Comptes rendus

Prise d’assaut du cancer du rein grâce aux inhibiteurs multikinase
Amélioration de l’issue grâce à l’immunochimiothérapie dans les lymphomes indolents et apparentés

Traitement ciblé et lymphopathies malignes : le visage changeant de la transplantation

Le présent compte rendu est fondé sur des données médicales présentées lors d'un congrès de médecine reconnu ou publiées dans une revue avec comité de lecture ou dans un commentaire signé par un professionnel de la santé reconnu. La matière abordée dans ce compte rendu s'adresse uniquement aux professionnels de la santé reconnus du Canada.

33e Assemblée annuelle du European Group for Blood and Marrow Transplantation

Lyon, France / 25-28 mars 2007

La désignation «lymphome non hodgkinien» (LNH) englobe diverses lymphopathies malignes, généralement de type B, dont le tableau clinique et le pronostic sont variables. La stratégie thérapeutique varie énormément selon le type de LNH. Les congressistes ont discuté de nouvelles démarches dans le traitement des lymphomes folliculaires (LF), de la stratification du risque dans la leucémie lymphoïde chronique (LLC) ainsi que de nouvelles démarches dans le traitement de la réaction du greffon contre l’hôte (GVH) chronique.

Induction d’une rémission dans le lymphome folliculaire

«Avant l’avènement des anticorps monoclonaux, peu de progrès thérapeutiques avaient émané de 35 ans de recherche clinique intensive», souligne le Dr Christian Buske, Hôpital universitaire de Grosshadern, Munich, Allemagne. On assiste toutefois à un revirement du paradigme et l’on a maintenant à notre disposition des traitements qui peuvent prolonger la survie globale des patients souffrant d’un LF avancé. Chez ces patients, la démarche thérapeutique peut être envisagée en trois étapes distinctes. D’abord, le traitement d’induction vise à optimiser la réduction initiale de la tumeur. Vient ensuite la phase de consolidation dont l’objectif est de stabiliser la rémission obtenue. Le traitement d’entretien à long terme vise enfin à retarder la rechute aussi longtemps que possible.

Face au traitement de première intention, le Dr Buske est catégorique. «La littérature ne laisse planer aucun doute : on doit combiner le rituximab avec la chimiothérapie standard.» Ainsi, les études de phase III qui ont comparé les schémas de chimiothérapie avec et sans rituximab ont systématiquement objectivé un bénéfice associé au rituximab. Lors d’une étude dont les résultats sont déjà publiés, les chercheurs ont constaté un intervalle médian sans progression de 15 mois chez les patients souffrant d’un LF avancé (stade III ou IV) qui recevaient le protocole CVP (cyclophosphamide, vincristine et prednisolone), par comparaison à 34 mois chez ceux qui l’ont reçu avec le rituximab (R-CVP) (p<0,0001) (Marcus et al. Blood 2005;105[4]:1417-23). Il importe ici de souligner que, dans cette étude, la survie globale s’est aussi améliorée (à 53 mois, 81 % pour le R-CVP vs 71 % pour le protocole CVP; p<0,03). Dans le cadre d’une autre étude, on a comparé le protocole CHOP (cyclophosphamide, doxorubicine, vincristine et prednisone) avec le protocole CHOP auquel était ajouté le rituximab (R-CHOP) (Hiddemann et al. Blood 2005;106[12]:3725-32). L’intervalle médian sans échec du traitement était de 31 mois dans le groupe CHOP alors que la médiane n’avait pas encore été obtenue dans le groupe R-CHOP. Fait digne de mention, l’ajout du rituximab à ces protocoles est bien toléré. Le Dr Buske conclut sa revue de la littérature dans les termes suivants : «Lorsqu’un patient est en assez bon état pour tolérer la chimiothérapie, ce qui est bien sûr important, c’est la nouvelle norme dans le traitement de première intention du lymphome avancé».

Traitement de consolidation et d’entretien des lymphomes folliculaires

Il a été démontré que l’ajout du rituximab à la chimiothérapie standard induit une meilleure rémission. Le défi qui nous attend, estime le Dr Buske, est de déterminer comment retarder la rechute ou, dans l’avenir («si nous sommes très ambitieux»), comment la prévenir. Nous avons plusieurs options à notre disposition, comme le traitement par un interféron ou le rituximab, l’autogreffe de cellules souches, la radio-immunothérapie et l’allogreffe de cellules immunogènes. Dans le cas du rituximab, un certain nombre de schémas de traitement d’entretien ont été mis à l’essai.

La stratégie optimale n’a pas encore été définie, mais celle de l’Organisation européenne pour la recherche et le traitement du cancer prévaudra sans doute. Selon ce schéma, les doses de rituximab sont administrées à intervalles de trois mois pendant deux ans après la phase initiale.

Le traitement d’entretien soulève une question importante : le traitement reçu durant la phase d’induction peut-il influer sur l’efficacité du traitement d’entretien par le rituximab? On a tenté de répondre à cette question dans le cadre d’un essai de phase III randomisé (van Oers et al. Blood 2006;108[10]:3295-301). Pendant la phase d’induction, des patients atteints d’un LF ont reçu aléatoirement le protocole R-CHOP ou la chimiothérapie seule à titre de traitement de sauvetage. Les répondeurs étaient ensuite randomisés une deuxième fois de façon à recevoir le rituximab comme traitement d’entretien ou à être suivis sous surveillance.

Après la randomisation initiale, on a obtenu un taux de réponse globale de 85,1 % dans le groupe R-CHOP vs 72,3 % dans le groupe CHOP (p<0,001). Après la deuxième randomisation, la survie sans progression se chiffrait à 51,5 mois dans le groupe de traitement d’entretien vs 14,9 mois dans le groupe en observation (p<0,001); la survie globale après trois ans était de 85 % vs 77 %, respectivement (p=0,011). L’analyse de sous-groupe à la phase du traitement d’entretien a mis en évidence une prolongation tendancielle de la survie globale chez les patients qui avaient reçu du rituximab au préalable, mais la différence n’a pas atteint le seuil de signification statistique. «Peut-être avons-nous besoin d’un peu plus de temps pour pouvoir affirmer sans l’ombre d’un doute qu’un traitement préalable par le rituximab améliore la survie globale», prévient le Dr Buske.

Autres stratégies de traitement d’entretien

La radio-immunothérapie est un outil intéressant pour le traitement de consolidation. L’essai RITZ (Randomization Intergroup Trial Zevalin) a été conçu pour évaluer l’efficacité et l’innocuité d’un traitement de consolidation par l’ibritumomab suivi d’un traitement d’entretien par le rituximab chez des patients atteints d’un LF avancé en rechute qui répond à l’immunothérapie.

Pour le traitement d’entretien, une chimiothérapie à forte dose suivie d’une autogreffe de cellules souches est une autre option, mais il n’est pas clair dans quelle mesure une telle démarche serait bénéfique. Trois études – celles du GOELAMS (Groupe ouest est d’étude des leucémies et autres maladies du sang), du GELA (Groupe d’étude des lymphomes de l’adulte) et du GLSG (German Low Grade Lymphoma Study Group) – ont donné lieu à des résultats contradictoires chez des patients atteints d’un LF de mauvais pronostic.

Purge in vivo

Dans les années 1990, il a été démontré que la purge ex vivo, c’est-à-dire l’élimination des cellules tumorales du greffon, améliorait les résultats de l’autogreffe de moelle osseuse chez les patients atteints d’un LNH de type B (Gribben et al. N Engl J Med 1991;325[22]:1525-33). Un suivi à long terme a permis de constater que la prolongation de la survie se maintenait. Dans le LF, la purge des lymphocytes B des greffons de cellules souches n’a objectivé aucun bénéfice par rapport à l’absence de purge sur les plans de la survie sans progression ou de la survie globale (Schouten et al. J Clin Oncol 2003;21[2]:3918-27). Cependant, «de nombreux groupes continuent de croire que les anticorps monoclonaux administrés in vivo pourraient remplacer les manipulations ex vivo des cellules», explique le Pr John Gribben, St. Bartholomew’s Hospital, University of London, Royaume-Uni. Cette démarche permettrait de continuer à administrer les anticorps après la greffe, ce qui serait un avantage.

Des études randomisées en cours portent sur l’utilisation du rituximab pour la purge in vivo après la réponse à un traitement à forte dose. L’essai LYM1 du European Group for Blood and Marrow Transplantation (EBMT) – qui porte sur des patients dont le LF a rechuté ou est résistant – prévoit deux randomisations. Dans un premier temps, les patients sont randomisés de façon à bénéficier d’une purge in vivo par le rituximab ou non. Dans un deuxième temps, ils reçoivent un traitement d’entretien ou sont en observation sous surveillance. «Lorsque nous aurons les résultats de cette étude, nous devrions être en mesure d’élucider l’apport du rituximab selon qu’il a été administré au moment du recueil de cellules souches ou après la greffe», affirme le Pr Gribben.

Progrès des 10 dernières années

Par le passé, peu de patients souffrant de LLC obtenaient une réponse complète au traitement, et le traitement avait une visée palliative, mais on a réussi à prolonger la survie au cours des 10 dernières années. Ainsi, lors d’une étude récente qui comportait un seul groupe et dans laquelle on évaluait l’ajout du rituximab à l’association fludarabine/cyclophosphamide, le taux de rémission complète était de 70 % et le taux de réponse globale, de 95 % (Keating et al. J Clin Oncol 2005;23[18]:4079-88). De l’avis du Pr Gribben, «l’ajout du rituximab aux options de traitement semble améliorer la survie, mais nous avons besoin de résultats d’essais randomisés pour le confirmer».

Stratification du risque en fonction des biomarqueurs

Compte tenu des effets indésirables et des dangers de la transplantation, il serait peut-être important de stratifier les patients en fonction du risque afin que seuls les plus exposés au risque de progression reçoivent le traitement le plus énergique. «Le moment est venu de s’éloigner de la solution universelle et d’adapter le traitement au risque déterminé par les biomarqueurs», souligne le Pr Gribben. Pareille démarche soulève toutefois un certain nombre de questions. Quels biomarqueurs doit-on utiliser? Le traitement optimisé pour les groupes à risque élevé compenserait-il les facteurs de mauvais risque? Ces facteurs sont-ils révélateurs d’une résistance à la chimiothérapie?

Dans la LLC, les facteurs pronostiques moléculaires sont notamment les anomalies cytogénétiques, l’état mutationnel des gènes codant pour les immunoglobulines, une faible expression de CD38 et l’expression de la tyrosine kinase ZAP-70. Des techniques comme l’hybridation in situ fluorescente (FISH) ont révolutionné les analyses génétiques. Grâce à cette technique, les chercheurs ont décelé des anomalies chromosomiques chez 82 % des patients atteints de LLC, la plus courante étant la délétion 13q (55 %), quoique la délétion 11q (18 %), la trisomie 12q (16 %) et la délétion 17p (7 %) soient également fréquentes (Dohner et al. N Engl J Med 2000;343[26]:1910-6). Selon l’analyse de survie de sous-groupes, les patients présentant la délétion 17p s’en sont tirés moins bien que les autres groupes, alors que la délétion 13q a été associée à un pronostic assez favorable.

Les patients exposés à un risque élevé ont généralement une moins bonne réponse au traitement, si l’on en juge par les résultats d’une analyse rétrospective de deux essais cliniques multicentriques : CALGB 9712 dans lequel on comparait un schéma à base de fludarabine suivi du rituximab avec l’association fludarabine/rituximab et ECOG 2997 dans lequel on comparait la fludarabine avec l’association fludarabine/cyclophosphamide. L’issue a été moins favorable chez les patients présentant les délétions 11q et 17p et les patients ayant un gène IgVH non muté (Byrd et al. Blood 2005;105[1]:49-53).

Rôle de la transplantation

«Malheureusement, nous n’avons pas de données tirées d’essais randomisés où l’on a comparé la chimiothérapie seule avec la chimiothérapie plus la transplantation», enchaîne le Pr Gribben. Certaines études ont porté sur les allogreffes et les autogreffes de cellules souches, mais les résultats sont contradictoires. Néanmoins, le groupe EBMT a récemment publié des lignes directrices consensuelles pour faciliter la prise de décisions quant à la pertinence d’une allogreffe de cellules souches. Ainsi, il serait possible d’envisager la transplantation en première réponse chez les patients présentant la délétion 17p et chez ceux dont la maladie ne répond pas à un traitement d’association à base de fludarabine ou rechute rapidement après un tel traitement (Dreger et al. Leukemia 2007;21[1]:12-7). Les chercheurs insistent néanmoins pour dire que d’autres essais cliniques s’imposent.

Réaction GVH chronique

Une réaction GVH chronique apparaît chez jusqu’à 80 % des receveurs d’un greffon provenant d’un donneur non apparenté. Malgré l’importance de la maladie, il n’y a pas de consensus sur la façon de la classer, et les traitements demeurent insatisfaisants. «Bien qu’il soit important de comprendre que le taux de cancers secondaires est plus élevé chez les patients atteints d’une réaction GVH, la réaction GVH exerce aussi un effet antitumoral sur le cancer sous-jacent», explique le Dr Hans Messner, Princess Margaret Hospital, Toronto, Ontario. L’apparition d’une réaction GVH est retardée de plusieurs semaines ou mois et est associée à la présence d’inflammation, à la synthèse de collagène et à l’apparition d’une fibrose. On comprend mal les mécanismes en cause, mais divers aspects tels que l’alloréactivité, la production d’autoanticorps et l’expansion des lymphocytes B pourraient jouer un rôle.

L’incidence de la réaction GVH chronique est en hausse depuis quelques années parce que les receveurs (et les donneurs) sont généralement plus âgés. En outre, la survie à court terme après la transplantation a été prolongée, les donneurs non apparentés et imparfaitement compatibles sont de plus en plus courants et on a tendance à utiliser des cellules souches du sang périphérique plutôt que des cellules souches de la moelle osseuse pour les allogreffes. L’issue dépend de la façon dont la maladie se présente, de sorte que la progression d’une réaction GVH aiguë est de mauvais pronostic, tandis qu’une progression avortée annonce une issue plus prometteuse.

Il a été démontré que l’administration d’une globuline antithymocyte réduit le risque d’apparition d’une réaction GVH chronique, surtout avec atteinte pulmonaire, mais malheureusement, la survie n’en est pas prolongée (Bacigalupo et al. Biol Blood Marrow Transplant 2006;12[5]:560-5). Le traitement de première intention d’une réaction GVH chronique établie repose généralement sur l’administration de cyclosporine et de prednisone, mais les résultats sont souvent peu satisfaisants (Koc et al. Blood 2002;100[1]:48-51). Compte tenu des piètres résultats du traitement de première intention, un certain nombre de stratégies de sauvetage ont été mises à l’essai. Les traitements de sauvetage courants sont notamment la thalidomide et le mycophénolate, mais «le fait que les lymphocytes B puissent jouer un rôle clé dans la réaction GVH signifie que le rituximab pourrait être utile dans la prise en charge de ce processus», affirme le Dr Messner.

Cet agent a fait l’objet de petites études, et le taux de réponse globale a atteint 83,3 % (Canninga-van Dijk et al. Blood 2004;104[8]:2603-6) et 62,5 % (Cutler et al. Blood 2006;108[2]:756-62). Cependant, malgré un taux de réponse globale élevé, peu de patients obtiennent une réponse complète.

À la recherche d’une explication, le Dr Messner avance que «quelques-unes de ces interventions utilisées ne ciblent peut-être pas toutes les manifestations de la réaction GVH chronique, de sorte que le recours à différentes associations serait peut-être indiqué pour le traitement de lésions touchant différents organes».

Résumé

En présence d’une lymphopathie maligne B, les traitements ciblés comme le rituximab trouvent leur place dans de nombreux contextes. L’ajout de ce dernier à la chimiothérapie de même que son utilisation dans le traitement d’induction et le traitement d’entretien ont donné des résultats prometteurs chez les patients souffrant d’un LF avancé. La purge in vivo de greffons de cellules souches par le rituximab pourrait contribuer à prolonger la survie. Dans la LLC, cet agent pourrait aussi prolonger la survie, quoique les groupes de mauvais pronostic semblent généralement répondre de façon moins satisfaisante au traitement.

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