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Traitement cardioprotecteur chez le patient à risque élevé : le rôle de l’inhibition du SRAA

Le présent compte rendu est fondé sur des données médicales présentées lors d'un congrès de médecine reconnu ou publiées dans une revue avec comité de lecture ou dans un commentaire signé par un professionnel de la santé reconnu. La matière abordée dans ce compte rendu s'adresse uniquement aux professionnels de la santé reconnus du Canada.

Assemblée scientifique annuelle de la Société canadienne de médecine interne

Montréal, Québec / 15-18 octobre 2008

Chez les hommes et les femmes souffrant d’une maladie coronarienne, vasculaire cérébrale ou artérielle périphérique ou présentant une atteinte des organes cibles imputable au diabète, le taux annuel escompté d’événements cliniques – comme le décès d’origine cardiovasculaire (CV), l’infarctus du myocarde (IM) et l’AVC – est d’environ 3 %. Ces patients doivent à la fois modifier leurs habitudes de vie de fond en comble et recevoir une pharmacothérapie qui a fait la preuve de son efficacité pour réduire le risque CV, souligne le Dr Gilles Dagenais, professeur émérite, Université Laval, Québec.

«Chez les patients exposés à un risque élevé, le système rénine-angiotensine-aldostérone [SRAA] est activé, et cette activation augmente les concentrations tissulaires d’angiotensine II, ce qui entraîne une vasoconstriction, exacerbe le stress oxydatif et stimule la prolifération des cellules musculaires lisses [...], autant de facteurs qui favorisent l’athérosclérose», rappelle le Dr Dagenais. Cinq classes de médicaments peuvent atténuer les effets négatifs de l’angiotensine II, poursuit-il. Le blocage de récepteurs bêta-adrénergiques, qu’il a décrit comme «la méthode ancienne», inhibe le SRAA dans une certaine mesure. La pratique clinique actuelle consiste à prescrire un inhibiteur de l’ECA ou un antagoniste des récepteurs de l’angiotensine (ARA), associé dans certains cas à un antagoniste de l’aldostérone. Les inhibiteurs directs de la rénine sont aussi à l’étude.

Il ressort d’une méta-analyse récente que, chez les patients à risque élevé ne souffrant pas d’insuffisance cardiaque (IC) ou de dysfonction systolique ventriculaire gauche, les inhibiteurs de l’ECA réduisent significativement la mortalité toutes causes confondues et la mortalité d’origine CV, les IM non mortels, les AVC, l’IC et les pontages aorto-coronariens (Dagenais et al. Lancet 2006;368:581-8). Selon une autre méta-analyse qui visait à comparer des schémas antihypertensifs axés sur un ARA ou un inhibiteur de l’ECA, les deux classes exerceraient des effets favorables similaires qui se traduisent par une diminution du risque d’AVC, de maladie coronarienne et d’IC (Blood Pressure Lowering Treatment Triallists’ Collaboration. J Hypertens 2007;25[5]:951-8). Cela dit, enchaîne le Dr Dagenais, les données à l’appui de l’efficacité des ARA dans le traitement de la maladie coronarienne étaient incomplètes. «Lors du programme de recherche CHARM, par exemple, l’ARA a réduit l’incidence des IM, mais plusieurs méta-analyses ont en fait démontré le contraire. En outre, nous n’avions aucune donnée concernant les patients à risque élevé qui ne souffrent pas d’IC ou de dysfonction systolique ventriculaire gauche [et qui reçoivent un ARA].»

Données manquantes : un vide comblé

L’objectif principal de l’essai ONTARGET (Ongoing Telmisartan Alone and in Combination with Ramipril Global Endpoint Trial) était de vérifier la non-infériorité d’un ARA, le telmisartan, par rapport à un inhibiteur de l’ECA, le ramipril, pour ce qui est de réduire l’incidence d’un premier événement CV clinique (paramètre mixte : décès d’origine CV, IM non mortel, AVC, ou hospitalisation pour cause d’IC) chez des patients à risque élevé. Accessoirement, l’essai avait pour objectif de déterminer si l’association des deux agents était plus efficace que le ramipril seul pour réduire l’incidence du même paramètre mixte. La population étudiée était comparable à celle de HOPE (Heart Outcomes Prevention Evaluation), la première étude à établir l’effet préventif du ramipril à 10 mg/jour chez les patients exposés à un risque élevé.

ONTARGET est à ce jour la plus vaste étude sur un ARA. Après randomisation, 26 620 sujets à risque élevé âgés d’au moins 55 ans (66,5 ans en moyenne) ont reçu 10 mg/jour de ramipril, 80 mg/jour de telmisartan, ou les deux. Chacun des trois groupes – telmisartan, ramipril et association – réunissait plus de 8500 sujets appariés pour l’âge, le sexe, la tension artérielle (TA), la présence de la maladie coronarienne ou d’une maladie vasculaire cérébrale, la présence du diabète, et l’utilisation de médicaments. La plupart des sujets recevaient des traitements préventifs supplémentaires, notamment un diurétique (>30 %), un bêta-bloquant (>50 %), une statine (>60 %) ou un antiplaquettaire (>80 %). Cette prise en charge énergique témoigne des nombreux progrès réalisés sur le plan de la prévention pharmacologique depuis le jour où on a conçu et mis en place l’essai HOPE, fait valoir le Dr Dagenais.

Lorsque reportés sur un graphique, les résultats de l’évaluation du paramètre mixte principal dans les groupes telmisartan et ramipril au fil des 56 mois de l’étude étaient «superposables», précise le Dr Dagenais. En tout, 16,5 % des patients recevant un inhibiteur de l’ECA (n=1412) et 16,7 % des patients recevant un ARA (n=1423) ont été victimes d’un premier événement CV (risque relatif [RR] de 1,01; IC à 95 % : 0,94-1,09, p=0,8). «On n’a noté aucune différence sur les plans de la mortalité CV, des IM, des AVC, des hospitalisations pour cause d’IC ou de la mortalité toutes causes confondues», confirme-t-il. Qui plus est, les résultats étaient constants d’un sous-groupe à l’autre, que ces sous-groupes aient été définis en fonction du sexe ou de la présence/absence de diabète ou d’hypertension. On a établi la limite supérieure de la marge de non-infériorité à 1,13 (risque relatif), ce qui reflète l’écart entre le ramipril et le placebo dans l’essai HOPE, explique le Dr Dagenais. «En présence d’un intervalle de confiance fixé à 95 %, la limite supérieure a été de 1,09, ce qui est bien en deçà du seuil de 1,13. Il ne fait donc aucun doute que le telmisartan n’est pas inférieur au ramipril et que, si l’on en juge par le plan de l’étude, le résultat est hautement significatif.»

L’incidence des événements cliniques n’était pas moins élevée chez les sujets de l’étude qui recevaient à la fois le telmisartan et le ramipril que chez ceux qui recevaient le ramipril seul. En outre, l’association a donné lieu à une incidence plus élevée d’effets indésirables causant l’arrêt du traitement, dont l’hypotension (RR de 2,75, p<0,001), la syncope (RR de 2,95; p=0,03), l’atteinte rénale (RR de 1,58; p<0,001) et la diarrhée (RR de 3,28; p<0,001).

Les données de l’étude ONTARGET montrent avec éloquence que le telmisartan est équivalent au ramipril et que c’est une bonne solution de rechange au ramipril pour la réduction du risque CV, poursuit le Dr Dagenais. Bien que l’association du telmisartan et du ramipril n’ait pas donné lieu à une réduction supplémentaire du risque CV dans l’étude ONTARGET et que, par conséquent, une double inhibition du SRAA ne soit pas recommandée systématiquement, «cette démarche pourrait être bénéfique chez certains patients souffrant d’IC; en pareil cas, [cependant,] la TA et la fonction rénale doivent être surveillées de près», ajoute-t-il.

Les résultats de l’étude ONTARGET ne peuvent pas être extrapolés à d’autres ARA et inhibiteurs de l’ECA, parce que nous n’avons pas de preuves suffisantes de l’équivalence des doses entre les divers agents des deux classes. Or, quoiqu’elles puissent être influencées par des facteurs pratiques comme la préférence du médecin pour un médicament qu’il connaît mieux ainsi que les effets indésirables et le coût, nos décisions cliniques doivent être dictées par les données à notre disposition, insiste le Dr Dagenais.

Avantages sur le plan de la tolérabilité

La tolérabilité joue un rôle clé lorsqu’un médecin doit décider s’il prescrira un inhibiteur de l’ECA ou un ARA à son patient à risque élevé, car les effets indésirables peuvent fort bien aboutir à l’abandon du traitement, fait remarquer le Dr Dagenais. Lors de l’essai ONTARGET, l’incidence de la toux était significativement plus faible dans le groupe telmisartan que dans le groupe ramipril (1,1 % vs 4,2 %; p<0,0001). L’angio-œdème était aussi plus rare (0,1 % vs 0,3 %; p=0,01). L’hypotension a été plus fréquente dans le groupe ARA (2,6 % vs 1,7 %, p<0.001), alors que le taux de syncope était similaire dans les deux groupes (2,0 %).

Dans l’essai ONTARGET, la toux chez les patients sous ramipril était moins fréquente que d’habitude, précise le Dr Dagenais. En effet, les chercheurs avaient d’emblée exclu les patients présentant une intolérance et, en outre, ils ont réduit la dose de moitié, voire interrompu le traitement temporairement, chez les sujets qui développaient une toux pendant l’essai. «Il s’agissait d’un essai de non-infériorité, et il était essentiel que l’observance du traitement soit bonne. Dans la pratique, toutefois, nous savons qu’au moins 15 % des patients – et le pourcentage est probablement plus élevé chez les femmes – sont intolérants [aux inhibiteurs de l’ECA] et qu’ils risquent donc d’abandonner le traitement. [Or, pour adhérer au traitement à long terme], le patient doit évidemment bien tolérer le médicament.»

Résultats de l’essai TRANSCEND

Si l’essai ONTARGET a confirmé l’équivalence du telmisartan et du ramipril chez des patients qui toléraient bien les inhibiteurs de l’ECA, l’essai TRANSCEND (Telmisartan Randomised Assessment Study in ACE-intolerant Subjects with Cardiovascular Disease) – qui a été réalisé au même moment et dont les paramètres d’évaluation étaient identiques – a confirmé l’efficacité du telmisartan chez des patients intolérants aux inhibiteurs de l’ECA. Dans le cadre de cet essai randomisé et comparatif avec placebo, qui regroupait 5926 patients ayant un profil comparable à celui des sujets d’ONTARGET, l’incidence du paramètre mixte décès CV/IM/AVC au terme du suivi d’une durée médiane de 56 mois était significativement plus faible dans le groupe telmisartan (13 % vs 14,8 %; p=0,048).

Le traitement de fond plus énergique administré aux sujets de l’essai TRANSCEND explique sans aucun doute que la réduction relative du risque associée au telmisartan ait été moins marquée que la réduction associée au ramipril dans l’essai HOPE. Première différence évidente : deux fois plus de sujets de l’essai TRANSCEND recevaient une statine; cela dit, il y avait aussi d’autres différences quant à l’utilisation d’antiplaquettaires et de bêta-bloquants. «Nos patients sont mieux traités qu’il y a 10 ans», explique le Dr Dagenais.

L’essai TRANSCEND confirme les résultats de l’essai ONTARGET, à savoir que le telmisartan confère une protection importante contre la survenue d’événements (aussi bonne que le ramipril lorsqu’on les compare directement) tout en étant très bien toléré, ce qui pourrait favoriser l’observance à long terme.

Inhibition du SRAA à titre préventif

En l’absence de contre-indications, les patients à risque élevé ayant un profil semblable à celui des sujets de l’essai ONTARGET devraient recevoir un antiplaquettaire, une statine, un inhibiteur de l’ECA ou un ARA et, au besoin, un antidiabétique; un bêta-bloquant serait aussi nécessaire chez les patients atteints d’IC ou ayant déjà eu un IM, conclut le Dr Dagenais. L’essai ONTARGET a confirmé que le telmisartan à 80 mg/jour est aussi efficace que le ramipril à 10 mg/jour pour réduire le risque de survenue d’un premier événement clinique au sein de cette population. Néanmoins, insiste-t-il, le patient doit absolument modifier ses habitudes de vie pour réduire son risque.

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