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Traitement des symptômes du bas appareil urinaire en présence d’une hypertrophie bénigne de la prostate

Le présent compte rendu est fondé sur des données médicales présentées lors d'un congrès de médecine reconnu ou publiées dans une revue avec comité de lecture ou dans un commentaire signé par un professionnel de la santé reconnu. La matière abordée dans ce compte rendu s'adresse uniquement aux professionnels de la santé reconnus du Canada.

PRESSE PRIORITAIRE - Le 27e Congrès annuel de l’Association européenne d’urologie

Paris, France / 24-28 février 2012

Paris - Les symptômes du bas appareil urinaire (SBAU) associés à l’hypertrophie bénigne de la prostate (HBP) sont fréquents chez les hommes d’âge moyen ou avancé. Les inhibiteurs des récepteurs alpha-1-adrénergiques – les alpha-bloquants – sont les agents que l’on recommande dans les guides de pratique internationaux. Dans le cadre d’une prise en charge appropriée des SBAU liés à l’HBP, ils sont utilisés en monothérapie ou en association si le patient est aux prises avec d’autres problèmes. Tous les alpha-bloquants augmentent le débit urinaire et diminuent le volume urinaire résiduel, mais ils peuvent différer quant à leur tolérabilité et au risque d’interactions médicamenteuses en raison de leur sélectivité variable envers les récepteurs a1. Au vu de nouvelles données issues de la recherche, les répercussions de ces différences sur la prise en charge clinique des SBAU liés à l’HBP ont fait l’objet de discussions au congrès.

 

Rédactrice médicale en chef : Dre Léna Coïc, Montréal, Québec 

On estime que la moitié des hommes atteints d’hypertrophie bénigne de la prostate (HBP) sont aux prises avec des symptômes du bas appareil urinaire (SBAU), en général une miction intermittente, un faible jet urinaire et une pollakiurie nocturne. Vu la nature progressive de l’HBP, les SBAU s’aggravent avec le temps, parfois au point d’évoluer vers une rétention urinaire aiguë (Can Urol Assoc J 2009;3[3 suppl 2]:S92-S100).

Il a été démontré que le traitement par un alpha-bloquant atténuait les symptômes liés à l’HBP et qu’il augmentait le débit urinaire. La théorie veut que le blocage des récepteurs a1 entraîne le relâchement des muscles lisses au niveau du col de la vessie, de la prostate et de la capsule prostatique. La majorité de ces récepteurs semblent être de sous-type a1a. Les premiers alpha-bloquants, dont l’action sur les sous-types de récepteurs a  n'était pas sélective, entraînaient des effets délétères sur la tension artérielle (TA), par exemple une hypotension orthostatique, probablement en partie à cause du blocage des récepteurs a1b de la paroi artérielle (Pharmacother 2010;30[12]:1303-12). Les alpha-bloquants plus récents et plus sélectifs, telles la tamsulosine et l’alfulozine, sont connus pour exercer un effet moindre sur la TA.

Regard sur la sélectivité envers les récepteurs a-adrénergiques

Si la tamsulosine a fait la preuve de son efficacité lors d’essais comparatifs avec randomisation, un agent comme la silodosine doté d’une plus grande sélectivité envers les récepteurs ciblés pourrait se révéler aussi efficace, voire plus efficace, tout en entraînant moins d’effets indésirables. Les caractéristiques de ce nouvel alpha-bloquant ont fait l’objet de discussions au congrès de cette année. 

La tamsulosine et la silodosine ont une forte affinité pour le récepteur a1a (pKi de 9,70 vs 10,44, respectivement), mais la silodosine est associée à un ratio nettement plus élevé de sélectivité préférentielle pour le récepteur a1a, par rapport au récepteur a1b (593 vs 6,3) et au récepteur a1d (56,7 vs 0,2). D’aucuns avancent donc que la silodosine pourrait traiter les symptômes urinaires plus efficacement tout en ayant moins d’effets indésirables d’ordre cardiovasculaire (CV), explique le Dr Christian Gratzke, Ludwig-Maximilians-Universität, Munich, Allemagne. Elle pourrait aussi agir sur la fonction éjaculatoire, les récepteurs a1a étant essentiels à la contraction physiologique du canal déférent et, par conséquent, au transit du sperme entre les testicules et l’urètre. Le nouvel alpha-bloquant montre aussi une affinité plus faible envers le récepteur a1b (7,67 vs 8,90). «Cet aspect pourrait être important, car le récepteur a1b est lié à la régulation de la TA», poursuit le Dr Gratzke.

Innocuité CV

Chez des hommes jeunes et en bonne santé (18-45 ans), la silodosine utilisée à raison de 8 ou 24 mg par jour pendant 5 jours n’a eu aucun effet statistiquement significatif sur l’intervalle QT. Par rapport au placebo, elle n’a eu aucun effet cliniquement pertinent ou statistiquement significatif sur la TA systolique ou diastolique ou sur la fréquence cardiaque en position couchée (Clin Pharmacol Ther 2010;87:609-13).

Comme le souligne le Dr Gratzke, une analyse groupée d’essais menés en Europe, au Japon et aux États-Unis a révélé que le nouvel alpha-bloquant était «semblable à un placebo sur le plan de l’innocuité et que la fréquence d’effets indésirables d’ordre CV était faible». Des essais européens ont aussi confirmé l’absence d’augmentation des étourdissements, des céphalées et des symptômes liés à l’orthostatisme. De l’avis du Pr Karl-Dietrich Sievert, Universität Tübingen, Allemagne, le nouvel agent «est une bonne option pour les patients atteints d’HBP qui présentent des SBAU et sont aux prises avec une comorbidité CV».

Innocuité à long terme

Dans le cadre d’un essai européen avec placebo, 955 hommes ont été randomisés de façon à recevoir 8 mg de silodosine, 0,4 mg de tamsulosine ou un placebo pendant 12 semaines. Le nouvel agent – qui s’est distingué par sa rapidité d’action et un effet plus marqué, mais non significatif, par rapport aux valeurs initiales – s’est révélé non inférieur à la tamsulosine (Eur Urol 2011;59:342-52). Le Pr Teuvo L.J. Tammela, Hôpital universitaire de Tampere, Finlande, a présenté les données de la prolongation ouverte de 40 semaines de cette étude. Les 500 participants à la phase de prolongation ont reçu 8 mg de silodosine 1 fois/jour. Les résultats montrent que chez les hommes présentant des SBAU évocateurs d’une HBP, le traitement actif est efficace et bien toléré à long terme.

Durant la phase de prolongation, 33,4 % des sujets ont rapporté au moins un effet indésirable sous traitement (EIST) (Tableau 1). Plus précisément, 14,6 % des sujets ont fait état d’un EIST, 1,8 % d’un EIST grave et 2,6 % d’un EIST ayant mené à l’abandon. Des étourdissements ont été signalés par 0,8 % des participants, mais aucun cas d’hypotension orthostatique n’a été rapporté. Les chercheurs n’ont fait état d’aucun résultat cliniquement significatif sur le plan des signes vitaux, des constantes biologiques ou des résultats à l’ECG. Les deux EIST les plus fréquents étaient les troubles de l’éjaculation (9,0 %) et la grippe (2,8 %).

Tableau 1.  Effets indésirables sous traitement (EIST) durant la phase de prolongation

Bien que les troubles de l’éjaculation constituent un effet de classe des α1-bloquants, «ils sont rarement assez graves pour inciter le patient à abandonner le traitement», affirme le Dr Alberto Briganti, Università Vita-Salute San Raffaele, Milan, Italie. La prévalence groupée des anomalies de l’éjaculation se situe à environ 28 % dans l’ensemble des essais prospectifs sur la silodosine avec randomisation. À en juger par les études épidémiologiques longitudinales, les troubles de l’éjaculation sont présents chez de nombreux hommes âgés avant même qu’ils ne soient traités pour des symptômes urinaires, «si bien que ces patients âgés sont moins susceptibles de percevoir cet effet secondaire», fait-il valoir.

 Comme le précise le Dr Briganti, l’éjaculation rétrograde (ÉR) semble être un indicateur d’une plus grande efficacité de la silodosine, comme l’a souligné une sous-analyse des données d’études de phase III de 12 semaines sur le traitement des symptômes d’HBP. Parmi les 466 patients recevant le traitement actif, 28 % ont rapporté une ÉR, par comparaison à 0,9 % des sujets sous placebo. Dans les cas où une ÉR était apparue, la probabilité d’une amélioration maximale des symptômes urinaires (score IPSS [International Prostate Symptom Score] >3) et du débit urinaire (Qmax ≥3 mL/s) était en effet 1,75 fois plus élevée en présence qu’en l’absence d’ÉR (p<0,012) (Prostate Cancer Prostatic Dis 2011;14:143-8). 

«On doit prévenir le patient de la possibilité d’un changement sur le plan de l’éjaculation et des possibles retombées cliniques», estime le Dr Briganti. Le trouble de l’éjaculation disparaît généralement de 3 à 4 jours après l’arrêt du traitement, ajoute le Pr Tammela. 

Traitement d’association

Dans le traitement de la dysfonction érectile, il est généralement recommandé d’attendre que le patient sous alpha-bloquant soit en situation hémodynamique stable avant d’amorcer le traitement par un inhibiteur de la phosphodiestérase de type 5 (PDE-5) afin de réduire au minimum le risque d’hypotension orthostatique. Cela dit, note le Dr Gratzke, on n’observe pas d’interaction cliniquement pertinente entre la silodosine et le sildénafil ou le tadalafil. L’association silodosine-tadalafil semble exercer une inhibition synergique des contractions d’origine nerveuse de tissu prostatique isolé.

L’absence d’interaction pharmacodynamique avec le sildénafil et le tadalafil a été démontrée dans le cadre d’une étude de petite envergure regroupant 22 hommes en bonne santé (Urology 2010;75:520-5). L’administration concomitante d’une dose de
8 mg de silodosine pendant 21 jours et d’une dose unique de 100 mg de sildénafil ou de 20 mg de tadalafil aux jours 7, 14 et 21 a permis une diminution légère, mais statistiquement significative, de la TA sans symptôme cliniquement important d’hypotension orthostatique. Le nombre de résultats positifs à l’évaluation de paramètres orthostatiques post-dose (diminution de la TA systolique >30 mmHg, diminution de la TA diastolique >20 mmHg, augmentation de la fréquence cardiaque >20 bpm ou présence de symptômes orthostatiques) était semblable dans tous les groupes de traitement, y compris le groupe placebo.

Selon de nouvelles données pharmacologiques présentées par des chercheurs de l’Università Vita-Salute San Raffaele, la silodosine et le tadalafil ont diminué en laboratoire les contractions d’origine nerveuse de tissu prostatique humain de manière concentration-dépendante. «L’usage concomitant de la silodosine et du tadalafil semble exercer un effet additif, le relâchement du muscle lisse prostatique étant environ 100 fois plus marqué que sous l’un ou l’autre agent utilisé seul, explique le Dr Gratzke. «Si cette observation se confirme en clinique, nous serons peut-être en mesure d’optimiser la dose et l’activité de la silodosine et, par conséquent, d’éviter les effets indésirables». Dans la pratique clinique, il est très courant de prescrire les deux agents conjointement, «vu l’absence d’interaction significative», souligne le Dr Briganti.

Résumé

Du fait de son affinité et de sa sélectivité marquées pour les récepteurs a1a, la silodosine pourrait être dotée d’un profil de tolérabilité plus favorable que les alpha-bloquants antérieurs. Il importe ici de souligner que lors des essais cliniques, elle a semblé avoir peu d’effet sur la TA et un profil d’innocuité CV relativement bon. Ce sont là des aspects importants pour une population qui avance en âge et dont le fardeau de comorbidité s’alourdit avec les années.   




























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