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Traitement précoce de la sclérose en plaques : regard sur l’étude BENEFIT

Le présent compte rendu est fondé sur des données médicales présentées lors d'un congrès de médecine reconnu ou publiées dans une revue avec comité de lecture ou dans un commentaire signé par un professionnel de la santé reconnu. La matière abordée dans ce compte rendu s'adresse uniquement aux professionnels de la santé reconnus du Canada.

PRESSE PRIORITAIRE - Le 2e Congrès mondial sur les controverses en neurologie

Athènes, Grèce / 23-26 octobre 2008

Bien-fondé du traitement précoce de la SEP

La sclérose en plaques (SEP) est la maladie neurologique la plus fréquente chez les jeunes adultes, et c’est ce groupe également qui est le plus susceptible de bénéficier à long terme de la prévention d’une SEP progressive secondaire et d’une incapacité précoces. «Un argument de poids milite en faveur du traitement précoce de la SEP : il a été démontré que l’atteinte et la perte neuro-axonales permanentes commencent tôt dans l’évolution de la maladie», explique le Dr Douglas Goodin, directeur médical, University of California, San Francisco, Multiple Sclerosis Center. «Les transsections axonales que l’on voit dans les lésions inflammatoires aiguës et précoces sous-tendent sans doute l’incapacité qui accompagne la SEP.»

Les axones altérés sont plus nombreux dans les premières lésions actives. S’ils sont abondants au début de la maladie, leur nombre diminue au fil des 10 années subséquentes. Ce phénomène tiendrait vraisemblablement au fait que les transsections axonales surviennent à la phase inflammatoire et que cette phase inflammatoire marque le début de la maladie. De l’avis du Dr Goodin, les interférons (IFN) seraient bénéfiques du fait de leurs propriétés anti-inflammatoires.

«Nous avons donc de très bonnes raisons de traiter la SEP sans délai, explique le Dr Goodin. Nous savons que la perte neuro-axonale permanente commence tôt dans l’évolution de la maladie et qu’elle est suivie de l’apparition d’une incapacité et d’un déclin cognitif. Il ressort d’essais récents que le traitement est plus efficace s’il est administré au début de la maladie et qu’à long terme, il sera plus efficace s’il a été amorcé tôt et si le patient y adhère. Étant donné que l’objectif du traitement est de maintenir la capacité fonctionnelle le plus longtemps possible et que les traitements de fond actuels ne permettent probablement pas de faire régresser les déficits fonctionnels, ce que l’on perd en différant le traitement est probablement perdu à jamais et ne pourra jamais être recouvré. Bref, le traitement doit commencer tôt.»

Tour d’horizon de l’essai BENEFIT

Les bénéfices associés au traitement précoce et à long terme de la SEP par un IFN bêta ou l’acétate de glatiramère – agents administrés en première intention dont les effets indésirables sont bien tolérés et peuvent être traités – font consensus. Le Dr Xavier Montalban, directeur du Centre de SEP de la Catalogne, Barcelone, Espagne, a discuté en particulier de l’essai BENEFIT (Betaseron in Newly Emerging Multiple Sclerosis for Initial Treatment) dans le cadre d’un symposium consacré à cette question. Cet essai a été le premier essai prospectif avec randomisation – et demeure le seul – à avoir fait ressortir un bénéfice durable du traitement par l’IFN bêta-1b sur le plan de la progression vers la SEP cliniquement certaine (SEPCC) et vers la SEP définie selon les critères de McDonald, lorsque ce traitement était amorcé tout de suite après le premier épisode clinique.

«Le bénéfice associé à un traitement amorcé tôt par l’IFN bêta-1b – par comparaison à un traitement différé – se maintenait après cinq ans bien que le début du traitement par l’IFN bêta-1b n’ait été différé que de 1,33 an en moyenne dans le groupe placebo, affirme le Dr Montalban. C’est un point à prendre en considération lorsqu’on évalue les résultats à cinq ans, puisque la plupart des patients ont reçu l’IFN bêta-1b pendant la majeure partie de l’étude.»

Les 468 sujets de l’essai BENEFIT – qui présentaient un syndrome clinique isolé (SCI) et au moins deux lésions silencieuses à l’IRM – recevaient aléatoirement par voie sous-cutanée (s.-c.) la dose traditionnelle d’IFN bêta-1b (250 µg tous les deux jours) ou un placebo pendant 24 mois ou jusqu’à la confirmation d’une SEPCC. Tous les patients étaient alors invités à participer à un suivi de l’étude sur IFN bêta-1b afin que l’on puisse comparer prospectivement pendant cinq ans les retombées d’un traitement amorcé immédiatement avec celles d’un traitement différé, sur l’évolution de la maladie à long terme.

Il ressort d’une analyse intégrée des données à cinq ans que, comparativement au traitement différé, le traitement précoce par l’IFN bêta-1b dès le premier épisode évocateur d’une SEP a retardé l’apparition d’une SEPCC de 37 % (p=0,003) et celle d’une SEP définie selon les critères de McDonald de 45 % (p<0,0001), rapporte le Dr Montalban. Le traitement a retardé la progression vers la SEPCC de plus de deux ans (750 jours) dans le 40e percentile et le début d’une progression confirmée de l’incapacité de 1,5 an (549 jours) dans le 20e percentile (p=0,177). Le traitement s’est aussi traduit par une amélioration plus marquée de la fonction cognitive mesurée par le test PASAT (Paced Auditory Serial Addition Test), effet qui s’est accentué au fil du temps.

L’incapacité était peu marquée et est demeurée stable pendant cinq ans dans les deux groupes. La qualité de vie est demeurée bonne, et on n’a observé aucun écart entre les groupes. La vaste majorité des effets indésirables graves n’étaient aucunement liés au médicament à l’étude. L’IFN bêta-1b a été bien toléré et accepté, même chez les premiers patients qui ont montré des signes de SEP.

L’étude a également mis en évidence une diminution confirmée de la cote sur l’échelle EDSS (Expanded Disability Status Scale) en faveur du traitement précoce par l’IFN bêta-1b. Cet effet est d’abord apparu la troisième année, et la réduction du risque a atteint 40 %, ce qui était significatif (p=0,022). Sur une période de cinq ans, une légère diminution du risque d’incapacité de 24 % a été observée en faveur du traitement précoce, mais l’écart entre les groupes n’a pas atteint le seuil de signification statistique. Par contre, le traitement précoce – toujours par comparaison au traitement différé – a diminué à l’examen IRM le nombre de lésions d’apparition récente ou ayant augmenté de taille en T2 ou le nombre de lésions rehaussées par le gadolinium [Gd+]), et l’écart entre les deux groupes était statistiquement significatif (p=0,0062). Aucune autre différence entre les groupes de traitement n’a été notée quant aux autres paramètres IRM, y compris la variation du volume lésionnel en T2, le volume des trous noirs ou le volume cérébral.

«Les résultats de l’étude BENEFIT, et le profil d’innocuité établi de l’IFN bêta-1b font de ce médicament un choix approprié pour la mise en route du traitement dès le premier événement évocateur de la SEP», conclut le Dr Montalban.

Diminution de la fréquence des poussées

Le Dr Trevor Kilpatrick, directeur du Centre for Neuroscience, University of Melbourne, Australie, a décrit l’étude BENEFIT comme une étude conduite rigoureusement lors de laquelle la fréquence des poussées a diminué davantage chez les patients traités tôt par un IFN bêta-1b que chez ceux dont le traitement avait été différé, bien que ces derniers aient reçu l’IFN bêta-1b pendant au moins trois ans, soit après le deuxième épisode clinique, soit après deux ans sous placebo (p=0,014; modèle de Poisson). Cette différence tient principalement aux écarts observés entre les groupes pendant les deux premières années.

«Dans la plupart des essais, la fréquence des poussées est le paramètre principal, mais la sévérité des poussées est aussi importante, note le Dr Kilpatrick. Par exemple, il a été démontré que l’IFN bêta-1b réduit la fréquence des poussées du tiers environ, mais la diminution de la fréquence des poussées sévères est de l’ordre d’environ 50 %. De nombreuses études sur la SEP comportent aussi des paramètres IRM. Lors de l’étude pivot sur IFN bêta-1b, l’activité IRM – qui était déterminée par la charge lésionnelle en T2 et les lésions Gd+ – a diminué d’environ 80 %. Il va de soi qu’il y a une disparité entre cette diminution de 80 % et la diminution de la fréquence des poussées d’environ 33 %, mais il est bien évident que si l’on avait le choix entre la normalisation de l’activité IRM et la persistance de l’activité IRM pour un même bénéfice clinique, on choisirait la première option.»

Répercussions sur la prise en charge du patient

Au chapitre des retombées de l’étude BENEFIT sur la prise en charge du patient, le Dr Mark Freedman, professeur titulaire de médecine, Université d’Ottawa, et directeur de l’unité de recherche sur la SEP, Hôpital d’Ottawa, Ontario, estime que «les résultats de cette étude feront date. Ils nous donnent, dans le traitement de la SEP, un avantage que nous n’avons dans aucune des autres affections neurodégénératives qui se présentent assez tard. Nous savons que les premiers signes de cette maladie irréversible sont la perte axonale ou l’inflammation, mais si nous attendons que ces signes se manifestent – ce qui correspondrait à la forme progressive secondaire –, les médicaments ne seront au mieux que partiellement efficaces. Lorsqu’on voit un patient dès la première poussée, on a l’occasion de déterminer s’il est encore souhaitable de le traiter. Si la maladie n’en est qu’au tout début, le traitement pourra être amorcé avant la phase de neurodégénérescence.»

«L’essai BENEFIT semble indiquer que, si l’on amorce un traitement de fond, l’IFN bêta-1b est associé à plusieurs effets durables, dont une diminution de la charge lésionnelle, un ralentissement de la progression vers la SEPCC et, selon une analyse récente, un ralentissement de l’incapacité et du déclin cognitif, conclut le Dr Freedman. Le traitement réduit le risque d’une deuxième poussée et la repousse dans le temps. Il réduit aussi le risque d’apparition de nouvelles lésions à l’IRM et freine l’apparition d’une incapacité ou d’un déclin cognitif.»

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