Comptes rendus

Traitement ciblé et lymphopathies malignes : le visage changeant de la transplantation
Nouvel espoir dans le traitement des formes résistantes et avancées de lymphome cutané à cellules T et de leucémie myéloïde chronique

Amélioration de l’issue grâce à l’immunochimiothérapie dans les lymphomes indolents et apparentés

Le présent compte rendu est fondé sur des données médicales présentées lors d'un congrès de médecine reconnu ou publiées dans une revue avec comité de lecture ou dans un commentaire signé par un professionnel de la santé reconnu. La matière abordée dans ce compte rendu s'adresse uniquement aux professionnels de la santé reconnus du Canada.

48e Assemblée/Exposition annuelle de l’American Society of Hematology

Orlando, Floride / 9-12 décembre 2006

Il ressort des résultats d’une analyse à 10 ans de deux études consécutives par le German Low Grade Lymphoma Study Group (GLSG) que le rituximab, anticorps monoclonal (AcM) recombinant, prolonge la survie chez les patients atteints d’un lymphome folliculaire avancé. «Au cours des dernières décennies, nous avons été témoins d’une amélioration significative de la survie globale [SG] chez les patients atteints d’un lymphome folliculaire de stade avancé», affirme le Dr Wolfgang Hiddemann, directeur, Clinique médicale III, Université de Munich, Allemagne.

Cela dit, il n’était pas clair si la différence tenait à la chimiothérapie seule ou à l’ajout du rituximab à la chimiothérapie. Afin d’élucider la question, les investigateurs ont comparé les résultats de l’étude du GLSG de 1996 – lors de laquelle les patients recevaient le protocole CHOP (cyclophosphamide/doxorubicine/vincristine/prednisone) ou le protocole MCP (mitoxantrone/chlorambucil/prednisone) – à ceux de l’étude du GLSG de 2000 – lors de laquelle les patients recevaient le protocole CHOP seul ou le protocole CHOP associé au rituximab (R-CHOP). Les critères d’admissibilité et la distribution des facteurs de risque étaient identiques dans les deux études. L’effectif des deux études se composait de patients qui souffraient d’un lymphome folliculaire de stade III ou IV jamais traité auparavant, mais nécessitant une intervention en raison de la présence de symptômes B (fièvre inexpliquée, sueurs nocturnes ou perte pondérale) et qui présentaient une tumeur volumineuse, une progression rapide ou un trouble du système hématopoïétique.

Dans le cadre de l’étude du GLSG de 1996, le groupe CHOP comportait 381 patients et le groupe MCP, 148 patients. Dans l’étude de 2000, 436 patients ont été randomisés dans le groupe R-CHOP et 279 dans le groupe CHOP seul. L’effectif des deux études allemandes totalisait près de 1250 sujets. Comme le souligne le Dr Hiddemann, le type de chimiothérapie utilisée dans les deux études séquentielles a eu des retombées limitées sur le taux de réponse, bien que ce dernier ait été plus élevé dans le groupe CHOP (86 %) que dans le groupe MCP (77 %).

Essentiellement, les délais d’échec du traitement (DET) des groupes de chimiothérapie «se chevauchaient» dans les deux études, indique le Dr Hiddemann, alors que le délai était «nettement plus long» dans le groupe rituximab. En effet, la comparaison des deux essais a mis en évidence un taux de réponse de 94 % vs 88 %, un DET médian de 48 mois vs 32 mois et un taux de SG à quatre ans de 89 % vs 78 %. Les résultats étaient tous significativement meilleurs dans l’étude du GLSG de 2000 que dans l’étude de 1996. Lorsque les investigateurs ont réalisé une analyse de régression multiple de Cox, ils ont constaté que l’AcM était le facteur déterminant dominant qui sous-tendait ces différences majeures dans les résultats, sa présence ayant amélioré le taux de réponse de 55 % (risque relatif approché ou odds ratio [OR] : 0,45, p<0,0001), le DET de 71 % (OR : 0,39, p<0,0001) et la SG de 43 % (OR : 0,57, p=0,0064). «L’augmentation de la SG tenait probablement à l’utilisation du rituximab, non seulement comme traitement de première intention, mais fort probablement aussi comme traitement de sauvetage, de conclure le Dr Hiddemann. L’analyse met au jour une amélioration significative du taux de réponse, du DET et de la SG, et cette amélioration est vraiment attribuable à l’ajout du rituximab. [Ces données] constituent donc un argument solide à l’appui de nouveaux essais sur l’association du rituximab et de la chimiothérapie.»

Détermination de l’avantage sur le plan de la survie

Les investigateurs d’un autre essai allemand ont tenté de déterminer si l’ajout du rituximab au protocole MCP en première intention prolongeait la survie chez des patients souffrant d’un lymphome avancé, indolent ou du manteau.

Après un suivi médian de 47 mois de la cohorte entière (49 mois pour le groupe MCP plus rituximab vs 42 mois pour le groupe MCP seul), note le porte-parole du Groupe de travail est-allemand, le Dr Michael Herold, chef de l’hémato-oncologie, HELIOS Klinikum Erfurt, Allemagne, on a constaté une augmentation des taux d’effets indésirables, toutes gravités confondues, chez la quasi-totalité des patients, et ces taux étaient légèrement plus élevés dans le groupe rituximab. «Il n’y avait pratiquement pas de différence entre les deux groupes quant aux effets indésirables sévères», souligne le Dr Herold, quoique 72 % des patients atteints d’un lymphome folliculaire qui ont reçu l’AcM aient eu des effets indésirables de classe 3 ou 4 sur le plan de la numération leucocytaire, contre 58 % de ceux qui ne l’ont pas reçu.

Les taux d’infections sévères étaient similaires dans les deux groupes : 7 % pour le protocole R-MCP vs 8 % pour le protocole MCP seul. Le taux de réponse globale des patients atteints d’un lymphome folliculaire – qui formaient la majeure partie de l’effectif de cette étude – était à la fois «cliniquement et statistiquement» plus robuste dans le groupe rituximab que dans le groupe chimiothérapie seule. Après un suivi médian de 47 mois, le taux de réponse se chiffrait à 92,4 % dans le groupe R-MCP vs 75 % dans le groupe MCP, alors que le taux de réponse complète (RC) avoisinait 50 % vs 25 %, respectivement. Ces taux de réponse prometteurs pendant le traitement d’induction se sont aussi traduits par de meilleurs taux de SG. Après environ quatre ans, le taux de survie sans progression (SSP) était de 71 % chez ceux qui recevaient la chimiothérapie plus le rituximab vs 40 % chez ceux qui recevaient seulement la chimiothérapie, «ce qui revient à un avantage de plus de 30 %», fait remarquer le Dr Herold. La médiane de SG n’a pas encore été atteinte, mais à quatre ans, 87 % des patients recevant le rituximab étaient encore en vie, vs 74 % des patients du groupe chimiothérapie seule. Chez les patients dont le risque était élevé selon l’Indice pronostique international pour le lymphome folliculaire, le taux de SG à quatre ans était de 81 % dans le groupe chimiothérapie plus rituximab vs 63 % dans le groupe chimiothérapie seule.

«J’en conclus que le R-MCP pourrait devenir la norme de traitement dans le lymphome folliculaire avancé, d’autant plus que ces sujets étaient âgés, ce qui rend les données particulièrement utiles», affirme le Dr Herold. Dans cette étude particulière, il ne semble pas que les sujets atteints d’un lymphome du manteau aient bénéficié de l’ajout du rituximab au protocole MCP.

Résultats d’une méta-analyse

Malgré ce résultat, la mise à jour d’une méta-analyse présentée par l’auteur principal, le Dr Holger Schulz, Université de Cologne, Allemagne, laisse entendre que, au contraire, les patients atteints d’un lymphome du manteau ont intérêt à recevoir du rituximab en plus de la chimiothérapie. Le Dr Schulz et ses collaborateurs ont entrepris une étude exhaustive de sept essais cliniques randomisés qui regroupaient au total 1943 patients souffrant d’un lymphome folliculaire (n=1480), d’un lymphome du manteau (n=260) ou d’un autre lymphome indolent (n=203). Dans la totalité des sept essais randomisés, les résultats ont montré une augmentation statistiquement significative de 35 % de la SG lorsque le rituximab était ajouté à la chimiothérapie, par rapport à la chimiothérapie seule (taux de risque [HR] : 0,65). Le taux de maîtrise de la maladie était significativement plus élevé, de quelque 38 % (HR : 0,62), lorsque l’AcM était ajouté à la chimiothérapie.

Toujours selon cette méta-analyse, le risque d’apparition d’une leucopénie et de fièvre était significativement plus élevé lorsque le rituximab était ajouté à la chimiothérapie, mais ce risque ne s’accompagnait pas d’une augmentation du risque d’infection, précisent les chercheurs.

Les auteurs admettent l’existence d’une « certaine hétérogénéité» des résultats d’un essai à l’autre chez les sujets souffrant d’un lymphome du manteau. Cependant, chez les patients atteints d’un lymphome folliculaire, le traitement d’association a systématiquement amélioré les taux de rémission, la SSP et la SG par rapport à la chimiothérapie seule, ce qui a amené les chercheurs à conclure que «l’utilisation concomitante du rituximab et de la chimiothérapie devrait devenir la norme de traitement chez ces patients».

Traitement de sauvetage

D’aucuns se demandent si l’utilisation du rituximab en première intention ne compromet pas son utilisation comme traitement de sauvetage dans le lymphome indolent récidivant. Il semble que le GLSG ait trouvé réponse à cette question en analysant un sous-groupe de patients dont le lymphome récidivant a été traité au moyen de l’immunochimiothérapie par le R-FCM (rituximab/fludarabine/cyclophosphamide/mitoxantrone) suivie d’un traitement d’entretien par le rituximab, et dont la réponse a été comparée à celle de témoins n’ayant pas reçu de rituximab. Après un traitement d’induction de quatre cycles par le R-FCM, les patients qui avaient obtenu une RC ou une réponse partielle (RP) ont été randomisés dans deux groupes : attente sous surveillance ou traitement d’entretien par le rituximab, à raison de quatre doses aux mois 3 et 9. Seulement 18 des 268 patients souffrant d’un lymphome récidivant avaient reçu un traitement préalable à base de rituximab; les 250 autres patients n’avaient jamais reçu l’AcM. Mais, comme le rapportent le Dr Martin Dreyling, coordonnateur adjoint du GLSG, Université de Munich, et ses collaborateurs, les résultats obtenus chez les patients déjà exposés au rituximab et les patients jamais exposés se superposaient ou presque. Plus précisément, chez les 18 patients qui avaient reçu le rituximab au préalable, le taux de réponse globale était de 83 % vs 84 % chez les patients jamais exposés au rituximab qui ont aussi reçu le R-FCM (n=183).

Le taux de RC était aussi significativement plus élevé chez les patients déjà exposés : 40 % vs 27 % chez les patients jamais exposés. Toujours dans le groupe R-FCM, le taux de RP était de 56 % chez les patients jamais exposés au rituximab vs 44 % pour les patients déjà exposés, tandis que la médiane de SSP était de 27 mois pour les patients déjà exposés vs 17 mois pour les patients jamais exposés et que la SG était identique dans les deux groupes.

Si la maladie se révèle réfractaire au rituximab dès le départ, le Dr Dreyling n’utilise pas cet agent comme traitement de sauvetage. Cependant, comme la plupart des patients atteints d’un lymphome indolent répondent au traitement initial par le rituximab, «le traitement préalable par le rituximab ne compromet pas le traitement de sauvetage [par le même agent]», explique-t-il. Environ 40 % des patients souffrant d’un lymphome du manteau qui reçoivent un traitement préalable par le rituximab répondent à un traitement de sauvetage à base de rituximab, ajoute-t-il.

Comme on l’a déjà dit, le rituximab administré à raison de quatre doses hebdomadaires de 375 mg/m² se caractérisait par un taux de réponse de 73 % à 50 jours : 10 patients sur 49 ont obtenu une RC, trois patients, une RC non confirmée et 23 patients, une RP (Colombat et al. Blood 2001; 97[1]:101-6). Les sujets de cette étude souffraient d’un lymphome folliculaire de stade II à IV, mais avaient une charge tumorale peu importante lorsqu’ils ont reçu le traitement. De plus, le diagnostic était récent (quatre mois ou moins). Au total, la cohorte initiale comportait 49 patients évaluables, et 46 de ces patients ont pu être suivis à long terme (médiane de 83,8 mois). Comme le rapporte l’auteur original de l’étude préalable, le Professeur Philippe Colombat, chef, Hématologie et thérapie cellulaire, Hôpital Bretonneau, France, le meilleur taux de réponse globale a été de 74 % le jour 78.

Dans la même étude, 28 % des sujets ont aussi atteint une RC (ou une RC non confirmée) et 46 %, une RP. La médiane de SSP pour l’ensemble du groupe était de 23,5 mois, mais elle était de 51,8 mois pour les sujets qui ont bénéficié d’une RC confirmée ou non. Chez les sujets qui ont obtenu une réponse moléculaire au rituximab en monothérapie, la médiane de SSP était plus longue : 42 mois vs 14 mois dans les cas où la maladie exprimait toujours Bcl2.

La durée médiane de la réponse était de 28,7 mois. Après sept ans, 91 % des sujets du groupe étaient toujours en vie et sept patients de la cohorte initiale étaient toujours exempts de maladie. «La tolérabilité à long terme était bonne, seulement 13 effets indésirables graves ayant été signalés chez 13 patients au cours des quatre années de suivi supplémentaires, observe le Dr Colombat. Au sein de cette population suivie à long terme, nous avons confirmé l’efficacité du rituximab en monothérapie [puisque] sept ans après un seul [cycle] de traitement, nous avons recensé seulement quatre décès sur 46 cas et que sept survivants encore exempts de la maladie semblent guéris.»

Rapport coût-efficacité

Selon une analyse de coût canadienne fondée sur les résultats de la principale étude randomisée sur le traitement d’entretien par le rituximab chez des patients dont le lymphome folliculaire était réfractaire ou récidivant, cette stratégie est hautement efficiente. Comme le souligne le Dr Joseph Mikhael, division d’hématologie, UHN-Princess Margaret Hospital, et professeur adjoint de médecine, University of Toronto, Ontario, le modèle simule l’évolution de la maladie, depuis l’absence de progression jusqu’à la présence de progression ou à la mort, en utilisant les données de cette étude pivot. «Dans le modèle de base, on supposait qu’un traitement d’entretien par le rituximab permettait une SSP et une SG de seulement cinq ans, ce qui était prudent», précise-t-il. Les frais médicaux directs annuels, y compris les coûts d’achat et d’administration du médicament, ont été calculés en dollars canadiens de 2005. Les résultats de ce modèle indiquent que le traitement d’entretien par le rituximab a permis un gain de 0,8 année sans invalidité (QALY, pour quality-adjusted life years), pour un coût supplémentaire de 17 136 $. Le coût approximatif de chaque QALY gagnée était de 20 428 $, ce qui est bien inférieur au seuil de 50 000 $ par QALY qui a été établi pour déterminer l’efficience de la plupart des interventions. «Ce modèle pharmaco-économique montre que le traitement d’entretien par le rituximab offre un bon rapport coût-efficacité dans le lymphome folliculaire», conclut le Dr Mikhael.

Questions et réponses

Les questions et réponses qui suivent sont fondées sur des discussions avec le Dr Wolfgang Hiddemann, directeur, Clinique médicale III, Université de Munich, Allemagne, et le Dr Michael Herold, chef de l’hémato-oncologie, HELIOS Klinikum Erfurt, Groupe de travail est-allemand, Allemagne, durant les séances scientifiques.

Q : Disposez-vous de données montrant qu’un traitement préalable par le rituximab nuit à la réponse au protocole chimiothérapie plus rituximab lors d’une récidive? Dr Hiddemann : On a mis fin très tôt à l’essai sur le traitement de sauvetage qui visait à comparer les protocoles FCM et R-FCM parce que les résultats étaient nettement meilleurs dans le groupe R-FCM. Cela dit, quelques patients qui ont reçu le protocole R-FCM comme traitement de sauvetage avaient d’abord reçu le protocole R-CHOP; à peu près la même proportion de patients avait reçu le protocole CHOP seul avant de recevoir le protocole R-FCM. Or, les taux de réponse et les résultats généraux ne différaient pas. Nous avons l’impression, d’après les résultats obtenus dans un contexte de traitement de sauvetage chez une cinquantaine de patients, que les patients répondent bien à un deuxième traitement par le rituximab et la chimiothérapie [lors d’une récidive].

Q : Avez-vous examiné le taux de transformation dans divers groupes de chimiothérapie en fonction de la réponse initiale? Dr Hiddemann : Oui, et nous n’avons pas noté de différence. Et, si je puis me permettre de répondre à une question sur les leucémies secondaires que personne n’a soulevée, nous pouvons affirmer que le taux de leucémie myéloïde aiguë secondaire a atteint un maximum dans le groupe MCP : 5,6 % vs 1,2 % dans le groupe CHOP. [Dans l’essai du GLSG de 2000], il n’y avait pas de différence [non plus] quant au taux de LMA entre les groupes CHOP et R-CHOP.

Q : Le rituximab a-t-il amélioré les résultats chez les patients atteints d’un lymphome du manteau? Dr Herold : Seulement 19 % des sujets de la cohorte que nous avons analysés souffraient d’un lymphome du manteau, mais l’ajout du rituximab chez ces patients n’a pas amélioré les taux de rémission ni les taux de survie, peu importe lequel. Dans notre étude, il n’y avait pas de différence entre les groupes de traitement, et le taux de SSP chez les patients souffrant d’un lymphome du manteau n’était que de 57 % à quatre ans. C’est donc dire que leur pronostic est sombre.

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