et qui sont colonisés par C. glabrata ou C. krusei. Chez ces patients, le Dr Sobel commence le traitement par une échinocandine. «Il va de soi que la présence d’une insuffisance rénale pèse bien lourd dans la balance en faveur d’une échinocandine», note-t-il.

Bien qu’aucune échinocandine ne soit actuellement homologuée pour le traitement en première intention de l’aspergillose, la caspofungine est homologuée au Canada et aux États-Unis pour le traitement de l’aspergillose invasive chez les patients réfractaires ou intolérants à d’autres traitements. La classe des échinocandines «est donc un ajout valable» à l’arsenal des antimicrobiens, conclut le Dr Sobel, car ces agents «conviennent parfaitement au traitement des infections causées par toutes les espèces du genre Candida, sont remarquablement faciles à utiliser, sont sûrs et bien tolérés.»

Données supplémentaires

Comme en témoigne une imposante série de patients immunodéprimés dans un état critique, la caspofungine peut donner lieu à des taux de réponse encourageants tout en entraînant peu de toxicité chez les patients souffrant d’une mycose invasive causée par des espèces des genres Aspergillus et Candida. Comme on l’a rapporté récemment, 81 patients sur 115 (70 %) qui recevaient la caspofungine étaient en vie 30 jours après la fin du traitement (Glasmacher et al. J Antimicrob Chemother 2006;57[1]:127-34). Les taux de réponse étaient similaires chez les patients neutropéniques (63 % pour les infections confirmées et 59 % pour les infections présumées) et chez les patients dont l’infection avait été réfractaire (63 %) ou non réfractaire (67 %) au traitement antifongique préalable. Dans la même série, le taux de réponse associé à l’échinocandine chez des patients en ventilation assistée était de 29 %. «Les résultats de cette étude contribuent nettement à accroître notre confiance vis-à-vis de la caspofungine et de son rôle dans la prise en charge des mycoses systémiques», de conclure les chercheurs.

Dans le cadre d’une étude monocentrique récente, on a aussi évalué cet agent dans le traitement en première intention des mycoses pulmonaires invasives chez des patients immunodéprimés souffrant d’une hémopathie maligne (Candoni et al. Eur J Haematol 2005;75[3]:227-33). Après un traitement d’une durée médiane de 20 jours, la caspofungine administrée en concomitance avec le G-CSF a autorisé un taux de réponse globale de 56 %.

Une étude multicentrique en cours a pour objectif d’évaluer cet agent dans le traitement en première intention de l’aspergillose chez les patients souffrant d’une hémopathie maligne ou les greffés de cellules souches hématopoïétiques.

Potentialisation de l’activité antimicrobienne

Les essais cliniques ne nous ont toujours pas donné de réponse à une question importante que nous nous posons, à savoir si l’association de deux classes d’antifongiques potentialise l’activité antimicrobienne. La Dre Carol Kauffman, Veterans Affairs Ann Arbor Healthcare System, University of Michigan, a passé en revue les données publiées, dont une comparaison de l’association caspofungine/AmB-L et de l’AmB-L seule. Lors de cette étude – l’essai européen CombiStrat – le taux de réponse globale (réponses complètes et partielles (RC et RP) au terme de l’étude se chiffrait à 67 % dans le groupe traitement d’association et à 27 % dans le groupe AmB-L seule. À 12 semaines, ce taux (RC/RP) se chiffrait respectivement à 80 % dans le groupe traitement d’association et à 67 % dans le groupe monothérapie.

Des données plus concluantes se sont dégagées d’un essai comparatif avec témoins historiques qui regroupait 47 patients greffés de cellules souches hématopoïétiques souffrant d’une aspergillose invasive confirmée ou présumée. «Tous les patients avaient d’abord reçu l’AmB, puis un traitement de sauvetage», précise la Dre Kauffman. Un traitement de sauvetage par le voriconazole a été administré à 31 patients et un traitement de sauvetage par l’association voriconazole/caspofungine, à 16 patients. À trois mois, le pourcentage de patients en vie était plus élevé dans le groupe traitement d’association que dans le groupe monothérapie (70 % vs 35 %). Le traitement d’association a aussi abaissé le taux de mortalité par aspergillose invasive à 18 %, alors que celui-ci était de 50 % dans le groupe monothérapie. «Là encore, les données sont parlantes», fait valoir la Dre Kauffman.

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