Comptes rendus

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Le présent compte rendu est fondé sur des données médicales présentées lors d'un congrès de médecine reconnu ou publiées dans une revue avec comité de lecture ou dans un commentaire signé par un professionnel de la santé reconnu. La matière abordée dans ce compte rendu s'adresse uniquement aux professionnels de la santé reconnus du Canada.

NOUVELLES FRONTIÈRES - Congrès commun de l’ICAAC (48e Conférence intersciences annuelle sur les antimicrobiens et la chimiothérapie) et de l’IDSA (46e Assemblée annuelle de l’Infectious Diseases Society of America)

Washington D.C. / 25-28 octobre 2008

L’essai ACTG5202 – dont l’objectif était d’évaluer l’innocuité et l’efficacité de quatre schémas antirétroviraux hautement actifs chez des patients d’âge adulte infectés par le VIH qui n’avaient encore jamais été traités – a soulevé plusieurs questions sur l’efficacité de schémas comportant le tandem abacavir (ABC)/lamivudine (3TC). Réalisé sous l’égide du National Institute of Allergy and Infectious Diseases aux États-Unis, l’essai randomisé ACTG5202 comparait, en partie à double insu, quatre schémas regroupant divers agents parmi les suivants : l’éfavirenz, le tandem emtricitabine et fumarate de ténofovir disoproxil (FTC/TDF) ou ABC/3TC, et l’atazanavir potentialisé par le ritonavir (atazanavir/r).

Les chercheurs ont recruté 1858 hommes et femmes admissibles qu’ils ont divisés en deux cohortes d’après leur virémie initiale : <100 000 ou <u>></u>100 000 copies/mL. Les patients étaient répartis aléatoirement dans quatre groupes : éfavirenz, FTC/TDF et placebo (pour ABC/3TC); éfavirenz, placebo (pour FTC/TDF) et ABC/3TC; atazanavir/r, FTC/TDF et placebo (pour ABC/3TC); ou atazanavir/r, placebo (pour FTC/TDF) et ABC/3TC.

Sur le plan de l’efficacité, ces schémas se valaient chez la plupart des patients, mais en février 2008, le comité indépendant de surveillance des essais a recommandé de modifier l’essai en cours en raison du nombre plus élevé d’échecs virologiques enregistrés dans le sous-groupe des patients qui avaient une virémie initiale élevée (<u>></u>100 000 copies/mL) et qui avaient reçu d’emblée l’association ABC/3TC.

Résultats de l’essai ARIES

Pourtant, les résultats d’autres essais cliniques ont mis en évidence une réponse virologique robuste à l’association ABC/3TC sans égard à l’ampleur de la charge virale initiale. Par exemple, selon l’analyse à 36 semaines des données de l’essai ARIES, le schéma ABC/3TC plus atazanavir/r a été associé à une puissante activité antivirale pendant la totalité des 36 semaines chez des patients jamais traités auparavant dont la virémie était égale ou supérieure à 1000 copies/mL au départ.

L’essai ARIES a pour objet d’évaluer l’efficacité et l’innocuité d’un schéma de traitement simplifié : dans un premier temps, ABC/3TC plus atazanavir/r, puis dans un deuxième temps, ABC/3TC plus atazanavir potentialisé ou non. Cet essai et l’essai ACTG5202 – qui se sont déroulés en parallèle – avaient le schéma ABC/3TC + atazanavir/r en commun.

Les 515 sujets de l’essai ARIES – encore jamais exposés à un antirétroviral – étaient infectés par le VIH-1, n’étaient pas porteurs de l’allèle HLA-B*5701 témoignant d’une hypersensibilité à l’ABC et avaient au moment de la présélection une virémie <u>></u>1000 copies/mL. Le nombre initial de cellules CD4+ n’était pas un critère de sélection. Les patients recevaient en mode ouvert le schéma ABC/3TC plus atazanavir/r, après quoi ils étaient randomisés de façon à continuer de recevoir de l’atazanavir potentialisé ou à passer à l’atazanavir non potentialisé.

Le paramètre principal de l’étude était la proportion de patients ayant atteint une virémie <50 copies/mL après 84 semaines selon l’analyse du délai de perte de réponse virologique (DPRV). L’échec virologique se définissait comme la non-atteinte d’une virémie <400 copies/mL après 30 semaines de traitement, ou un rebond avéré de <u>></u>400 copies/mL après l’atteinte d’une virémie <400 copies/mL. Les chercheurs ont effectué une deuxième analyse en appliquant la définition de l’échec virologique utilisée dans l’essai ACTG5202, à savoir une virémie <u>></u>1000 copies/mL entre les semaines 16 et 24, ou un rebond avéré de <u>></u>200 copies/mL à 24 semaines.

Bonne réponse biologique

«Au chapitre de l’efficacité, nous avons observé une très bonne réponse biologique pendant les 36 premières semaines, près de 90 % des patients ayant répondu au traitement selon l’analyse du DPRV en intention de traiter (IT)», rapporte l’auteure principale, la Dre Kathleen E. Squires, directrice du Département d’infectiologie et de médecine environnementale, Jefferson Medical College, Philadelphie, Pennsylvanie.

Son équipe a constaté que selon l’analyse du DPRV-IT, 80 % de l’ensemble des patients avaient atteint une virémie <50 copies/mL à 36 semaines, soit 84 % des patients dont la virémie initiale était <100 000 copies/mL et 76 % de ceux dont la virémie initiale était <u>></u>100 000 copies/mL. Les résultats étaient quasiment identiques quant aux proportions de patients ayant une virémie <200 et <400 copies/mL.

Suivant les critères de l’essai ACTG5202, la diminution de la charge virale a été efficace chez 97 % de l’ensemble des patients, soit 98 % des sujets de la cohorte <100 000 copies/mL et 95 % de ceux de la cohorte <u>></u>100 000 copies/mL.

En tout, 15 patients (3 %) ont essuyé un échec virologique en vertu du protocole de cet essai : cinq patients n’ont pas réussi à atteindre une virémie <400 copies/mL à 36 semaines, alors qu’un rebond a été confirmé après l’atteinte d’une virémie <400 copies/mL chez les 10 autres. Chez 11 des 15 patients, l’inobservance ou l’interruption du traitement ont été confirmées.

«Après la publication des résultats de l’essai ACTG5202 – vu le schéma de traitement commun et la virémie initiale <u>></u>100 000 copies/mL chez près de 60 % des patients –, nous avons décidé d’analyser la proportion de patients des cohortes <100 000 et <u>></u>100 000 copies/mL qui, à 36 semaines, avaient atteint une virémie <50 copies en appliquant les définitions de l’échec virologique de l’essai ACTG5202. Nous avons constaté que les résultats étaient très bons et qu’ils ne différaient pas de manière substantielle en fonction de la virémie initiale», note la Dre Squires.

Des effets indésirables de classe 2 à 4 liés au traitement ont été signalés chez 28 % des patients, et l’hyperbilirubinémie – que l’on a notée chez 13 % des patients – a été le plus fréquent de ces effets indésirables. L’élévation de la bilirubinémie est monnaie courante chez les patients sous atazanavir, rappelle la Dre Squires. La suspicion d’une réaction d’hypersensibilité à l’ABC chez quatre patients a été infirmée par un test épicutané dans tous les cas, ajoute-t-elle.

Résultats d’autres études

Le Dr Keith Pappa, Research Triangle Park, Caroline du Nord, et son équipe ont présenté les données de six essais cliniques sur l’ABC/3TC montrant que, chez des patients dont la virémie initiale était égale/supérieure ou inférieure à 100 000 copies/mL, la réponse virologique – définie suivant les critères de l’essai ACTG5202 – était robuste et uniforme sans égard à la virémie initiale. Selon l’analyse regroupée des six essais, 87 à 95 % des patients sous ABC/3TC n’avaient pas essuyé d’échec virologique après 48 semaines,

En outre, les résultats de l’analyse du paramètre d’évaluation de l’innocuité – à savoir, le délai de survenue du premier signe clinique ou biologique ou du premier symptôme de grade 3 ou 4 – étaient similaires dans les deux cohortes, sans égard à la virémie initiale.

L’un des essais inclus dans l’analyse commune était HEAT, qui a été le premier à comparer nez à nez les tandems d’inhibiteurs nucléosidiques de la transcriptase inverse ABC/3TC et TDF/FTC utilisés en association avec le lopinavir/r. Le Dr Benjamin Young, Denver Infectious Disease Consultants, Colorado, et son équipe ont présenté une analyse à 96 semaines des échecs virologiques dans l’essai HEAT. Ils ont rapporté que le taux global d’échecs virologiques était comparable dans les deux groupes, mais que chez les patients dont la virémie initiale était <100 000 copies/mL, le taux d’échecs virologiques était en fait plus élevé dans le groupe TDF/FTC que dans le groupe ABC/3TC (63 % vs 41 %, respectivement). Par contre, ils ont noté que chez les patients dont la virémie était <u>></u>100 000 copies/mL, les sujets sous ABC/3TC étaient plus nombreux à essuyer un échec virologique (59 % vs 37 % pour le TDF/FTC). Les patients les plus susceptibles de subir un échec virologique étaient les Afro-Américains, résultat qui s’est dégagé à la fois des analyses univariées et multivariées des prédicteurs de l’échec virologique. Les chercheurs ont aussi découvert que dans les cas où l’échec virologique était lié à une mutation de résistance apparue durant le traitement, une mutation siégeant au codon 184V était plus fréquente sous TDF/FTC que sous ABC/3TC.

Le Dr Pappa et son équipe estiment que les différences observées entre l’essai ACTG5202 et l’analyse des six essais regroupés quant aux résultats obtenus en présence d’une virémie élevée pourraient tenir au troisième médicament administré, aux modalités de l’étude et du suivi, aux paramètres analysés (ceux de l’essai ACTG5202 différaient de ceux de l’essai HEAT et de la plupart des autres études sur le VIH), et à de multiples variables comme l’interruption du traitement, l’adhésion au traitement et l’absence de tests de résistance chez certains patients de l’essai ACTG5202 (aucun génotypage n’a été effectué au départ chez 40 % d’entre eux). Ils précisent par ailleurs que quand ils ont appliqué les critères de l’essai ACTG5202 aux données de l’essai HEAT, la différence observée n’était pas de même ampleur.

Hépatite C concomitante

Les auteurs d’une autre étude présentée au congrès ont conclu, contrairement à ceux de deux autres études récentes, qu’il ne semble pas y avoir d’interaction négative entre les schémas à base d’ABC et l’interféron pégylé en présence d’une co-infection par le VIH et le virus de l’hépatite C (VHC).

Des chercheurs de Baltimore ont étudié la réponse au traitement de l’hépatite C chez 27 sujets co-infectés par le VIH et le VHC qui recevaient un schéma avec ou sans ABC, avec ou sans ritonavir et avec ou sans inhibiteur de la protéase (IP). Ils ont constaté que la réponse virale initiale et la réponse virale à long terme étaient moins favorables chez les patients recevant un schéma avec ritonavir que chez ceux recevant un schéma sans ritonavir. Par contre, ils n’ont pas observé de telles différences selon que les patients recevaient ou non de l’ABC.

«Nos conclusions manquent de robustesse en raison du petit nombre de sujets, mais nous avons néanmoins fait une découverte intéressante, à savoir qu’aucun des patients recevant un IP potentialisé n’a eu de réponse virologique durable», affirme l’auteur principal, le Dr Rohit Talwani, professeur adjoint de médecine, University of Maryland School of Medicine. À son avis, il se pourrait que les IP interfèrent avec les protéasomes intervenant dans les voies de signalisation des cytokines régulatrices, ce qui pourrait exercer un effet négatif sur le traitement à base d’interféron.

Résumé

Les résultats paradoxaux qui se dégagent des études présentées au congrès soulignent que, dans l’infection à VIH, la réussite d’un traitement antirétroviral hautement actif administré en première intention dépend d’une myriade de facteurs comme la charge virale, les mutations, les co-infections, l’état de santé général du patient et les facteurs sociodémographiques qui peuvent influer sur l’observance du traitement. Somme toute, aucun schéma ou association ne peut convenir à tous les patients.

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